Accueil > Investissement > Stéphanie Cabossioras (Binance France) : “Il est dans l’intérêt de tous les acteurs d’obtenir l’agrément PSAN rapidement” Stéphanie Cabossioras (Binance France) : “Il est dans l’intérêt de tous les acteurs d’obtenir l’agrément PSAN rapidement” À l’occasion de l’événement Surfin’ Bitcoin, mind Fintech a rencontré Stéphanie Cabossioras, co-directrice générale de l’exchange crypto Binance France, qui évoluait précédemment à l’AMF. La dirigeante revient sur le développement de la société et sur les points réglementaires épineux avec l’avènement du régime européen MiCA. En juillet, le plus grand exchange mondial en termes de volume revendiquait 140 millions d’utilisateurs. Par Caroline Soutarson. Publié le 06 septembre 2023 à 14h00 - Mis à jour le 07 septembre 2023 à 17h15 Ressources En juillet 2023, votre collègue Christelle Tang et vous, Stéphanie Cabossioras, êtes devenues co-directrices générales de Binance France, aux côtés de David Prinçay. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ? Dès l’obtention de l’enregistrement PSAN [prestataire de services sur actifs numériques, en mai 2022, Ndlr], nous avons mis en œuvre un mode de gouvernance tel qu’on le trouverait dans une entité financière traditionnelle, avec un directoire et un conseil de surveillance. Quant à Christelle, David et moi, nous avons trois profils complémentaires. David est en charge du business et du marketing, Christelle dirige les opérations tandis que je m’occupe du juridique, de la conformité et du risque. Quelle est la vision de Binance pour la France ? Nous avons deux objectifs. D’une part, nous souhaitons offrir aux Français l’ensemble des produits que nous offrons dans le monde, tout en étant conforme à la législation. C’est pourquoi nous avons demandé et obtenu l’enregistrement PSAN, et que nous travaillons activement sur l’agrément PSAN, qui permettra d’obtenir [facilement] l’agrément européen MiCA (Markets in crypto-assets) [“90 % des exigences pour l’agrément PSAN sont réutilisables dans MiCA”, assurait le Secrétaire général de l’AMF Benoît de Juvigny en mai 2023, Ndlr]. Nous souhaitons proposer nos services dans un cadre sécurisé qui protège les investisseurs. Liste des acteurs enregistrés et agréés PSAN auprès de l’AMF D’autre part, nous voulons tenir notre promesse de faire de la France un hub européen. Nous avons signé des partenariats avec des acteurs locaux tels que Station F, Ingenico ou [l’application qui facilite les paiements en crypto auprès de son réseau de commerçants, Ndlr] Lyzi et avons recruté plus de 150 collaborateurs en 18 mois, notamment pour notre pôle conformité, juridique et risque. Ce sont pour l’essentiel des profils de la finance traditionnelle, de cabinets d’avocats ou de cabinets de conseil. Vous avez en effet annoncé un partenariat avec Ingenico en février 2023, pour proposer aux commerçants qui le souhaitent une solution d’acceptation de paiement en cryptoactifs en magasin. Le projet a-t-il avancé ? La phase de test est toujours en cours dans deux magasins. Concernant la faisabilité, je n’ai pour l’instant pas plus d’éléments à apporter. En juillet 2023, vous avez intégré le conseil d’administration de l’Adan (Association pour le développement des actifs numériques). Quelques semaines plus tard, vous avez déclaré lors de l’événement Surfin’ Bitcoin que l’un de vos premiers combats au sein de l’association serait l’augmentation des effectifs de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dédiés aux PSAN. Vous estimez qu’il manque aujourd’hui trois équivalents temps plein (ETP) au régulateur. Comment avez-vous calculé ce besoin ? Je n’ai pas réalisé de calcul rationnel. Mais les régulateurs doivent gérer les PSAN enregistrés, la bascule vers l’enregistrement renforcé, qui intègre notamment des questions de cybersécurité [soit plus de vérifications et donc de temps passé par dossier, Ndlr] et les demandes d’agréments PSAN. Or il est dans l’intérêt de tous les acteurs d’obtenir l’agrément rapidement. Par ailleurs, de plus en plus de plateformes internationales, à la suite de Binance, vont probablement déposer des dossiers étant donné que l’agrément PSAN français permettra d’obtenir directement l’agrément MiCA début 2025 [lorsque le règlement MiCA entrera en application, Ndlr]. Or, les dossiers des acteurs étrangers demandent des temps d’instruction longs. Tant en termes de compétitivité que de réputation et d’attractivité pour la place, la France a intérêt à effectuer ces recrutements. Les six prochains mois seront importants pour saisir l’opportunité de devenir le pays leader et ne pas laisser les gros acteurs internationaux partir vers des juridictions moins-disantes. Êtes-vous en train de dire que, sans un relèvement des effectifs de l’AMF, Binance pourrait finalement décider d’obtenir l’agrément européen via un autre pays que la France, où l’entreprise a établi son hub européen ? Non, nous sommes bien implantés en France et comptons bien nous y développer. Mais en accueillant les grosses plateformes, la France serait en position d’établir les standards élémentaires réglementaires pour l’Union européenne. La course à l’agrément PSAN est lancée, avec un premier acteur agréé en juillet 2023, Société Générale-Forge. Lors de l’édition 2022 de Surfin’ Bitcoin, vous indiquiez déjà travailler sur le sujet. Où en est Binance France dans le parcours d’obtention du précieux sésame ? L’agrément est-il pour bientôt ? Je ne saurais dire, la balle est dans le camp des régulateurs. Sur la partie cybersécurité, nous avons obtenu les certifications ISO 27001 et 27701 – cette dernière n’est pas obligatoire pour obtenir l’agrément mais nous préférons anticiper les obligations. C’est ce que nous avons fait pour la gouvernance et les fonds propres. Concernant la cybersécurité, l’Adan va participer au lancement d’une association pour la sécurité du Web3. Il s’agira de structurer le secteur face à la cybercriminalité et de porter une voix commune, en plus de la relation qu’entretient chaque PSAN avec le régulateur. D’autres points du règlement européen concernant les émetteurs de stablecoins pourraient avoir un impact sur Binance et ce, dès juillet 2024. Comment vous y préparez-vous ? Il y a deux problèmes concernant la réglementation liée aux stablecoins. Tout d’abord en effet, au 1er juillet 2024, les émetteurs de stablecoins devront avoir obtenu l’agrément d’établissement de monnaie électronique (EME) pour pouvoir continuer à lister leurs tokens sur des plateformes européennes, telles que Binance. Nous pouvons difficilement nous y préparer car nous ne connaissons pas tous les émetteurs et ne savons pas lesquels d’entre eux ont l’intention de se réguler. Ce que nous voyons, c’est que la date limite est demain et qu’il n’y a pour l’instant aucun stablecoin agréé. Nous appelons de nos vœux par ailleurs à une certaine tolérance des régulateurs, notamment pour les acteurs qui auront déposé leur dossier avant la date butoir. La seconde problématique est que, selon MiCA, les stablecoins adossés à des monnaies étrangères, lorsqu’ils sont utilisés comme moyens de paiement, ne peuvent être utilisés que dans une limite journalière de 200 millions d’euros. Cela pose des questions sur l’entité qui calculera cette utilisation, comment elle sera mesurée, mais aussi sur la définition des termes “moyen de paiement”, afin de différencier le paiement en magasin de l’investissement, par exemple. Nous attendons des RTS (regulatory technical standards) de l’EBA (Autorité bancaire européenne) pour clarifier ce sujet. Quelles ont été les conséquences de la chute de FTX pour Binance ? Cela a eu un impact négatif sur tout le secteur. Cette fraude a notamment engendré une remontée des exigences réglementaires au niveau global. Quel a été l’impact sur le nombre de clients ? Avez-vous vu une arrivée massive de nouveaux clients ou plutôt une vague de grands départs de clients apeurés par les dégâts liés aux acteurs centralisés ? Globalement, les utilisateurs de FTX se sont distribués au sein des autres plateformes [concurrentes, Ndlr]. Nous remarquons aussi que, malgré le bear-market, les clients continuent de s’enregistrer à un rythme assez soutenu. Nous réalisons en outre un tour de France. Nous organisons plusieurs événements dans des villes de province, avec des clients existants et des personnes qui souhaitent découvrir Binance. Les Français aiment Binance, comme a pu le souligner l’étude de l’Adan parue en avril 2023 qui indiquait que 39 % des Français ayant acheté des cryptoactifs étaient passés par Binance, soit la première plateforme en France. [Fin 2022, Binance détenait environ un milliard d’euros en crypto pour le compte de ses utilisateurs et utilisatrices français, Ndlr] En termes de résultats financiers, comment se porte Binance France ? Binance France sera rentable en 2023. Le résultat de notre exercice 2022 était déséquilibré [une perte nette de 4,2 millions d’euros malgré 10 millions d’euros de produits d’exploitation, Ndlr] car nous l’avons calculé sur quatorze mois, à partir de la création de Binance France, avec toutes les dépenses de recrutement, de mise en conformité et de lancement que cela a engendré, mais avec des recettes sur six mois seulement, débutées après l’obtention de l’enregistrement PSAN [en mai 2022, Ndlr]. Caroline Soutarson cryptoactifnominationPSANrégulationstablecoin Besoin d’informations complémentaires ? 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