Accueil > Investissement > Nicolas Louvet (Coinhouse) : “Le marché crypto est destiné à devenir incontournable” Nicolas Louvet (Coinhouse) : “Le marché crypto est destiné à devenir incontournable” Les cours des cryptoactifs, dont le bitcoin, sont en baisse. Mais pour Nicolas Louvet, PDG de la crypto-banque Coinhouse, les fondamentaux ne sont pas remis en cause. Ils ne se limitent pas à l’investissement et intègrent aussi NFT, métavers et paiements. Par Christophe Auffray. Publié le 29 juin 2022 à 17h30 - Mis à jour le 29 juin 2022 à 17h48 Ressources Quelle analyse faites-vous de la situation sur les marchés des cryptoactifs ? Ces derniers mois, des crypto ont été très impactées et ont même été contraintes de s’arrêter, comme Luna et le stablecoin UST. Parallèlement, les NFT continuent d’enregistrer une belle progression. Notre univers est très pluriel. C’est la raison pour laquelle je préfère parler du marché des crypto plutôt que seulement des cryptomonnaies. Dans le cas contraire, toute analyse négligerait une grande partie des actifs numériques. Le marché a fortement progressé ces deux dernières années. 2021 se caractérise par une progression assez fulgurante de la valorisation des principales crypto, à commencer par le bitcoin. D’autres projets, tels que Avalanche, Solana, Cardano… ont connu des hausses encore supérieures. Depuis la fin 2021, nous sommes rentrés dans ce qu’on désigne dans le jargon comme un bear market. A mon sens, c’est un marché qui respire. La tendance est également corrélée à ce qu’on observe sur le marché des valeurs technologiques. Les titres des grands acteurs aux Etats-Unis ont commencé à dévisser. Les fonds de capital-risque se montrent par ailleurs plus exigeants sur les investissements. En conséquence, les valorisations diminuent, et ce après une année d’explosion du nombre de licornes. Ces valorisations étaient probablement un peu excessives. Elles étaient alimentées par un afflux d’argent qui ne provenait pas de la crypto. C’était avant tout la résultante des politiques monétaires des Etats. La crise que connaissent actuellement les cours des cryptoactifs est-elle le fruit d’autres facteurs exogènes ? Oui, il faut tenir compte aussi de paramètres extérieurs, comme la guerre en Ukraine et les pénuries résultant de la période Covid, qui génèrent aujourd’hui une forte inflation. Dans ce contexte, les investisseurs, au sens large, et notamment les plus grands tels que les hedge funds, ont commencé à désinvestir. Notre écosystème crypto a par ailleurs connu plusieurs moments “lehmannesques”, en référence à la faillite de Lehman Brothers lors de la crise financière de 2008. Luna, une crypto qui enregistrait de fortes performances en 2022, à contre-courant du reste des autres actifs, s’est effondrée. Cette chute a entraîné une succession d’évènements. Le fonds Three Arrows Capital, très engagé dans l’écosystème, a perdu une grande partie de ses actifs. Celsius, de la même manière, se trouve bloqué dans ses opérations faute de liquidités. Avec la migration en cours d’Ethereum vers le proof of stake, des fonds importants en Ether sont aussi gelés, ce qui réduit encore la liquidité disponible. Ces facteurs s’accumulent, en outre sur un temps relativement court. La chute de Luna et d’UST s’est amorcée début mai. L’écosystème a dû absorber des chocs successifs assez importants. Ces épisodes doivent-ils amener les investisseurs à revoir leurs stratégies d’investissement ? Le marché héberge un très grand nombre de projets. Il est sans doute temps dans le contexte actuel de revenir aux bases. Quels sont les projets les plus solides de l’écosystème ? Bitcoin, Ethereum, sans doute Polkadot, Avalanche, Tezos peut-être. Sur les milliers de crypto disponibles, quelques dizaines réunissent réellement des fondamentaux solides. Rappelons que si les cotations ont chuté, le marché, lui, ne s’est pas effondré. La finance traditionnelle a connu des crises autrement plus dévastatrices. La crypto n’a pas non plus produit d’effet systémique. Comment résumeriez-vous la période que nous traversons ? Ce n’est évidemment pas la plus facile à traverser. Néanmoins, elle reflète les tensions sur les marchés financiers. Ce n’est pas non plus une première, ni certainement la dernière. Pour décrire l’écosystème crypto, je ferais un parallèle avec le capital-risque. Nous sommes sur de l’innovation et du temps long, traversé forcément par des crises avec des projets qui s’arrêtent. Le monde du financement n’ignore pas ces faits. Un écosystème vit des soubresauts. Pour autant, cela n’en diminue pas l’intérêt global. Le développement d’un écosystème prend du temps. Mais la crypto demeure une révolution. Pour Coinhouse, la révolution se situe d’abord dans la finance, la banque et les moyens de paiement. Les cas d’usage ne se limitent pas à ces domaines. On peut également citer la traçabilité, l’identité numérique et la gouvernance. Le Web 3 est une évolution d’Internet nécessaire, attendue, intelligente et créatrice d’une valeur phénoménale. Pour se concrétiser, la crypto est indispensable. Actuellement, le marché du Web 3 se situe en termes de développement au stade de ce qu’était Internet en 1997 ou 1998. Notre ambition au sein de Coinhouse est d’être un des pionniers du Web 3 et de grandir avec ce marché. La bulle Internet n’a pas tué le secteur. Elle a permis de l’assainir. Les parallèles avec cette période sont multiples. Et cela m’inspire une certitude : ce que nous connaissons actuellement équivaut à un moment de l’histoire, mais elle n’en change pas le cours. Dans quelle mesure êtes-vous, Coinhouse, touché par ce cycle de bear market ? Il nous affecte, bien entendu. Je reste convaincu néanmoins que nous parviendrons à dérouler notre vision du marché. In fine, ce cycle pourrait accélérer notre développement. A court terme, les effets du bear market se font sentir. Nos collègues de Coinbase enregistrent une chute de chiffre d’affaires de plus de 50%. Notre taille nous expose moins en comparaison. Nous allons d’ailleurs continuer à recruter, mais moins vite. Nous avions prévu d’intégrer 200 collaborateurs supplémentaires. Ce sera sans doute plus près de 100. Le chiffre d’affaires, que nous attendions en croissance, sera probablement stable sur un an. Malgré les turbulences, les projets autour des NFT et du métavers se poursuivent. Comment Coinhouse accompagne aujourd’hui ces initiatives dans le BtoB ? Depuis la fin 2021, nous avons lancé une nouvelle activité : Coinhouse Solutions. Nous avons ainsi complété notre offre existante, axée sur l’investissement à destination des professionnels et des particuliers, qui garde toute sa place. La proposition de valeur est toujours aussi forte. L’investissement demeure une opportunité et notre métier chez Coinhouse est d’aider nos clients à investir. Mais la crypto ne se cantonne pas à l’investissement. Le métavers se développe. Le Web 3 a fait apparaître de nouveaux besoins autour des NFT par exemple, sur lesquels Sorare a été précurseur. Pour servir ces besoins, des entreprises comme Carrefour ou Guerlain ont besoin d’une autre forme d’expertise. Elles ne cherchent pas à acheter des Ether pour diversifier leur trésorerie. Ces sociétés cherchent avant tout à se positionner dans de nouveaux écosystèmes, Decentraland ou The Sandbox en particulier, pour y manipuler des NFT et percevoir des paiements en euros. Ces besoins, nous pouvons y répondre parfaitement en utilisant les mêmes technologies que pour l’investissement. Depuis 2019, nous savons conserver n’importe quelle crypto de manière extrêmement sécurisée. Nous maîtrisons l’écosystème et nous entretenons des liens avec ses participants, dont The Sandbox qui est un investisseur de Coinhouse. Cette expertise se décline sous forme de services réunis au sein de Coinhouse Solutions. Et l’une des principales activités que nous développons, c’est le paiement. Que proposez-vous sur le paiement ? Guerlain a lancé un projet, les NFT CryptoBees. Ces tokens sont destinés à être vendus sur une marketplace Tezos. Le produit de la vente, perçu notamment sous forme de jetons XTZ, va à une association. Le directeur financier de Guerlain ne souhaite pas gérer des cryptoactifs. Coinhouse prend donc en charge tout le processus. Nous avons créé un wallet pour le compte de l’entreprise, que nous gérons. Tout jeton Tezos transmis sur le wallet de paiement est immédiatement converti en euro, de la même manière que le fait Stripe pour les marchands, mais plus rapidement et pour un coût moindre. Nous assurons aussi tout le processus de conformité afin de garantir que les fonds versés sont licites. Ce business off-ramp, comme on l’appelle, nous pourrions l’appliquer, à titre d’exemple, à une constructeur auto qui déciderait de vendre ses voitures en bitcoins. Coinhouse délivre à l’entreprise un QR Code correspondant à l’adresse de paiement en crypto. Nous analysons la transaction et nous convertissons à la volée en euro. Tous ces services sont amenés à se développer et à constituer un levier de croissance pour Coinhouse. Les paiements, c’est une des prestations intégrées au périmètre d’une crypto-banque telle que vous définissez Coinhouse ? La crypto-banque c’est d’une part l’investissement. Et j’encourage à investir dans la crypto, sans jamais oublier que c’est du capital-risque technologique 3.0. A ce titre, il faut s’investir sur le long terme avec le risque de perdre son capital. C’est la raison pour laquelle il faut se faire accompagner. Et ce n’est pas ce que peut proposer un exchange. Nous avons pour cela des chargés de comptes, du support téléphonique… Nous sommes régulés depuis l’origine. La crypto-banque englobe l’investissement, le conseil et aussi le paiement. Globalement, c’est rendre accessible aux particuliers et aux entreprises la crypto, qui est amenée à devenir omniprésente dans nos univers. Sur les paiements, cela signifie notamment être en concurrence avec des acteurs comme PayPal. Le terme de crypto-banque signifie-t-il à l’avenir une licence bancaire ? A terme, oui, je pense. Quand ? Je ne peux pas encore le déterminer. Si on se projette à 2 à 5 ans, comment voyez-vous le marché des cryptoactifs et le rôle de votre entreprise dans cet écosystème ? Incontournable. Le marché crypto est destiné à devenir incontournable. Et mon ambition est naturellement de prendre le plus de parts de marché. N’oublions pas cependant que le secteur est encore émergent, le 1998 de l’Internet comme je le décrivais. Difficile donc de savoir à quoi ressemblera le marché dans quelques années. La grande question que nous devrons nous poser est de savoir si nous poursuivrons comme acteur indépendant ou si nous serons rachetés. L’histoire de l’Internet est pleine d’entreprises qui aujourd’hui n’existent plus. Le régime pilote a été publié récemment. Est-ce un sujet pour vous, au même titre que la tokenisation de la finance traditionnelle ? Oui, sans hésitation. Le régime pilote a un impact qui nous intéresse. En ce qui concerne la régulation, nous vivons avec. Internet aussi a connu des cycles réglementaires forts, à l’image du RGPD par exemple. Quels facteurs sont essentiels pour permettre à la finance crypto de poursuivre sa croissance et d’accroître sa maturité ? La régulation est un facteur évident. Une régulation inefficace pourrait freiner drastiquement le développement du secteur. Et il faut peut-être s’en inquiéter. Notre rupture technologique est tellement mal comprise des gouvernants. Les réactions sont assez épidermiques à l’égard de la crypto. C’est presque naturel. La conséquence pourrait être une volonté de régulation excessivement stricte. La régulation est donc un facteur essentiel, qui peut influer positivement comme négativement. Ce qui est certain, c’est la nécessité de réguler. C’est obligatoire. En revanche, cette régulation doit être proportionnée. Cet équilibre n’est pas facile à trouver. Le secteur crypto a aussi besoin de profils brillants afin de créer les entreprises de demain. Nous avons besoin d’un afflux de la finance traditionnelle, ses talents comme ses acteurs fintech, vers la finance crypto. Un écosystème qui n’attire pas les talents, d’entrepreneurs, de développeurs, de spécialistes de la conformité aussi, sera nécessairement plus lent à se développer. Nous avons aussi besoin de pédagogie, notamment parce que la technologie est complexe à adopter. L’adoption passera évidemment par un travail sur l’ergonomie et l’expérience utilisateur. Les acteurs capables de faciliter les usages auront une position de force dans l’écosystème. Christophe Auffray cryptoactif Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Qonto et Coinhouse deviennent partenaires commerciaux Coinhouse lève 40 millions d’euros pour s’étendre en Europe Comment l’écosystème crypto français s’empare du régime PSAN Talents des cryptoactifs et de la blockchain : la guerre est déclarée