Accueil > Médias & Audiovisuel > Comment le marché publicitaire se prépare à la fin des cookies tiers sur Chrome Comment le marché publicitaire se prépare à la fin des cookies tiers sur Chrome Il y a près d'un mois, Google a finalement pris une position claire contre les cookies tiers : ils seront absents de son navigateur d'ici deux ans, remplacés par une alternative, la Privacy Sandbox, une suite d'API ouvertes qui sera développée en accord avec mes acteurs de la publicité en ligne. mind Media analyse cette décision avec des spécialistes du secteur. Premier enseignement : l’annonce apparait moins brutale pour les acteurs que la volonté d'éradication du ciblage utilisateur entamée par Apple et Safari. Par Paul Roy. Publié le 23 janvier 2020 à 14h18 - Mis à jour le 21 mai 2021 à 14h37 Ressources Ces derniers mois, Google a annoncé des mesures de restriction concernant l’utilisation des cookies tiers au sein de son navigateur. La société a d’abord adopté une position souple en proposant à ses utilisateurs de choisir leur préférences en matière de cookies, sans remettre en cause leur existence et leur pertinence pour le ciblage publicitaire. Puis mercredi 14 janvier, dans la foulée de la publication de la recommandation de la CNIL sur les cookies, Google a tranché : les cookies tiers disparaîtront d’ici deux ans, remplacés par sa Privacy Sandbox. Derrière ce nom, une suite d’API ouvertes qui vise à optimiser le ciblage publicitaire, tout en se déclarant plus respectueux de la vie privée des utilisateurs de Chrome – notamment en stockant les données utilisateurs dans le navigateur – et la volonté de créer un standard publicitaire adopté par les autres navigateurs, comme le détaille Digiday. La posture de Google mieux perçue par les vendeurs Les annonces de Google tout au long de l’année 2019 laissaient présager des mesures plus concrètes contre les cookies tiers, la plupart des acteurs ne sont donc pas surpris. Une inconnue demeurait sur le calendrier et la posture adoptés par Google. Le fait que la société propose un délai de deux ans et affiche une volonté d’entrer en discussion avec les acteurs adtechs pour trouver des alternatives est relativement appréciée par les vendeurs publicitaires – à nuancer avec le fait que très peu d’éditeurs et d’acheteurs sont présents dans le “Web Advertising Business Group (W3C)” avec qui Google s’entretient régulièrement sur “l’après cookies” remarquait Digiday. “Privacy Sandbox est en open source, ce qui montre que Google adopte une position plus intelligente que les autres navigateurs, avec la volonté de discuter pour trouver ensemble des bonnes pratiques”, observe David Folgueira, le directeur exécutif adjoint de Prisma Media Solutions. Karine Rielland, directrice déléguée digital de MEDIA.Figaro, nuance : “Nous allons suivre Privacy Sandbox de près. Nous nous posons des questions sur son mode de fonctionnement et sur la façon dont les partenaires adtechs pourront y avoir accès, mais ça favorisera l’écosystème Google, évidemment.” Pour Jürgen Galler, CEO et fondateur de la société éditrice de DMP 1plusX, qui a notamment travaillé pour Google, la démarche est claire et peu surprenante : “Google part toujours de ce qu’il pense être le meilleur pour l’utilisateur et va ensuite chercher des alternatives avec l’ensemble des acteurs”. L’inconnue est de savoir si Google veut trouver une solution de remplacement du cookie tiers au sein de son propre écosystème publicitaire ou une solution exportable qui permettrait de faire vivre les technologies (DSP, SPP) concurrentes Jean-baptiste Rouet Chief programmatic officer de Publicis Media L’annonce du remplacement des cookies tiers par d’autres outils peut en effet être vue comme le moyen d’asseoir un peu plus encore son quasi-monopole sur la publicité en ligne, en limitant l’accès à la donnée et en la conservant dans ses environnements. “L’inconnue est de savoir si Google veut trouver une solution de remplacement du cookie tiers au sein de son propre écosystème publicitaire ou une solution exportable qui permettrait de faire vivre les technologies (DSP, SPP) concurrentes”, explique Jean-Baptiste Rouet, chief programmatic officer de Publicis Media. Selon lui, c’est la première option qui est à privilégier, en prenant en compte le positionnement de Google sur d’autres outils. “Aujourd’hui, quand un annonceur a un contrat full-stack avec Google, il dispose de data dans ADH (Ads Data Hub) mais a une capacité très limitée à la travailler en dehors des solutions Google”, rappelle-t-il. Dans tous les cas, cette annonce souligne une fois de plus la dépendance de l’écosystème adtech aux décisions des navigateurs. “Cette décision est encore faite au bénéfice des fournisseurs de navigateurs, qui fragilisent déjà une grande partie de l’écosystème dont le coeur de métier est la mesure et le ciblage. Avec la chaîne de produits dont Google dispose, c’est l’acteur pour qui il est le plus facile de contourner les cookies tout en continuant à pister les internautes et à opérer du ciblage”, souligne Véronique Pican, directrice générale France de Smart, forunisseur de SSP et adserver. Du côté des acheteurs, l’ANA et la 4A’s ont pris position contre la mesure de Google, s’inquiétant de son impact anti-concurrentiel sur la publicité en ligne. En France, Gauthier Picquet, président de Publicis Media France et de l’Udecam, a annoncé dans une interview au JDN une prochaine prise de position commune avec l’AACC et l’UDM. Rappelons que Google est déjà visé par de nombreuses enquêtes des autorités de la concurrence, notamment en France et aux États-Unis, tout particulièrement sur sa domination dans la publicité en ligne grâce à son stack publicitaire. Quel effet économique immédiat ? Les sociétés dont l’activité repose essentiellement sur l’exploitation du cookie tiers comme les fournisseurs de données tierces et les acteurs du retargeting semblent être les premiers touchés. L’action de Criteo a ainsi chuté de 25 % en deux jours après l’annonce de Google. Son positionnement sur d’autres environnements (in-app, et retail media) et la collaboration avec des acteurs offrant des solutions d’identification ne reposant pas sur le cookie tiers comme Liveramp (rappelés immédiatement dans un communiqué), n’ont pas suffit à rassurer certains analystes, qui craignent que Google s’attaque plus globalement au ciblage individuel, rapportait CNBC. Selon Julien Gardès (TripleLift), Criteo est souvent attaqué, mais c’est toutes les parties prenantes de l’adtech qui devraient s’inquiéter : “C’est tout le secteur du programmatique dont l’activité repose sur le cookie tiers, et même les solutions d’identité proposées ne s’en sont pas totalement affranchies”. Sollicité, Criteo n’a pas pu répondre au moment de la publication de l’article. Au-delà du ciblage publicitaire, ce sont toutes les fonctions clés marketing qui sont touchées par les restriction d’accès aux cookies : attribution, fréquence, mesure et détection de la fraude et des bots, comme l’explique Digiday. Les fournisseurs de données tierces et mesureurs sont donc largement concernés, et beaucoup avaient du retravailler leurs sources de données à l’entrée en application du RGPD. Nielsen Marketing Cloud, un des acteurs majeurs dans le domaine sollicité à ce sujet, n’a pas souhaité répondre à nos questions. À partir du moment où la capacité de ciblage utilisateur est réduite, on va nécessairement chercher à privilégier le contexte de diffusion et les les investissements basculeront sur des sites et environnements premium David Folgueira Directeur général adjoint de Prisma Media Solutions Google lui-même estimait à 52 % les pertes potentielles que générerait une disparition des cookies tiers sur les navigateurs pour les éditeurs (mesure largement critiquée par ceux-ci). Comme nous l’évoquions en juin dernier, ils se veulent néanmoins rassurant quant à leur moyens d’adaptation, et envisagent même la position de Google comme une opportunité. Ils y voient pour beaucoup un moyen de revaloriser le contexte de diffusion via des contenus “à forte valeur ajoutée”. “À partir du moment où la capacité de ciblage utilisateur est réduite, on va nécessairement chercher à privilégier le contexte de diffusion et les les investissements basculeront sur des sites et environnements premium” justifie David Folgueira en expliquant que les mesures de Safari et Apple avait permis de se préparer à une généralisation du phénomène anti-cookies. Chez MEDIA.Figaro, les différentes mesures ITP d’Apple ont généré une baisse de la valeur des inventaires de 35 % (Prisma l’estime aussi à 40 %), rapporte Karine Rielland. La régie affirme aussi avoir poussé des offres contextuelles, “dont l’effet n’a pas encore été mesuré”. La SSP Index Exchange, qui cherche à se positionner sur des solutions d’identification autre que le cookie tiers – lire notre entretien avec le CEO Andrew Casale – estime que le ciblage contextuel n’est pas une alternative crédible. “C’est une réponse temporelle, propre à une typologie d’éditeurs, mais non-créatrice de valeur. Nous croyons davantage à la valeur générée par le ciblage principalement sur la fréquence d’exposition et la personnalisation de l’expérience utilisateur”, affirme Augustin Decré, directeur général Europe du Sud d’Index Exchange. Cette annonce aura nécessairement pour effet de recentrer encore un peu plus les éditeurs sur leurs données propriétaires et de favoriser les acteurs qui ont axé leur modèle sur l’exploitation et l’enrichissement de celles-ci, comme certains éditeurs de DMP tels que Mediarithmics, 1plusX ou Permutive (consulter notre panorama des solutions DMP côté éditeur). “Nous avons choisi de nous focaliser sur la data first party. Nous nous attendons donc toujours à une certaine rareté de la donnée, mais elle est souvent de grande qualité et déterministe”, explique Jürgen Galler (1plusX). Un accélérateur pour les initiatives communes ? Jusque-là, le secteur de la publicité en ligne s’est souvent adapté aux restrictions de cookies sur Safari et Firefox en employant des parades temporaires, qui ont progressivement été ciblées par les navigateurs dans leurs mises à jour : le fingerprinting, la délégation de sous-domaine ou le local storage. Les acteurs interrogés s’accordent pour dire que ce nouveau contexte doit permettre de se focaliser sur des solutions long-terme, que ce soit via des login, ou d’autres solutions d’identification d’initiative commune ou individuelle. Cette mesure pourrait donc booster l’usage des ID uniques, qui se sont multipliés ces dernières années pour se poser en alternative aux wall gardens. Pour le moment, beaucoup reposent sur les cookies tiers et la simplification de leur synchronisation, et peinent à se généraliser à l’ensemble du marché. De plus, on peut redouter le fait que Google s’attaque plus globalement au ciblage utilisateur qu’au cookie, comme l’ont fait Mozilla (qui a récemment bloqué l’identifiant Digitrust de l’IAB Tech Lab sur son navigateur) et Apple. “Pour remédier à cela, la solution reste un identifiant unique proposée par une organisation neutre comme pourrait l’être l’IAB Tech Lab”, explique Julien Gardès (TripleLift). “même si il est souvent malmené, le cookie a le mérite de l’interopérabilité ; l’important est donc de trouver l’ID universel pour retrouver cette synchronisation entre plateformes (SSP, DSP etc.)”, ajoute Véronique Pican (Smart). Une troisième voie s’ouvre, celle des alliances d’acteurs de la publicité en ligne pour conserver le lien avec les audiences. Les initiatives ont émergé ces dernières années au Portugal, en Allemagne, en Suisse et en France. Quand Mozilla s’est attaqué aux cookies tiers, cela a accéléré les dynamiques d’alliances et de logins communs entre acteurs de la publicité en ligne en Allemagne, ou le navigateur représentait alors 40 % des usages. On avait alors assisté à la création de NetID, un login commun adopté par éditeurs médias, e-commerçants, sociétés de paiement en ligne, service financiers sur 70 sites, qui pour l’instant ne permet pas la collecte de données publicitaires. En France, la démarche a émané exclusivement côté éditeurs, avec PassMedia, le login commun du geste, adopté par six éditeurs il y a quelques jours. Les applications publicitaires de ce login ne sont pour le moment pas définies, mais il est clair que le contexte actuel pourrait accélérer le processus. Bertrand Gié, directeur du pôle news du Figaro et président du Geste, qui coordonne le dispositif, l’a d’ailleurs présenté comme “une alternative à un monde sans cookie tiers” pour proposer des publicités adaptées aux lecteurs. Paul Roy Ciblage publicitaireCookiesDuopoleNavigateurs Besoin d’informations complémentaires ? 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