Accueil > Industrie > L’AFCROs publie son livre blanc sur les essais cliniques décentralisés L’AFCROs publie son livre blanc sur les essais cliniques décentralisés L’association française des CRO (AFCROs) qui regroupe une centaine d’entreprises de la recherche clinique, a présenté le 25 octobre son livre blanc baptisé “Essais cliniques décentralisés : des paroles aux actes”. Destiné à encourager le développement de ce nouveau modèle de recherche, il dresse un état des lieux des pratiques, identifie les facteurs-clés de succès des “essais hybrides” et formule des recommandations pour l’avenir. Par Romain Bonfillon. Publié le 26 octobre 2022 à 17h50 - Mis à jour le 31 octobre 2022 à 15h43 Ressources À marche forcée, la crise sanitaire du Covid a permis l’émergence d’une forme hybride d’essais cliniques, menés en partie dans les centres investigateurs (qui sont le plus souvent les hôpitaux) et en partie directement auprès du patient. Co-animatrice du groupe de travail de l’AFCROs dédié aux essais cliniques décentralisés, Magaly Rohé précise : “Nous sommes parfaitement conscients que des essais pleinement décentralisés n’ont pas leur place dans la pratique de la recherche clinique, en tout cas aujourd’hui en France. Notre idée était donc de voir comment le domicile peut venir en relais de l’hôpital”. ESSENTIELS : Les essais cliniques décentralisés Le cadre des travaux Selon la définition de l’AFCROs, les essais cliniques décentralisés sont des essais conçus pour « apporter l’essai au patient en utilisant des fournisseurs de soins de santé locaux, en optimisant les technologies de santé numériques et en permettant à la voix du patient d’accélérer l’accès aux thérapies pour les patients et de créer de l’efficacité à travers les processus de recherche clinique ». Pour son livre blanc, l’AFCROs s’est intéressée spécifiquement au domicile comme modalité de décentralisation, en recourant à l’intervention de professionnels de santé pour recueillir des données de santé via des questionnaires complétés par des patients, organiser des prélèvements (sanguins, urinaires, ADN, etc.), prendre des mesures (poids, signes vitaux, électrocardiogramme, etc.), réaliser des tests de dépistage, suivre l’observance du traitement, etc. Dans la majorité des cas, les professionnels de santé intervenants dans ce cadre sont des infirmiers ou des kinésithérapeutes, de statut libéral, précise l’AFCROs La méthode et les objectifs du livre blanc Afin de rédiger le livre blanc de l’AFCROs, un groupe de travail composé de plusieurs CRO a permis de faire émerger les retours d’expériences et points de vue de chacun. Des entretiens ont également été menés auprès de différents acteurs (des investigateurs, des attachés de recherche clinique, des patients et des professionnels de santé). Le livre blanc a pour but de confirmer “la faisabilité d’un projet de recherche en partie à domicile et de déterminer les conditions optimales de réalisation d’un projet d’étude clinique décentralisée en France”. “L’objectif de notre groupe de travail était aussi de faire émerger l’ensemble des bénéfices de cette pratique, que l’on considère comme “vertueuse pour l’ensemble du système de santé”, ajoute Magaly Rohé. Les bénéfices à attendre Les essais cliniques décentralisés, relève le livre blanc, ont un interêt à la fois : pour les patients (en allégeant les contraintes liées au protocole) et en particulier les plus vulnérables (ceux qui ont des difficultés à se déplacer et/ou qui ont des protocoles particulièrement exigeants) ; pour les promoteurs, qui peinent à recruter. “Cette pratique permet de rendre le protocole plus attractif et de susciter l’intérêt des patients”, souligne Magaly Rohé ; pour l’hôpital : dans un contexte de fortes tensions des ressources hospitalières, ces études permettent de recentrer ces ressources in situ sur la recherche à haute expertise ; enfin, pour les professionnels de santé acteurs du domicile, cela les incite à s’impliquer davantage dans la recherche clinique aux côtés des investigateurs, en renforçant le lien ville / hôpital. Alexandre Malouvier (ICON plc) : “La prochaine révolution concerne l’e-sourcing” Les freins actuels au développement des essais cliniques décentralisés Dès lors, compte-tenu de ces nombreux avantages, “pourquoi la recherche clinique décentralisée n’est pas plus implantée en France ?” s’est interrogé l’AFCROs. “Il existe plusieurs types de freins, explique Magaly Rohé. Les premiers sont d’ordre culturels. C’est une pratique encore peu connue en France et peu encouragée dans la recherche. Aussi, comme les recherches cliniques sont le plus souvent menées avec des hôpitaux, les professionnels libéraux n’ont pas dans leur formation initiale une formation aux Bonnes Pratiques Cliniques (BPC), ce sont des éléments à développer”, ajoute-t-elle. Sur le volet opérationnel, l’AFCROs relève également que les outils numériques ne sont pas suffisamment implantés pour permettre la fluidité de l’articulation entre la ville et l’hôpital. Enfin, s’agissant des freins règlementaires, il n’existe selon Magaly Rohé “aucun frein en France pour mener un essai clinique décentralisé. Néanmoins, comme la recherche est très encadrée, il faut remplir une succession d’étapes et plus cette pratique est envisagée tardivement dans les projets de recherche, plus il va être difficile de la mettre en œuvre. Recourir à ces essais cliniques demande donc une très grande anticipation”, conclut-elle. Notons toutefois que, même s’il ne s’agit pas là d’un véritable frein réglementaire, l’AFCROs espère voir prochainement le e-consentement autorisé en France, pour faciliter les études cliniques décentralisées (cf. notre encadré) Le e-consentement bientôt autorisé en recherche clinique ? A l’heure actuelle, note l’AFCROs, l’e-consentement n’est pas autorisé en France en raison de la protection du traitement informatisé de données. “L’autoriser nécessiterait la modification des méthodologies de référence de la CNIL. Un travail est en cours à ce sujet, piloté par la CNRIPH (Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine). Le consentement devant être recueilli par le centre lors de la visite initiale, ce qui ne pose pas de frein en tant que tel lors de projets de décentralisation hybrides. En revanche, l’absence d’autorisation du e-consent peut-être un frein dans le cas d’un besoin de re-consentement en cours d’étude”, conclut l’AFCROs Facteurs-clés de succès et recommandations Le groupe de travail de l’AFCROs s’est appuyé sur les quelques essais cliniques décentralisés qui ont été menés en France à ce jour et a finalement identifié 5 facteurs-clés qui permettent de réussir un essai clinique décentralisé : • Anticiper le recours au domicile dans les projets de recherche • S’appuyer sur des partenaires experts pour la formation des professionnels de santé • Mettre en place une coordination forte entre les équipes hospitalières et de ville, sur les volets médicaux, qualité et logistiques • Recourir à des outils numériques hautement sécurisés, intégrés dans la pratique des professionnels de santé • Sécuriser le circuit du médicament, le cas échéant Le groupe a également émis 7 recommandations qui doivent permettre de développer en France les essais cliniques décentralisés : Encourager la décentralisation comme modalité innovante de la recherche Réévaluer le périmètre de responsabilité des acteurs hospitaliers Réaliser une étude médico-économique Faire évoluer la MR001(la méthodologie de référence qui encadre le traitement des données de santé réalisé dans le cadre de recherches nécessitant le consentement du patient, ndlr) Reconnaître officiellement le domicile en tant que lieu de recherche Faciliter le recours encadré au e-consent Harmoniser les critères d’évaluation des CPP (les Comités de Protection des Personnes, qui sont chargés d’émettre un avis préalable sur les conditions de validité de toute recherche impliquant la personne humaine, ndlr) Une priorité : enrichir les connaissances sur ces essais “ En France, il n’existe pas à ce jour de registre des études cliniques décentralisées et sur la base de référence, Clinical trials, il n’existe pas de tag ou de label qui permettrait de les identifier clairement”, fait remarquer Magaly Rohé, qui note cependant que ces essais cliniques décentralisés représentent en France moins de 5% de la pratique des essais cliniques. Aux Etats-Unis, relève-t-elle également, ces essais cliniques décentralisés représentent, d’après les dernières études, entre 20 et 40 % des essais cliniques. La marge de progression est donc grande pour la France et parmi les actions prioritaires à engager, Magaly Rohé note la nécessité de “mener une étude médico-économique en France, mettant en avant l’impact financier des essais cliniques décentralisés, car la question se pose évidemment pour les promoteurs et les sponsors de ces études”. [Etude exclusive mind Health] Quelles entreprises françaises ont lancé des essais cliniques incluant du numérique ? Les essais cliniques décentralisés en chiffres 70% des patients inclus dans un essai clinique résident à plus de 2 heures d’un centre investigateur (Rapport McKinsey 2021) 80 à 90% des essais sont retardés en raison de difficultés à recruter des patients (Rapport Essais cliniques 2030, LEEM et IQVIA, 2021) Un sondage réalisé auprès de 383 patients de la communauté de libheros (solution phygitale de prise de rendez-vous et d’accompagnement des patients et leurs proches) révèle que : seulement 8% des répondants se sont déjà vu proposer de participer à un essai clinique ; parmi les patients ayant refusé de participer à un essai clinique, 1 sur 5 l’a fait au motif d’un protocole jugé trop contraignant ; 65% des individus ayant participé à un essai clinique déclarent qu’ils auraient préféré qu’une partie du protocole de recherche se déroule à domicile, notamment pour les prises de sang. Romain Bonfillon Essais cliniquesEtudeHôpitalPatientRecherche Besoin d’informations complémentaires ? 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