Accueil > Financement et politiques publiques > Crowdfunding : une source non négligeable de financements pour les start-up Crowdfunding : une source non négligeable de financements pour les start-up Depuis une dizaine d’années maintenant, les plateformes de crowdfunding se sont fait une place parmi les différentes solutions de financements de projets. Elles sont d’ailleurs démarchées par les start-up de la e-santé en recherche de financements pour leur innovation. Une option loin d’être sans exigences. Par Laure Martin. Publié le 19 septembre 2023 à 23h05 - Mis à jour le 19 septembre 2023 à 17h04 Ressources La collecte en crowdfunding pour des projets “santé et recherche scientifique” est passée de 13,4 millions d’euros en 2017 à 25,45 millions d’euros en 2022 (capitaux propres, prêts et dons), d’après les données de Financement participatif France (FPF), l’association des professionnels du crowdfunding. Pour les capitaux propres exclusivement, la collecte a bondi de 8,8 millions d’euros en 2017 à 24,29 millions d’euros en 2022. Florence de Maupeou, directrice générale de FPF “Dans l’univers du financement participatif, une petite part de capital a toujours été dédiée à la santé, fait savoir Florence de Maupeou, directrice générale de FPF. Cette appétence pour ce mode de financement s’explique par les difficultés à financer des projets dans la santé, domaine qui cependant touche, dans ses innovations, le grand public. Pour autant, nous n’observons pas de décollage du secteur.” Dans le baromètre 2022 de FPF, la santé représentait 17 % “seulement” des 143 millions d’euros collectés en capital. À titre d’exemple, les investisseurs de la plateforme Sowefund financent entre 10 et 15 % de projets dans le domaine de la santé. “Nous observons toutefois une prise de conscience des Français, qui affichent une volonté de donner du sens à leurs investissements, pointe Alexandre Laing, CEO de Tudigo. Cela se manifeste aussi par un regain d’intérêt notamment pour la medtech, la biotech, la deeptech, l’intelligence artificielle ou encore la robotique.” “La tendance est assez marquée avec l’accroissement dessollicitations des start-up de la e-santé depuis deux ans, notamment parce que le développement destechnologies rend leurs solutions particulièrement pertinentes”, complète Jean-Marc Clerc, directeur général de WiSEED Transitions. D’ailleurs, sur les 30 start-up dans le domaine de la santé, financées par WiSEED depuis 2010, une vingtaine sont regroupées sur les cinq dernières années. Une professionnalisation reconnue Alexandre Laing, CEO de Tudigo Pourquoi les start-up s’orientent-elles vers ce type de financement ? Les réponses sont plurielles. Tout d’abord, ces dernières années, les fonds venture capital privilégient les investissements de plus en plus sécurisés (lire notre dossier paru dans le n°223 de mind Health, Les start-up françaises de la e-santé ont levé 1,2 milliard d’euros en 2022), laissant les phases d’amorçage aux mains des business angels. “Mais ces derniers investissent en moyenne 150 000 euros par tour de table, ce qui implique, pour les start-up de trouver d’autres sources de financements”, explique Alexandre Laing.C’est là qu’intervient le crowdfunding : en aval du premier cercle des porteurs de projet à savoir les amis et la famille, et en amont des fonds d’investissements et des banques. “On se loge en parallèle des business angels tout en proposant, avec notre communauté d’investisseurs, des montants compris entre 300 000 et 500 000 euros en moyenne, sur des projets parfois encore jeunes”, indique Jean-Marc Clerc. Du côté de Tudigo aussi les tickets peuvent atteindre 750 000 euros. Cet été, les fondateurs de la start-up IKI, une solution connectée d’analyse urinaire, ont clos un tour de crowdfunding, leur première levée de fonds. “D’emblée nous avons souhaité diversifier nos sources de financements, notamment en associant le crowdfunding aux business angels”, explique Jean-Christophe Cau, directeur général. La campagne sur Sowefund leur a permis de dépasser l’objectif fixé à 250 000 euros pour atteindre 380 000 euros, “nous offrant ainsi une belle dynamique”, se félicite-t-il. Jean-Christophe Cau, directeur général de la start-up IKI Le crowdfunding donne aussi l’opportunité aux entrepreneurs de cibler plus précisément une communauté d’investisseurs. C’est le cas pour Phacil, dont la solution vise à digitaliser le parcours de soins avec un envoi des ordonnances directement aux pharmaciens. “Le financement participatif est un choix stratégique pour nous, car nous voulions mobiliser des investisseurs pharmaciens”, explique Alexandre Deniau, CEO de Phacil, qui a également fait le choix de Sowefund. Le recours à la plateforme représentait aussi une façon de les rassurer sur leur investissement.” Quant aux fondateurs de Healthy mind, qui développent un logiciel de réalité virtuelle thérapeutique pour réduire la douleur et l’anxiété des patients en milieu hospitalier, ils ont sollicité Tudigo, afin de permettre aux personnes leur ayant manifesté la volonté d’investir dans leur solution, d’en avoir la possibilité. Timothée Cabanne, CEO et co-fondateur de Healthy mind “Notre start-up, créée en 2017, dispose déjà de sa communauté de patients, de médecins et de partenaires, rapporte Timothée Cabanne, CEO et co-fondateur. Plusieurs d’entre eux souhaitaient investir, sans pour autant détenir des activités de business angel ou d’investisseurs experts.” Une découverte en R&D a encouragé l’équipe à déclencher cette levée de fonds en s’orientant vers le financement participatif, car “j’ai compris que les fonds venture capital traversent une phase compliquée et investissent peu actuellement”, confie le CEO. La démarche de sélection BenjaminWattinne, co-fondateur et directeur général de Sowefund L’investissement dans le private equity, de l’amorçage à la série B reste risqué. “Nous nous devons donc de proposer les dossiers présentant le plus fort potentiel de croissance”, rapporte Benjamin Wattinne, co-fondateur et directeur général de Sowefund. Les plateformes s’assurent alors de la présence d’une preuve de concept, de la qualité de l’équipe dirigeante, du profil des membres du conseil d’administration, de la fiabilité des défenseurs du projet, de la scalabilité de l’entreprise, de la capacité à mobiliser des subventions ou des aides à la recherche ou encore de la situation financière de l’entreprise. “Une société sans trésorerie sous six mois, nous ne la sélectionnons pas”, indique Jean-Marc Clerc, conseillant aux start-up de lever des fonds lorsqu’elles se portent bien financièrement afin de donner confiance aux investisseurs. “Nous avons les mêmes exigences que les fonds d’investissements, sans que cela ne nous empêche d’effectuer des petites levées”, poursuit Alexandre Laing. Les plateformes analysent aussi le marché sur lequel se présente la solution. “Nous disposons d’une banque de références nous permettant d’évaluer la pertinence d’une solution en effectuant du comparable”, souligne Jean-Marc Clerc. Enfin, les plateformes tiennent compte des réactions des particuliers. “En phase de collecte, des questions d’experts mettant en doute la solution proposée peuvent entraîner l’arrêt de la levée de fonds par une réaction d’intelligence collective”, prévient-il. Jean-Marc Clerc, directeur général de WiSEED Transitions Bien que leur processus de sélection des entrepreneurs leur soit propre, les plateformes de financement partagent pour points communs un haut niveau de sélectivité des projets. Toutes se placent en “protectrices de leur communauté d’investisseurs”. À titre d’exemple, les équipes de Tudigo, qui reçoivent entre 600 et 800 dossiers par mois, rencontrent 300 entrepreneurs mensuellement, pour ne diffuser, sur leur plateforme, qu’entre 8 et 12 projets par mois. L’accompagnement des start-up Dès lors qu’elles sont sélectionnées par les plateformes, “les start-up sont accompagnées par l’équipe, notamment par un chef de campagne, sur des éléments de communication, de traitement de données, de mailing, afin d’informer la communauté de la levée”, indique Benjamin Wattinne. “Cet accompagnement est vraiment bénéfique pour nous, reconnaît Jean-Christophe Cau. Tout est protocolisé surtout en termes de communication car l’équipe la maîtrise vis-à-vis de sa communauté.” Un travail est ensuite mené auprès des investisseurs. “Nous disposons d’une équipe dédiée aux relations avec les investisseurs pour les accompagner dans la prise de décision”, fait savoir Benjamin Wattinne. En fonction des projets, les plateformes déterminent si les investissements s’effectuent en actions avec une prise de parts au capital de l’entreprise, ou en obligations généralement pour les entreprises plus matures. “Avec les start-up, les outils d’investissement en capital sont davantage privilégiés afin de faciliter l’innovation, la recherche et le développement”, précise Florence de Maupeou. Lorsque la collecte est terminée, “nous demandons aux investisseurs si certains sont intéressés de rejoindre le conseil d’administration de la société, rapporte Jean-Marc Clerc. Souvent quatre à cinq volontaires acceptent, pour ensuite partager gratuitement des conseils aux entrepreneurs.” Et de poursuivre : “Nous assurons aussi un suivi, avec une gestion post-closing rigoureuse, organisée autour d’un point trimestriel sur chacune des entreprises.” L’ensemble de cet accompagnement n’est, bien entendu, pas gratuit. Les plateformes perçoivent généralement entre 7 et 10 % de la somme levée. “Nous comprenons cette rémunération, souligne Timothée Cabanne. Les plateformes assurent un travail non négligeable avec l’analyse des dossiers, la construction des data room ou encore le marketing.” Et de conclure : “Pour un entrepreneur, le process du crowd equity est simple et nous avons l’impression que les équipes sont à nos côtés pour construire notre projet. En termes de charge mentale, l’efficacité du processus est bénéfique.” Julie Rachline,directrice générale de BrainTale Un accompagnement renforcé Dans la région Grand Est, WiSEED a développé, en partenariat avec l’incubateur SEMIA – Quest ForHealth, le Wiclub Santé, un club Deal dédié aux start-up de la santé, dont a bénéficié BrainTale. “Alors que nous avions déjà obtenu des financements de business angels, le crowdfunding nous a permis de nous ancrer dans notre environnement géographique avantd’effectuer un nouveau tour de financement avec des institutionnels”, explique Julie Rachline, directrice générale. Et de poursuivre : “La démarche du Wiclub santé est très bien pensée car outre le financement de nos projets via les plateformes, nous avons besoin d’être accompagnés.” Laure Martin FinancementsFonds d'investissementPlateformesstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind