Accueil > Industrie > R&D > Salah-Dine Chibout (Novartis) : “Avec le numérique nous serons plus efficaces pour identifier et investir sur de nouvelles cibles” Salah-Dine Chibout (Novartis) : “Avec le numérique nous serons plus efficaces pour identifier et investir sur de nouvelles cibles” Big data, modélisation numérique, imagerie… la recherche de Novartis s’appuie sur les nouvelles technologies pour accélérer la découverte de molécules mais aussi pour leur évaluation. Salah-Dine Chibout, responsable Monde des investigations toxicologiques de Novartis et membre de l’IMI (innovative medicine initiative) détaille les projets du NIBR (Novartis Institutes for BioMedical Research) du laboratoire suisse. Par Aurélie Dureuil. Publié le 16 février 2018 à 16h10 - Mis à jour le 16 février 2018 à 16h10 Ressources Pouvez-vous présenter l’activité que vous dirigez chez Novartis ? Mon domaine d’expertise est la sécurité du médicament. Cela couvre la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques pour lesquelles nous évaluons la toxicité. Puis le développement des produits et les études de toxicologie. Nous intervenons également au moment des essais cliniques. Quand un effet secondaire est rapporté, nous sommes en charge d’expliquer si cela est dû au produit ou à la maladie elle-même. Enfin, nous sommes également sollicités si des effets secondaires sont détectés quand le produit est sur le marché. Nous sommes responsables de la mise en place des études de toxicologie imposées par les autorités réglementaires de par le monde et nous menons en parallèle toutes les études pour dérisquer les molécules. Nous travaillons sur toutes les aires thérapeutiques. Notre groupe est constitué d’un peu plus de 200 personnes en Suisse (Bâle) et aux Etats-Unis (New Jersey et Massachusetts). Quelles sont les évolutions technologiques aujourd’hui dans le domaine de la toxicologie ? Le domaine de la toxicologie n’a pas beaucoup évolué ces 50 dernières années. Nous avons récemment investi dans de nouvelles technologies pour comprendre et évaluer les effets secondaires potentiels. Aujourd’hui, le numérique va transformer notre capacité à faire le lien entre une structure chimique et une toxicité. Il est en effet très complexe d’identifier ces liens potentiels. Chez Novartis nous disposons d’une énorme base de données de toxicologie. Nous avons créé un groupe in silico qui utilise des ordinateurs très puissants pour établir ces liens entre structure chimique et toxicité. Votre groupe fait partie du NIBR. Pouvez-vous détailler les axes de développement ? Au sein du NIBR, Novartis compte plus de 6 000 employés à travers 6 campus à travers le monde. Nous avons de nombreux sujets. L’objectif principal est d’obtenir des produits qui arriveront beaucoup plus vite sur le marché et vers des patients mieux identifiés. Avec le numérique nous serons plus efficaces pour identifier et investir sur de nouvelles cibles. Cela va ouvrir d’autres perspectives pour les maladies et pour les patients. Nous travaillons également sur l’accélération du recrutement des patients pour les essais cliniques. Qu’en est-il des évolutions dans la découverte de molécules ? Dans le domaine pharmaceutique, l’évolution des connaissances a connu une accélération relativement importante ces dernières années. Le plus visible est dans l’immuno-oncologie, et notamment avec les CAR-T. Novartis a obtenu l’autorisation de mise sur le marché du premier médicament avec les CAR-T aux Etats-Unis en 2017 et nous sommes en cours de soumission en Europe. Il y a également d’autres technologies de rupture comme le “gene editing” avec Criper Cas9. De plus, nous travaillons sur des cibles que nous pensions inatteignables. C’est en train de changer grâce au numérique. Cela va nous aider à modéliser des protéines cibles qui sont à l’origine de plusieurs maladies et de les éliminer. Ces technologies demandent des capacités d’ordinateur ultra-puissant. Nous utilisons également de l’intelligence artificielle qui va apprendre à reconnaître des cibles et à les connecter à des maladies. Nous entrons dans une révolution pour la découverte de cibles thérapeutiques. Comment utilisez-vous les évolutions de l’imagerie ? Dans le domaine de la pathologie, les scientifiques regardent au microscope la forme des cellules d’organes traités et non traités. Les différences indiquent une toxicité potentielle. Aujourd’hui, nous sommes capables de numériser des lames d’analyse et des tissus. Nous obtenons énormément plus d’informations. Nous pourrons par exemple voir des formes de cellules que nous ne distinguions pas en 2D ainsi que des interactions spécifiques entre les cellules. Il s’agit du programme Pathologie 2.0, qui vise à créer un nouvel atlas des pathologies. Grâce aux ordinateurs, nous serons capables d’affiner nos diagnostics sur des biopsies et d’identifier les médicaments les plus efficaces pour les patients. Ce programme a démarré en janvier 2018 au sein du NIBR, dans le cadre du Genesis Lab, et doit durer 18 mois. Quelles sont vos sources de données ? Nous avons conduit des études cliniques depuis plus de soixante-dix ans. Nous avons stocké une énorme quantité d’informations, mais jusqu’à maintenant nous n’avions pas eu d’accès à ces données du fait du manque de capacités des ordinateurs. Nous sommes aujourd’hui capables d’aller dans nos bases de données cliniques pour cibler des maladies. La qualité de nos données est reconnue comme extrêmement fiable. Nous allons pouvoir faire le lien entre des évènements extrêmement complexes et parfois rares. Avec notre banque de données de criblage à haut débit, nous allons passer au crible des millions de molécules pour trouver des candidats médicaments. Dans les dernières décennies, les chimistes synthétisaient des molécules et les transmettaient aux biologistes pour les tester. Maintenant, nous intégrons la chimie, la biologie et l’informatique au sein d’une même activité nommée Chemical biology. Vous êtes engagés dans le programme public/privé européen Innovative medicine initiative (IMI) ? L’objectif d’IMI est de booster les activités de recherche et développement de médicament en Europe. Nous participons à plusieurs programmes. Nous investissons particulièrement dans le numérique. L’objectif est de travailler en partenariat avec tous les acteurs du système de santé en Europe et les experts en numérique pour accélérer l’intégration de ces nouvelles technologies dans la R&D. Dans le domaine de la toxicologie, nous travaillons sur des sujets non compétitifs comme de comprendre la toxicité de structures chimiques. Nous aspirons à avoir la capacité de prédire l’effet sur un organe spécifique d’une structure chimique en utilisant les données combinées de nombreuses compagnies pharmaceutiques. Quels sont les autres travaux auxquels vous collaborez avec l’IMI ? Dans le domaine des études cliniques, nous sommes leaders du programme Diamond. Il s’agit de développer des outils numériques pour le suivi des patients participants à un essai clinique. Par exemple, dans le cadre des études sur la mobilité de personnes âgées, des objets connectés peuvent permettre de calculer le temps de parcours d’une distance ainsi que les conditions. Nous travaillons avec les autorités pour que l’analyse numérique soit acceptée comme un point essentiel de l’étude. Ce projet a été accepté. Nous sommes dans la phase d’identification des membres publics du consortium. Avez-vous d’autres projets en cours avec IMI ? Effectivement nous avons plusieurs projets en discussion. Dont un consiste à créer une base de données des études cliniques dans les hôpitaux. Quand un patient ne correspond pas aux critères pour entrer dans un essai clinique, il faut essayer de le rediriger vers d’autres études. Le numérique va permettre de connecter les patients vers les études cliniques qui leur correspondent spécifiquement. SALAh-Dine Chibout 2010 : responsable Monde des investigations toxicologiques de Novartis. 2008 : responsable adjoint de la science translationnelle du NIBR en Europe. 2007 : Responsable des partenariats public/privé IMI pour Novartis. 1990 : Intègre le département de toxicologie de Sandoz. Il occupe ensuite divers postes chez Sandoz puis Novartis. Aurélie Dureuil Essais cliniquesImagerie médicaleIntelligence ArtificielleLaboratoiresMédicamentRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind