“L’IA émotionnelle” d’Ontbo fait de l’oeil aux professionnels du marketing

La start-up deeptech française Ontbo, fondée en juin 2021, a développé des algorithmes d’intelligence artificielle centrés sur la détection et l’analyse des émotions en temps réel à des fins de personnalisation. Elle lançait officiellement son produit au CES de Las Vegas, le plus grand salon mondial consacré aux nouvelles technologies qui se tenait du 9 au 12 janvier. Sa technologie, mise au point après plusieurs années de R&D, a pour vocation à être utilisée dans les secteurs du luxe, de la cosmétique, du sport, de l’automobile, du jeu vidéo, de la banque et de la fintech, mais elle intéresse aussi la publicité. 

Détection, analyse, prédiction

Ontbo se présente comme une technologie capable de “transformer la manière dont les individus interagissent avec le monde numérique en utilisant des données caractéristiques de l’individu pour créer des expériences hyper-personnalisées”. Elle développe trois solutions : 

• Une solution multimodale de mesure des états émotionnels par le biais de capteurs (voix, expressions du visage), de biocapteurs (électroencéphalogramme, activité électrodermale, rythme cardiaque, capteurs mesurant la variation du volume sanguin), ou à travers du texte et du langage naturel. 
• L’encodage des informations constituant la “psyché numérique” de l’utilisateur, déterminée à partir de sa personnalité, de ses goûts, son âge, son genre, etc. : une sorte de profil psychologique, qui va permettre de prédire ses réactions émotionnelles et cognitives face à des stimuli. Cette technologie, brevetée à l’échelle internationale par Ontbo, utilise 62 traits de personnalité permettant de créer 11 milliards de psychés numériques, selon la société.
• Un système de prédictions et de recommandations en temps réel, basé sur les deux premières briques technologiques. 

Des cas d’usage dans les services clients et dans la banque 

Différents cas d’usage sont imaginables. L’utilisation des capteurs, par exemple, pourrait s’appliquer à l’esport, le coach d’une équipe étant ainsi en mesure d’utiliser ces informations pour améliorer ses performances. Le profil psychologique associé à l’algorithme de recommandations permet d’assister un conseiller en fonction des échanges du client avec un chatbot, dans la banque par exemple. C’est d’ailleurs dans la banque (pour assister la création du profil d’investisseur à l’ouverture d’un compte-titres) et les télécoms que la start-up a déniché ses premiers clients, à l’étranger.  

A la question du degré de fiabilité de ses analyses, Ontbo répond que cela dépend du cas d’usage et de la façon dont on l’utilise. “Nous ne donnons pas de chiffre de fiabilité car cela ne veut rien dire en termes scientifiques. Dans quelles conditions ? Avec quel biais ? En laboratoire ou en conditions réelles ?”, réplique Athénaïs Oslati, PDG et fondatrice d’Ontbo, interrogée par mind Media. “L’informatique affective est un domaine de recherche depuis les années 70”, rappelle la dirigeante de 27 ans, qui a eu un parcours dans la médecine avant de se lancer dans les sciences informatiques et l’ingénierie mécanique. L’air de dire que ce n’est pas de la science-fiction.  

Dans le domaine du marketing, la technologie d’Ontbo peut servir dans le cadre de focus groups, dans le luxe par exemple, pour détecter les émotions suscitées par un produit et s’adapter en conséquence. “Les applications dans la communication et la publicité sont les premières choses que l’on nous a demandées !”, confie Athénaïs Oslati, qui ne s’attendait pas forcément à cela. Mais pour l’instant aucun contrat n’est en cours de négociation. 

Hyper-personnalisation et évaluation de l’impact émotionnel 

La société voit déjà d’autres applications à sa technologie dans le domaine de la publicité et des médias : diffusion de contenus hyper-personnalisés intégrant la dimension émotionnelle, stratégies d’engagement ciblées à partir d’insights émotionnels, évaluation de l’impact émotionnel d’une publicité sur le spectateur – en laboratoire ou en conditions réelles (affichage extérieur) avec adaptation dynamique -, ou encore aide à la création de contenu média. Preuve que ces idées pourraient faire mouche : Wunderman Thompson (groupe WPP), fusionnée depuis avec VMLY&R pour former VML, a lancé sa propre IA en septembre 2023 pour étudier les réactions émotionnelles des spectateurs dans le cadre de pré-tests. 

Ontbo, basée entre Compiègne et Lille, emploie une dizaine de personnes et travaille avec l’Université de technologie de Compiègne, l’Inria, et l’Université de Lille. Lauréate du concours I-Nov dans le cadre de France 2030, elle a ainsi obtenu des subventions, et a également levé 2 millions d’euros en décembre 2022 auprès de business angels. La start-up prévoit une série A en 2024. Un deuxième dépôt de brevet est en cours, et deux autres devraient suivre en 2024.