Accueil > Industrie > Comment Diabeloop se positionne sur la technologie de “pancréas artificiel” Comment Diabeloop se positionne sur la technologie de “pancréas artificiel” Fondée en 2015, la start-up grenobloise développe un logiciel utilisant de l’intelligence artificielle et approche la phase de commercialisation. mind Health revient sur le positionnement, les étapes du développement et les enjeux pour Diabeloop qui emploie 70 personnes et a levé près de 50 M€ depuis sa création. Par Aurélie Dureuil. Publié le 02 mars 2020 à 9h42 - Mis à jour le 21 janvier 2021 à 16h02 Ressources La genèse Le projet à l’origine de la création de Diabeloop a vu le jour en 2011 au sein du Ceritd (Centre d’étude et de recherche sur l’intensification du traitement du diabète) : les docteurs Guillaume Charpentier, président de l’organisme et diabétologue, et Sylvia Franc, vice-présidente et directeur médical du Ceritd et diabétologue au CH Sud-francilien, reavaillaient sur “l’automatisation du traitement pour le diabète de type 1 en partenariat avec le CEA Leti de Grenoble. Un POC (proof-of-concept) académique a été réalisé pour valider des idées de solutions d’automatisation du traitement : de la quantité d’insuline dont le patient a besoin à la délivrance automatique”, rappelle Marc Julien, co-CEO de Diabeloop arrivé en 2016. Le projet a été rejoint par Erik Huneker en 2014 avant la création en mars 2015 de Diabeloop. Les étapes de son développement Après le POC réalisé avant la création de Diabeloop, la société a mené plusieurs essais cliniques “pour prouver que le système fonctionne mieux que le système pré-testé au sein du Ceritd”, indique Marc Julien. Sa première levée de fonds en 2017 lui a permis de poursuivre les développements du système et les essais cliniques jusqu’à l’obtention du marquage CE en novembre 2018. Marc Julien souligne : “deux études cliniques importantes ont permis d’obtenir le marquage CE. La SP 6.2 et la SP7. La première permettait de tester le système en situations extrêmes : nous comparions des patients avec un mode de vie classique avec d’autres faisant du sport intensif, des repas conséquents… La seconde portait sur des patients à leur domicile”. Les résultats de l’étude clinique SP7 menée entre en 2017 ont fait l’objet d’une publication dans The Lancet Digital Health en mai 2019. 68 patients diabétiques de type 1 ont été éligibles sur les 71 patients recrutés. L’étude multicentrique et randomisée visait à évaluer la sécurité et l’efficacité de système de pancréas artificiel par rapport à un traitement utilisant une pompe à insuline externe. “La levée de fonds de 2017 a aussi permis d’ensuite poser les bases de l’activité commerciale”, note Marc Julien. Diabeloop a depuis constitué des équipes en France, en Allemagne et aux États-Unis. Suite à l’obtention du marquage CE, la société a alors déposé les demandes de prises en charge par la Sécurité sociale en France et auprès des assurances publiques et privées en Allemagne, indique le dirigeant. Dans l’Hexagone, Diabeloop a déposé un dossier auprès de la Haute Autorité de santé au printemps 2019. Suite à l’avis publié en février 2020, le DBLG1, dédié à la gestion automatisée du diabète de type 1, de Diabeloop obtient une ASA (amélioration du service attendu) de niveau III. Diabeloop a également mené en 2019 une étude clinique D4Kids, soutenue par EIT Health, afin “d’adapter la solution pour les enfants prépubères diabétiques de type 1”, indique Marc Julien. Il ajoute : “l’essai s’est terminé fin 2019 et nous sommes en train d’analyser les résultats”. La société se tourne maintenant vers les États-Unis, accompagnée par deux financements obtenus en 2019. Diabeloop a initié début 2020 l’étude en vie réelle, SP8/DBLUS. Promue par le Ceritd, cette étude inclut 184 patients avec un diabète de type 1 (36 adolescents et 148 adultes), âgés de 14 à 75 ans. D’une durée de trois mois, l’étude multicentrique et randomisée sera utilisée pour la soumission d’un dossier auprès de la l’Agence américaine du médicament (FDA). Elle sera suivie d’une extension de six mois où les patients randomisés rejoindront le groupe déjà équipé du système. Le DBLG1 est associé au capteur de glucose en continu Dexcom G6 et à la pompe à insuline Dana-i. Des essais cliniques vont être menés pour “adapter la solution pour les patients ayant un diabète très instable et nécessitant une solution encore plus personnalisée et pour les patients adolescents”, confie Marc Julien. Le business model Le système DBLG1 est commercialisé avec un capteur de glycémie en continu et une pompe à insuline pour une gestion automatisée du diabète de type 1. Pour sa première indication, sur le marché français, l’avis rendu par la HAS estime la population cible à un maximum de 7 300 patients “diabétiques de type 1 adultes dont l’équilibre glycémique préalable est insuffisant en dépit d’une insulinothérapie intensive bien conduite par perfusion sous-cutanée continue d’insuline pendant plus de six mois et d’une autosurveillance glycémique pluriquotidienne”, indique l’Agence. Le dispositif sera commercialisé en France via les PSAD (prestataire de soins à domicile). “Pour les autres marchés, il faut regarder pays par pays. Certains passent par des appels d’offres, pour d’autres il s’agit d’un mixte assurances publiques et privées… Dans certain cas, la commercialisation se fera en direct ou en semi-direct et dans d’autres nous passerons par des partenaires”, détaille Marc Julien. La technologie Diabeloop développe une brique d’un pancréas artificiel dans la gestion automatisée du diabète de type 1. Dispositif médical de classe IIb selon le marquage CE, le DBLG1 apporte la partie logicielle, hébergée dans un terminal dédié, et utilise de l’intelligence artificielle pour interagir avec un capteur de glycémie et la pompe à insuline. “Le capteur mesure toutes les cinq minutes la glycémie et envoie au terminal dédié le taux de sucre dans le corps du patient. Le terminal DBLG1 calcule la quantité optimale d’insuline dont le patient a besoin et, toutes les 10 minutes, il va donner l’ordre à la pompe de délivrer ou non de l’insuline et la quantité déterminée”, détaille Marc Julien. Il précise : “le système comprend une boucle d’autoapprentissage. En fonction de la physiologie du patient, de comment il réagit…, le calcul est ajusté et la réponse ne sera pas la même pour deux patients différents”. Il s’agit d’un système en boucle fermée hybride, contrairement aux systèmes en boucle ouverte qui nécessitent l’intervention permanente du patient. La propriété intellectuelle Au 26 février 2020, deux brevets sont publiés sur le site de l’Office européen des brevets, depuis février 2019, suite à des demandes effectuées par Diabeloop en 2017 sur des systèmes et procédés de contrôle de glycémie à boucle fermée (EP3438986A1) et des systèmes et procédés de contrôle de glycémie sanguine à boucle fermée (EP3438858A1). Marc Julien signale par ailleurs : “Nous avons plus d’une dizaine de brevets qui sont soit déposés, en cours de dépôts ou approuvés. Ces brevets sont en propre ou partagés avec le CEA”. Les fondateurs, dirigeants et effectifs De l’équipe du Ceritd à l’origine de Diabeloop, seul Guillaume Charpentier fait aujourd’hui partie de l’équipe de direction. Il est actuellement directeur médical. Il est également président du conseil d’administration. Un poste qu’il avait cédé à Meinhard F. Schmidt en 2019 mais qu’il a retrouvé en fin d’année. “Nous avons réorganisé la gouvernance de Diabeloop en 2019 pour prendre en compte la nouvelle phase de vie de l’entreprise. Avec l’arrivée de nouveaux investisseurs fin 2019, nous avons ajusté la composition du board”, confie Marc Julien qui a rejoint l’entreprise en juin 2016 au poste de co-CEO aux côtés du cofondateur Erik Huneker. Du côté des effectifs, la société compte plus de 70 salariés dont les deux tiers sont dans les locaux de Grenoble et un tiers à Paris, indique Marc Julien. Il précise : “À Grenoble, est installée une grosse partie de l’équipe technique avec des ingénieurs, des data scientists… Il y a également les équipes qualité réglementaire et formation des patients et professionnels de santé au système. À Paris, nous avons, entre autres, les fonctions support comme l’administratif, la finance, le commercial et la communication”. Diabeloop emploie également deux personnes en Allemagne et trois aux États-Unis. “Nous allons renforcer ces équipes rapidement, avec un focus sur les activités commerciales et international”, confie le dirigeant. Les financements Depuis sa création, Diabeloop a procédé à deux tours de financements combinant à chaque fois augmentation de capital avec des prêts bancaires et subventions. La société au capital social d’un peu plus d’1M€ a bouclé une première levée de fonds en septembre 2017 auprès d’ALIAD (groupe Air Liquide), Supernova Invest, Sofimac Innovation, Kreaxi, Crédit Agricole Sud Rhône Alpes Capital, Crédit Agricole des Savoie Capital et le CERITD. D’un montant de 13,5 millions d’euros, ce tour de table comprenait 7,5 M€ de nouveaux capital et 4M€ de subventions et avances remboursables de Bpifrance et prêts bancaires. En janvier 2019, Diabeloop a bénéficié d’un financement de 2,8 M€ de EASME (agence européenne pour les PME). Enfin, l’entreprise a dévoilé en décembre 2019 un tour de table de 31 M€ via une augmentation de capital de 22 M€ et des prêts bancaires et subvention de 9 M€. Les actionnaires historiques ont participé à cette levée de fonds auprès de quatre nouveaux investisseurs : Cemag Invest, Adag, Odyssée Venture et Agir à dom. S’il ne communique pas la répartition du capital, Marc Julien ajoute que “les managers ont réinvesti dans ce tour”. Du côté des comptes de résultats, l’entreprise n’ayant pas encore commercialisé son système, elle n’a pas enregistré de chiffre d’affaires en 2017 et 2018 et affichera son premier chiffre d’affaires en 2019 (publication prévue mi-2020), signale Marc Julien. Ce chiffre “non significatif” devrait être de “quelques dizaines de milliers d’euros”, confie le dirigeant. Les partenaires Pour le développement de sa solution, Diabeloop a fait le pari de l’interopérabilité de son système avec des partenaires fournisseurs de capteurs de glycémie et de pompes à insuline. “Nous travaillons avec plusieurs fabricants. Pour le moment, sur la mesure du glucose, nous avons noué un partenariat très étroit avec Dexcom”, indique Marc Julien. Le premier partenaire de Diabeloop a été Cellnovo, société qui développait une pompe à insuline et a été placée en liquidation judiciaire en mai 2019. Le partenariat avait permis de mener une étude clinique en 2017 pour le développement d’un système de boucle fermée utilisant le système de Diabeloop et la pompe à insuline de Cellnovo. Des modifications à apporter sur le dispositif de Cellnovo avaient poussé la start-up grenobloise à prendre ses distances et poursuivre le développement avec d’autres partenaires. Depuis Diabeloop a conclu des accords avec Dexcom pour son système de mesure du glucose en continu Dexcom G6 et Vicentra pour sa pompe à insuline Kaleido. Ces deux dispositifs sont associés au DBLG1 pour la commercialisation sur le marché français. Plus récemment, la société a initié un partenariat avec l’entreprise sud-coréenne Sooil qui a commercialisé en 1980 sa première pompe à insuline. La pompe Dana-i est intégrée à l’étude SP8/DBLUS annoncée en février 2020 dans le cadre de la soumission d’un dossier à la FDA. Les points de conformité réglementaire à surveiller Après l’obtention du marquage CE classe IIb, le dispositif médical passe actuellement les différentes étapes pour sa commercialisation en France. Après la publication en février 2020 de l’avis de la HAS, Diabeloop doit maintenant négocier la tarification avec le CEPS (Comité économique des produits de santé). L’entreprise grenobloise poursuit également ses démarches pour la commercialisation sur le marché allemand. Diabeloop vise également le marché américain et a initié en février 2020 une étude clinique afin de compléter son dossier d’évaluation par la FDA. De plus, la société travaille sur l’extension d’indications pour son dispositif : pour les enfants et pour les adultes avec un diabète “très instable qui nécessite une solution encore plus personnalisée”, confie le dirigeant. Enfin, Diabeloop prépare le changement en mai 2020 de réglementation européenne des dispositifs médicaux. “La classe IIb peut évoluer. Nous travaillons sur ce sujet actuellement et nous mettons en ordre de marche pour répondre efficacement et rapidement aux nouvelles exigences qui sont extrêmement contraignantes”, note Marc Julien. Dans le dossier de mind Health DM connectés : Les cinq étapes pour se préparer aux changements réglementaires européens, Diabeloop indiquait que le DBLG1 pourrait passer de la classe IIb à la classe III. Le règlement européen implique des changements dans le dossier d’évaluation mais également pour le suivi post commercialisation, notamment sur la sécurité. Le marché Le marché des dispositifs liés au diabète pourrait atteindre 35,5 milliards de dollars en 2024, selon une étude de Grand View Research publiée en juillet 2018 qui anticipe un taux de croissance annuelle moyenne de 7 % entre 2016 et 2024. Publiée en février 2020, une étude spécifique au marché des pancréas artificiels de Market Research Future estime que le marché va croître de plus de 15 % en moyenne annuelle entre 2017 et 2023 pour atteindre 360 M$. Les acteurs sont notamment Medtronic, Johnson & Johnson, Tandem Diabetes Care, Insulet, Dexcom… Fiche d’identité (au 26 février 2020) Création : mars 2015 Dirigeants : Deux CEO : Erik Huneker et Marc Julien Levées de fonds : 47,3 M€ dont 29,5 M€ en augmentation de capital (2017 et 2019) Effectifs : environ 70 personnes Produits : logiciel DLBG1 Chiffre d’affaires : quelques dizaines de milliers d’euros prévus en 2019 Localisation : Grenoble SIREN : 810 416 438 Capital social : 1 004 725 € Aurélie Dureuil DiabèteDispositif médicalLogicielstart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La HAS rend son premier avis sur un dispositif médical intégrant de l’IA apprenante Diabeloop, Lifen, Qare et DNA Script embarquées dans le programme French Tech 120 Start-up de la e-santé : plus de 500 M€ levés en 2019, en France Diabeloop lève 31 M€ Mouvement Diabète : Meinhard F. Schmidt nommé président du conseil d'administration de Diabeloop DM connectés : Les cinq étapes pour se préparer aux changements réglementaires européens Confidentiels Diabeloop approche de la commercialisation