Accueil > Investissement > Comment Generali bouscule la gestion d’actifs grâce à la blockchain Comment Generali bouscule la gestion d’actifs grâce à la blockchain Pour la gestion des OPC, Generali développe une relation directe avec les sociétés de gestion, s’affranchissant des intermédiaires et des coûts associés. Et sur les parts de fonds immobiliers, la dématérialisation se déploie. La solution : une plateforme blockchain commune baptisée IZNES. Par Christophe Auffray. Publié le 20 avril 2022 à 16h41 - Mis à jour le 01 août 2022 à 17h24 Ressources Le 15 mars 2022, le groupe Generali présentait ses résultats annuels pour 2021. Et l’année fut un bon cru pour l’assureur avec un résultat opérationnel de 5,9 milliards d’euros, en hausse de 12,4 % sur un an. L’entreprise revendique par ailleurs une marge sur affaires nouvelles qualifiée “d’excellente” à 4,52 %. Generali entend poursuivre sur cette trajectoire grâce à son plan stratégique de croissance “Lifetime Partner 24 : Driving Growth”. Celui-ci fixe notamment pour objectifs une amélioration du profil des revenus et une démarche volontariste d’innovation. Pour y parvenir, l’assureur pourra, entre autres, s’appuyer sur la blockchain. Client et actionnaire d’une solution blockchain Cette technologie, Generali France l’exploite depuis mars 2021, d’abord au cours d’une phase de test, puis à présent sur une part croissante d’encours et d’ordres. La compagnie n’a cependant pas fait le choix de développer en interne sa propre plateforme. Une particularité néanmoins : Generali est à la fois client de la solution IZNES et actionnaire depuis son entrée au capital fin 2020. IZNES est le fruit d’un partenariat capitalistique entre 7 sociétés de gestion , un assureur (Generali) et un groupe de protection sociale (Apicil). “Je crois au modèle et à l’efficacité que génère la plateforme. Nous l’utilisons avec grand bénéfice dans notre quotidien. Néanmoins, disposer d’une place au board me permet de faire entendre la voix de l’asset owner dans les orientations stratégiques”, déclare Rémi Cuinat, directeur des actifs en unités de compte de Generali France. Deux représentants des investisseurs institutionnels siègent désormais au conseil d’administration de l’entreprise, dont Rémi Cuinat. Quant à ses équipes, elles utilisent donc au quotidien la plateforme. Celle-ci repose sur une technologie de blockchain privée, dite aussi permissionnée. L’usage est transparent pour les métiers de Generali, à l’investissement comme dans les fonctions support. Les interfaces et les processus de gestion n’ont pas été refondus pour en permettre l’exploitation (à l’exception des opérations sur SCI, qui ont préalablement dû être dématérialisées). Sur le plan technique, le chantier consiste principalement en de la connectivité avec les solutions du marché via des connecteurs et API. “Sur la partie règlement, nous n’utilisons pas la blockchain directement. Nous nous appuyons sur du peer-to-peer via un flux Swift avec IZNES, de la même manière que nous l’aurions avec un dépositaire. La plateforme nous renvoie exactement les mêmes données que dans un dispositif traditionnel, dont les messages Swift d’acquittement, d’accusé de réception, de règlement, etc.”, détaille Rémi Cuinat. 7 milliards d’euros d’encours sous registre fin 2021 L’intégration de la solution au sein de Generali a nécessité deux mois de travail, dont une part conséquente consacrée au volet sécurité IT, plus qu’au métier. Ont pu alors débuter des “penny tests”, des tests de faible montant, sur quelques parts d’OPC gérées par des sociétés de gestion différentes présentes chez des dépositaires distincts. La montée en puissance se poursuit depuis. Concernant Generali, le directeur estime à 1 milliard d’euros ses encours aujourd’hui sur la plateforme et le nombre d’ordres par jour de 50 à 100. Ces indicateurs vont nettement croître en 2022 pour dépasser les 5 milliards d’euros d’encours pour 400 à 500 ordres quotidiens. L’ambition n’est pas toutefois de porter à 100 % les encours et ordres de l’assureur sur la plateforme. Les gains sont néanmoins jugés déjà conséquents et assurent “l’auto-financement” du projet. Ces bénéfices s’expliquent par le fonctionnement actuel de la gestion de ces actifs reposant sur une multitude d’intermédiaires et donc des coûts fixes évalués à 4 euros par ordre. Le recours à la blockchain permet de s’affranchir de ces intermédiaires, d’une infrastructure de marché “coûteuse et vieillissante”, et de dégager des économies directes sur chaque ordre. Or, Generali réalise en moyenne 2000 ordres par jour. Les bénéfices ne résident cependant pas seulement dans ces économies, insiste Rémi Cuinat. La connexion directe aux fonds via la plateforme apporte aussi plus de rapidité, là où dans le système traditionnel, la banque exige un délai de prise en compte des ordres, un “cut-off de confort”. Avec la blockchain, ce délai disparaît. “Nous avons ainsi plus de temps dans la matinée pour réaliser les opérations de contrôle et valider le carnet d’ordres”, retient le directeur de Generali. Plus de sécurité et moins de coûts grâce à la blockchain Outre l’exécution des ordres, la solution IZNES tient le registre des positions, une autre prestation assurée jusqu’alors par la banque dépositaire, sans réelle plus-value. “Je considère bénéficier de plus de sécurité en inscrivant mes positions en blockchain grâce à ses caractéristiques natives d’historisation, de traçabilité, d’immuabilité…”, énumère le dirigeant. Si la plateforme a été financée au départ par des sociétés de gestion, c’est également en raison des gains que la désintermédiation leur apporte. En effet, l’asset manager visualise directement et en temps réel l’ensemble des ordres. Il bénéficie par conséquent d’une donnée détaillée pour chacun de ses clients. Le bénéfice pour l’asset manager réside ainsi dans la relation et la connaissance client. Rémi Cuinat se réjouit de cette opportunité de recréer un lien direct entre l’acheteur et le vendeur par l’intermédiaire d’un dispositif peer-to-peer. Au premier cas d’usage des OPC s’ajoute en outre depuis juin 2021 une autre application avec la souscription des fonds dits d’actifs réels. Cela comprend notamment les actifs immobiliers, les produits de private equity ou de dette. De par leur nature, ces produits n’entrent pas dans les processus de souscription automatique. La gestion de ces fonds nécessite donc des opérations manuelles, qui se sont multipliées en raison de l’intérêt des investisseurs pour ces produits. En partenariat avec les sociétés de gestion, Generali et IZNES ont travaillé à la digitalisation de ces processus. Aujourd’hui, deux sociétés civiles immobilières participent à la dématérialisation complète du processus. Pour des raisons de conformité, la première souscription à un fonds reste au format papier, les suivantes étant réalisées électroniquement. “Cela rentre dans nos carnets d’ordres comme un OPC classique. Je n’ai plus à encombrer les équipes avec ces tâches, qui présentent un risque opérationnel évident”, relève le directeur des actifs en unités de compte de Generali France. Les sociétés de gestion plébiscitent l’enregistrement de leurs fonds sur la plateforme. D’ici la fin 2022, 10 à 15 fonds d’actifs réels commercialisés par Generali devraient intégrer la solution. Du KYC standardisé via un module visé par l’AMF Le rapprochement entre vendeurs et acheteurs ouvre également d’autres cas d’usage, dont le KYC. Generali compte comme interlocutrices 340 sociétés de gestion distinctes. Cela signifie des mises à jour multiples de KYC. Pour répondre à cette problématique commune au secteur, IZNES embarque un module dédié de KYC approuvé par l’AMF. Une seule mise à jour et transmission aux contreparties présentes sur la plateforme suffit. “Cela nous permet, ainsi qu’aux sociétés de gestion, de gagner énormément de temps, sur un sujet très chronophage et à faible valeur ajoutée”, relève l’expert. La désintermédiation grâce à la blockchain contribue donc à standardiser des tâches répétitives, mais elle présente aussi des atouts sur le volet des données. En commercialisant 6 000 fonds de 340 sociétés de gestion, Generali est consommateur, pour sa gestion, d’importants volumes de données (valeurs liquidatives, caractéristiques, lettres au porteur…). Ces informations sont obtenues auprès d’un fournisseur de données, qui facture ces prestations, y compris aux sociétés de gestion. Dans le contexte de marché actuel, la facturation de données, à l’origine gratuites, passe plus difficilement. Or, un fonctionnement en peer-to-peer via la blockchain permettrait de s’affranchir de ces intermédiaires que sont les fournisseurs de données. A la clé, des gains de coûts et d’efficacité grâce à un partage en temps réel des données. Pour Rémi Cuinat, l’ambition autour de la plateforme IZNES est, par le biais de ces cas d’usage, de créer un écosystème européen. Actuellement, participent des fonds domiciliés au Luxembourg et en Irlande. La prochaine étape devrait être une ouverture aux fonds allemands. Aux transactions s’ajouteront à l’avenir des “enrichissements mutuels entre clients et fournisseurs qui ont choisi cet écosystème pour gagner du temps, de l’efficacité et développer du business ensemble”, conclut le directeur des actifs en unités de compte de Generali France. Les intermédiaires, eux, sont priés de se réinventer. Christophe Auffray blockchaingestion d'actifs Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind