Accueil > Marques & Agences > Emmanuel Crego (Values) : “Les annonceurs doivent être indépendants technologiquement et contractualiser directement avec les adtechs” Emmanuel Crego (Values) : “Les annonceurs doivent être indépendants technologiquement et contractualiser directement avec les adtechs” Le programmatique a représenté 67 % des investissements display en France en 2018 (Observatoire e-pub SRI-Udecam), mais la méfiance des annonceurs à l’égard de ce mode d'achat reste forte. mind Media a interrogé Emmanuel Crego, directeur général de l'agence média indépendante Values (anciennement Ecrans & Media), sur différents procédés pour le leur garantir : contractualisation en direct, audit, blockchain... Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 08 juillet 2019 à 16h15 - Mis à jour le 07 janvier 2022 à 18h05 Ressources Les annonceurs veulent de plus en plus avoir une transparence des coûts sur l’achat programmatique. Comment y parvenir ? Les trading desks sont souvent ici les seuls pointés du doigt par les annonceurs, pourtant chaque intervenant technologique peut lui aussi pratiquer des marges cachées. Il est d’ailleurs plus difficile pour les annonceurs d’évaluer leur impact dans la chaîne de valeurs, car ils sont rarement en contact avec eux et cela exige une certaine expertise technique. Au passage, il est toujours assez amusant de lire les rapports financiers de certaines sociétés adtech cotées qui affichent des taux de marge commerciale bien supérieures à ce qu’elles pratiquent en réalité. Il y a donc un tri à faire parmi les technologies activées dans la chaîne. Cette question doit aller jusqu’aux technologies activées par les éditeurs partenaires, donc les SSP, et pas s’arrêter uniquement aux DSP. Certains annonceurs se plaignent aussi de campagnes publicitaires programmatiques qui ne seraient pas totalement conformes à leur brief initial. A quel point est-ce justifié ? Le non respect des guidelines d’achat de l’annonceur peut porter sur des points très différents : les régies partenaires et sites sélectionnés, l’environnement de diffusion, l’activation des data, les formats et encombrement publicitaires, les exigences en terme de visibilité, de brand safety, de fraude, etc. Encore faut-il avoir défini ces critères en amont et pouvoir effectivement les contrôler ensuite. Il existe des vérificateurs tiers et des méthodes d’achats restrictives, mais les données sont multi-sources et certaines informations ne sont pas transmises par l’ensemble de la supply chain. Un exemple simple : la distinction entre un format out-stream et in-stream en vidéo est très rarement transmise sur toute la chaîne, c’est donc une information peu accessible pour l’annonceur. Pourtant, les performances et les CPM varient considérablement entre ces deux formats, au sein d’un même site. “La vraie transparence financière de toute la chaîne est possible si les éditeurs et les SSP acceptent de partager l’information sur les fees SSP avec l’annonceur” Les annonceurs qui s’appuient sur des sociétés d’audit pour évaluer leurs dispositifs publicitaires en programmatique sont-ils dans la bonne direction ? Non, clairement. Les benchmarks d’audit marché n’ont aucun sens dans la mesure de la performance en programmatique. Ils sont confusants car il y a trop de variables qui co-existent au sein d’une même campagne pour en conclure des enseignements fiables dans le temps. Par exemple, il existerait trop de biais à comparer des CPM de deux campagnes qui achètent le même site : différences d’objectifs, de ciblage, de critères d’achats plus ou moins restrictifs, d’éléments exogènes propres à l’éditeur et à la supply chain… Cela exigerait de connaître le détail de chaque contexte de campagne pour avoir une vue “juste”. C’est impossible à réaliser. Pourtant, certaines sociétés d’audit continuent de comparer des choses non comparables, car elles sont focalisées uniquement sur la transparence des coûts de la part de l’agence, et non sur l’optimisation de la performance et la transparence de l’ensemble de la chaîne. Alors comment rassurer les annonceurs dans leur achat programmatique ? Pour être efficace et tenter d’apporter des solutions, le vrai challenge réside dans l’opérabilité technologique : avoir une vue exhaustive et impartiale, en continu et temps réel, pour pouvoir optimiser facilement par la suite. La première étape pour l’annonceur est sûrement celle d’être indépendant technologiquement et de contractualiser directement avec les adtechs pertinentes. Évidemment, il faut un minimum d’investissement pour que la démarche ait du sens, car elle va demander un peu d’implication de la part de l’annonceur. “Le RGPD a été une très bonne démonstration de la dépendance technologique de certaines agences et annonceurs à Google” Cela signifie pour l’annonceur être moins dépendant de son agence média. Oui, mais sans forcément internaliser ses achats. L’annonceur se doit d’être indépendant de son agence et ne pas se focaliser sur une seule technologie. La mise en place du RGPD a été une très bonne démonstration de la dépendance technologique de certaines agences et annonceurs à Google, qui leur a restreint considérablement l’accès aux inventaires, sans sommation. Le stack technologique est devenu prépondérant dans la stratégie de l’annonceur, il doit en avoir la gouvernance. De plus, contractualiser directement avec les technologies lui permet de contrôler son agence sur d’éventuelles tentations d’opérer des marges plus ou moins cachées. Mais comme évoqué précédemment, la transparence sur les coûts et guidelines d’achat ne sont pas qu’un sujet d’agence, cela concerne l’ensemble de la chaine. TRANSPARENCE PUBLICITAIRE mind media lance un deuxième “hub” pour comprendre les enjeux et les chiffres clés de la transparence publicitaire en ligne afin de faciliter vos prises de décision : lire notre synthèse Et sur notre site : #Transparence Plusieurs projets de blockchain sont testés dans le secteur publicitaire. Est-ce une solution crédible pour une meilleure transparence financière de l’achat média ? Cela s’apparente un peu aux processus des blockchains en finance. Différentes sociétés américaines spécialisées ont fait leur apparition il y a trois ans. Elles ont des parti-pris différents, mais proposent toutes des technologies permettant de réconcilier toutes les data liées à une même impression et sur l’ensemble de la chaîne de valeur : DSP, SSP, vérificateurs tiers. Elles récupèrent les logs à chaque étape, en temps réel et en continu, de manière exhaustive. La vraie transparence financière de toute la chaîne est possible si les éditeurs et SSP acceptent de partager l’information sur les fees SSP avec l’annonceur. Certains “éditeurs” sont des sous régies qui pratiquent des marges dans le cas de minimum garanti et qui ne les communiquent pas à l’éditeur final. Par ailleurs, certains éditeurs ne voient pas d’un bon œil le fait de communiquer une information qui leur est propre aux acheteurs ; il y a encore de la pédagogie à faire sur ce point. Avec le niveau de transparence supplémentaire permise par la blockchain, lorsqu’un annonceur investit 100 euros sur un site, il peut en déduire les fees des DSP et des SSP, et peut ainsi connaître le montant final qui est versé à l’éditeur. Il serait difficile pour les technologies d’opérer une marge cachée dans cette configuration. La blockchain peut-elle être appliquée sur d’autres leviers de transparence au bénéfice de l’annonceurs ? Oui, l’audit peut aussi être davantage poussé : les chemins technologiques (“supply path”) pouvant être multiples – éditeurs et annonceurs ayant souvent plusieurs technologies à disposition -, l’annonceur peut alors optimiser ses choix technologiques selon les inventaires et performances visées. Enfin, certaines technologies de blockchain permettent d’intégrer des guidelines qualitatives de l’annonceur – par exemple un seuil de visibilité, l’exclusion de contenus violents, le respect d’ads.txt, la détection de la fraude… – et d’analyser tous ces critères à chaque impression. Un DSP ne donne pas ce niveau de détails par impression mais possède les moyennes pour chaque critère. Existe-t-il des effets négatifs liés à la blockchain publicitaire ? La contrainte majeure de ces technologies blockchain est l’accès à l’exhaustivité des inventaires. Le critère déterminant de leur efficacité sera leur connexion aux DSP et SSP majeurs du marché. Certains acteurs, comme Appnexus (DSP/SSP), sont très volontaires sur le sujet et en font de vrais arguments de vente pour leurs clients. Je reste convaincu que, comme pour la brand safety, la lutte contre la fraude ou la mesure de la visibilité, ces critères devront être mesurés par des tiers, de manière objective, et non par les DSP et SSP eux-mêmes… Quoi qu’il en soit, les plus grands annonceurs vont vraisemblablement activer de plus en plus ce type de process, car ils répondent en grande partie à leur volonté de reprendre le contrôle de leurs achats programmatiques. Ces solutions ont le mérite d’être internationales, en opposition avec des initiatives locales qui auront du mal à être acceptées car restrictives. Les annonceurs vont donc demander à leurs partenaires de s’y intégrer, avec plus ou moins de réactivité. Le bénéfice sera de mettre en place des guidelines d’achats claires et unifiées pour l’ensemble des partenaires, facilement traçables et opérables. EMMANUEL CREGO 2017 Directeur général, Values (ex-Ecrans & Media) 2014 Director of programmatic & technologies, Oath France 2011 Direct of of business development and independent media agencies, TF1 Publicité Jean-Michel De Marchi Toutes les ressources liées à cet article Les Personnalités Emmanuel Crego Directeur général chez Values Media Accès à la fiche entière Les sociétés Values Media Accès à la fiche entière Achat médiaAchat programmatiqueAgencesBlockchainCabinets de conseilStratégies annonceursTransparence Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretiens Pierre-Louis Fontaine (consultant) : "La blockchain publicitaire donnera le pouvoir au consommateur" Comcast teste une solution blockchain pour la publicité TV segmentée Blockchain : quelles applications pour les éditeurs ? MediaMath lance une plateforme à la visibilité garantie en version bêta fondée sur la blockchain Tribunes gratuit "La blockchain peut être une réponse au RGPD" essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Arnaud Créput (Equativ) : “Il ne faut surtout pas que Google puisse proposer un mécanisme de consentement global” Biggie, l'agence indépendante "hybride" qui porte les ambitions de croissance de Biggie Group Recommandations de la Cnil sur le mobile : une démarche saluée, mais pas encore intégrée Rapport des États généraux de l’information : comment se positionnent les organisations professionnelles des médias et de la publicité Avec Dentsu Creative, l'armée de Terre prend le virage de la data CGV publicitaires TV 2025 : convergence des offres, simplification de l’achat et RSE INFO MIND MEDIA - Publicité en ligne : nouveaux procès intentés par les médias français contre Google, les premières audiences débutent Search marketing : à quoi s'attendre après le procès Google ? Des députés centristes préparent une proposition de loi pour créer un centre national de l’information et renforcer les droits voisins GroupM relance son offre Back to News data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ? Panorama des offres AVOD alternatives Le détail des aides à la presse, année par année Ads.txt : la liste des relations établies entre les éditeurs français et les vendeurs et revendeurs programmatiques Les indicateurs financiers des grands groupes de communication Les levées de fonds des start-up des médias, du marketing et de la culture en France Les principales solutions de paywall dynamique