Accueil > Industrie > Du labo à la spin-off, comment s’organise le transfert de technologie ? Du labo à la spin-off, comment s’organise le transfert de technologie ? Malgré un contexte économique morose, les spin-off continuent de naître dans les centres de lutte contre le cancer (CLCC). Les porteurs de projets travaillent à la robustesse de leurs produits issus de la recherche avec des structures en interne dédiées à la valorisation et au transfert technologique. mind Health s’est penché sur les plans d’action de l’Institut Curie et de Gustave Roussy. Par Clarisse Treilles. Publié le 12 décembre 2023 à 22h30 - Mis à jour le 14 décembre 2023 à 10h09 Ressources L’Institut Curie à l’écoute de ses inventeurs Cécile Campagne, directrice de la valorisation et des partenariats industriels, Institut Curie Du laboratoire à la start-up, les premières étapes sont cruciales dans le développement d’un projet issu de la recherche pour l’Institut Curie. “Notre force réside sur un investissement conséquent sur les phases les plus amont du transfert de technologie. À l’institut Curie, nous avons décidé de miser sur les premières étapes, sur la détection de l’invention et la mise en place de la stratégie” décrit le Dr Cécile Campagne, directrice de la valorisation et des partenariats industriels de l’Institut Curie et directrice adjointe de Carnot Curie Cancer, à l’occasion d’une conférence pour la journée de l’inventeur en novembre dernier. 31 start-up ont vu le jour depuis 2002 à l’Institut Curie. Si un tiers (33%) d’entre elles sont des biotech, 13% s’inscrivent dans le domaine de la santé digitale et 4% font de la drug discovery. En 2021, Mnemo Therapeutics a fait parler d’elle en réalisant l’une des plus grosses séries A européennes pour une biotech de 75 millions d’euros. Spécialisée sur les thérapies cellulaires de nouvelle génération visant à identifier de nouvelles cibles antigéniques du cancer, cette start-up est née des travaux du laboratoire de Sebastian Amigorena, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’équipe Réponses immunitaires et cancer (Institut Curie, Inserm) en collaboration avec plusieurs équipes de recherche de l’Institut Curie, et du Dr Michel Sadelain, Directeur du Centre d’ingénierie cellulaire du Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New-York. La direction de la valorisation et des partenariats industriels de l’Institut Curie est chargée d’accompagner les chercheurs, médecins et soignants au service de l’innovation en santé. Dans une stratégie de “test and learn”, l’Institut Curie déploie un réseau d’ambassadeurs Tech Transfert pour repérer plus rapidement les inventions au sein des laboratoires. “Ce sont des relais sur les terrains qui font partie des laboratoires et des départements de l’institut. Il regroupe par exemple des managers de projets, des cadres de santé ou encore des chefs de laboratoires d’excellence (LabEx), qui échangent avec leurs équipes pour faire remonter ce qui se passe dans les laboratoires et faire descendre des informations clés, développer des formations et participer à des appels à projets” précise Cécile Campagne. Les formations qui sont dispensées pour les chercheurs sont organisées à la carte, en fonction du rythme de travail et de l’organisation propre à chaque laboratoire. Un comité Tech Transfert a aussi été mis sur pied. La structure est composée de 15 experts et présidée par le Dr Stéphanie Descroix, directrice de recherche CNRS à la tête de l’équipe Macromolécules et microsystèmes en biologie et en médecine à l’Institut Curie. Selon Cécile Campagne, ce comité a pour objectif de faire bénéficier à tout le monde “d’un socle commun de connaissances pour discuter des projets qui émergent”. Le département de valorisation et de transfert technologique de l’Institut Curie prépare les chercheurs à se démarquer sur le marché. “Nous finançons en interne des PoC et mettons en place des expérimentations et des études de marché lorsque les marchés adressés sont complexes, avant de présenter les résultats de ces travaux aux industriels et aux fonds d’investissement” décrit Cécile Campagne. Pour cette étape, l’Institut Curie s’appuie en partie sur les subventions permises par le biais du label Institut Carnot Curie Cancer. Les spin-off les plus matures vont ensuite monter des partenariats avec les industriels. “Cet accompagnement dure un ou deux ans, pendant lesquels les porteurs de projet définissent des modèles d’affaires et des réseaux de mentorat et d’investisseurs se tissent” témoigne Cécile Campagne. Elle précise que près de la moitié des VCs et des Business Angels en contact avec les spin-off sont étrangers. Pour appuyer son action, l’Institut Curie a lancé un nouveau fonds d’incubation anté création “Startinnov by Institut Curie”, basé sur la philanthropie. Il vise à débloquer rapidement des fonds pour certains projets de création d’entreprise permettant d’apporter les preuves de concept industrielles, avant même que la société ne soit créée. L’Institut s’est fixé un objectif de 600 000 euros par an, pour soutenir 3 projets à hauteur de 200 000 euros chacun. Innovation à l’hôpital : 5 étapes pour gérer le transfert technologique et la valorisation Gustave Roussy : L’innovation comme moteur Pr Fabrice Barlesi de Gustave Roussy, directeur général de Gustave Roussy “Nous avons besoin d’innover” soutient le Pr Fabrice Barlesi de Gustave Roussy, directeur général de Gustave Roussy, à mind Health. Chez Gustave Roussy Transfert, 15 start-up ont été créées ou co-créées depuis les origines en 2001, pour une valorisation totale de 450 millions d’euros. Au cours des deux dernières années, Elikya Therapeutics, Cure 51 et Orakl ont rejoint la galaxie des spin-off de Gustave Roussy et le centre est entré au capital de McSaf. Orakl, notamment, a été créée en mars 2023 à l’initiative de trois chercheurs, Fanny Jaulin, directrice de recherche à Gustave Roussy, Gustave Ronteix, ingénieur et chercheur spécialisé en biologie quantitative et immuno-oncologie, et Diane-Laure Pagès, ingénieure et chercheuse spécialisée dans la biologie du cancer. Gustave Roussy Transfert figure aussi parmi les cofondateurs. Orakl s’appuie sur la technologie d’avatars de tumeurs pour anticiper l’efficacité d’un candidat médicament, améliorer le succès des essais cliniques et l’accès des patients aux traitements innovants. Toutes ces jeunes pousses “sont essentiellement des biotech, comme Orakl, ou des entreprises spécialisées dans le digital, comme Cure 51, qui se base sur l’intelligence artificielle pour analyser le cas des répondeurs exceptionnels dans le traitement contre le cancer” note le Pr Fabrice Barlesi. Gustave Roussy Transfert est la structure qui porte ces sujets de valorisation et de transfert technologique. “Gustave Roussy Transfert est né en 2000 d’une prise de conscience que les produits de la recherche ne devaient pas simplement conduire à des brevets, mais qu’il fallait aussi contrôler la manière dont ils étaient développés afin qu’ils bénéficient in fine aux patients. Sur la base de ce constat, Gustave Roussy Transfert accompagne la création de spin-off pour aider les chercheurs à valoriser leurs projets jusqu’à des étapes avancées du développement. Il faut noter que le travail d’accompagnement fourni par Gustave Roussy Transfert n’est qu’une première étape de valorisation. C’est précisément la raison pour laquelle nous avons co-fondé l’initiative du Paris-Saclay Cancer Cluster, qui est destiné à prendre le relai après cette première étape du développement” explique le Pr Fabrice Barlesi. Gustave Roussy Transfert n’est “pas une entité hors-sol”, précise-t-il, en ce qu’elle est “intégrée au campus de Gustave Roussy, à la fois sur le versant hospitalier et le versant recherche”. En d’autres termes, “les médecins-chercheurs et les chercheurs de l’institut et le personnel de la structure Gustave Roussy Transfert sont en contact permanent. Gustave Roussy Transfert peut donc aisément répondre aux questions des chercheurs à toutes les étapes de leur travail.” Les aides qui sont proposées sont de plusieurs natures. Gustave Roussy Transfert apporte un soutien sur le dépôt de brevets, accompagne les chercheurs dans leur réflexion autour de la création d’entreprise, les aiguillant notamment sur les objectifs visés, les moyens mis en œuvre et le fonctionnement d’une entreprise de l’intérieur. “Nous savons aujourd’hui qu’une partie des entreprises dans le domaine des biotech sont créées et dirigées par des chercheurs, ce qui peut être contre-productif dans un environnement très professionnalisé et complexe. Nous pouvons fournir des formations aux chercheurs (en interne ou via des collaborations) mais il faut des profils qui soient capables de créer, développer et faire vivre une entreprise” constate le Pr Fabrice Barlesi. “Si le projet est suffisamment solide, une discussion s’engage alors autour de la répartition du capital et l’identification de potentiels partenaires et investisseurs pouvant intervenir en soutien à la société” poursuit-il. Gustave Roussy Transfert peut aller “jusqu’au PoC pour aider les porteurs de projet à s’assurer de la solidité de leur produit de recherche”. L’institut déploie à cet effet des programmes émergents dont l’objectif est de soutenir les étapes initiales de la recherche avec des bourses dont les montants peuvent atteindre 250 000 euros. Gustave Roussy et le fonds Sofinnova ont en outre, annoncé le mercredi 13 décembre, une nouvelle collaboration pour soutenir la création de start-up biotechnologiques en oncologie issues de la recherche. Si le contexte économique tendu est moins propice à la création de start-up qu’avant avec des sommes levées moins importantes, le Pr Fabrice Barlesi estime que la vraie question se situe du côté de la maturité des projets : “C’est vrai que le contexte économique dans le domaine des medtech et des biotech est plus tendu, c’est indéniable. Néanmoins, je ne sais pas s’il est en réalité plus tendu ou plus réfléchi. Je pense qu’il y a toujours de l’argent, mais le niveau d’exigence avant investissement est plus élevé qu’il ne l’a été auparavant. Mais je crois qu’il y a quand même toujours des possibilités. Il faut se demander si les produits de la recherche sont suffisamment solides et si l’environnement compétitif a bien été évalué. Les entreprises qui se lancent ne doivent pas hésiter à aller chercher un maximum d’aide et de conseils.” Pour peser à plus grande échelle, Fabrice Barlesi rappelle que Gustave Roussy fait partie du programme MATWIN au sein duquel “les chercheurs participent à des formations, des séances de pitch et des rencontres avec des investisseurs”. Pr Fabrice Barlesi (Gustave Roussy) : “Le numérique permettra une plus grande équité sur le territoire national et au-delà” Chiffres clés Institut Curie : 3 sites (Paris, Saint-Cloud et Orsay) 3700 chercheurs, médecins et soignants Plus de 140 millions d’euros de revenus générés par la recherche partenariale (hors essais cliniques) depuis 2011, dont un montant de 14 millions en 2022 31 start-up créées depuis 2002, parmi lesquelles Mnemo Therapeutics, Inorevia ou encore Abivax Un portefeuille de 990 brevets (2023) Plus de 800 millions d’euros ont été levés en cumulé par les start-up (2023) Plus de 375 emplois créés via les start-up (2022) Plus de 500 contrats de collaboration signés depuis 2011, dont 115 en 2022 Gustave Roussy : 2 sites (Villejuif et Chevilly-Larue) 1150 personnels dédiés à la recherche, 1150 soignants et 620 médecins 480 millions d’euros de budget global (2023) 15 start-up créées ou co-créées Une valorisation de 450 millions d’euros au total 96 familles de brevets sont gérées par Gustave Roussy Transfert, de manière directe ou indirecte (à la mi-2023) 8 personnes travaillent au sein de Gustave Roussy Transfert, dont Christophe Javaud, le directeur opérationnel Clarisse Treilles biotechFinancementsoncologieRecherchestart-up Besoin d’informations complémentaires ? 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