Accueil > Marques & Agences > Achat média > Alexandra Mauraisin (Groupe La Poste) : “La visibilité est un pré-requis des campagnes, pas un objectif” Alexandra Mauraisin (Groupe La Poste) : “La visibilité est un pré-requis des campagnes, pas un objectif” Alexandra Mauraisin est directrice adjointe de la marque au sein du Groupe La Poste (La Poste, La Banque Postale, La Poste Mobile). Elle est notamment responsable de l'achat média et des relations avec les agences, après dix ans passés chez TBWA (Omnicom Group). Elle s'exprime sur ses attentes et ses projets en tant qu'annonceur et livre son regard sur le décret de la Loi Sapin. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 10 mars 2017 à 11h42 - Mis à jour le 10 mars 2017 à 11h42 Ressources Quelles sont vos missions au sein du groupe La Poste et votre feuille de route ? En tant que directrice adjointe de la marque, mon département est rattaché à Nathalie Collin, directrice générale adjointe du groupe en charge du numérique et de la communication. Mon rôle est double. Vis-à-vis de l’externe, il est de piloter les appels d’offres publicitaires et médias pour tout le groupe, de cadrer et d’animer les relations avec les agences, et d’orchestrer les prises de paroles. Je dispose ici d’un budget dédié et d’une équipe de trois personnes : un responsable média digital un responsable publicité et un chargé de coordination publicité et média. Mon deuxième rôle, en interne cette fois, est de créer un cadre de travail optimal entre le service média et publicité et d’autres activités du groupe pour gagner en efficacité et en synergies : avec le marketing les activités e-commerce de La Poste, la communication de la Banque Postale et de la Poste Mobile, les services courrier et colis, l’activité BtoB… Je suis en quelque sorte un “pivot” en lien avec une quinzaine de responsables communication de nos différentes activités. Notre enjeu, depuis mon arrivée il y a six ans, a d’abord été de mieux structurer la stratégie média et publicitaire en interne et de progresser sur le digital. Il fallait mieux partager nos problématiques, mettre en place ou accélérer la formation des équipes au digital et aux nouvelles technologies, mieux diffuser nos retours d’expériences, etc. Le récent décret d’application de la Loi Sapin concernant le reporting va-t-il améliorer votre métier d’annonceur ? L’avantage d’avoir un texte, c’est d’être plus facilement entendu par les différents acteurs du marché, par exemple au sujet de la transparence. La chaîne de valeur n’est pas transparente ; il est souvent difficile de savoir avec précision qui fait quoi et d’évaluer avec justesse la pertinence d’un acteur et l’efficacité de son outil. Le texte indique que l’activité de reporting repose sur les vendeurs d’espaces, les régies, qui sont théoriquement les mieux placées pour savoir à quels acteurs elles ont vendues leurs espaces et sur quels supports médias la campagne a été diffusée. Un groupe de travail au sein de l’UDA (Alexandra Mauraisin y représente La Poste, ndlr) va maintenant examiner les modalités d’application du décret et comment homogénéiser les pratiques. La Poste est une entreprise qui a un lien historique fort avec les Français, avec un actif data potentiellement important. Comment utilisez-vous les données pour votre communication ? Le Groupe La Poste totalise 13,9 millions de VU mensuels sur internet fixe (chiffre Médiamétrie//NetRatings, janvier 2017, ndlr) autour de trois marques : la Banque postale (eviron 12 millions au total), La Poste Mobile (1,5 million) et La Poste (13 millions, boutiques comprises). L’entreprise a des missions de service public et des activités bancaires, deux éléments qui nous font être prudents sur la collecte, l’utilisation et la sécurisation des données. Dans ce cadre, après avoir réalisé la refonte de notre offre digitale, nous voulions aller plus loin avec la mise en place de notre DMP média en 2015, afin de mieux connaître et mieux adresser nos audiences. Concrètement, nous voulions être en mesure d’exclure certaines internautes de nos campagnes et de segmenter nos audiences en fonctions de leur statut (homme ou femme, client ou non, professionnel ou particulier, etc) et avoir la possibilité de compléter nos données par des données de second party issues d’éditeurs. En janvier 2015, nous avons lancé une consultation du marché avec un cahier des charges conçu avec notre agence média, Starcom (Publicis Media) et en mai nous avons choisi Weborama. L’implémentation technique a été effectuée pendant l’été et dès septembre 2015, nous avons pu mettre en place nos premières campagnes médias utilisant notre DMP média, baptisée “Trade Postal”. 18 mois plus tard, quel bilan faites-vous de votre DMP ? 95 % de nos achats médias digitaux passent par cette DMP désormais. Elle rend l’activité média plus centrale dans les prises de décision du groupe liées à la communication car elle devient importante pour le service marketing, en terme de remontées d’insight et de meilleure connaissance client. C’est un formidable outil non seulement pour optimiser la performance publicitaire mais aussi pour travailler en équipe : c’est un bon prétexte pour désiloter les organisations et améliorer la cohésion interne car la DMP est utile à plusieurs services différents. Le choix de prestataire n’est pas simple, il y a notamment une inter-opérabilité nécessaire avec les différentes technologies médias du marché. Nous avons choisi Weborama notamment pour des raisons de sécurité des données (elles sont hébergées en France), la disponibilité et l’accompagnement de ses équipes, et pour son offre de second party data. Une DMP média est en revanche un dispositif qui nécessite une mobilisation permanente des équipes pour que les technologies, nos sites, nos applications évoluent et s’améliorent sans cesse. On souhaite maintenant la connecter avec notre CRM et effectuer un pilotage plus précis du parcours client en cross-device, sur fixe et mobile .” Quelles sont vos agences et comment travaillez-vous avec elles ? Je considère nos agences comme des partenaires et des extensions de nos propres équipes, c’est un point important pour nous. Nous voulons des relations d’une très grande proximité, avec beaucoup d’échanges, entre nous et nos agences bien sûr, mais aussi entre les agences elles mêmes. Pour nos créations publicitaires, nous avons reconduit l’agence BETC / Havas en octobre 2016 (pour deux ans minimum, ndlr). Nous avions une très forte exigence sur le volet de la création digitale. Le travail de l’agence a été au rendez-vous, avec notamment la capacité à développer des dispositifs créatifs “médias responsive”. Notre agence média est Starcom (Publicis Media France) en on et offline. La mise en place de notre DMP a eu un impact très important sur notre façon de travailler avec elle, et sur le travail des équipes au sein de l’agence : l’ensemble des équipes a été formée pour réfléchir en terme d’audience planning, quelles soient conseil off ou on, et les équipes de data scientists et data analystes sont aussi présentes que les équipes conseil. Nous avons ensemble une relation de travail très étroite. Par exemple tous les jeudis après-midi, Starcom nous présente par exemple des études de cas sur l’utilisation et les résultats de nos campagnes DMP, et les vendredis matins, je suis dans les bureaux de l’agence pour rencontrer les différentes équipes (conseil, trading, planning), faire le point sur nos campagnes, réfléchir sur des idées et échanger sur le secteur. Notre contrat avec Starcom arrive à son terme fin 2017 et nous allons lancer d’ici fin mars un nouvel appel d’offres pour remettre en compétition notre budget média, comme la loi l’impose pour les organismes publics (avec un contrat de 4 ans renouvelable deux fois un an, ndlr). Nous poserons des exigences fortes concernant les compétences. La proposition de conseil sera un critère très important, mais aussi les différentes expertises requises pour nous accompagner aujourd’hui. Quel regard portez-vous sur les agences ? Les besoins des annonceurs ont changé, le rôle des partenaires agences ou technologiques également. Quand je travaillais en agence de publicité il y a jusqu’à il y a six ans (Alexandra Mauraisin travaillait à TBWAParis entre 2001 et 2010, ndlr), notre rôle était d’avoir le “lead stratégique sur nos clients” et sur son éco-système de communication. En quelques années seulement, les rôles ont évolué. L’univers de la communication a considérablement changé : les annonceurs ont gagné en compétences, en expertise, notamment en digital. Il est clé que les agences opèrent rapidement aujourd’hui tout comme nous leur transformation, forment leurs équipes, revoient pour certaines les façons de travailler. Est-ce à dire que vous pourriez utiliser les offres de cabinets de conseil, qui veulent concurrencer les agences ? Non, pas encore. Je suis partagée sur cette question : d’un côté c’est encore compliqué de désolidariser le conseil en communication de l’activation, de l’autre côté, les agences doivent réellement et rapidement progresser et se transformer : en conservant les meilleures compétences internes, en nous challengeant et en nous poussant des innovations, en faisant preuve de plus d’indépendance et de transparence dans leur travail, dans leurs choix technologiques, etc. Nous réalisons des audits en interne, via notre direction des achats et n’avons pas encore eu recours à des cabinets d’audit jusqu’à présent, mais ce n’est pas exclu à l’avenir. Comment utilisez-vous les grandes plateformes ? Nous réalisons quelques activations en social media sur Twitter et Facebook mais de manière prudente, car c’est difficile d’avoir une mesure précise et fiable sur les résultats. Facebook offre un reach intéressant mais ses indicateurs ne sont pas très précis et l’entreprise a indiqué fournir des chiffres erronés ces derniers mois. Nous l’utilisons peu. Youtube offre des services plus adaptés, mais là encore, nos investissements sont limités. Nous travaillons davantage avec Google sur le search, qui est un levier d’acquisition important. Que représente le mobile dans votre stratégie de communication ? Ce support va devenir de plus en plus important pour nous. Nous l’utilisons déjà mais il faut aller plus loin. Le format Canvas de Facebook semble avoir été particulièrement performant. Nous allons développer des formats publicitaires uniquement sur mobile, horizontaux et très créatifs. Nous avons également expérimenté Snapchat, via les stories à l’automne 2016, et nos taux des complétion fait parti des best cases de la plateforme. Nous voulons également avoir une logique publicitaire en cross device beaucoup plus affirmée. Il y a encore une réelle difficulté à réconcilier les données issues du fixe et du mobile, mais nous en avons besoin pour suivre de manière optimale le parcours de nos clients, pour ne pas surexposer les internautes à nos mêmes messages publicitaires avec un bon capping. Ce sera un gros enjeu pour nous cette année. Comment toucher la cible jeune, a priori moins en contact avec La Poste que d’autres générations ? C’est une catégorie d’âge difficile à appréhender pour notre marque. Nous sommes très précautionneux dans nos dispositifs. Nous avons opté ici pour une communication pédagogique pour expliquer comment les nouveaux services de La Poste peuvent s’inscrire dans le désir de liberté et d’autonomie des plus jeunes, comme l’affranchissement en ligne: en octobre 2015, notre campagne “Tête Timbrée” reposait sur l’activation de 11 YouTubeurs à qui nous avions laissé beaucoup de liberté pour réaliser chacun une vidéo, jouer avec leur propre photo sur leur timbre. La campagne a généré 5 millions de VU en une semaine. Comment utilisez-vous le programmatique ? Nous avons beaucoup testé ce mode d’achat avec différents outils et trading desks ces dernières années, mais le marché n’était pas mûr, surtout pour remplir les objectifs qui sont les nôtres : un fort taux de visibilité – par exemple 80 % pendant 3 secondes en display – dans des environnements premium. Jusqu’à présent, avec ce type de critères, le reach offert par les grands éditeurs était trop faible et ne correspondait pas à nos attentes. C’est l’un des points qu’ils doivent améliorer pour regagner des parts de marché, même si leurs offres s’améliorent depuis l’été 2016 avec des offres de gré à gré que nous allons sans doute développer. Nous n’avons pas ouvert de réflexion pour intégrer des outils programmatiques – cela se prépare longtemps en amont – mais cela peut évoluer d’ici deux ans. En revanche, nous voulons dès maintenant davantage de transparence avec les partenaires avec lesquels nous travaillons et mieux comprendre qui fait quoi dans la diffusion de nos campagnes. Ce sera important dans l’appel d’offres que nous allons formuler. La visibilité sera donc l’un de vos principaux enjeux en 2017 ? Effectivement, la visibilité de nos campagnes est et reste un point central. L’objectif est de parvenir à une meilleure “adverification” cette année. Les normes de visibilité de l’IAB ne sont d’ailleurs pas suffisantes. Nous voulons être plus sélectifs pour une meilleure visibilité dans des supports de qualité et nou allons de plus en plus acheter au vCPM : la visibilité est un pré-requis des campagnes, pas un objectif. Nous posons donc systématiquement des critères plus stricts, par exemple une visibilité à 80 % pendant trois secondes en display (alors que l’IAB recommande 1 seconde à 50 %, ndlr). Je comprends qu’une visibilité à 100 % n’est pas possible, mais la frustration provient du manque d’explications qui nous sont apportées. Nous sommes prêts à payer ces campagnes plus chères. Mais est-ce réellement plus cher pour l’annonceur si la campagne a vraiment été vue ? Non. Nous avons testé les outils d’adverification d’Adloox et d’Integral Ad Science. Une réflexion est en cours pour choisir la ou les solutions les plus pertinentes en terme de mesure de la visibilité et de la fraude. Mais il faut qu’elles puissent facilement s’implémenter, couvrir l’ensemble des inventaires de nos campagnes, l’ensemble des formats. Et sur ces points, la réalité est parfois un peu différente des discours commerciaux. Ce sera là encore un point à régler cette année. Alexandra Mauraisin 2015 Directrice adjointe de la Marque au Groupe La Poste 2010 Directrice Publicité et Media de La Poste 2001 Directrice conseil à TBWA Paris (Groupe Omnicom) Jean-Michel De Marchi Achat programmatiqueAgencesAgences créativesBrand safetyDMPFacebookGAFAMLoi SapinMesure médiaMobileStratégies annonceursTransparenceVisibilité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Etudes de cas Comment La Poste a utilisé les "vieux" forums pour la notoriété d'une offre en ligne grâce à Starcom Etudes de cas Comment La Poste a rajeuni son image avec Star Wars grâce à Havas Worldwide Quels résultats pour Trade Postal, la DMP média de La Poste mise en place avec Starcom ? 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