Quelles normes pour le métavers ?

Alors que les initiatives pour normaliser le métavers se multiplient, la France aussi se lance dans la course de la normalisation. Objectif : poser les standards d’un écosystème naissant et participer à la construction du “métavers européen” souhaité par Emmanuel Macron. Un enjeu économique, mais aussi politique.

Le métavers, nouvel outil de soft power ? Depuis un an, les initiatives pour normaliser le métavers, et pousser ses propres standards, se multiplient. En 2022 s’est ainsi lancé le Metaverse Standards Forum, où figurent des acteurs comme le géant américain Meta. La Chine a également impulsé la création d’un SEG 15 “Metaverse” à l’IEC (Commission électrotechnique internationale), tandis que le Secteur de la normalisation des télécommunications de l’ITU (The International Telecommunication Union) a lancé fin décembre un Focus Group Metaverse. Enfin, une enquête a été ouverte au comité européen de normalisation pour évaluer les besoins en normalisation du métavers. Face à ces initiatives internationales, la France souhaite se positionner sur le sujet.

Une commission de normalisation en France

Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications, a officiellement mandaté l’AFNOR pour créer une commission de normalisation du métavers, jeudi 22 février 2023 à Bercy. “Nous attendons beaucoup des travaux de cette commission de l’AFNOR. Je souhaite que vous, issus de l’écosystème du métavers, vous y impliquiez avec énergie afin que la France porte une voix ambitieuse dans les enceintes de normalisation”, a ainsi appelé Jean-Noël Barrot lors de la conférence de lancement qui s’est tenue au ministère de l’Economie et des Finances.

Le ministre en a profité pour déplorer au passage que la France a pu, dans le passé, “rater certains virages technologiques” en n’intervenant pas suffisamment en amont dans les instances de normalisation. “La souveraineté technologique de l’Europe, sa capacité à réduire sa dépendance et la protection des valeurs européennes dépendront de notre capacité à définir des normes à l’échelle mondiale”, prévenait déjà le commissaire européen Thierry Breton en dévoilant, le 2 février 2022, la stratégie européenne de normalisation.

Les objectifs de la commission de normalisation métavers

Les travaux de cette commission ont vocation à :

“Vos travaux doivent permettre de garantir à nos acteurs économiques un cadre clair et respectueux de nos valeurs, notamment en termes d’interopérabilité, de sécurité et de protection de nos données. Mais également de soutenabilité environnementale”, a fait valoir le ministre. La commission est également priée de promouvoir en priorité des standards ouverts et interopérables. “Il n’est pas possible d’envisager par exemple qu’une plateforme empêche l’accès à son métavers à des usagers qui n’ont pas le matériel propre à cette plateforme. De même, il est souhaitable que l’achat d’un actif numérique dans un univers puisse être reconnu valide dans d’autres univers virtuels concurrents afin d’assurer une portabilité des biens et des données personnelles”, a encore plaidé Jean-Noël Barrot.

Quel cadre réglementaire pour les métavers ?

Le lancement de cette commission de normalisation soulève en creux la question de la régulation. Au-delà de la mise en œuvre du Digital Services Act (DSA) et du Digital Market Act (DMA), “qui s’appliqueront nativement au métavers”, a précisé le ministre, le gouvernement a lancé une task force interministérielle pilotée à Bercy par la Direction générale des entreprises (DGE) pour anticiper le travail d’adaptation de textes juridiques aux enjeux des métavers.

“Le métavers est une promesse technologique. Il préfigure une nouvelle génération du web au côté de laquelle la France et l’Europe ne peuvent pas passer”, a encore plaidé Jean-Noël Barrot, rappelant que “ces univers font l’objet d’un intérêt croissant et d’investissements considérables, aussi bien de la part des grandes entreprises du numérique que de certains Etats”. La Chine a récemment publié une stratégie de soutien aux technologies immersives visant à porter la production de l’industrie de la réalité virtuelle du pays à environ 50 Mds de dollars d’ici 2026, soit six fois le niveau de 2022. La Corée du Sud a, elle, dédié 2 Mds de son plan de relance post-Covid au métavers à l’horizon 2025. Dans ce contexte, la France entend construire ce que le président de la République a désigné comme “le métavers européen”, “garant de notre souveraineté technique et culturelle, respectueux de nos valeurs démocratiques”, a poursuivi Jean-Noël Barrot. Plusieurs secteurs – média, retail, santé et culture en tête – mènent de premières expérimentations dans les métavers.  “Nous souhaitons déployer une stratégie sur le métavers qui permettra d’une part de mieux encadrer ces futurs univers et d’autre part de mobiliser l’investissement public et privé afin de positionner les acteurs français sur cet usage de l’internet de demain”, a-t-il conclu.

>> Pour aller plus loin : Découvrez le calendrier de cette commission