Accueil > Industrie > Accès au marché > Ambulatoire : Comment Gustave Roussy prévient les effets indésirables graves avec le télésuivi Ambulatoire : Comment Gustave Roussy prévient les effets indésirables graves avec le télésuivi Alors que les solutions de télésuivi se développent dans le secteur de la santé, le centre de cancérologie Gustave Roussy a mené une étude pendant trois ans pour démontrer l’intérêt du télémonitoring des patients sous anti-cancéreux oraux. Retour sur cette étude et la mise en place de la solution avec Médialis. Par Aurélie Dureuil. Publié le 28 septembre 2020 à 17h04 - Mis à jour le 22 février 2021 à 16h13 Ressources “Depuis 2000, plus de 50 autorisations de mise sur le marché (AMM) ont été délivrées à des traitements oraux en oncologie”, constate Olivier Mir, oncologue médical à Gustave Roussy et investigateur principal d’une étude prospective sur l’utilisation du dispositif Capri de télémonitoring. Face à l’augmentation de l’utilisation de ces traitements, les patients se retrouvent en effet de plus en plus à domicile lors de la survenue d’effets indésirables, “qui peuvent parfois obliger à réduire ou interrompre les traitements”, indique le centre de cancérologie francilien. Gustave Roussy a développé avec la société Médialis la solution de télémonitoring Capri. Puis les équipes de Gustave Roussy ont entamé une étude prospective afin de démontrer les bénéfices de ce dispositif. “Des interventions digitales sont déjà décrites mais pas en cancérologie ou seulement sur certains cancers et sans un bras de contrôle. Il y avait un besoin de données robustes et généralisables”, note Olivier Mir. L’étude a été menée entre 2016 et 2019 auprès de patients atteints de tous types de cancers pendant une durée de 6 mois. 609 patients adultes ont ainsi participé à cette étude, la moitié ayant un suivi habituel et l’autre moitié un suivi avec le dispositif Capri. 41 % des patients étaient âgées de plus de 65 ans dont 14 % de plus de 75 ans, indique Olivier Mir. Il précise également que 39 % des patients de l’étude suivaient une chimiothérapie orales, les autres bénéficiant de thérapies moléculaires ciblées. Une interface numérique s’appuyant sur une organisation dédiée Le dispositif Capri allie nouvelles technologies et changement organisationnel au sein de Gustave Roussy. “Après un entretien initial, qui suit la consultation de prescription du traitement oral et approfondit les informations données par l’oncologue sur la prévention et la gestion des possibles effets secondaires, le patient est inscrit dans le dispositif”, détaille Gustave Roussy. Cet entretien est menée par une des deux infirmières de coordination (IDEC) formées pour cet accompagnement en oncologie. Le patient a ensuite accès à l’interface numérique Capri : plateforme internet et application mobile. Il peut y “visualiser et enregistrer l’ensemble de ses rendez-vous. S’y trouvent également les comptes rendus médicaux, les coordonnées des professionnels de santé intervenant dans sa prise en charge et l’accès à une sélection d’informations médicales validées sur sa maladie, le traitement et ses effets”, indique le centre hospitalier qui précise que la plateforme est accessible également aux professionnels de santé extérieur à Gustave Roussy désignés par le patient (médecin traitant, pharmacien, infirmiers à domicile). Et, cette plateforme permet au patient de transmettre “à tout moment” des questions, inquiétudes et données relatives à son traitement. Olivier Mir précise qu’un tableau de bord est dédié aux IDEC et que les patients peuvent les “contacter par messagerie sécurisée, s’informer sur le traitement et ses effets secondaires”. Un développement avec la société Médialis La plateforme a été développée avec la société Médialis fondée en 2005 par Michaël Carré et Erwann Gravot. Elle s’appuie sur la solution Mediateam proposée en marque blanche. “Cette solution a vocation à faciliter le parcours de vie de toutes les personnes qui sont en difficulté au niveau santé ou social. Elle a été déployée au départ dans le secteur du handicap en France. Nous nous sommes rendus compte que plusieurs professionnels interviennent auprès d’une même personne et ne savaient pas forcément ce que les autres avaient fait. On perd en communication, en qualité du suivi, du temps… La solution va coordonner la parcours de tous les professionnels en bonne intelligence, dans un ordre cohérent”, détaille Erwann Gravot, directeur associé de Médialis. Sur le projet Capri, il ajoute : “Nous équipons depuis 2006 un réseau santé : Onco94 Ouest dont fait partie Gustave Roussy. Pour le projet Capri, la solution Médiateam répondait bien à l’ensemble de leur demande. Nous avons adapté le contenu du dossier du patient en fonction de ce qu’ils voulaient : suivi du poids, niveau d’appétit… Ce qui a pris plus de temps a été le développement du dispositif de télésuivi avec une interface utilisée par le patient. Jusqu’à présent les utilisateurs n’étaient que des professionnels”. Tout est hébergé par Médialis, précise le dirigeant. Des évolutions sont intervenues en fonction des usages. Ainsi, Erwann Gravot cite des adaptations liées à l’ergonomie sur la partie patient : “il faut une authentification forte car il y a des données de santé mais ce n’est pas toujours simple pour des personnes âgées, atteintes de cancer. Nous avons mis en place un QR code et nous allons passer à des systèmes d’empreintes digitales”. D’autres adaptations ont concerné la gestion des alertes pour les IDEC. Étienne Minvielle, médecin et chercheur en gestion à l’École Polytechnique et à Gustave Roussy ainsi que responsable scientifique du projet, indique que 80 arbres décisionnels ont été construits et “nous continuons à en construire. Cela permet d’aller plus loin qu’une simple auto-évaluation et d’orienter le patient dans son parcours”. Les résultats de l’étude montrent que “75 % des interventions sont gérées par l’IDEC sans recours à l’oncologue référent”, précise-t-il. Une réduction des effets indésirables graves et les hospitalisations Par ailleurs, l’étude a montré une augmentation de la dose intensité relative (RDI) à six mois, c’est-à-dire “le pourcentage de dose de traitement pris par rapport à la théorie”, définit Olivier Mir. “Au terme de ce semestre, la dose intensité relative se révèle significativement plus élevée dans le bras Capri (93,4 %) que dans le groupe “suivi standard” (89,4 %)”, constate Gustave Roussy. Olivier Mir indique également qu’habituellement le RDI est de 85 %. L’équipe se félicite aussi de la diminution significative des effets indésirables sévères (de grade 3) : 27,6 % par rapport à 36,9 % pour le groupe avec un suivi standard. De même le nombre et la durée des hospitalisations, respectivement 23 % contre 32 % et 2,8 jours contre 4,4 jours. Enfin, le pourcentage de patients admis aux urgences est de 15 % pour l groupe suivi avec Capri contre 22 % pour le groupe avec un suivi standard. “On ne passe jamais d’aucun effet indésirable à un effet de grade 3. Ça commence par un grade 1, puis un grade 2. La clé pour avoir moins d’effets indésirables graves est de les prendre en charge quand ils ne sont pas encore sévères”, observe Olivier Mir. Une future demande de prise en charge ? Pour la mise en place de cette solution de télésuivi, “le coût du développement en partenariat avec Médialis était d’environ 50 000 euros. Nous avons eu un financement de l’ARS pour les deux IDEC”, précise Étienne Minvielle. Erwann Gravot indique par ailleurs que les tarifs dépendent de la couverture fonctionnelle de la plateforme Médiateam avec un coût de prestation informatique sur la partie interface puis un abonnement par nombre d’utilisateurs par mois. La question de la prise en charge de cette solution fait partie des pistes de réflexion au sein de Gustave Roussy. “Nous arrivons dans une conjoncture avec le sentiment que la télémédecine va se développer. Une des idées est d’engager une procédure de soumission auprès de la HAS pour un acte de remboursement. Le gain économique est important sur la qualité des soins, l’expérience patient, la diminution des hospitalisations ou de leur durée, du transport des patients…”, conclut Étienne Minvielle. Chiffres clés 609 patients adultes dans l’étude 41 % des patients âgées de plus de 65 ans dont 14 % de plus de 75 ans 39 % des patients suivant une chimiothérapie orales, les autres bénéficiant de thérapies moléculaires ciblées 50 patients ont arrêtés en cours car changement de traitement ou arrêt du traitement oral Dose intensité relative de 93,4 % pour le bras Capri (89,4 % dans le groupe “suivi standard”) 27,6 % d’effets indésirables sévères (36,9 % pour le bras “suivi standard”) 23 % d’hospitalisation contre 32 % Durée d’hospitalisation de 2,8 jours contre 4,4 jours 15 % de patients admis aux urgences contre 22 % Budget de 50 000 euros environ pour le développement puis un abonnement en fonction du nombre d’utilisateurs via la société Médialis Une version pendant la période de crise sanitaire La solution Capri a été décliné pendant la période de crise sanitaire pour les patients atteints de cancer avec trois objectifs : “la surveillance en cas de contamination au Covid-19 (…), le soutien en cas de vulnérabilités psycho-sociales (…) et la prévention d’effets indésirables liés au cancer”, a précisé Gustave Roussy mi-avril. L’application Capri-Covid a été mise à disposition le 20 mars 2020. Aurélie Dureuil Application mobileEtudeHôpitaloncologiePlateformesTélémédecineTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind