Accueil > Parcours de soins > Gestion de la data > Benjamin Lemoine (Anap) : “Nous abordons le numérique en tant que levier de performance” Benjamin Lemoine (Anap) : “Nous abordons le numérique en tant que levier de performance” L'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) a mis à disposition des professionnels, décideurs, soignants et membres des directions des systèmes d’information des établissements plus de 400 outils pour lever les freins à l’usage du numérique en santé. Son chef de projet et référent thématique “numérique en santé”, Benjamin Lemoine, explique à mind Health le fonctionnement et les priorités de l’agence en la matière. Par . Publié le 08 juillet 2019 à 14h53 - Mis à jour le 08 juillet 2019 à 14h53 Ressources Combien de collaborateurs travaillent sur le numérique au sein de l’Anap ? Il faut savoir que les métiers de l’Anap ne relèvent pas du numérique mais de la performance : nous abordons le numérique en tant que levier de performance mais nous n’abordons pas le numérique pour le numérique. L’objectif est d’accompagner les transformations du secteur, pour développer la chirurgie ambulatoire, pour développer l’inclusion des personnes handicapées, pour développer l’efficience opérationnelle des équipes. Pour autant, existe au sein de l’Anap un pool de compétences numériques, constitué de huit personnes. Notre contrat d’objectifs et de performance (COP) 2018-2020, s’il reconnaît des projets purement numériques dans notre programme de travail, a fixé comme objectif d’inclure la dimension numérique dans les différents projets d’accompagnement à la transformation que mènent l’agence. Cette équipe travaille ainsi pour une partie de son temps sur des projets numériques et plus de la moitié de son temps plutôt sur des projets transports, parcours, ressources humaines, article 51, etc. Tous ces projets que conduit l’Anap intègre aujourd’hui des compétences numériques. Comment définissez-vous les thèmes sur lesquels portent vos outils et publications ? L’Anap bénéficie d’un long historique sur le sujet du numérique puisqu’une des agences qui préexistait et qui a créé l’Anap, le Groupement pour la modernisation des systèmes d’information hospitaliers (GMSIH, fondé en 2000, ndlr), travaillait déjà depuis neuf ans à la production d’outils, de guides et de méthodes pour les hôpitaux. Mais depuis quatre à cinq ans, nous avons complètement changé notre façon d’aborder les sujets du numérique. Nous faisions historiquement de l’accompagnement et de la production d’outils. Désormais, nous travaillons en nous appuyant sur un réseau de professionnels, c’est-à-dire des acteurs en établissements de santé qui s’investissent aux côtés de l’Anap pour identifier les difficultés – ce que l’on appelle “les points durs” – que les professionnels rencontrent au quotidien dans l’usage du numérique. Ensemble, nous cherchons des solutions, les formalisons et les diffusons au plus grand nombre. Depuis la mise en place de ce réseau, l’Anap n’est plus un cabinet d’études ou un centre d’expertise : elle se positionne aux côtés des professionnels pour identifier et répondre à leurs besoins. Nous menons ainsi deux nouvelles activités sur le numérique. Une partie “production et connaissance” vise à chercher des retours d’expérience en établissement, capitaliser dessus et écrire les bonnes pratiques. Et une deuxième activité, menée toujours avec le réseau de professionnels, que l’on appelle “diffusion-appropriation” : diffuser la culture du numérique auprès des soignants, des directeurs, de tous les publics non acquis au numérique, et aider les utilisateurs, donc les professionnels, à décliner dans leurs contextes les bonnes pratiques proposées. Combien de professionnels participent à ce réseau ? Le réseau fonctionne sur un principe de cercles concentriques, les plus proches de nous étant les plus investis. Le cercle le plus restreint est composé de 25 professionnels, que nous appelons les experts du numérique en santé. Ils travaillent avec nous au long cours et rédigent des documents. Un deuxième cercle d’une petite centaine de professionnels, appelés les pairs, sont dans les régions et diffusent leurs connaissances. Ensuite, nous animons une “communauté de pratique” de l’ordre de 450 personnes qui font de l’entraide, sont informés de nos travaux, participent à un jeu de discussions, tel un réseau social en somme, et partagent leur retour d’expérience autour de leur pratique du numérique en santé. Le rythme des rencontres de chacun de ces cercles varie. Évidemment, elles sont très régulières avec le cercle plus restreint. Avec le deuxième cercle, c’est deux fois par an et avec le troisième une fois par an, lors de la rencontre de la communauté de pratique. Vous évaluez le retour sur vos outils. Quels ont été les plus appréciés par le terrain ? À l’inverse, avez-vous relevé des difficultés d’appropriation ? Selon notre fonctionnement aujourd’hui, le besoin est identifié par le professionnel, les productions sont conduites également par les professionnels puis testées par des candides, des établissements qui ne connaissent pas forcément le numérique. C’est alors qu’elles sont mises en ligne. Cependant, nous avons établi un système de remontée terrain : par le réseau ou via notre site internet, ce qui permet éventuellement de procéder à des réajustements. Ce qui fonctionne le mieux en termes d’appropriation, ce sont les argumentaires, les documents prêts à l’emploi, les autodiagnostics. Les productions moins appropriées, sur lesquelles nous avons des retours, sont plutôt d’anciennes productions, faites selon nos anciens process : typiquement l’étude formelle, sérieuse mais consistante, de 120 pages, difficile d’application. Nous intégrons alors tout de suite ces productions dans un cycle de révisions, voire de retrait. C’est justement ce qui a motivé notre changement de perspective. Votre COP fixe comme objectif “prioritaire l’inclusion d’un volet système d’information (SI) dans chacune de (vos) actions, en complémentarité avec l’Asip Santé” (Agence des systèmes d’information partagés de santé). Comment collaborez-vous ? Ce sont deux agences qu’il est difficile de comparer bien que nous traitons de sujets communs. L’Asip santé compte 140 salariés et son métier consiste à déployer le numérique. L’Anap a pour métier la performance et nous y sommes huit à faire du numérique. L’Asip édicte des standards, des normes, et déploie des outils nationaux. L’Anap a pour particularité de n’avoir aucun outil à déployer. Vous ne verrez donc, dans nos productions, aucune préconisation d’une solution plutôt qu’une autre. Je prends comme exemple la télémédecine : une agence régionale de santé (ARS), un groupement régional d’appui au développement de l’e-santé (Grades) ou l’Asip au niveau national vont être intéressés par déployer la télémédecine en utilisant tel ou tel outil. À l’Anap, notre façon d’aborder la télémédecine consiste à demander aux professionnels comment ils vont intégrer la téléconsultation dans leur planification de rendez-vous, s’ils veulent tendre vers un modèle tout télémédecine ou même des consultations physiques couplées à des téléconsultations, comment adapter le cabinet médical pour réaliser des téléconsultations dans de bonnes conditions, comment créer un réseau de correspondants avec qui pouvoir faire de la téléexpertise… Autant de questions métier, pas du tout techniques même si parfois la technique pose des problèmes métier. Par exemple, nous ne répondons pas aux questions d’interopérabilité. Les questions techniques sont traitées par l’Asip et nous leur transmettons tout ce qui remonte du terrain en la matière. Nous nous intéressons à la pratique professionnelle, à la façon dont le numérique touche le quotidien des soignants. Un des futurs thèmes de travail de l’Anap porte sur la convergence des SI dans la mise en place d’un GHT. Quels seront les autres sujets des prochains mois ? Nous souhaitons travailler de façon prioritaire sur trois thèmes. Le premier est celui de la mise en œuvre d’une direction des systèmes d’information (DSI) commune – comment accompagner cette mise en œuvre, comment faire le point sur les compétences, quel modèle de DSI choisi, comment faire évoluer sa DSI vers une DSI en mode services, etc. Nous avons déjà publié des argumentaires et souhaitons aller plus loin pour outiller la mise en œuvre (quelques jours après cet entretien, un kit pour la convergence des SI au sein des GHT a été publié, ndlr). Le deuxième thème est celui de l’hébergement. Un retour d’expérience a été fait. Nous attendons que le cadre juridique soit un peu plus stable autour des conditions d’hébergement, notamment de la certification hébergeur de données de santé (HDS), pour pouvoir aider les établissements à faire un choix et mettre en œuvre l’externalisation le cas échéant. Enfin, l’urbanisation du SI hospitalier (SIH) : l’Anap a déjà longuement écrit sur ce concept mais nous souhaitons désormais, dans l’esprit des orientations de la stratégie de transformation numérique du système de santé, accompagner les établissements, en particulier les groupements hospitaliers de territoire (GHT), dans la définition de leur trajectoire et dans l’alignement entre leur stratégie et la feuille de route nationale. Faut-il déployer un serveur d’identité au GHT ? Faut-il déployer une plateforme de partage documentaire ? Est-ce cohérent avec la stratégie nationale ? Nous allons écrire les belles histoires d’établissements qui ont trouvé cette cohérence. Un premier document a été publié en fin d’année dernière sur l’articulation entre le SI du GHT et le SI régional. Nous souhaitons aller plus loin, en termes de méthode, de retour d’expérience, sur ce troisième sujet. Avez-vous l’impression que le numérique est bien considéré comme un levier de performance ou reste-t-il du travail d’acculturation des équipes hospitalières ? Je pense qu’aujourd’hui les acteurs sont convaincus du levier que représente le numérique. Nous n’avons plus besoin de le prouver : nous avons accompagné un projet de recherche pour mesurer objectivement la valeur créée par les SI et aujourd’hui plus personne ne nous demande d’apporter des preuves supplémentaires. Je pense donc que c’est acquis. Pour autant, la mise en place des GHT a quelque peu perturbé le calendrier pour traduire effectivement cette conviction en actions concrètes. BENJAMIN LEMOINE Depuis juin 2018 : Chef de projet, référent thématique “numérique en santé” de l’Anap 2016-2018 : Chef de projet numérique en santé à l’Anap 2010-2016 : Chargé de projet SI et télémédecine à l’Anap 2008-2010 : Chargé de projet performance à l’Anap 2007-2008 : Chef de projet chez Santeos (gestion de l’activité cancer) 2004-2006 : Chef de projet chez Uni-Médecine (accompagnement au déploiement du SI de 15 réseaux de santé) Données de santéGHThébergeursHôpitalSystème d'informationTélémédecine Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind