Accueil > Marques & Agences > L’interprofession publicitaire américaine se divise L’interprofession publicitaire américaine se divise Alors que David Cohen, le CEO de l'IAB US, a fustigé les pressions politiques et civiles visant à réglementer davantage l'écosystème publicitaire aux Etats-Unis, l'ANA et la 4A ont clairement pris leur distance et fait leur autocritique. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 31 janvier 2023 à 18h31 - Mis à jour le 01 février 2023 à 19h14 Ressources Aux Etats-Unis, les associations publicitaires étalent leurs désaccords. L’ANA, la puissante association des grands annonceurs américains, et la 4A, qui fédère les agences de communication et de publicité, ont publié mardi 31 janvier une déclaration conjointe fustigeant les propos tenus quelques jours plus tôt par David Cohen, le CEO de l’IAB US, qui rassemble majoritairement aux Etats-Unis les sociétés de technologies marketing et les régies publicitaires, et quelques agences et marques. Celui-ci avait pointé lors d’une conférence organisée du 22 au 24 janvier par l’IAB les intentions d’une partie des autorités et élus politiques américains : “Les dirigeants de Washington DC, dont Amy Klobuchar et Ted Cruz, jetteront toute notre industrie sous le feu de leurs campagnes si nous les laissons faire (…). Je suis ici pour vous dire que si le projet de loi nationale sur la confidentialité des données (ADPPA), qui a encore progressé fin 2022, était adoptée, cela détruirait notre industrie ; big techs, small techs et toutes les technologies publicitaires.” L’American data privacy and protection act (ADPPA) est un projet de loi sur la protection et la confidentialité des données, considéré comme un équivalent au RGPD européen. Il est en discussion aux Etats-Unis depuis 2019 et a connu plusieurs avancées en 2022. Aux Etats-Unis, le projet de loi fédérale sur la vie privée en ligne progresse Une pression qui s’accentue sur l’écosystème Ces trois dernières années, des velléités plus ou moins fortes, mais récurrentes et croissantes, se font jour aux Etats-Unis afin de réglementer la collecte et l’usages des cookies et les pratiques publicitaires, sous différentes composantes : la publicité ciblée, les publicités pour enfants et politiques, sur les réseaux sociaux, etc. David Cohen a d’ailleurs également pointé “les associations extrémistes qui tentent de paralyser l’industrie de la publicité et d’éliminer la publicité de l’économie et de la culture américaines” par de nouvelles réglementations. Il visait ici différentes associations de défense de la vie privée, très actives aux Etats-Unis, notamment Accountable Tech, la décrivant comme “l’un des groupes anti-publicité les plus virulents essayant d’achever l’internet financé par la publicité”. En 2021, Accountable Tech, rejoint depuis par Consumer Reports et Electronic Privacy Information Center, a demandé à la Federal trade commission (FTC), l’équivalent de l’autorité de la concurrence aux Etats-Unis, d’interdire la “publicité de surveillance”, y compris la publicité ciblée basée sur le suivi de la navigation des internautes en ligne activité sur les sites. Le CEO de l’IAB a également critiqué le comportement d’Apple pour son dispositif App tracking transparency (ATT), qui depuis 2021 interdit aux éditeurs d’applications mobiles et aux acteurs spécialisés de suivre les utilisateurs d’iPhone sans leur consentement explicite préalable. Apple : son dispositif ATT génèrerait un taux d’acceptation à la collecte de données de seulement 15 à 30 % Marques et agences critiquent le fond et la forme Le discours a eu de larges échos aux Etats-Unis, tant il attaque frontalement les opposants au secteur et semble remettre en cause les initiatives politiques de régulation. Sans doute conscientes de l’impact négatif pour l’image de l’industrie, l’ANA et la 4A ont publiquement et vertement répondu à l’IAB US, estimant les propos de David Cohen, “tant dans le contenu que sur le ton”, inopportuns. “À une époque de tensions politiques enflammées et de divisions croissantes, l’art de la nuance et de l’écoute est rapidement abandonné pour une rhétorique court-termiste et polarisante (…). Cela peut produire des résultats à court terme, mais ne participe pas à un consensus équilibré et durable qui est nécessaire pour mettre en œuvre de vraies solutions et atteindre des objectifs”, indiquent les deux associations dans une déclaration de deux pages rendue publique. Outre la méthode très frontale du CEO de l’IAB US, les associations représentant les annonceurs et les agences contestent le fond de son discours et son approche face aux critiques externes sur l’industrie publicitaire. “Nous n’avons pas toujours raison et nous devons prendre les devants pour rétablir l’équilibre, surtout lorsque nous avons créé les conditions pour que notre industrie soit déséquilibrée”, indiquent les deux associations, citant les initiatives prises pour une autorégulation de la publicité, comme la création du MRC dans les années 60, celle de la Children’s food and beverage advertising anitiative (CFBAI) en 2006, et celle en 2009 de la Digital advertising alliance pour la publicité ciblée. Bob Liodice (CEO, ANA) et Marla Kaplowitz (CEI 4As) : “Il est temps pour notre industrie de faire le ménage et de présenter une approche beaucoup plus responsable” “La 4A et l’ANA ne pensent pas que la position de l’IAB soit suffisamment équilibrée. Elle semble être une charge contre les organismes qui ne sont pas d’accord avec notre industrie. Soyons honnêtes : notre industrie est loin d’être parfaite. La plupart des problèmes cités par l’IAB sont dus à un déséquilibre de l’industrie que nous avons tous créé et soutenu avec nos investissements publicitaires. Avons-nous évoqué les questions de “sécurité de la marque” ou de “fraude publicitaire numérique” il y a dix ans ? Bien sûr que non. Il est temps pour notre industrie de faire le ménage et de présenter une approche beaucoup plus responsable pour aborder les problèmes qui prévalent dans notre secteur. En tant que spécialistes du marketing responsable, nous devons continuer à proposer des recommandations raisonnables qui offrent un équilibre aux spécialistes du marketing, aux agences, aux plateformes, aux médias, à l’adtech et… aux consommateurs. Nous ne pouvons pas simplement baisser la tête et espérer que personne ne le remarquera. C’est particulièrement pertinent en ce qui concerne les questions relatives à la vie privée. La vie privée n’est pas une “guerre” à gagner ou une “bataille” contre des extrémistes (…). Il s’agit d’une question cruciale qui doit être fondée sur un débat interprofessionnel constructif pour trouver des solutions communes et sensées. Et ce débat constructif devrait inclure les membres du Congrès et les agences de régulation appropriées. La route est longue sur ces questions et s’aliéner les parties avec lesquelles nous devons travailler pour atteindre un consensus équilibré n’est pas la voie à suivre (…). Les diaboliser ne nous rend pas service.” Autant la sortie médiatique très offensive de l’IAB US que sa critique publique par l’ANA et la 4AS sont inhabituelles dans l’univers feutré de la publicité et du marketing, a fortiori de la part des associations professionnelles. Elles témoignent à la fois des tensions à l’œuvre sur le marché, particulièrement présentes aux Etats-Unis avec une pression réglementaire et civile de plus en plus marquée, et des difficultés à y faire faire en adoptant la bonne approche pour les professionnels de l’industrie. Plus qu’une différence de fonds, c’est sur la méthode que l’interprofession hésite. L’IAB US veut adopter une posture très offensive alors que l’ANA et la 4A optent pour une méthode plus politique. Devant l’écho médiatique de sa prise de position, le CEO de l’IAB US est d’ailleurs revenu en partie sur ses propos, quelques heures après la prise de position de l’ANA et de la 4A : “L’objectif n’était pas de semer la discorde, mais de pousser un cri de ralliement et de susciter un sentiment d’urgence dans l’industrie. Il s’agissait également de refléter avec précision les intérêts de nos membres (…). Nous avons un profond respect pour le Congrès et apprécions tout le travail accompli en vue d’une réforme nationale de la vie privée. Cependant, nous devons reconnaître qu’il y a un problème de perception que nous devons surmonter. La négativité autour du secteur technologique alimentée par certains points de vue a le potentiel de nous avoir tous un impact négatif.” Jean-Michel De Marchi Achat programmatiqueEtats-UnisLobbyingMarché publicitaire 2023RéglementationTransparence Besoin d’informations complémentaires ? 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