Accueil > Industrie > David Dellamonica (Amgen Europe) : “Le concept de partenariat me tient à coeur” David Dellamonica (Amgen Europe) : “Le concept de partenariat me tient à coeur” D’abord entrepreneur avant de devenir “un gars de la pharma”, aujourd’hui “fasciné” par les enjeux de cette industrie, David Dellamonica est digital health lead Amgen Europe depuis trois ans. Pour mener à bien sa mission, il a initié le programme de data science DEEP qu’il détaille pour mind Health et développe les partenariats sur lesquels s’appuie Amgen en matière d’intelligence artificielle. Par . Publié le 06 novembre 2020 à 12h12 - Mis à jour le 23 novembre 2020 à 14h42 Ressources Vous avez intégré Amgen en avril 2017, en tant que digital health lead Amgen Europe. Décrivez-nous votre mission. Je suis basé en Suisse, au siège européen d’Amgen. Parmi mes activités, je suis responsable de l’innovation pour l’Europe, c’est-à-dire que je m’occupe de tous les partenariats loués en Europe sur toutes les activités qui ne sont pas purement dédiées aux produits (comme l’achat de molécule). À savoir des outils pour améliorer l’observance ou pour mieux comprendre l’écosystème autour des pathologies par exemple. Dans ce cadre, à mon arrivée, nous avons créé le programme DEEP, pour Detect, engage, evaluate and protect. L’objectif de cette plateforme de data science est d’utiliser les données disponibles et des technologies de machine learning pour répondre à des questions stratégiques, des questions que nos patients pourraient se poser, ou les médecins, ou les systèmes de santé. Nos projets sont toujours liés à une question, avec une approche d’écoute de l’environnement. Combien de personnes travaillent au sein de ce programme ? Environ six, sachant que j’ai créé DEEP pour l’Europe. Il s’intègre dans une stratégie globale de l’entreprise : des questions sont importantes pour la communauté, pour tous les pays européens. Pouvons-nous aller vite et être efficace ? Nous travaillons ainsi en collaboration avec les responsables de l’innovation et leurs équipes dans chaque pays. Notre contact local français est Thibault de Chalus (interviewé par mind Health en novembre 2019, ndlr). Amgen dispose de data scientists en interne mais qui ne font pas de programmation. Notre stratégie consiste à travailler avec des start-up dans ce domaine-là. En l’occurrence en ce moment avec Owkin, qui maîtrise le machine learning. D’où viennent les données sur lesquelles vous travaillez ? Nous trouvons des partenaires, qui vont eux-mêmes trouver un intérêt dans ce travail collaboratif. Par exemple, en France, nous nous penchons avec l’Institut Bergonié et Gustave Roussy, sur la question “pouvons-nous prédire les mutations dans le cancer du poumon en utilisant de l’intelligence artificielle (IA) ?”. Nous réunissons ainsi un ensemble d’acteurs qui travaillent dans ce sens. Ce projet va aider les pathologistes à aller plus vite. Nous trouvons des partenaires académiques qui connaissent le sujet et peuvent nous aider à travailler sur des données. Un projet se consacre aussi au myélome multiple, précisément au MRD ou minimal residual disease : il s’agit d’établir des prédictions meilleures que celles des technologies classiques, en partenariat avec un centre français. Les données appartiennent à ces centres, aux patients, et nous n’y accédons jamais. Nous utilisons l’apprentissage fédéré : les données ne se déplacent pas. Cette méthode nous permet d’entraîner l’algorithme sans accéder aux données, c’est très important. Notre trésor repose sur la création de la donnée au travers de nos essais cliniques. Nous testons d’abord sur nos données, de nos essais cliniques, et n’en achetons jamais, c’est notre parti pris. Avec ces travaux, nous allons à la rencontre de nos partenaires : ces résultats ont-ils de l’importance pour vous ? Cette façon de procéder montre que nous investissons sur des technologies nouvelles sur nos propres données. Nous utilisons nos données pour convaincre nos partenaires. “Le concept de partenariat me tient à coeur”, dites-vous. Pourquoi ? L’industrie ne pourra plus faire les choses seule dans le futur. Je pense à un concept de l’économiste américain Michael Porter, le value-based healthcare (concept selon lequel la valeur des soins se définit par une maximisation des résultats en même temps qu’une minimisation des ressources utilisées pour arriver à ce résultat, que prône Amgen France sur son site web, ndlr). Selon lui, la valeur se crée lorsque nous sommes capables de prendre à la fois tous les outcomes : pour les patients, pour le système de santé… C’est ce qui permet au système de santé en définitive d’être plus robuste. Et, philosophiquement, cela signifie qu’il faut travailler avec d’autres, partager des objectifs communs. L’IA nécessite d’ailleurs aujourd’hui de collaborer avec l’ensemble des acteurs, de par ses contraintes réglementaires, pour assurer la qualité des données ou sa partie éthique, essentielle. Mais existe-t-il des business models ? Amgen ne peut pas y réfléchir seul et doit se poser la question avec l’ensemble des acteurs pour justement faire avancer ces discussions. Combien de partenariats sont en cours à ce jour ? Le programme DEEP est axé aujourd’hui sur deux grandes aires thérapeutiques : la cardiologie et l’oncologie. En oncologie, nous menons deux types de projets : sur des tumeurs solides comme le cancer du poumon, du côlon ou les métastases osseuses, et sur des tumeurs liquides, comme le myélome multiple. Sur ces projets, Owkin est notre partenaire n°1. Nous travaillons ensemble depuis trois ans, nous connaissons bien ses fondateurs, ils nous challengent et sont force de proposition de solutions pour nous. Ils assurent la couche d’IA. Du côté des centres, nous comptons plus de dix centres partenaires en Europe en cardiologie (hôpitaux ou groupes hospitaliers). Un peu moins en oncologie : six à sept centres travaillent main dans la main avec nous. Soit un grand volume de partenaires gérés au travers des projets. DEEP ayant aussi pour mission de travailler sur les besoins de l’écosystème, nous menons des partenariats avec des institutions, comme EIT Health qui représente l’innovation en santé, pas seulement de la part de l’industrie pharmaceutique. Connaître l’intérêt des sociétés par exemple qui font du matériel médical ou des scanners, à côté de celles qui fabriquent des médicaments ou qui gèrent des données hospitalières revêt de l’importance pour nous. Nous travaillons ainsi main dans la main avec EIT Health, en particulier en France sur ces aspects de compréhension de l’environnement. Enfin, DEEP se tourne également vers des projets qui ne sont pas réalisés forcément par Amgen et ses partenaires, comme les programmes européens qui participent à DEEP ou dont DEEP fait partie. Le premier est Melloddy (consortium public-privé lancé en juin 2019, ndlr), dont l’objectif est de mettre en commun les pipelines des laboratoires pharmaceutiques pour trouver de nouvelles solutions thérapeutiques. Le projet Meteor-AI a quant à lui pour mission de définir les bons outils de machine learning pour traiter les tumeurs solides. Pfizer a créé ce consortium avec d’autres industriels et Amgen participe à ce programme européen qui a remporté un appel à projets et est validé par la Commission européenne. Nous sommes en train de recruter des partenaires académiques. Les projets seront rendu publics le 11 novembre. Meteor-AI démarrera en 2021. Cela a pris du temps car l’IA et les tumeurs solides constituent un immense environnement : tumeurs du sein, tumeurs colorectales, cancer du poumon… DEEP peut donc être comparé à une espèce de chapeau dans lequel nous essayons de placer toutes nos initiatives. Vous ne travaillez pas avec d’autres start-up qu’Owkin ? Nous en évaluons énormément, nous essayons d’avoir une lecture, de savoir ce qu’elles proposent. Amgen mène des projets soit de recherche pure soit d’automatisation industrielle et la plupart sont menés avec Owkin. Il est en effet essentiel de se connaître : Owkin est un partenaire et non un fournisseur. Ce qui ne signifie pas que d’autres start-up ne réalisent pas des choses extraordinaires. À travers EIT Health par exemple, Amgen supporte ces entreprises, dans toute l’Europe. Il n’empêche que certaines disposent d’un savoir-faire unique. Ainsi Owkin ne pratique pas vraiment le traitement automatique du langage naturel. Pour ce faire, nous travaillons avec des universitaires et une petite société grenobloise. Vous parlez de la France comme d’un “centre d’excellence” pour Amgen. Pourriez-vous développer votre idée ? Ce résultat est le fruit du travail des collaborateurs français d’Amgen, et de la volonté de la directrice générale d’Amgen France, Corinne Blachier-Poisson (interviewée par mind Health en novembre 2019, ndlr). À travers son leadership, elle a organisé son équipe, elle mène à bien ses projets ; il fallait une impulsion du management que je trouve assez remarquable. Ce que j’appelle le centre d’excellence, ce sont des ressources uniques en France comme l’activité de Thibault de Chalus : il a mis en place des systèmes d’investissement dans des projets innovants. Amgen France s’est aussi doté d’expertises essentielles, comme un data scientist. Au niveau européen, mon rôle est d’essayer de renforcer cette position française, d’allouer des budgets pour que la France puisse mener un maximum de projets et que ce niveau d’apprentissage puisse permettre à d’autres pays de suivre. De quel budget disposez-vous justement ? De plusieurs millions d’euros annuels. Le budget de l’initiative de DEEP repose sur du budget issu des activités potentiellement impliquées dans le projet, comme les activités médicales, les activités d’innovation dont je fais partie – et qui contribuent souvent le plus largement -, le marketing, les études… Nous avons essayé de construire un budget impliquant tout le monde. Nous investissons donc en Europe ; la France représente à elle seule plus d’un million d’euros. Amgen Europe collabore-t-elle avec le fonds américain Amgen Ventures ? Oui, nous travaillons main dans la main. Il s’agit plutôt d’un fonds de fonds. C’est notre rôle d’identifier des pépites, des projets, et de les amener à Amgen Ventures. Observez-vous d’autres pays sortir du lot, en matière d’innovation ? Si la France fait office pour nous d’un pays exceptionnel sur le sujet, c’est parce que les pouvoirs publics ont décidé de passer la vitesse supérieure sur l’IA, etc. Le président de la République Emmanuel Macron a annoncé de lourds investissements sur ces sujets, pour aider les entreprises mais aussi la recherche. Tout n’est pas parfait mais la France se dote d’outils de financements. Outre l’engagement politique, l’innovation va dépendre des infrastructures locales. Les pays nordiques disposent d’infrastructures assez extraordinaires : les hôpitaux sont interconnectés entre eux et il existe un système de collecte des données exceptionnel comme en Suède et en Finlande. Ces pays se détachent ainsi dans l’utilisation des données. Les Pays-Bas pourraient très bien constituer un autre centre d’excellence : ils disposent de grands mathématiciens, d’universités renommées, de talents en IA. Les Anglais sont également doués en recherche fondamentale. L’innovation dépend enfin de la régulation. Le remboursement de Moovcare cette année (logiciel de Sivan, ndlr) représente une avancée remarquable dans le paysage réglementaire français. In fine, je ne crois pas qu’il y ait de pays à la traîne. Tous ont compris que l’évolution du numérique, c’est maintenant. Chacun a conscience de la direction à prendre. Le plus compliqué finalement, c’est de faire avancer l’Europe dans le même sens. Et ce qui manque cruellement, ce sont les financements. C’est pour cette raison qu’Amgen a intégré le programme VCoE (Venture Centre of Excellence) d’EIT Health. L’accès au marché européen coûte cher et le VCoE représente un outil supplémentaire. DAVID DELLAMONICA Depuis avril 2017 : Digital health lead Amgen Europe 2013-2017 : Director patients solutions and innovation – PCSK9, Head of global PCSK9 patient advocacy and innovation puis Global integrated care diabetes & cardiovascular division – Sanofi EIT health coordinator chez Sanofi France 2009-2013 : Cofondateur et P-DG de Theralpha 2007-2009 : Strategic development director de TxCell CardiovasculaireCommission EuropéenneDonnées de santéIndustrieIntelligence ArtificielleoncologiePartenariatPublic/PrivéRecherchestart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Jean-Marc Bourez (EIT Health) : “L’enjeu du programme VCoE est d’être capable de proposer à une start-up trois sources de financement en equity” Corinne Blachier-Poisson (Amgen France) : "Nous regarderons tout ce qui se fait dans l’intelligence artificielle et le digital" Thomas Clozel (Owkin) : “Nous voulons devenir la plateforme de drug development et de commercialisation de référence"