Accueil > Services bancaires > Paiements > Comment le système de paiement UPI s’est imposé en Inde Comment le système de paiement UPI s’est imposé en Inde L’Inde a déployé en 2016 UPI, un système de paiement instantané piloté par l’opérateur national des paiements. Près de 550 banques l’ont adopté et le volume de transactions mensuelles a dépassé les 10 milliards au cours de l’été 2023. Retour sur un succès sans précédent. Par Romane Mugnier avec Antoine Duroyon. Publié le 09 avril 2024 à 17h15 - Mis à jour le 09 avril 2024 à 17h15 Ressources En Inde, pays le plus peuplé au monde, l’interface de paiement unifiée (UPI) connaît un succès indéniable. Créé en 2016, ce système de paiement et de transfert instantanés a vu ses volumes de transactions débuter une rapide ascension début 2018. Il est désormais entré dans le quotidien plus de 380 millions d’utilisateurs. “En 2022, l’Inde a représenté 46 % du volume mondial de paiements instantanés émis. C’est colossal”, s’exclame Guillaume Yrribaren, directeur adjoint de l’activité conseil de Galitt. Comment la cinquième puissance mondiale (en termes de PIB nominal en 2023) est-elle parvenue à imposer ce système ? 36 applications tierces compatibles Contrairement au paiement par carte, le système UPI permet le transfert d’argent en temps réel, entre particuliers (P2P) ou au bénéfice d’un commerçant (P2M). Il passe par une application mobile reliée directement à plusieurs comptes bancaires ou cartes de paiement. La première application compatible a été BHIM UPI fin 2016, mais le système est désormais intégré à 36 applications tierces – parmi elles, PhonePe, Google Pay et Paytm, qui représentent la majorité des volumes dans le pays. Sans avoir à renseigner des coordonnées bancaires, les utilisateurs peuvent envoyer de l’argent (push) ou demander un paiement (pull). “Aujourd’hui c’est le moyen de paiement le plus utilisé en Inde”, confirme Christophe Mariette, président de Lyra India, filiale du PSP français installée à Mumbai depuis 2007. Au sein d’un vaste écosystème bancaire et fintech, UPI permet de faciliter et d’accélérer les flux d’argent entre les comptes connectés. Le système UPI a été pensé pour que son utilisation soit facile, rapide et intuitive. Le panier moyen représente l’équivalent de quinze à vingt euros et correspond à des transactions de faible montant comme les courses alimentaires. 400 millions de transactions quotidiennes Ce système est désormais considéré comme l’un des plus développés au monde, en termes de nombre d’utilisateurs et de volume de transactions. UPI traite près de 400 millions d’opérations quotidiennement. Au 11 décembre 2023, le système de paiement affichait un total de 8 572 crores (85,72 milliards) de transactions au titre de l’année écoulée. Sur l’ensemble de l’année 2023, la valeur cumulée des transactions s’élève à 1 700 milliards de dollars, dont 380 milliards de dollars de paiements aux commerçants. Pour mieux comprendre l’origine du réseau UPI, il faut remonter à la création de NPCI (National Payments Corporation of India) en 2006 par la banque centrale indienne (RBI) et l’association des banques indiennes (IBA). En installant une entité chargée de superviser la numérisation des paiements de détail, ces partenaires créent les conditions du succès d’UPI. Mais jusqu’en 2016, les systèmes de paiement interbancaires sont disparates : RTGS (Real Time Gross Settlement), IMPS (Immediate Payment Service) ou encore NEFT (National Electronic Funds Transfer). Alors, quelle est la particularité d’UPI ? Comme le souligne Guillaume Yrribaren, “le système a été unifié, c’est le U dans Unified Technology. Il s’agit d’une interface de programmation dont les spécifications sont publiques. L’entité chargée de la standardisation du système, c’est l’État. Le gouvernement et les pouvoirs publics ont exigé des banques qu’elles se plient à ces nouvelles règles sous peine de perdre leur licence.” Un pilote est mené avec 21 banques membres en 2016, et les applications bancaires intégrant UPI sortent à partir d’août 2016. Son lancement coïncide avec celui d’un vaste mouvement de démonétisation des billets de 500 et 1 000 roupies engagé par le gouvernement de Narendra Modi afin de lutter contre les billets contrefaits, l’évasion fiscale et l’économie informelle. UPI réunit plusieurs fonctionnalités bancaires, un routage transparent des fonds et des paiements marchands au sein d’un seul système. Il répond également à la demande de collecte “peer-to-peer” qui peut être programmée et traitée selon les besoins. Stratégie de souveraineté “Ce système UPI est une brique dans une stratégie digitale de l’Inde qui est très vaste. L’Inde a pris à bras le corps la vision numérique et la logique d’inclusion au bénéfice de sa population en construisant des services de confiance et des services de paiement, analyse Guillaume Yrribaren. Ces rails de paiement instantané UPI s’inscrivent dans la stratégie du gouvernement focalisée sur la souveraineté indienne. L’Inde prend en charge sa souveraineté avec des solutions, des systèmes et une vision au niveau du territoire indien, avec une exigence absolue de localiser les infrastructures, les plateformes et les services sur son sol. L’Etat ne veut laisser ni les Chinois ni les Américains s’emparer du sujet”. Suppression des frais d’interchange Ce maillage permet à tous les Indiens d’accéder à des moyens de paiement gratuits, que ce soit pour le payeur ou pour le bénéficiaire. Le dispositif supprime les coûts d’investissement, de raccordement et d’acquisition d’un terminal de paiement électronique. Surtout, afin de favoriser l’adoption du paiement UPI via un QR Code, il a aussi été décidé de supprimer la MDR (merchant discount rate), la commission d’interchange habituellement facturée aux commerçants pour les paiements par carte. “Avec le système UPI, le commerçant peut encaisser des paiements simplement avec un QR code sur un sticker, voire grâce à une enceinte qui viendra l’informer lorsqu’une transaction a eu lieu”, explique Christophe Mariette. Le système fonctionne avec l’un des deux types de QR code : statique, lorsque l’acheteur entre le montant qu’il souhaite transférer au commerçant, ou dynamique, lorsque le marchand génère un QR code unique avec le montant de la transaction. Simplicité de l’expérience utilisateur Autre avantage qui a su séduire les Indiens : le bénéficiaire reçoit les fonds sur son son compte bancaire de manière instantanée. “Par rapport au virement instantané SEPA, le système UPI se distingue par sa simplicité d’utilisation”, note Christophe Mariette. UPI s’appuie sur une adresse virtuelle reliée au compte bancaire et sur des wallets. L’expérience utilisateur est nettement plus complexe dans le cas d’une demande d’initiation de paiement en Europe : il faut sélectionner sa banque, s’authentifier, puis valider la transaction. Avec UPI, il faut simplement scanner le QR code et confirmer la transaction via un code à 4 chiffres dans le cadre d’un parcours d’authentification à deux facteurs. UPI arrive en France pour les touristes En attendant de voir un tel système de transaction se développer en France, quelques lieux emblématiques de l’Hexagone vont prochainement accepter le paiement via l’application BHIM UPI, éditée par NPCI International Payments Limited (NIPL), une entité de la NPCI créée en 2020 pour développer la présence d’UPI à l’étranger. “La Tour Eiffel, qui pourtant n’accepte pas beaucoup de moyens de paiement, a accepté de jouer le jeu”, s’enthousiasme Christophe Mariette. Et à raison : les touristes indiens représentent la deuxième nationalité la plus nombreuse à visiter ce monument français. “Ils vont proposer un moyen de paiement basé sur un QR code. Et il y aura la possibilité de payer ses billets sur Internet via le système UPI [en scannant le QR code généré sur le site web du marchand, Ndlr]”. La priorité serait de rendre accessible ce système de paiement dans les lieux les plus fréquentés en France par la diaspora indienne : musées, hôtels… Puis d’en faire profiter les commerces et les centres commerciaux. En Europe, le virement instantané reste minoritaire “Proposer un maillage aussi performant et gratuit, l’Europe n’y est pas encore. Pourtant c’est intéressant car ça incite les banques à faire preuve de créativité, à proposer de nouveaux services”, estime Guillaume Yrribaren. L’initiative UPI présente toutefois quelques traits communs avec nos dispositifs européens, auxquels les consommateurs pourraient facilement s’adapter : un wallet de paiement, des QR codes, des virements instantanés, des transferts entre particuliers et des paiements aux commerçants. Des caractéristiques similaires à celles du projet de wallet wero, le projet paneuropéen d’EPI notamment porté par de grandes banques françaises. Martina Weimert : “wero (EPI) vendra sa solution à travers des acquéreurs et des accepteurs en e-commerce” En Europe, si le paiement sans contact s’est désormais démocratisé (avec l’essor du paiement mobile), le virement instantané reste minoritaire et représente seulement 6,5 % des paiements scripturaux (en volume) en 2022, selon les données de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement. Mais il continue sa très forte progression : + 85 % par rapport à 2021. Le virement instantané, plafonné à 100 000 euros en France, est parfois encore facturé à l’utilisateur. Ce ne sera bientôt plus le cas puisque l’Union européenne a adopté de nouvelles règles : “les frais appliqués par un prestataire de services de paiement pour les opérations de virement instantané en euros ne peuvent être supérieurs aux frais appliqués aux opérations de virement “non instantané” en euros [généralement gratuits pour les particuliers lorsqu’ils sont réalisés en ligne, Ndlr]”. Une nouveauté qui devrait favoriser le développement du virement instantané et d’initiatives comme celle d’EPI. Romane Mugnier avec Antoine Duroyon paiement en lignepaiement mobile Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le régulateur indien donne un coup d'arrêt aux activités bancaires de Paytm L'Inde enterre son projet de système de paiement alternatif à UPI L'Inde va exporter ses moyens de paiement en France