Accueil > Assurance > Rapidité et visibilité, enjeux clés dans la gestion des sinistres IARD Rapidité et visibilité, enjeux clés dans la gestion des sinistres IARD Dans une relation entre l’assureur et son client marquée par des interactions peu fréquentes, le sinistre constitue une étape à ne pas négliger. Comment les compagnies peuvent-elles faire d’un événement stressant une expérience dont l’assuré se souviendra positivement ? Quels sont les leviers à actionner et les pistes d’innovation ? Par Antoine Duroyon. Publié le 25 février 2022 à 18h00 - Mis à jour le 01 août 2022 à 17h24 Ressources Pour les assureurs IARD, la gestion d’un sinistre s’apparente à un moment de vérité. De la qualité de la prise en charge et du suivi dépend l’évolution de la relation. Un traitement efficace améliorera la satisfaction et la rétention client, tandis qu’une expérience dégradée pourra conduire à une résiliation. Force est de constater que l’appréciation générale est plutôt à l’avantage des assureurs. Selon une étude menée par ViaVoice pour Deloitte et Guidewire en mai 2021, près de 8 Français sur 10 interrogés ayant subi un sinistre se déclarent satisfaits de leur assureur. Pour autant, cette expérience n’a pas modifié la relation avec l’assureur pour 6 sondés sur 10. Pour faire la différence, l’effort de l’assureur doit être exceptionnel. Parmi les critères qui permettent d’en juger figure la qualité de la gestion, c’est-à-dire la rapidité de traitement et la disponibilité du gestionnaire, devant l’indemnisation perçue. Dans un environnement ultra-digitalisé où les standards en matière d’expérience client sont dictés par les grands acteurs technologiques, le défi est de taille sur un marché de volume. Selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance, 11,9 millions de sinistres IARD ont été déclarés en 2020, soit plus de 32 000 cas par jour, dont 59 % sur l’automobile, 30 % sur l’habitation et 11 % sur les biens professionnels. Dans un contexte de crise sanitaire, le volume de sinistres a reculé de 11,9 % par rapport à 2019, mais le montant cumulé des prestations a augmenté de 2,4 %. Une gestion optimisée de la chaîne de traitement des sinistres représente donc aussi un enjeu de performance économique dans un contexte financier laissant peu de marges de manœuvre. La constitution de dossier, une étape clé Quels sont les leviers pour accélérer la chaîne de traitement ? L’automatisation constitue un premier niveau de réponse. “Elle doit être appréhendée sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de la FNOL [First Notice of Loss, ndlr], c’est-à-dire de la déclaration de sinistre, jusqu’au règlement, estime Julien Pavillon, directeur assurance chez KPMG. Le maillon que tous les acteurs cherchent à percer, c’est celui de l’entrée en relation au moment du sinistre. C’est le moment où l’on capte les données et des données mal saisies en entrée de processus impactent toute la chaîne derrière”. La constitution de dossier à distance, autrement dit la collecte de documents et de pièces justificatives, reste un point de friction chez de nombreux acteurs. Selon une enquête conduite par l’Assurance en Mouvement pour Itesoft auprès de 267 professionnels, seul un quart d’entre eux propose à leurs clients une validation instantanée et automatique des documents et 40 % une notification ou une relance automatique des pièces manquantes. “Il y a encore énormément de traitements manuels chez les assureurs, rien que pour la constitution du dossier, qui peut représenter jusqu’à 40 % de l’activité d’un gestionnaire. Ils veulent automatiser au maximum les process pour améliorer l’expérience client et réduire les délais de réponse. Travailler sur l’automatisation permet à la fois de diminuer les coûts opérationnels et d’augmenter la rentabilité“, confirme Fabrice Muller, lead producteur manager chez Itesoft. L’éditeur a ainsi lancé fin 2021 sa solution SaaS Streamline for Business, qui systématise les contrôles documentaires. “Les gestionnaires peuvent traiter des dossiers complets et conformes. Ils ne passent pas leur temps à des relances inutiles mais se consacrent à des interactions personnalisées qui répondent au besoin du sinistré, pour se différencier des nouveaux entrants“, avance Fabrice Muller. Fluidité et transparence Au-delà de cette étape initiale, l’enjeu consiste à maintenir la fluidité et la transparence sur l’ensemble de la chaîne de traitement. Une gageure pour certains acteurs qui souffrent d’une dette technique. “Un peu plus de la moitié du marché repose encore sur les solutions de gestion de sinistre historiques, à base de mainframe. Cela fait peser un risque opérationnel sur certaines compagnies, car la technologie devient obsolète ou trop complexe. Par ailleurs, cette approche ne répond plus aux caractéristiques du marché qui fonctionne en écosystème“, note Emmanuel Naudin, vice-président en charge des ventes pour l’Europe du Sud chez Guidewire. L’entreprise vient d’ailleurs d’annoncer début février que l’assureur mutualiste Covéa a retenu les solutions de Guidewire pour sa plateforme de gestion des sinistres. L’éditeur de progiciel, qui revendique aujourd’hui une part de marché de 29 % sur la gestion de sinistre en France (avec des clients comme AXA depuis 2009), travaille sur l’optimisation des opérations de gestion. “Notre produit ClaimCenter est nativement intégré à des solutions d’analytics, dont certaines ont été rachetées, comme Cyence par exemple. On vient mixer les données propriétaires des assureurs avec de la donnée externe. Des API et des portails permettent d’apporter de la visibilité et de la transparence à l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des gestionnaires ou des assurés“, ajoute Emmanuel Naudin. Des briques technologiques sur l’évaluation et le chiffrage des dommages (vision par ordinateur) et l’expertise à distance (avec des acteurs comme SightCall ou WeProov) visent à optimiser les coûts en élargissant le spectre d’intervention. KPMG estime que les solutions d’automatisation et les nouveaux outils d’expertise permettraient de réduire le montant des frais de gestion de sinistres jusqu’à 310 millions d’euros en assurance dommages en France. En définitive, “les assureurs cherchent à accroître le taux de gré à gré et d’indemnisation immédiate du client. C’est bénéfique sur le plan de l’expérience client et pour l’assureur qui limite ses coûts”, relève Julien Pavillon. La simplification du parcours et la capacité à informer en continu l’assuré de l’état de son dossier font partie des objectifs prioritaires. Les nouveaux entrants en font leur fer de lance. Le néoassureur Leocare a lancé en septembre 2021 ClaimCare, un assistant virtuel automatisé qui aide l’assuré à déclarer pas à pas son sinistre et lui permet de suivre au fur et à mesure l’avancée de son dossier. “Nous nous sommes inspirés du parcours Uber Eats, qui est devenu une référence en matière d’expérience utilisateur”, reconnaît Christophe Dandois, cofondateur et CEO de Leocare. Le parcours suit alors quatre étapes : la contextualisation du sinistre, une étape de télé-expertise (applicable dans 70 % des cas), une solution de réparation et éventuellement une indemnisation. “Aujourd’hui, 60 % des dossiers sont réglés via le réseau de partenaires et le reste en dehors”, indique Christophe Dandois. Une dimension omnicanale à préserver Des insurtech apportent aussi aux compagnies établies leur expertise en la matière. C’est le cas de Shift Technology, historiquement positionnée sur la lutte contre la fraude, qui a assisté La Banque Postale Assurances IARD dans le développement d’une solution numérique. La filiale d’assurance dommages de La Banque Postale, qui traite plus de 100 000 sinistres MRH par an, permet désormais de déclarer un sinistre en ligne 24/24 via un agent conversationnel. Dans plus de 84 % des cas, précise le bancassureur, le chatbot réalise la totalité des actions de gestion au moment de la déclaration du sinistre et informe les clients des prochaines étapes de leur dossier (expertise, transmission d’un devis ou d’une facture). Pour bâtir cette nouvelle offre à destination des assureurs, Shift Technology s’est d’ailleurs associée à un partenaire. La société dirigée par Jeremy Jawish couvre l’ensemble du processus de déclaration (collecte d’informations, prise de décision automatisée, proposition de solutions…), tandis que le spécialiste de la réparation en nature Multiassistance apporte son infrastructure de gestion (services BPO, centres d’appel, mise en place des rendez-vous, etc.). La Banque Postale met en avant la dimension omnicanale du service, avec la possibilité d’une reprise en main du dossier à tout moment par un conseiller. “Le selfcare complet ne fonctionne pas pour un sinistre”, assure Julien Pavillon, de KPMG. Même un pure player comme Leocare souligne la possibilité, à l’initiative du client, de contacter l’un des huit gestionnaires de sinistres basés dans les environs de Rennes. En déchargeant les gestionnaires de contraintes administratives grâce à l’automatisation et à la fluidification des parcours, les assureurs disposent d’une plus grande latitude pour remettre de l’empathie dans la relation. Une approche qui permet de mettre l’accent sur la personnalisation de la réponse et la qualité de l’accompagnement. Ainsi, la MAIF permet à ses gestionnaires de mettre en place des solutions d’indemnisation qui ne sont pas forcément contractuelles. Par exemple, si un assuré retraité subit un dégât des eaux et détient un second contrat au titre d’une résidence secondaire, le gestionnaire pourra lui proposer de prendre en charge ses frais de déplacement plutôt que des nuitées d’hôtel. Enfin, la prévention continue de jouer un rôle important. En assurance dommages, elle peut prendre la forme de solutions domotiques (détecteurs de fumée, télésurveillance) ou de capteurs (fuite d’eau, surconsommation d’électricité) couplés à l’offre d’assurance. Generali, par exemple, s’est associé en 2019 à Belfor pour proposer un dispositif d’intervention (mise en place de protections, mise en sécurité…) lorsqu’un risque d’inondation est jugé quasi-certain. En agissant avant l’événement, l’assureur aborde le sinistre sous un nouvel angle, qui n’est plus uniquement celui de l’indemnisation et de la réparation. Vers une automatisation par défaut ? Depuis ses débuts, l’insurtech américaine Lemonade se targue de développer une gestion automatisée des déclarations de sinistres grâce aux apports de l’intelligence artificielle. Selon son directeur des sinistres Sean Burgess, le chatbot dédié est en mesure de traiter le sinistre du début à la fin dans un tiers des cas. Une approche qui ne va pas sans soulever des craintes de biais et de discrimination chez les utilisateurs. Si les acteurs asiatiques et scandinaves sont particulièrement avancés en termes de capacités technologiques, “l’automatisation par défaut n’existe pas en France, en Allemagne, en Italie”, note Emmanuel Naudin chez Guidewire. Au sein de sa solution ClaimCenter, l’éditeur nourrit une vision à plus long terme vers un traitement automatisé des sinistres (Claims Autopilot) où l’utilisateur métier joue un rôle d’orchestrateur. Le traitement manuel deviendrait alors l’exception, sauf pour les cas les plus complexes. Cette approche ne conviendra bien entendu pas à tout le monde. “Lorsque les gens parlent de traitement automatisé des demandes d’indemnisation, ce qu’ils envisagent vraiment, c’est une solution d’IA de bout en bout, et sur le marché des assurances spécialisées, cette possibilité est assez limitée. Un ordinateur, c’est bien quand nous traitons un paiement, mais ce que le client attend d’un gestionnaire de sinistres dans notre secteur, c’est du service. Il recherche cette touche humaine, des connaissances et de l’expérience”, a déclaré Beth Diamond, directrice des sinistres chez Beazley, lors d’une conférence organisée par Sollers Consulting. Antoine Duroyon assurance dommagesinsurtechintelligence artificielle Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire MRH : La Banque Postale numérise la déclaration de sinistre Gestion de sinistre : Root fait appel à Tractable Shift Technology ouvre son capital à Guidewire Comment Akur8 automatise la modélisation des risques IARD et santé