Accueil > Médias & Audiovisuel > Relations avec les plateformes > Producteurs de contenus : y a-t-il une vie après Facebook ? Producteurs de contenus : y a-t-il une vie après Facebook ? Le nouvel algorithme de Facebook privilégie les contenus jugés de qualité et ceux qui engagent la conversation. Notre partenaire, le Social Media Club France, a organisé un atelier de discussion sur ce thème avec des médias et des marques puis en a publié un compte-rendu. mind Media le reproduit ci-dessous. Pour mieux s’adresser aux communautés, les médias cherchent à créer des cercles d’audience plus restreints mais plus engagés : pages spécialisées, groupes… Moins Facebook-dépendants qu’avant, les éditeurs devront développer des stratégies de diffusion spécifiques à chaque réseau social. Par . Publié le 30 mars 2018 à 14h30 - Mis à jour le 30 mars 2018 à 14h30 Ressources Le Social Media Club France Le Social Media Club France est un cercle de rencontres entre professionnels du numérique. Confidentielles et conviviales, ces sessions en petit comité sont réservées aux membres adhérents. Pour participer : contact@socialmediaclub.fr Sont intervenus dans ce débat en mars 2018 : Julien Apack, responsable marketing des Jours, Daphnée Denis, rédactrice en chef de Loopsider, Martin Jaglin, fondateur de MonPetitGazon, Guillaume Poquet, social media strategist chez Total, Lauren Provost, rédactrice en chef adjointe du HuffPost, Michaël Szadkowski, rédacteur en chef Numérique du Monde, et Alexandre Vekhoff, directeur digital de Lagardère Active Radio International. Cette session de la commission content était animée par Maxime Drouet, directeur du département digital de Burson-Marsteller i&e, Aurélien Viers, responsable du pôle visuel de L’Obs, Pierre-Olivier Cazenave et Paul Roy (Social Media Club France). Le 11 janvier 2018, Mark Zuckerberg annonçait un changement majeur dans l’algorithme de Facebook. Objectif : plus d’amis et de familles, moins de médias et de marques sur le fil d’actualité de ses utilisateurs. En trois mots, “Time Well Spent”. Zuckerberg a repris à son compte l’expression inventée en 2016 par l’un de ses détracteurs, Tristan Harris, ex-philosophe produit chez Google, lanceur d’alerte et créateur d’une fondation éponyme. Ce revirement du réseau social aux 2 milliards d’utilisateurs actifs a fait frémir les éditeurs : le média Little Things a fermé ses portes, NowThis réouvre son site, le Times se concentre sur les micro-communautés… Selon l’Observatoire de l’e-pub, Google et Facebook représentent 78 % du marché de la publicité en ligne. Face à cette situation de duopole, les médias doivent se résoudre à s’adapter aux exigences du 1er réseau social mondial. De son côté, Facebook continue à se transformer pour grossir, à tel point que le mastodonte semble échapper à son créateur, comme le relatait récemment Wired dans un long article. Cet (énième) changement d’algorithme modifie-t-il les stratégies de diffusion des médias et annonceurs ? Quelles solutions alternatives peuvent-ils mettre en place pour réduire leur dépendance à Facebook ? Si le changement d’algorithme a été annoncé début 2018, Lauren Provost (HuffPost) note avoir observé une baisse du reach de la page Facebook du HuffPost dès le mois de novembre 2017. Cependant, il aura fallu attendre ce début du mois de mars pour ressentir, du côté des médias, le revirement annoncé par Facebook. Il se traduit par deux évolutions concrètes. D’une part, une plus forte distinction entre les contenus “viraux” sur-performants et les contenus non “social friendly”, pour lesquels le flop paraît désormais inévitable. “Un article qui aurait fait 10 000 clics sous l’ancien algorithme explose de manière exponentielle, il en fait le double aujourd’hui”, détaille ainsi Lauren Provost (HuffPost). Même constat pour Loopsider, nouveau média de vidéo 100% social : “notre page a 160 000 likes et certaines vidéos ont atteint 1 million de vues en 24h”, dévoile Daphnée Denis. “Celles qui ont le mieux marché sont celles qui avaient le meilleur potentiel et étaient les plus visuelles”, précise-t-elle. D’autre part, le type de contenus valorisés par Facebook a évolué. Désormais, le réseau social semble privilégier les contenus de qualité et ceux qui engagent la discussion. Concrètement, l’algorithme détecte les articles qui génèrent de longs commentaires (au moins 5 mots) et les valorise dans le fil d’actualité des utilisateurs. Le Monde a donc adapté ses publications : “On poste moins de breaking news et d’actualités ‘chaudes’, plus compatibles avec Twitter. Pour Facebook, on s’intéresse aux sujets de conversation en ligne et on cherche à poster des contenus qui vont faire réagir. Notre logique est de faire ‘moins mais mieux’”, résume Michaël Szadkowski (Le Monde). La relation ambiguë entre Facebook et les éditeurs Face aux évolutions de ce carrefour d’audience, devenu une indispensable source de trafic pour les revenus des médias, les équipes de Facebook accompagnent les médias dans la mutation de leurs stratégies de diffusion. “Facebook a décidé il y a deux ans que le partenariat média était important. Avant, c’était une boîte noire”, retrace Michaël Szadkowski (Le Monde), qui souligne toutefois que “la culture du secret est très forte : ils ne veulent pas qu’on connaisse leur cuisine interne… comme des développeurs jaloux de leur code !” Si Le Monde a construit, à travers plusieurs partenariats (vidéo, lutte contre les fake news), des liens privilégiés avec la plateforme, la communication informelle reste le meilleur moyen d’obtenir des informations de la part du géant de Menlo Park. Du côté des annonceurs, l’heure n’est pas encore à la coopération. “Facebook attend des investissements de notre part”, constate Guillaume Poquet (Total Corporate). Les marques semblent incitées à sponsoriser leurs posts pour gagner en visibilité à l’inverse des médias, qui sont plutôt à la recherche d’une audience organique, moins chère. Malgré la baisse du reach liée au nouvel algorithme, les médias peuvent-ils se passer de Facebook ? La firme de Mark Zuckerberg représente toujours une source importante de trafic sur leur site : environ 20 %, selon plusieurs médias. “Facebook fait partie de notre stratégie marketing : il contribue à l’apport d’internautes sur nos sites”, estime Alexandre Vekhoff (Lagardère Active). “Encore aujourd’hui, tout le monde va tout le temps sur Facebook, abonde Michaël Szadkowski (Le Monde). C’est encore un lieu de conversation privilégié.” Plus fondamentalement, l’hégémonie de Facebook se ressent dans sa capacité à modeler les attentes en termes d’information. “Le vrai sujet est que Facebook change la manière dont nous consommons l’information en tant qu’audience, estime Daphnée Denis (Loopsider), prenant l’exemple des vidéos qui commencent en auto-play. En ce moment, Facebook veut que les contenus créent de la conversation : on doit s’adapter.” Créer des groupes pour se rapprocher de son audience Pour répondre à cette volonté de mettre en avant les communautés, les stratégies de diffusion de certains éditeurs tendent aujourd’hui vers une approche plus segmentée de l’audience. La nouvelle politique de diffusion, encouragée par Facebook, consiste à créer des pages ou des groupes autour de thématiques spécifiques. Ainsi, Lagardère Active a commencé à déployer ces outils en Pologne : “Nous sommes dans une phase de “test and learn” et nous avons créé plusieurs groupes en fonction de nos marques. Par exemple, un groupe dédié aux faits divers, car cela correspond à l’ADN de notre marque radio principale en Pologne et à une attente des auditeurs. Le but est de créer de l’engagement et de l’interactivité. Nous trackons cette activité et cela commence timidement à porter ses fruits”, relate Alexandre Vekhoff. Aux Etats-Unis, le site Vox a ouvert pendant la campagne présidentielle un groupe sur la fin de l’Obamacare. Objectif : créer un espace de conversation pour les internautes concernés. Ces groupes ont plusieurs fonctions : récolter des UGC (user generated contents) ou témoignages (“les gens sont moins à l’aise pour partager leur expérience sur des grosses pages où les échanges sont généralement tendus et les trolls nombreux”, explique Lauren Provost, du HuffPost), mais aussi développer l’image de marque des médias et fidéliser leur audience. En France, le HuffPost s’apprête à lancer un groupe test et administre déjà des pages spécialisées (vie quotidienne, lifestyle, vie de bureau…). “J’ai créé un club de lecture qui ne rassemble que 6 000 fans mais dont les reachs sont parfois supérieurs à ceux de la page principale HuffPost”, indique Lauren Provost (HuffPost). Ces cercles d’audience restreints ont des forts taux d’engagement, une plus-value pour les médias comme pour les annonceurs. Peut-on pour autant parler d’un retour de l’”âge d’or” des réseaux sociaux et des forums, au « web 2.0 de 2007″, comme le formule Aurélien Viers (L’Obs) ? La prudence est de mise selon Michaël Szadkowski (Le Monde), qui souligne une différence de taille : le ciblage publicitaire dont font désormais l’objet les internautes. “Facebook collecte les données et contenus issus des profils. Personne n’est anonyme, ça peut donc poser des problèmes éthiques sur des thématiques sensibles”, souligne-t-il. Réinventer la relation entre médias et audience nécessite de préserver le lien de confiance. Sortir de la dépendance à Facebook en douceur Pour Mon Petit Gazon, premier jeu de fantasy football en France, Facebook et les autres réseaux sociaux doivent rester une « cerise sur le gâteau et non un intermédiaire entre vous et vos clients ». “Nous utilisons par exemple le Facebook Connect pour préremplir le formulaire d’inscription et non pour être directement loggué, de façon à garder le contact direct avec nos utilisateurs”. Pour la même raison, “nous avons refusé de faire une App Facebook même si elle aurait facilité de prime abord la viralité du jeu”. Facebook et Twitter sont ici simplement utilisés pour créer des conversations autour des actus du jeu et “si Facebook coupait demain, on continuerait sans impact”, explique Martin Jaglin qui refuse “ce boulet au pied” mais qui n’a pas pu éviter la création d’une App et indirectement ses 30 % de commission imposés par Apple et Google, sans dégressivité pour les achats in-App (hors abonnement). Les Jours ont également décidé de ne pas trop compter sur Facebook pour recruter de l’audience : “Notre investissement est minime. Même si ça nous apporte du trafic, doubler notre reach demanderait beaucoup de travail pour un impact limité en souscriptions d’abonnements”, justifie Julien Apack. Cette approche se retrouve chez certaines marques, comme Total : “Facebook n’est qu’une brique de notre stratégie social media” (Guillaume Poquet). À terme, l’enjeu primordial des éditeurs est la diversification des sources de trafic dans le web social. “On travaille à l’optimisation des autres sources de trafic : le trafic direct ou encore le SEO. Même si, en parallèle, on se doit aussi d’être présent sur Facebook car il y a des bassins d’audience qu’on doit toucher”, confie Alexandre Vekhoff (Lagardère Active). Sortir de Facebook, c’est aussi toucher d’autres audiences, notamment les plus jeunes. “Les moins de 25 ans sont inactifs sur Facebook”, pointe Martin Jaglin (Mon Petit Gazon). Dans cette optique, Le Monde est déjà très présent sur Snapchat via la section Discover : “C’est un laboratoire en vase clos. Pour nous, l’objectif est avant tout de parler d’une nouvelle manière à nos lecteurs et d’aller chercher une nouvelle audience, en espérant qu’ils iront plus tard sur notre application puis sur notre site.” (Michaël Szadkowski). Le Monde revendique 500 000 lecteurs quotidiens sur Snapchat, dont la moyenne d’âge est comprise entre 13 et 25 ans, contre 40 à 45 ans pour le site internet. Si Loopsider s’est lancé en janvier prioritairement sur Facebook car les rendements sont plus rapides, le média 100% social compte investir prochainement YouTube : “c’est un réseau social passionnant et très important, c’est aussi là où sont les jeunes”, rappelle Daphnée Denis. Quelles alternatives crédibles ? Chaque plateforme doit être pensée comme un moyen de diffusion de contenus propres”, estime Lama Serhan, responsable création, production et distribution des programmes sur le numérique chez Arte. La chaîne avait notamment réalisé une BD remarquée sur Instagram l’été dernier. La plateforme de partage de photos, elle aussi propriété de Facebook, prend de l’ampleur. “Il va falloir enrichir et faire évoluer ce qu’on fait sur Instagram, en prenant appui des dernières évolutions de la plateforme autour des stories”, confie Michaël Szadkowski. Le compte du Monde est aujourd’hui principalement alimenté par le service photo et met en avant les plus belles productions photographiques. L’engouement autour des “stories” (publications visibles uniquement 24 heures, sur le modèle de Snapchat) incite les médias à investir ce nouveau canal d’expression. Toutefois, il nécessite un graphisme très soigné, inhérent à l’identité d’Instagram : “ça représente un temps de conception dingue”, regrette Lauren Provost. Le réseau social professionnel LinkedIn a été rapidement apprivoisé par les marques, dans une optique de stratégie d’accompagnement de la prise de parole de leurs collaborateurs et CEO. Ainsi le PDG de Total, Patrick Pouyanné, communique directement via son compte labellisé “influenceur” auprès de 127 000 abonnés. Les publications des groupes médias “sont orientées B2B, comme des publications sur des innovations liées aux marques, des résultats d’audience ou des partenariats avec les acteurs du marché », selon Alexandre Vekhoff (Lagardère Active). Pour les marques, LinkedIn est un outil au service de la transformation digitale. A l’inverse, pour les médias, le constat est clair : “LinkedIn, c’est le Far West”, résume Michaël Szadkowski (Le Monde). “Même nos data analysts ne comprennent pas encore parfaitement quels types de publications fonctionnent ou non.” En revanche, les éditeurs ont remarqué que les utilisateurs LinkedIn apprécient de partager eux-mêmes les articles, et qu’ils commencent à aborder des thématiques plus grand public. Mais “les trolls ont fait leur apparition !”, souligne Pierre-Olivier Cazenave (Social Media Club France). En terme de source de trafic, la “bonne surprise” inattendue a été Apple News, selon Laurent Provost (HuffPost) : “Ce qu’on a appris à faire sur Facebook nous a permis de sur-performer sur Apple News : avoir la bonne photo, un titre court et accrocheur, des articles pensés très social…” Le HuffPost a également investi Flipboard et accompagne la diversification de ce réseau étiqueté “tech” et “geek” grâce à des contenus sur la politique américaine ou le lifestyle. À chaque nouveau réseau social qui se lance (dont Vero, le dernier en date), les médias ont pris l’habitude de scruter les innovations. “On regarde ce que ça change en terme de format et on ouvre des comptes pour éviter que des particuliers usurpent notre marque”, détaille Michaël Szadkowski (Le Monde). Outre les réseaux sociaux, les alternatives à Facebook sont également explorées du côté des applications de messagerie instantanée. “Nous éditons le site ELLE en Côte d’Ivoire, qui est la première version francophone du magazine ELLE en Afrique. Une des particularités du digital en Afrique subsaharienne est que WhatsApp représente environ 16 % du trafic mobile, soit environ 2 fois plus que Facebook. C’est un mode de diffusion que nous testons donc”, déclare Alexandre Vekhoff (Lagardère Active). Nous avons de très bons retours sur nos expérimentations d’envoi de news via WhatsApp.” En effet, les messageries permettent, comme les newsletters, de jouer un rôle de curation en fournissant le type d’information demandé directement par l’utilisateur, et donc in fine de favoriser les communautés. Si penser l’après-Facebook est indispensable, le changement d’algorithme ne s’accompagne pas de ruptures nettes dans les stratégies de diffusion. “On se donne jusqu’à l’été pour regarder ce qu’il se passe et ne pas faire de mouvements brutaux”, résume Lauren Provost (HuffPost). Par Élise Koutnouyan, pour le Social Media Club France AlgorithmesDistribution des contenusFacebookGAFAMInstagramLinkedIn Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les parts de marché de Google et Facebook devraient reculer pour la première fois aux Etats-Unis Comment les éditeurs monétisent les groupes Facebook Quel est l'impact du changement d'algorithme de Facebook pour les éditeurs américains ? essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Etude mind Media - 366 (2/5) : Les usages des abonnés numériques de la PQR Une année faste pour Havas Play, portée par les Jeux olympiques Fin d’Oracle Advertising : un impact limité sur le marché français Etude mind Media - 366 (1/5) : Les attentes des abonnés numériques envers les médias d’information INFO MIND MEDIA - Google condamné à verser plus de 26 millions d’euros à Equativ pour pratiques anticoncurrentielles dans la publicité en ligne Comment les agences médias indépendantes se différencient des grands groupes de communication Quels acteurs de la mesure figurent dans les applications Android des éditeurs français ? mind Media Day : ce qu'il faut retenir de notre conférence consacrée à la mesure publicitaire Quels acteurs de la mesure figurent dans les sites web des éditeurs français ? 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