Accueil > Industrie > Santé numérique : 12 grands changements attendus en 2023 Santé numérique : 12 grands changements attendus en 2023 Si ces trois dernières années ont été marquées par la construction de l’infrastructure de la "maison du numérique en santé", l’année 2023 sera celle, charnière, de la question de l’usage. Parallèlement, au niveau européen, de nombreux textes législatifs doivent rebattre les cartes de la concurrence, à l’heure où l’écosystème français de la santé multiplie les initiatives (nouveaux incubateurs, procédure fast track, appels à projets) pour intensifier et accélérer la mise sur le marché de ses solutions numériques. Par Romain Bonfillon. Publié le 04 janvier 2023 à 9h43 - Mis à jour le 04 janvier 2023 à 9h46 Ressources 1 – Télésurveillance : après les décrets de remboursement, le déploiement L’entrée dans le droit commun de la prise en charge de la télésurveillance médicale (son remboursement par l’Assurance maladie), avait été repoussée sine die pendant l’été 2022. Le PLFSS 2023 est venu mettre un terme à cette incertitude. La publication au Journal officiel des deux décrets relatifs au remboursement de la télésurveillance médicale est finalement le 31 décembre dernier. L’enjeu pour l’écosystème du numérique en santé est de taille puisque la Stratégie d’Accélération Santé Numérique (SASN), qui porte actuellement le projet d’un accès au remboursement via une prise en charge anticipée, attendait les décrets d’application sur la télésurveillance pour lancer cette nouvelle procédure, comme l’a confié à mind Health David Sainati, le coordinateur de la SASN. 2 – Une procédure “fast track” pour la prise en charge des DM numériques À l’instar du DiGA allemand, la Délégation ministérielle du numérique en santé a voulu mettre en place une prise en charge anticipée (PECA) pour promouvoir les dispositifs médicaux numériques (DMN). Sont concernés par cette prise en charge les DM à visée thérapeutique qui seront inscrits sur la LPPR (liste des produits et prestations remboursables) et les DM de télésurveillance médicale qui seront inscrits sur la nouvelle liste. La PECA aura une durée d’un an non renouvelable. La CNEDiMTS de la HAS sera chargée de l’évaluation de ces DM numériques et conditionnera son accord à une “amélioration de la prestation médicale”. À noter qu’une expérimentation d’évaluation médico-économique des DM numériques sera lancée par la HAS en 2023. Cette évaluation devrait durer trois ans et pourra être renouvelée. Concernant les DM de télésurveillance médicale, la HAS doit publier au premier semestre 2023 un référentiel qui définira les exigences minimales applicables à l’opérateur. 3 – La feuille de route 2023/2027 du numérique en santé Portée par Dominique Pon et Laura Létourneau, la dernière feuille de route de la Délégation ministérielle du numérique en santé couvrait la période 2019-2022 et a fait l’objet d’un bilan publié en juin 2022. La nouvelle feuille de route, portée désormais par Hela Ghariani et Raphaël Beaufret, a été présentée le 14 décembre dernier. Il ne s’agit pour l’heure que d’un projet soumis à concertation dont la version définitive devrait voir le jour autour d’avril/mai 2023. Elle définira l’ensemble des actions publiques en matière de santé numérique, pour les cinq années à venir. 4 – L’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA) Une vague de profonds changements législatifs européens en lien avec le monde numérique (DSA, le DMA, IA act, …) est à prévoir ces prochains mois et années. Le Digital Markets Act ou DMA sera le premier de ces textes à entrer en vigueur, courant 2023. Visant clairement les Gafam, sans jamais les citer, il vise à réintroduire une forme d’équilibre face aux géants du net en donnant de nouvelles armes pour qualifier un abus de position dominante sur le marché. Pour Mannaïg Gabillard, avocate au Cabinet Askesis, “le DMA est du jamais vu, de par sa dimension intrusive pour les entreprises”, et marque “une nouvelle philosophie en droit de la concurrence puisqu’elle repose sur un régime préventif : l’objectif n’est plus de sanctionner un abus mais de le prévenir”. Définitivement adopté le 14 septembre 2022 et publié au Journal officiel de l’Union européenne le 12 octobre 2022, le DMA doit, selon le portail de la Direction générale des entreprises, prendre effet en avril 2023. 5 – Le déploiement de Mon espace santé Lancée en janvier 2022, la plateforme d’État appelée à devenir “le carnet de santé numérique de tous les Français” s’est vu adjoindre ces derniers mois un certain nombre de nouvelles fonctionnalités et services, parmi lesquels un catalogue d’applications. Ayant adopté une philosophie d’innovations incrémentales, Mon espace santé s’enrichit au fil des mois. Aussi la cellule data de mind Health a-t-elle décidé de tenir à jour tous les sites et applications qui intègrent le Store de la plateforme, en précisant leurs chiffres de fréquentation. Pour permettre aux usagers de Mon espace santé de stocker et de partager des données de santé au travers d’applications référencées, des API sont en train d’être mises en place. Durant le premier semestre 2023, a expliqué Pierre Dubreuil, directeur de projet à la DNS, à mind Health, les applications candidates à l’échange de données avec Mon espace santé seront référencées, puis une première version des API sera lancée. Une deuxième version améliorée, intégrant les remarques des éditeurs, devrait voir le jour au second semestre 2023. Mi-2023, un agenda doit également être ajouté à la plateforme, pour centraliser tous les rendez-vous médicaux. Mon espace santé pourrait également devenir cette année le carnet de santé numérique de l’enfant, avec la mise à disposition d’un calendrier vaccinal, de recommandations adaptées à chaque âge et la dématérialisation des courbes de croissance. 6 – Le e-consentement autorisé dans les essais cliniques Le e-consentement ou consentement électronique doit à date encore faire l’objet d’une autorisation de la Cnil pour pouvoir être utilisé dans le cadre d’essais cliniques dits interventionnels ou avec contraintes pour les patients (RIPH 1 et 2). Un groupe piloté par la CNRIPH (Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine) et rassemblant notamment l’AFCROs, la Cnil, l’ANSM, le Leem et le Snitem travaille à la mise en place de critères pour faire définitivement accepter le e-consentement dans les essais cliniques. Selon le Dr Hubert Méchin, président de l’AFCROs, “les travaux actuels avancent bien” et le e-consentement devrait se généraliser pour l’ensemble des essais cliniques “dans le courant de l’année 2023″. 7 – Le report du MDR à 2028 ? Durant toute l’année 2022, les acteurs du dispositif médical – aussi bien ceux qui les fabriquent que ceux qui sont chargés de les évaluer – ont à plusieurs reprises pointé du doigt les difficultés posées par les délais contraints de mise en conformité avec le nouveau règlement européen, le MDR (Medical Device Regulation). Initialement prévue le 26 mai 2020 et repoussée au 26 mai 2024, la mise en application du MDR pourrait être encore retardée (au travers d’un allongement de la période dite “de grâce”) afin de dissiper l’actuel goulet d’étranglement dans l’homologation des dispositifs médicaux par les organismes notifiés (ON). C’est en tout cas le signe donné le 9 décembre dernier par la Commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, en proposant un report à 2028 pour les appareils à risque moyen et faible et à 2027 pour les produits à haut risque. Elle suggère également de supprimer la date de fin de commercialisation des stocks de dispositifs certifiés selon l’ancienne norme (fixée à mai 2025) “pour que les produits sûrs actuellement sur le marché ne soient pas mis au rebut”. Un amendement reprenant l’ensemble de ces propositions devrait être présenté en janvier 2023. Il devra ensuite être voté par le Conseil européen et le Parlement. 8 – La course au cloud souverain est lancée Le 27 mai 2021, Orange et Capgemini annonçaient la création de la société “Bleu”, fournisseur français de services cloud “de confiance” s’appuyant sur les briques techniques de Microsoft Azure. Cinq mois plus tard, Thalès et Google annonçaient un partenariat stratégique pour développer un cloud souverain baptisé S3NS et dit également “de confiance”. Problème : aux yeux du public comme des experts, la présence d’un acteur américain dans ces consortiums entache sérieusement la confiance qu’on peut leur accorder. Les polémiques autour du Health Data Hub, qui selon Stéphanie Combes, sa directrice, devrait rester hébergé chez Microsoft Azure jusqu’en 2025, en témoignent. De nouveaux acteurs français sont pourtant arrivés dans cette guerre des nuages fin 2022. Docaposte, Dassault Systèmes, Bouygues Telecom et la Banque des Territoires se sont ainsi associés dans une alliance baptisée Numspot. Ce consortium se vante d’être 100% français (même le projet Gaïa-X, qui semble aujourd’hui le plus avancé, réunit des acteurs américains) et de proposer une solution dès 2023, là où ses principaux concurrents – Bleu et S3NS – ne devraient pas être opérationnels avant 2024. 9 – La poursuite et l’élargissement du programme Ségur Le programme “Ségur du numérique en santé” comprend un financement à l’équipement (SONS) pour que les logiciels utilisés à l’hôpital et en ville respectent un certain nombre d’exigences (interopérabilité, sécurité, intégration des services et référentiels socles, etc.). Dès le mois de janvier 2023, trois task forces doivent débuter leurs travaux pour créer de nouveaux couloirs de remboursements pour 7 nouvelles professions : les chirurgiens-dentistes, les sage-femmes, les masseurs-kinésithérapeutes, les infirmiers, les pédicures-podologues, les orthophonistes et les orthoptistes. Leurs conclusions sont attendues pour l’été 2023. À noter également que les textes réglementaires relatifs à la vague 2 du financement Ségur numérique en santé devraient être publiés au Journal officiel à la mi-juin 2023 (cf. le calendrier du déploiement du Ségur numérique). 10 – De nouveaux incubateurs Plusieurs incubateurs en santé vont éclore en 2023 ou ont vu le jour fin 2022. Leur déploiement devrait donc se faire dans les prochains mois. Sans prétendre à l’exhaustivité, citons le lancement de l’incubateur alsacien Quest for health, qui cible les start-up biotech, medtech et e-santé. L’Hôtel-Dieu (AP-HP) va lui aussi accueillir un incubateur axé “biotech/medtech”, géré par l’incubateur américain BioLabs. Cet espace vise à favoriser les interactions entre le monde de la recherche, l’hôpital et les start-up. Aussi, notons que le Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) est le premier lauréat de l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) Biocluster, lancé dans le cadre du plan France 2030. Doté de 300 M€, il doit faire émerger des bioclusters de dimension mondiale. Dans ce cadre, le PSCC recevra entre 80 à 100 millions d’euros de l’État sur 10 ans. 11 – Des expérimentations de la HAS à partir des entrepôts de données de santé hospitaliers La Haute autorité de santé a publié le 17 novembre dernier un premier rapport sur les entrepôts de données de santé hospitaliers (EDSH). La HAS a recensé 22 EDSH, dont 18 sont aujourd’hui en phase d’exploitation active. Dès 2023, des expérimentations de la HAS à partir des EDSH seront lancées autour de l’utilisation des médicaments innovants à l’hôpital ou encore sur le développement d’indicateurs automatiques de qualité en temps réel. 12 – Établissements de santé : un vaste programme de préparation aux incidents cyber Suite à la cyberattaque du CHSF (Corbeil-Essonnes) et à celle du CH de Versailles, le gouvernement a décidé de se mobiliser pour renforcer la cybersécurité des établissements hospitaliers. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention et Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications se sont réunis le 21 décembre dernier pour annoncer le lancement d’un vaste programme de préparation aux incidents cyber. Ce plan imposera de nouveaux exercices à “100 % des établissements de santé les plus prioritaires”. Ils devront être réalisés d’ici mai 2023. Romain Bonfillon APIApplication mobilecloudCybersécuritéDispositif médicalEntrepôt de données de santéEuropeFinancementsGAFAMIncubateursMinistèreMon espace santéRèglementaireTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind