Accueil > Médias & Audiovisuel > L’Arcom et la DGMIC au secours du modèle économique des médias L’Arcom et la DGMIC au secours du modèle économique des médias Une étude prospective commandée par le régulateur de l'audiovisuel et la Direction générale des médias et des industries culturelles souligne l'urgence de rétablir les équilibres économiques du secteur publicitaire, dont dépend le modèle économique des médias. Car d'ici 2030, les grandes plateformes et notamment Google auront capté 65 % de la valeur du marché, accélérant leur domination. Par Raphaële Karayan. Publié le 30 janvier 2024 à 17h35 - Mis à jour le 02 février 2024 à 17h10 Ressources Les grandes plateformes captent l’essentiel de la croissance du marché publicitaire, la transformation numérique des médias historiques ne suffit pas à compenser leurs pertes de recettes, en particulier pour la presse, et ces difficultés n’ont pas fini de s’accentuer. C’est, en résumé, la conclusion de l’étude présentée par l’Arcom et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) du ministère de la Culture, confiée au cabinet PMP Strategy, et présentée mardi 30 janvier. Rien de bien neuf ? Cette étude prospective, visant à évaluer les perspectives d’évolution du marché publicitaire français à l’horizon 2030 et à dresser un diagnostic du mal qui ronge le modèle économique des médias, mérite cependant que l’on s’y attarde. D’une part car elle contient un chiffrage intéressant illustrant la position dominante de Google, tant en termes de part de marché média que d’adtech ; d’autre part en raison de ses motivations. Elle a en effet pour objectif de “nourrir le débat public, dans le cadre des Etats généraux de l’information en particulier”, a indiqué Roch-Olivier Maistre, président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle, et de servir de base à deux consultations publiques lancées par le ministère de la Culture : l’une sur l’assouplissement de la réglementation de la publicité en télévision (pour le cinéma et l’édition), l’autre sur l’évolution de la réglementation encadrant la publicité sur l’ensemble des médias. S’appuyer sur la prospective pour faire “bouger les lignes” “L’idée est de lancer des consultations pour voir comment influer sur ces tendances en utilisant différents leviers, par exemple financiers ou fiscaux, explique Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles au ministère de la Culture. Il est un peu tôt pour parler de calendrier, mais le chiffre si conséquent de la captation de valeur par les intermédiaires techniques de la publicité programmatique matérialise la position dominante de Google et nous interpelle. La tendance est assez claire, comme le montrent les chiffres du Royaume-Uni, et nous n’avons pas de doute sur l’importance d’agir.” Différents leviers sont envisageables pour flécher les investissements, parmi lesquels des outils financiers, fiscaux, mais aussi l’assouplissement de la réglementation, comme les mentions légales en radio. “On voit que les grands acteurs du numérique cannibalisent les recettes publicitaires. Le vœu que nous pouvons former est de garder cette dynamique de régulation au niveau européen (SMA, droit d’auteur, DMA, DSA, liberté des médias), et d’agir sur la réglementation nationale pour préserver les équilibres. Les lignes vont sûrement devoir bouger”, ajoute Roch-Olivier Maistre. Les plateformes capteraient 65 % de la valeur du marché en 2030 D’après l’étude, les recettes publicitaires totales en France devraient continuer à croître de 2,3 % par an en moyenne. Mais la captation de la valeur par les grandes plateformes devrait s’accentuer, pour passer de 52 % en 2022 à 57 % en 2025, puis 65 % en 2030 (dont 45 % rien que pour Alphabet, Meta, Amazon et TikTok). Ce qui n’est encore rien par rapport à la situation au Royaume-Uni, que l’Arcom et la DGMIC agitent comme un chiffon rouge. Là-bas, où l’e-commerce a plus de poids (donc le retail media aussi) et les dépenses publicitaires par habitant sont quatre fois plus élevées, la part captée par les acteurs du numérique s’élevait déjà à 77 % en 2022. Et le mouvement continue à s’accélérer. La croissance du retail media est estimée en France à 10 % par an jusqu’en 2030, pour atteindre 1,9 milliard d’euros. Dans le même temps, l’étude table sur un recul des bannières classiques de 33 % à 22 % au sein du marché display, une progression du display vidéo de 51 % à 58 %, et une croissance de l’audio (intégré dans le marché display) de 5 % à 15 %. Les recettes publicitaires du search, qui ont doublé entre 2012 et 2022, devraient atteindre un marché de 4,8 milliards d’euros en 2030, avec une croissance moyenne de 5,4 % par an, tandis que les médias sociaux bénéficieraient d’une croissance de 4 % par an. La presse en déroute, la télévision résiliente mais fragile Les recettes numériques des médias historiques (5,1 % du marché publicitaire total en 2022, 6,4 % en 2030) augmenteraient certes de 400 millions d’euros (de 800 millions d’euros à 1,2 milliards) d’ici à 2030, mais seraient loin de compenser la chute de la publicité sur les formats classiques. Par médias, les recettes publicitaires de la presse continueraient de décroître et devraient perdre un tiers de leur valeur à horizon 2030, après une forte baisse entre 2012 et 2022 (-5,4 % par an en moyenne). Le numérique atteindrait environ 30 % des recettes publicitaires de la presse en 2030. Les chiffres à retenir Croissance du marché publicitaire français : + 2,3 % par an 65 % du marché sera capté par les acteurs numériques en 2030 (contre 52% aujourd’hui), dont 45% par l’ensemble Alphabet, Meta, Amazon et Tiktok 40 % des dépenses des annonceurs sont captées par les adtechs en 2022 Part des revenus numériques des acteurs historiques dans le marché publicitaire total : 6,4% en 2030, contre 5,2% en 2022. Recettes publicitaires des médias qui investissent dans les contenus d’information et de création : 5,3 milliards d’euros en 2030, contre 6,1 milliards en 2022 Les recettes de la télévision devraient se maintenir à court-terme, mais décrocher à partir de 2026 en lien avec la baisse des audiences et son vieillissement sur la télévision linéaire (de 93 % à 82 % des recettes publicitaires de la télévision), et le développement de la télévision connectée et des plateformes de VOD. Les espaces numériques de ces acteurs devraient passer de 7 à 13 % de leurs recettes publicitaires, estimées en moyenne en baisse de 1,4 % par an. Roch-Olivier Maistre a souligné à ce titre la “résilience” du média TV, qui “garde une place très importante même si son modèle est en train de s’étioler”. C’est sans doute ce qui explique que des assouplissements de la réglementation de la publicité en télévision soient à l’étude, histoire de soutenir le seul média qui s’en sorte tant soit peu face à la concurrence des GAFAM. Au risque d’ouvrir la boîte de pandore de l’ouverture de la publicité TV à la grande distribution, alors que les Youtube et Netflix ne sont pas concernés par cette interdiction. Trop de valeur captée par les adtechs, et qui ne finance pas les contenus Et voici maintenant les deux enseignements de l’étude qui nourrissent les inquiétudes de l’Arcom et de la DGMIC. Il y a tout d’abord le fait que 40 % des dépenses des annonceurs sont captées par les intermédiaires techniques de la publicité programmatique (10 % chacun pour les DSP et SSP, 20 % pour les ad exchanges), qui comptait pour 60 % du marché de la publicité digitale display en 2022. Or, “les grandes plateformes sont en position dominante sur tous les segments de l’intermédiation technique de la publicité programmatique”, et “la quasi-totalité des éditeurs de médias ont recours aux services de Google”, note PMP Strategy. Ensuite, le fait que seules 29 % des recettes publicitaires de l’ensemble du marché seront dirigées en 2030 vers des médias qui financent en amont la production des contenus d’information et de création – et qui par conséquent en portent le risque -, contre 40 % en 2022. La croissance des recettes numériques bénéficiant majoritairement à des acteurs qui n’investissent pas en amont dans les contenus (réseaux sociaux, sites e-commerce, YouTube…). Ce qui correspond à une perte de 800 millions d’euros de recettes, qui parlent au ministère chargé de maintenir l’exception culturelle française et la qualité du débat démocratique… Le rebond des investissements publicitaires en France au deuxième semestre 2023 profite surtout aux plateformes “Historiquement, les recettes issues de la publicité permettent aux médias de financer une part de la production et de la distribution de contenus. Les recettes sont aujourd’hui captées, et de manière croissante, par des acteurs dont le business model est fondé sur la captation et la monétisation de la donnée. C’est un pivot du marché très important”, observe PMP Strategy. Officiellement, aucun décision n’a été prise pour corriger le tir, l’Arcom et la DGMIC s’en tenant aux consultations ouvertes et aux débats en cours, notamment dans le cadre des Etats généraux de l’information. “Nous n’avons pas d’agenda caché, ni de décision pré-arbitrée”, a assuré Florence Philbert (DGMIC). Méthodologie de l’étude Cette étude a été réalisée par le cabinet PMP Strategy. Elle repose sur l’analyse de bases de données françaises et internationales, et sur des échanges avec 80 interlocuteurs de l’écosystème entre octobre et décembre 2023. Les prévisions ont été réalisées à cadre réglementaire constant, en analysant la corrélation entre l’évolution du PIB et des dépenses de communication, puis en définissant des hypothèses sous-jacentes à chaque média pour l’évolution des volumes d’inventaires et des prix. Raphaële Karayan AdtechArcomEtats Généraux de l’informationGAFAMMarché publicitaire 2024Modèles économiquesPublicité programmatiqueRéglementationTransformation de l'audiovisuelTransformation des médias Besoin d’informations complémentaires ? 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