Accueil > Médias & Audiovisuel > INFO MIND MEDIA – Publicité en ligne : nouveaux procès intentés par les médias français contre Google, les premières audiences débutent INFO MIND MEDIA – Publicité en ligne : nouveaux procès intentés par les médias français contre Google, les premières audiences débutent Selon nos informations, SIPA / Ouest-France, Prisma Media, Le Figaro, CMA Média, Les Échos-Le Parisien, L’Équipe et Adevinta/Leboncoin viennent d’attaquer Google devant le tribunal de commerce de Paris. Ils lui réclament plus d’un milliard d’euros cumulés en réparation de pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 20 septembre 2024 à 15h59 - Mis à jour le 23 septembre 2024 à 17h51 Ressources Un nouveau front judiciaire vient officiellement de s’ouvrir pour Google, cette fois sur le sol français. mind Media l’avait révélé le 23 mai : plusieurs groupes français préparaient des assignations contre le groupe américain devant le tribunal de commerce de Paris pour faire sanctionner ses pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne. Sept groupes viennent de passer à l’action au nom de 22 sociétés qu’ils contrôlent, a appris mind Media : SIPA / Ouest-France, Le Figaro, Prisma Media, Les Échos-Le Parisien, Adevinta/Leboncoin, CMA Média (qui a hérité de la procédure initiée par Altice Media lors de son acquisition en juin dernier) et L’Équipe. Ils ont tous assigné Google cet été. Des ultimes bribes de discussion avec le groupe américain ont eu lieu dans la foulée, au moins avec certains groupes, mais celui-ci leur a rapidement opposé une fin de non-recevoir. Les éditeurs ont donc successivement procédé à l’enrôlement de leurs dossiers (équivalant au lancement de la procédure judiciaire) devant le tribunal de commerce de Paris, entre fin juin et le 10 septembre pour le dernier d’entre eux. A chaque fois sont visés Google France, mais aussi les sociétés liées, Google Ireland Ltd (basée en Irlande), et Google LLC et Alphabet (basées aux États-Unis). L’enjeu pour ces éditeurs : obtenir réparation de leur préjudice publicitaire subi sur le marché des SSP et de l’adserving, outils nécessaires à la vente publicitaire numérique, qui a été reconnu et sanctionné par l’autorité de la concurrence française en juin 2021. Google avait alors transigé avec l’organe en acceptant la décision et une amende minorée à 220 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles liées aux outils de vente publicitaire. Publicité en ligne : pourquoi Google a été reconnu coupable de pratiques anticoncurrentielles en France en 2021 par l’Autorité de la concurrence Une première audience le 5 septembre “Google a été clairement reconnu coupable de comportements anticoncurrentiels. L’Autorité de la concurrence a déclaré que Google a favorisé pendant des années ses propres solutions au détriment de celles de ses concurrents. Nous en avons été victimes avec la solution technologique que nous utilisions ; nous agissons maintenant pour obtenir réparation”, confirme auprès de mind Media Marc Feuillée, directeur général du groupe Figaro. Le Figaro utilisait alors la suite technologique d’AppNexus (devenue Xandr/Microsoft), solution publicitaire pour les éditeurs qui était concurrente de celle de Google. Même état d’esprit du côté du groupe Les Échos-Le Parisien, où l’on parle de suite logique après les constats faits par l’Autorité de la concurrence pour voir réparé un dommage financier jugé évident. Les procédures judiciaires sont donc officiellement lancées. Jeudi 5 septembre à eu lieu la première audience au tribunal de commerce de Paris, pour mise au calendrier des plaintes au fond déposées par les groupes Figaro, Prisma Media, Les Échos et Le Parisien. Leur prochaine audience aura lieu en octobre. La procédure pourrait durer deux à trois ans. Ce premier groupe d’éditeurs est défendu par le cabinet d’avocats Orrick, Herrington & Sutcliffe, spécialisé en droit européen et droit de la concurrence. “La réparation financière devant le tribunal de commerce reste difficile à anticiper, souligne sous couvert d’anonymat un expert juridique impliqué dans l’une de ces procédures. Au niveau juridique, il faut d’abord prouver la conduite fautive, le préjudice et le lien de causalité entre les deux, tout en expliquant à un juge profane le marché de la publicité et ses technologies, très complexes et opaques”. ENQUÊTE – La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % La conduite fautive de Google et le préjudice des éditeurs ne devraient pas être difficiles à soutenir, après la décision de l’autorité de la concurrence française et les procès et enquêtes qui s’accumulent contre Google dans le monde. La responsabilité directe du groupe sur les résultats publicitaires déclinants des plaignants et leur manque à gagner supposera en revanche davantage d’efforts. “Il faut argumenter en détail et objectiver le plus possible avec des chiffres, des études, des comparaisons, et montrer qu’on a travaillé le dossier”, explique cet expert. La demande de réparation financière doit reposer sur des arguments objectifs, ou du moins étayés, avec une argumentation économique et un chiffrage précis du préjudice publicitaire supposé. Le montant réclamé peut varier selon les éditeurs en fonction du grief reproché, du niveau de leur activité publicitaire, du dommage subi et de la stratégie choisie. Le chiffrage peut ou non intégrer la perte éprouvée, la perte de chance et le préjudice moral. Chacun des éditeurs de ce premier groupe a fait appel au cabinet Oiko, spécialisé en économie de la concurrence, pour réaliser leurs études. C’est la démarche déjà effectuée par la société adtech française Equativ, qui, sur les mêmes motifs, a discrètement lancé une procédure judiciaire contre le groupe américain en avril 2022 devant le tribunal de commerce de Paris : il lui réclame 346,5 millions d’euros, comme mind Media le révélait le 7 juin. INFO MIND MEDIA – L’argumentation d’Equativ qui réclame plus de 346 millions d’euros en justice à Google D’autres audiences à venir Dans quelques jours, fin septembre, ce seront CMA Média et L’Équipe qui affronteront Google lors d’une première audience, avant Adevinta/Leboncoin quelques semaines plus tard. Ces trois-là ont choisi la procédure du référé, estimant nécessaire de faire stopper rapidement les pratiques de Google et le préjudice qu’elles entraînent. Ils sont représentés par le cabinet Dazi Avocats. Ils appuient leurs prétentions financières sur une analyse économique commandée au cabinet Charles River Associates, spécialisé dans le conseil économique et financier. Enfin, le groupe SIPA / Ouest-France, représenté par le cabinet De Gaulle Fleurance, se rendra à sa première audience contre Google début octobre. Les dédommagements cumulés réclamés à Google par les sept groupes français dépassent le milliard d’euros. D’autres groupes sont en train de réfléchir à agir à leur tour en justice. Les filiales concernées par les procédures Au niveau procédural, les sept groupes agissent pour leurs filiales éditrices, dont les revenus publicitaires, disent-ils, sont affectés par les pratiques de Google. SIPA / Ouest-France agit pour ses filiales Ouest-France et Publihebdos ; le groupe Figaro pour Le Figaro, Media.Figaro, MeteoConsult et CCM Benchmark Group ; Le groupe Les Échos-Le Parisien pour Les Echos, Les Echos Le Parisien Médias, Investir et Le Parisien ; le groupe Adevinta pour Leboncoin et Adevinta en France, Subito et Infojobs en Italie, Mobile.de et Kleinanzeigen.de en Allemagne, ainsi que Adevinta Espagne et Marktplaatz aux Pays-Bas ; tandis que L’Équipe agit pour Amaury Media et L’Equipe 24/24. Prisma Media agit en son nom propre, tandis que CMA Média poursuit la procédure qui avait été lancée par Altice Media – qu’il a acquis au début de l’été – au nom de la régie publicitaire de ces activités audiovisuelles, Next Media Solutions. Dans ces premières procédures, Google est défendu par le puissant cabinet Cleary Gottlieb, comme c’est le cas dans l’essentiel des dossiers antitrust dans lesquels il est impliqué en France et dans le monde. Sollicité par mind Media pour livrer son point de vue sur ces nouvelles actions en justice ouvertes contre lui en France, le groupe américain n’a pas souhaité réagir sur le fond des dossiers. Le groupe reprend la position qu’il défend depuis la sanction de l’autorité de la concurrence il y a trois ans : “Bien que nous soyons en désaccord avec ces affirmations, nos engagements auprès de l’Autorité de la concurrence française démontrent l’ampleur du travail effectué avec les régulateurs afin de répondre aux questions concernant notre activité. Nos outils publicitaires, ainsi que ceux de nos nombreux concurrents, aident des millions de sites web et d’applications à financer leur contenu et permettent aux entreprises de toutes tailles d’atteindre efficacement de nouveaux clients. La concurrence accrue dans le domaine de la technologie publicitaire a rendu les publicités en ligne plus pertinentes, réduit les frais et élargi les options offertes aux éditeurs.” Les engagements évoqués ici par Google concernent ceux pris lors de la transaction conclue avec l’Autorité de la concurrence et annoncés en juin 2021. Ils sont censés corriger les entorses à la concurrence constatées dans le fonctionnement de Google Ad Manager (GAM), sa suite de solutions technologiques destinées aux éditeurs et vendeurs publicitaires, est en les rendant plus interopérables avec les interfaces de ses concurrents et partenaires. Les engagements de Google devant l’Autorité de la concurrence en 2021 : Offrir aux SSP tierces une modalité d’interopérabilité avec le serveur DFP (renommé depuis Google Ad Manager), permettant une concurrence par les mérites entre AdX et les SSP tierces pour l’achat des inventaires des éditeurs utilisant DFP Permettre un accès équitable à l’information sur le déroulé des enchères pour les SSP tierces Préserver la pleine liberté contractuelle des SSP tierces de sorte que celles-ci puissent négocier des conditions particulières avec les éditeurs ou pour mettre en concurrence les acheteurs qu’elles souhaitent Garantir qu’AdX n’utilise plus le prix de ses concurrents afin d’optimiser ses enchères d’une manière qui ne soit pas reproductible par les SSP tierces Offrir des garanties de stabilité technique, tant pour les SSP tierces que pour les éditeurs Apporter des changements aux configurations existantes qui permettent aux éditeurs utilisant des serveurs publicitaires tiers d’avoir accès à la demande AdX en temps réel Ces évolutions dans son infrastructure publicitaire avaient été rendues obligatoires par l’Autorité de la concurrence pour une durée de trois ans, avec la désignation d’un mandataire indépendant pour les faire respecter. Mais la concrétisation de ces engagements comme leur efficacité sont mis en doute par certains de nos interlocuteurs parmi les éditeurs médias et adtechs. “Rien n’a vraiment changé depuis la décision de l’Autorité de la concurrence il y a trois ans, Google exerce toujours une domination sans partage sur les activités publicitaires des médias, et plus largement sur la publicité et les technologies numériques”, souligne une partie prenante à ces procédures. Adtech : ce qu’il faut comprendre du procès de Google aux Etats-Unis Marc Feuillée (Le Figaro) pointe également la longueur du temps judiciaire : “Les procédures de régulation s’accumulent contre les plateformes et Google en particulier, en Europe mais aussi aux États-Unis. La régulation est beaucoup trop longue et l’efficacité des mesures qui sont prises est très aléatoire. Mais peut-être que la solution pour les éditeurs viendra du dénouement des affaires en cours aux États-Unis sur ses activités publicitaires.” Google n’a pas voulu transiger Pour Google, ces nouveaux contentieux en France s’ajoutent aux nombreuses enquêtes ouvertes ces dernières années pour des pratiques anticoncurrentielles présumées sur différents marchés numériques, en Europe et aux Etats-Unis : comparateurs de prix, service de recherche, publicité en ligne… Certaines accusations ont débouché sur des condamnations définitives et offrent de nouveaux arguments juridiques à ses concurrents pour négocier un dédommagement. Depuis la sanction prononcée par l’Autorité de la concurrence en novembre, et cet été encore, certains éditeurs ont d’ailleurs tenté de discuter avec Google pour négocier un dédommagement, espérant ainsi s’épargner du temps et des frais d’avocats et d’expertises économiques. Sans y parvenir. “C’est un groupe qui est très doué à la fois pour rester ferme dans ses positions et ne pas avancer, tout en temporisant pour laisser aux médias l’illusion qu’un compromis est encore possible”, estime l’un de ses interlocuteurs. Des transactions restent possibles jusqu’au dénouement des procédures. D’autant que tous ces éditeurs travaillent étroitement avec Google au quotidien : pour les outils publicitaires évidemment, mais aussi sur des dispositifs commerciaux et marketing, l’abonnement, et plus récemment sur l’IA générative, au moins pour l’un d’entre eux, CMA Média. En toile de fond, l’épineuse question du renouvellement des droits voisins est également en cours de discussion. ________Vous avez un commentaire ou une information à nous transmettre sur ces affaires ? Ou un sujet d’enquête à nous proposer ? Contactez l’auteur de l’article ou la rédaction. Jean-Michel De Marchi AdtechConcurrenceGAFAMGoogleJuridiqueModèles économiquesPublicité programmatiqueSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? 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