Accueil > Services bancaires > GAFAM : Apple réduit sa dépendance aux acteurs bancaires tandis que Meta revoit sa stratégie GAFAM : Apple réduit sa dépendance aux acteurs bancaires tandis que Meta revoit sa stratégie Malgré plusieurs projets écourtés avant leur lancement, l’année 2021 confirme l’attrait des Big Tech américaines pour les secteurs financier et assurantiel, notamment chez Google et Amazon. Si les GAFAM semblent s’être saisis de la tendance du BNPL, les projets crypto sont restés sur la touche. Par Caroline Soutarson et Aymeric Marolleau. Publié le 13 juillet 2022 à 13h09 - Mis à jour le 26 mai 2023 à 12h04 Ressources Les points clés Les initiatives des GAFAM dans les services financiers retrouvent leur niveau d’avant-crise avec plus de 30 opérations répertoriées. Apple avance ses pions sur le terrain du paiement avec le développement maison de Tap to Pay, une fonctionnalité de paiement mobile, et Apple Pay Later, son futur service de paiement fractionné. Amazon multiplie les partenariats avec les assureurs pour couvrir ses clients entreprises, ainsi qu’avec des acteurs du BNPL. La société est à l’origine de 57 % des partenariats des GAFAM avec des institutions financières et assurantielles. À quelles thématiques financières les géants du numérique américains se sont-ils intéressés en 2021 ? Que développent-ils ? Dans quelles directions se dirigent leurs investissements ? mind Fintech met à jour sa base de données des initiatives des GAFAM dans la finance et analyse une nouvelle fois leur diversification dans l’industrie. Google, Amazon, Meta, Apple et Microsoft ont annoncé 33 initiatives dans la finance en 2021. Ils en avaient annoncé 26 en 2020 (année spéciale en raison du Covid-19) et 38 en 2019. Alphabet a été le plus actif, avec 17 opérations, devant Amazon (12) et Microsoft (2). Leur domaine de prédilection furent - assez traditionnellement - les services de paiement, avec 9 initiatives, dont deux rachats. Celui de la start-up indienne Perpule, qui propose des terminaux de paiement mobile offline basés sur le cloud, par Amazon, à un prix de 15 millions de dollars. Et l’acquisition de la société de paiement électronique japonaise pring par Google, pour un montant compris entre 180 et 270 millions de dollars. L’application mobile permet d’effectuer des paiements, des transferts d’argent et des retraits depuis des smartphones et ordinateurs. Très présent aux États-Unis et en Inde, Google effectue avec cette acquisition sa première initiative dans le secteur financier, et pas des moindres, au Japon, selon notre recensement. Consultez la liste des initiatives des GAFAM dans la finance, enrichie de datavisualisations, dans notre espace Data Google et Meta essuient quelques revers Si les services de paiement ont toujours la cote et paraissent relativement faciles à s’approprier, ce n’est pas le cas de tous les domaines financiers. Durant les 12 derniers mois, plusieurs grands projets portés par les GAFAM n’ont pas eu le résultat escompté. Google, pourtant épaulé par Citigroup et Stanford Federal Credit Union (SFCU), a d’abord rendu les armes quant à devenir un intermédiaire dans l’ouverture de comptes courants, en octobre 2021. Révélé en novembre 2019, le projet Plex (Cache à l’époque) associait le moteur de recherche à onze partenaires bancaires et devait permettre l’ouverture de comptes bancaires mobile-first intégrés à Google Pay. En bonus, la Big Tech supprimait plusieurs contraintes pour les utilisateurs : pas de frais de tenue de compte, ni de dépôt minimum ni frais de découvert. Alors que le projet semblait à deux doigts de se concrétiser - les listes d’attente avaient été lancées -, la firme de Mountain View y a mis fin en octobre 2021. “Nous mettons à jour notre approche pour nous concentrer principalement sur l’apport de capacités numériques aux banques et aux autres distributeurs de services financiers plutôt que d’être le fournisseur de ces services”, a déclaré une porte-parole à cette occasion. Quatre mois plus tard, c’est Meta qui a fait ses adieux à son projet de stablecoin Diem (ex-Libra). Renommé, relocalisé, remanié, et surtout critiqué par les régulateurs étatsuniens et internationaux, le cryptoactif développé par l’association Diem, menée par Meta, n’aura pas triomphé de ses détracteurs. Début 2022, la banque Silvergate - qui avait été choisie pour être la future émettrice et gestionnaire de la réserve du cryptoactif - a racheté la propriété intellectuelle liée au développement du stablecoin et de son réseau de paiement basé sur la blockchain, pour un montant total de 182 millions de dollars, dont 50 millions payés en numéraire et le reste en titres. Si Meta et ses associés n’ont plus leur mot à dire sur sa construction, le lancement d’un cryptoactif est toujours sur la feuille de route de Silvergate pour 2022. Enfin, dernier projet écourté, le wallet Novi (ex-Calibra) de Meta, créé en premier lieu pour servir de moyen de conservation et d’échange au cryptoactif Diem. Sa mise en place ayant pris moins de temps que l’initiative de stablecoin, le portefeuille électronique a fait ses premiers pas dans une version pilote en octobre 2021 sans Diem. À la place, Meta a fait appel au stablecoin Pax Dollar (USDP) développé par la plateforme d’infrastructure blockchain Paxos. Le wallet a été déployé aux États-Unis et au Guatemala afin de fournir un service de transfert d’argent sans frais. L’essai ne semble toutefois pas avoir été concluant puisque, début juillet 2022, le service a indiqué à ses utilisateurs sa fermeture prochaine. Le nouveau responsable des technologies financières de Meta Stéphane Kasriel, qui a remplacé David Marcus à ce poste fin 2021, indiquait toutefois en juin que le portefeuille électronique pourrait connaître d’autres cas d’usage dans le métavers. “Il pourrait être l’endroit où les gens détiennent leur identité [...], ce qu'ils possèdent et comment ils paient [...], où les gens gèrent leurs actifs numériques - tout ce qu'ils ont acheté, offert ou reçu”, imagine Stéphane Kasriel. Apple et Amazon placent leurs pions sur le terrain du paiement fractionné En parallèle de ces abandons de projet et/ou changements de cap opérés par Google et Meta, Apple et Amazon poursuivent leur offensive sur les services de paiement, et notamment sur un segment qui a attiré l’ensemble du secteur financier (banques traditionnelles, PSP, néobanques, fintech…) dans ses filets : le paiement fractionné, ou buy now, pay later (BNPL). Les deux entreprises n’ont toutefois pas opté pour la même stratégie dans le domaine. Assez fidèle à sa nature secrète et, plus globalement, à la manière dont la société gère ses innovations, Apple est à la fois passé par un rachat, celui de la start-up britannique Credit Kudos, spécialiste du scoring de crédit à partir de l’open banking, ainsi que par du développement interne. Une stratégie similaire a d’ailleurs été adoptée pour le déploiement d’une fonctionnalité de terminal de paiement sur Iphone (SoftPOS) sortie au printemps 2022 qui arrivait notamment à la suite du rachat de la solution de paiement mobile Mobeewave à l’été 2020. SoftPOS : un potentiel indéniable mais de nombreux défis à relever En juin 2022, la marque à la pomme a dévoilé Apple Pay Later, une fonctionnalité de paiement fractionné (BNPL) qui sera bientôt disponible sur sa solution de paiement Apple Pay. S’il était de notoriété publique qu’Apple travaillait à l’élaboration d’un tel service depuis l’été 2021, la nouvelle la plus remarquable du mois de juin était sans doute la réduction du rôle de son partenaire bancaire historique Goldman Sachs au rang d’intermédiaire pour l’accès au réseau de Mastercard. En effet, c’est une filiale de la firme de Cupertino qui sera en charge de la souscription et du scoring. Apple Financing LLC dispose des autorisations réglementaires nécessaires, a fait savoir le fabricant de l’iPhone. Ce dernier travaille aussi sur son propre moteur de gestion des cartes en vue de remplacer CoreCard, selon Bloomberg. En outre, Apple Pay Later serait une première brique associée à du BNPL court (paiement divisé en quatre fois sur un horizon de six semaines). Toujours selon l’agence, Apple travaillerait sur Apple Pay Monthly Installments, un service de BNPL long, plutôt de l’ordre du crédit à la consommation, pleinement en partenariat avec Goldman Sachs cette fois. Alors que les échecs de Google et Meta laissaient entendre que les barrières à l’entrée du secteur financier étaient élevées, Apple, GAFAM pour lequel nous avons recensé le moins d’initiatives, semble bien parti pour concurrencer les acteurs financiers traditionnels. D’abord en prenant appui sur eux… pour mieux les dépasser après ? Apple prend de l’autonomie pour sa solution de BNPL Amazon s’est également intéressé au BNPL ces dernières années, et plus globalement aux services de paiement dans le cadre de son activité d’e-commerce. Mais l’entreprise n’a pour l’instant pas annoncé de projet interne sur le sujet du paiement fractionné. Au contraire, elle a opté pour une stratégie basée sur des partenariats nationaux, avec Capital Float et Karur Vysya Bank (KVB) en Inde (2020), Barclaycard Germany en Allemagne (2020), Affirm aux États-Unis (2021), Cofidis en France (2021) et valU en Egypte (2022). Par ailleurs, comme une preuve qu’un produit interne n’est pas au programme, Amazon a renforcé son partenariat avec Affirm. Fin 2021, la Big Tech a signé un contrat d’exclusivité avec Affirm qui est devenu son partenaire de paiement différé jusqu’au 31 janvier 2023 (hors cas de paiements par carte de crédit où Amazon a un partenariat avec Citi). L’assurance reste un domaine plébiscité par les GAFAM Cette stratégie partenariale est assez propre à Amazon. Selon nos calculs, l’entreprise est le GAFAM qui a le plus recours aux partenariats pour se diversifier dans les services financiers. Par ailleurs, en 2021, ce n’est pas dans le paiement fractionné qu’Amazon a le plus collaboré avec des acteurs financiers mais dans l’assurance, avec l’assureur digital pour les PME Next Insurance (dans lequel Google investit depuis 2020), le courtier Marsh (pour la création du service Amazon Insurance Accelerator) et l’assureur Nationwide côté américain, et le courtier britannique Superscript. Ces quatre partenariats ont en commun d’adresser la même clientèle : des entreprises, plutôt petites et moyennes, et entre autres, celles membres d’Amazon Prime Business. Amazon est ainsi devenu un intermédiaire en assurance responsabilité civile, professionnelle, indemnités accidents du travail, automobile commerciale, outils, équipement et cyber. Si certains segments sont légitimes par rapport à son activité d’e-commerce et donc à une stratégie d’upsell, comme le service Amazon Insurance Accelerator qui permet à de petites entreprises vendant sur Amazon d’acheter facilement une assurance pour la responsabilité du fait de produits défectueux - couverture obligatoire pour les vendeurs qui atteignent 10 000 dollars de ventes en un mois -, d’autres ont des cas d’usage moins directs avec la Big Tech. Google et Microsoft se partagent les initiatives cyber Concernant l’assurance cyber, le produit est proposé via Superscript au Royaume-Uni. Au-delà d’Amazon, Microsoft s’intéresse de près à ce segment de l’assurance. Après avoir investi à deux reprises dans At-Bay via son fonds de capital-risque M12, Microsoft a décidé de porter la relation à un niveau supérieur en faisant de la société de cyberassurance son partenaire. À l’image de Coalition outre-Atlantique ou des start-up françaises Stoïk et Dattak, At-Bay adosse une brique technologique de cybersécurité à son offre d’assurance. Elle évalue le risque cyber de ses clients, apporte des recommandations en la matière et incite à leur mise en œuvre en jouant sur la tarification de la prime d’assurance, tout en assurant une surveillance active des risques. Depuis octobre 2021, Microsoft incite les entreprises américaines utilisatrices de Microsoft 365, sa suite bureautique avec des services basés sur le cloud, à développer leur politique cyber pour voir leur prime d’assurance réduite jusqu’à 15 %. Comme les acteurs précédemment cités, Microsoft apparaît ainsi convaincu du couple cyberassurance - cybersécurité. La société informatique a en effet initié une dizaine d’opérations dans le domaine de la cybersécurité appliquée à la finance entre 2014 et 2020, essentiellement sous la forme d’investissement (90 %). Constat similaire chez Google (10 initiatives recensées dont 9 investissements). Particulièrement axées sur ces sujets, les deux sociétés, ainsi qu’Amazon et Apple (et IBM), avaient été invitées en août 2021 par le président Joe Biden afin d’apporter une réponse au faible niveau de cybersécurité aux États-Unis, compte tenu des cyberattaques qui avaient assailli le pays. Travelers, Resilience ou encore Coalition étaient présents en tant que représentants du secteur assurantiel. Méthodologie mind Fintech a recensé, à l'été 2022, 241 partenariats, investissements, associations de Alphabet, Amazon, Microsoft, Apple et Meta (les GAFAM) relatifs aux services financiers qu’ils ont rendus publics depuis 1999 et dont nous avons pu retrouver la trace. Leur liste complète est disponible dans notre espace Data. Ce qui ressort des différents programmes d’incubation, en particulier de Google (Google Launchpad Accelerator) et de Microsoft (Microsoft Accelerator) n’a pas été pris en compte. En effet, ces programmes sont tentaculaires : il aurait été difficile de recenser la totalité des projets financiers aidés par cet intermédiaire, et leur volume aurait déséquilibré l’analyse. Si elle est relativement imprécise, la catégorisation “Monde” de la colonne pays d’origine a été conservée afin de mettre en lumière les offres qui ont été directement lancées sur tous les produits vendus sur la planète (pour Apple, par exemple) ou en ligne, donc accessible partout (pour Google ou Amazon, notamment). Concernant les services de paiement fractionné, aussi dit BNPL (buy now, pay later), nous avons décidé de les classer dans deux types de service différents à savoir “service de paiement” ou “crédit” en fonction du nombre de mensualités autorisé. En dessous de trois mois (paiement en 3 ou 4 fois), nous avons considéré la solution comme une facilité de paiement, tandis qu’au-delà, nous l’avons identifié comme du crédit à la consommation. Vous avez repéré une erreur ? Un commentaire, une question ? Contactez-nous : redaction@mindfintech.fr Mathilde Saliou a constitué la base de données à l’origine de ce dossier. Caroline Soutarson a poursuivi son travail et a rédigé l’article en collaboration avec Aymeric Marolleau, rédacteur en chef de la cellule Data de mind, qui s’est concentré sur l’analyse de données et la réalisation des datavisualisations. Caroline Soutarson et Aymeric Marolleau analyse de donnéesbig techGAFAM Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Après l’abandon de son stablecoin, Meta renonce à son wallet Novi Apple prend de l'autonomie pour sa solution de BNPL Pourquoi l’intérêt des BATX pour les services financiers s’est affaibli depuis 2020 Google abandonne son projet de compte courant La liste des initiatives des GAFAM dans la fintech Big Tech : l’irruption des géants numériques dans le secteur financier