Accueil > Industrie > Medtech : agir vite pour assurer à long terme une valeur maximale des transactions Medtech : agir vite pour assurer à long terme une valeur maximale des transactions Dans le secteur de la medtech, les stratégies ciblant les fusions-acquisitions à forte croissance potentielle sont marquées par l’acceptation implicite de payer le prix fort. Pourtant, compte tenu des sommets vertigineux atteints par les valorisations, difficile d’y avoir systématiquement recours. L’une des solutions consiste à prendre une participation stratégique et à occuper le terrain sans attendre. Par Pharma Intelligence. Publié le 15 mars 2022 à 9h00 - Mis à jour le 15 mars 2022 à 12h21 Ressources Au cours d’une table-ronde organisée à l’occasion de la conférence Medtech 2021, les intervenants des quatre principales medtechs mondiales – Becton, Dickinson and Company, Medtronic, la banque d’investissement Piper Sandler, et le gestionnaire de fonds de santé SV Health Investors, ont analysé les stratégies à l’œuvre en matière de fusions-acquisitions après une année 2021 marquée par transactions aux montants inédits. Sur l’ensemble de l’année 2021, on note ainsi 64 opérations de fusions-acquisitions dans ce secteur de la santé, pour un montant de 111 Mds $. Deux chiffres qui constituent chacun un record historique. Un autre record a été établi en termes de financement par capital-risque pour les medtechs et les technologies à vocation médicale en général : 34 Mds $ en nouveaux capitaux levés au cours de la seule année écoulée. Medtech : 10 sujets prioritaires pour 2022 Poursuite des fortes valorisations en 2022 L’année 2021 a été caractérisée par des valorisations d’un niveau historique pour les medtechs, et cette tendance devrait se poursuivre en 2022. Il y a également eu un nombre important de désinvestissements et d’essaimages, ainsi que de nombreuses transactions dans le domaine de la santé numérique, y compris la télésurveillance cardiaque, avec notamment le rachat par Boston Scientific Corporation de Preventice Solutions et Royal Philips qui a déboursé 2,8 Mds $ pour s’approprier BioTelemetry. À noter également, le retour en force des fonds propres en 2021, avec notamment l’opération Medline Industries, spécialisée dans les fournitures médicales, qui aura été la transaction la plus importante de LBO (rachat par endettement) sur la décennie, et le signal que les investisseurs en fonds propres sont prêts à dépenser de l’argent alors que la pandémie de Covid-19 commence à faiblir. “Les entreprises doublent leurs perspectives de croissance et sortent du Covid avec plus de clarté et de certitudes sur leurs activités”, constate ainsi John Babitt, du cabinet Ernst & Young. Kurma Partners vise 250 M€ pour son nouveau fonds accélérateur de croissance Un climat de méga transactions L’optimisme règne à l’égard des fusions-acquisitions, et le climat des méga transactions reste au beau fixe. Un exemple récent est celui de l’américain Baxter Healthcare qui a acquis en 2021 pour 10,5 Mds $ la société Hill-Rom Services, spécialisée dans les lits d’hôpitaux et les systèmes de monitoring. Malgré le variant Omicron, le rythme des fusions-acquisitions est resté soutenu en décembre 2021. L’américain Quidel Corporation a notamment signé un contrat de 6 Mds $ pour faire tomber Ortho Clinical Diagnostics dans son giron. Les transactions ont continué sur un bon rythme en janvier 2022, Stryker Corporation rachetant le Californien Vocera pour 3,09 Mds $, et Medtronic s’appropriant Affera. “Les transactions sont restées robustes, et la motivation demeure forte en 2022 pour les fusions-acquisitions, avec beaucoup de liquidités sur le marché”, observe John Babitt. Charles Hamilton, directeur général de la banque d’investissement Piper Sandler spécialisée notamment dans la santé, partage ce point de vue. Les Etats-Unis ont connu une période sans précédent d’incitations fiscales, ce qui a permis aux entreprises d’identifier de nouvelles opportunités, explique-t-il, ajoutant que la “medtech offre d’incontestables perspectives à long terme, et nous ne percevons aucun signe de fléchissement.” Au cours de la dernière décennie, le secteur de la medtech a réalisé en moyenne une cinquantaine de fusions-acquisitions par an, pour une valeur dépassant les 50 M$ chaque année. Le premier semestre 2021 a vu 46 transactions de ce type, et 18 lors du second semestre, ce qui fait de 2021 une année record, explique Charles Hamilton. Les HealthTech françaises passent “un cap de maturité” Solutions de bout en bout La tendance actuelle qui consiste à s’investir dans l’espace de la santé numérique souligne la volonté d’intégrer des technologies capables d’améliorer les workflows et le suivi des patients. La stratégie à l’œuvre dans la medtech voit dans ces transactions la possibilité de se doter des capacités requises pour se connecter et automatiser les processus. “Nous anticipons d’autres transactions de ce type”, reconnaît John Babitt, aux yeux duquel il s’agit avant tout d’une consolidation des prestations de soins et des services de santé, dans un environnement où l’un des objectifs majeurs consiste à devenir un prestataire de solutions de bout en bout. Parvenir à cet objectif requiert une plus forte implication dans le numérique, qu’il s’agisse du diagnostic amont, de la gestion des dossiers médicaux électroniques, de la conception des produits, ou du back end, où l’accent est mis sur la surveillance post-traitement des patients. Catherine Boule (Karista): “En santé digitale, les projets doivent avoir au moins un rayonnement européen pour se valoriser très cher” Dérisquer et valoriser en agissant vite Alors que les entreprises émergentes montrent leur volonté d’aller encore plus loin dans les fusions-acquisitions, les medtechs déjà en place en viennent également à repenser leurs stratégies en matière de transactions. Eric Wolf, qui pilote depuis la mi-2021 la stratégie de développement corporate de Becton Dickinson, qui produit et vend du matériel médical, a ainsi expliqué que la société avait mené à bien 7 transactions au cours des onze mois précédents. Becton Dickinson a été un acteur très actif dans les fusions-acquisitions, ciblant particulièrement les systèmes intelligents, le traitement des cas peu graves et les soins non aigus, ainsi que le diagnostic et les interventions pour les pathologies chroniques. L’inflation de la valorisation des medtechs sur l’ensemble du marché a encouragé Becton Dickinson à se montrer plus rapide à l’égard d’actifs dont le moment idéal pour leur acquisition serait pourtant d’attendre environ trois à cinq ans. Pour Eric Wolf, il s’agit désormais de “devenir plus agressif” en amont de tout processus compétitif pouvant survenir dans le futur. “En analysant le portefeuille actuel, on peut s’éviter de payer plus tard de manière inconsidérée“, explique-t-il. Medtronic a poursuivi une politique similaire avec la société Affera. En janvier 2022, Medtronic a accepté d’acquérir les actions en circulation de la société, dont elle détenait déjà stratégiquement 3 % via son portefeuille d’investissements minoritaires. L’impératif de valorisation Les medtechs sont aujourd’hui contraintes de bien peser le pour et le contre des opérations de fusion-acquisition en raison du haut niveau de valorisation actuel des entreprises cotées en bourse. De fait, les entreprises négocient sur la base de douze fois le montant de leur chiffre d’affaires alors que, historiquement, la valeur de reprise n’est jamais supérieure à sept ou huit fois ce montant. “Les entreprises les plus grosses n’hésitent pas à occuper le terrain un peu plus tôt et à investir sans tergiverser, en acceptant une partie des risques techniques ou cliniques. Mais elles le font de manière progressive et prudente”, note John Babitt, estimant que cette tendance devrait se poursuivre en 2022. Depuis cinq ans, SV Health Investors a quelque peu changé son fusil d’épaule en matière de medtechs et vise désormais davantage vers les technologies de l’information et les services dédiés à la santé. L’entreprise cible maintenant les entreprises en phase de croissance et les dispositifs connectés, les thérapeutiques numériques et la télésanté. Ces secteurs sont aujourd’hui sa principale source d’intérêt, bien plus que les systèmes conventionnels, jugeant que les risques de perte de capital persistent avec ces derniers, et augmentent même avec les essais cliniques de phase III. L’approche mixte de Medtronic Hasini Muthucumarana, directrice du développement et des fusions-acquisitions de Medtronic, confirme l’intérêt que porte son entreprise aux investissements dans les technologies basées sur la data, capables de prédire des résultats et de fournir des thérapies personnalisées. Mais, dans la mesure où certaines des opportunités de fusion-acquisition pourraient ne pas être en capacité d’engendrer du cash à court terme, elle explique combien il est important de jauger précisément les besoins d’aujourd’hui à l’aune des opportunités de demain. Avec l’entreprise américaine Viz.ai, spécialisée dans les technologies de détection des accidents vasculaires et dans la coordination des soins, Medtronic a opté pour le partenariat, avec pour ambition de transférer la technologie acquise vers de nouveaux espaces, au-delà de son axe neurovasculaire actuel, vers les soins virtuels et la télémédecine. Hasini Muthucumarana a également promis pour Medtronic de nouveaux investissements internes et externes dans la data et dans les capacités d’intelligence artificielle. Revisiter la notion d’acquisition complémentaire Medtronic a procédé à 7 opérations de fusion-acquisition au cours des douze mois séparant les conférences medtech 2020 et 2021. Beaucoup d’autres acquisitions complémentaires (les “tuck-in”) étaient déjà dans le pipeline, confirmant l’avis général exprimé par les participants à la table ronde qui ne voient aucun ralentissement. Au bout du compte, les acquisitions complémentaires constituent une stratégie empirique pour les OEM, perçue par Charles Hamilton comme étant “la force vive de l’industrie des medtechs.” Becton Dickinson a utilisé cette approche d’acquisition complémentaire pour racheter à la mi-2021 la société Tepha, spécialiste des technologies polymères résorbables dans laquelle Becton Dickinson avait pris dès 2014 une participation minoritaire. “C’était l’occasion de réduire les risques liés à la chaîne logistique pour certaines de nos technologies existantes”, explique Eric Wolf. Fonds d’investissement privés in, SPAC out ? Les fonds d’investissement privés ont fait leur retour en force dans les medtechs en 2021, avec l’une des opérations de LBO les plus importantes jamais réalisées avec la transaction concernant la société américaine Medline Industries. Les fonds d’investissement privés sont devenus de plus en plus thématiques dans la medtech et, en raison de la rareté des actifs, ils sont également plus compétitifs. Ces fonds sont perçus comme étant plus agressifs sur la valorisation, et prêts à accepter des retours moins importants afin de s’assurer une meilleure situation en portefeuille ou de garantir une expansion géographique. Selon Charles Hamilton, la dynamique dont ont bénéficié les fonds d’investissement privés en 2021 devrait persister. On estime que les fonds d’investissement privés détiennent environ 1 trillion de dollars en trésorerie hors endettement à pouvoir dépenser et, au bas mot, 2 trillions de dollars sur une base d’endettement. Par contraste, les Sociétés d’acquisition à vocation spécifique (SPAC), montées en puissance quand sévissait la pandémie, ont maintenant perdu la faveur des investisseurs. Beaucoup d’argent a été levé, mais il reste maintenant aux SPAC à se déployer en 2022 ou 2023. Tous secteurs confondus, environ 440 SPAC étaient en quête d’opportunités fin 2021, dont 59 focalisées sur le secteur de la santé. Sur les 28 fusions réalisées, les bénéfices moyens des SPAC se sont élevés à 248 M$. La majorité des SPAC a négocié au-dessous du prix d’émission, mais les transactions se poursuivent, note Charles Hamilton. Pour lui, les opportunités qu’offrent les SPAC demeurent une alternative intéressante à l’introduction en bourse pour les entreprises de la medtech. Cet article est proposé gracieusement par notre partenaire, Pharma Intelligence, un leader mondial d’analyses de marché, d’intelligence, et de données dédiées au secteur pharmaceutique. Par Ashley Yeo pour Pharma intelligenceArticle original publié le 22 février 2022 Pharma Intelligence acquisitionFusionMedtechsPharma IntelligenceSPAC Besoin d’informations complémentaires ? 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