Accueil > Adtechs & Martechs > Google accusé de truquer le marché publicitaire en ligne : de nouveaux éléments mettent en cause son système d’enchères programmatiques Google accusé de truquer le marché publicitaire en ligne : de nouveaux éléments mettent en cause son système d’enchères programmatiques Manoeuvres anticoncurrentielles pour conserver son monopole technologique, accord avec Facebook pour se partager des parts de marché, collusion avec les Big techs pour entraver les réglementations sur la vie privée en ligne et la protection des enfants, manipulations de son système d'enchères programmatiques, du header bidding et du dispositif mobile AMP… De nouveaux détails ont été dévoilés le 14 janvier dans la plainte antitrust de plusieurs Etats américains contre Google, au détriment des éditeurs et des annonceurs. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 21 janvier 2022 à 8h00 - Mis à jour le 11 mars 2022 à 13h09 Ressources La communication au public, vendredi 14 janvier, d’une troisième version de la plainte conduite par le procureur général du Texas, Ken Paxton, contre Google – une version moins expurgée – livrent de nouvelles révélations dans les accusations de pratiques anti-concurrentielles dans la publicité en ligne. “Notre plainte modifiée détaille comment Google manipule l’enchère d’affichage en ligne pour punir les éditeurs et leur ment de manière flagrante sur la façon dont ils gèrent l’enchère”, a déclaré Ken Paxton. Deux nouvelles accusations majeures sont dévoilées dans ce dossier initié il y a plus d’un an : premièrement Google aurait trompé à la fois les éditeurs médias et les annonceurs en affirmant qu’ils participaient, vis ses outils programmatiques, à des enchères publicitaires transparentes leur assurant des prix optimaux, alors qu’un ensemble de programmes faussaient les résultats pour augmenter les marges du groupe à leur insu. Deuxièmement le directeur général de Google, Sundar Pichai, et le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, ont personnellement approuvé l’accord secret conclu en 2018 entre Google et Meta pour fausser à leur avantage les résultats de certaines enchères en publicité programmatique dans le cadre de la mise en place du header bidding, un mécanisme potentiellement nuisible aux intérêts commerciaux de Google. Google et Meta ont une nouvelle fois nié que cet accord était illégal et Google réfute toute pratique illégale dans ses dispositifs. Nous reproduisons leurs réactions en fin d’article. Recevez gratuitement notre sommaire hebdomadaire par email chaque lundi à 6h En décembre 2020, après plusieurs mois d’enquête, le procureur général du Texas, Ken Paxton, a annoncé le dépôt d’une plainte antitrust contre Google pour des pratiques jugées anti-concurrentielles dans le secteur des technologies publicitaires en ligne. L’Etat du Texas, qu’il représente, a depuis été rejoint par 14 autres Etats américains et le Commonwealth de Porto Rico. La version détaillée de la plainte du procureur du Texas contre Google pour pratiques anti-concurrentielles dans la publicité en ligne Cette plainte s’appuie sur une série d’auditions d’employés de Google, d’accès à des documents de Google et aux mails de ses salariés, ainsi que l’audition d’autres acteurs du marché de la publicité en ligne et des spécialistes du secteur. Une deuxième version de cette plainte, moins expurgée d’informations commerciales confidentielles, avait été publiée en octobre 2021 sur autorisation d’un juge. De nombreuses accusations très techniques La plainte laisse apparaître sur 242 pages des éléments précis sur les faits reprochés à Google concernant ses outils technologiques (adservers, adexchanges, SSP, DSP, DMP), ses taux de commissions, ses pratiques pour fausser les enchères programmatiques et des collusions avec d’autres sociétés technologiques. A chaque fois pour conserver sa place et ses intérêts, au détriment de la concurrence, des consommateurs ou de la réglementation, selon la plainte. Les accusations vont bien plus loin que celles déjà formulées dans les enquêtes publiées ces deux dernières années dans d’autres pays, notamment en France et en Australie, et ayant parfois donné lieu à des sanctions. Des enquêtes et des sanctions en France et en Australie En Australie, ce qu’il faut retenir du rapport de l’Autorité de la concurrence soulignant en 2021 la domination “excessive” et “anti-concurrentielle” de Google dans la publicité numérique (notre article) En France, l’Autorité de la concurrence inflige en 2021 une amende de 220 millions d’euros à Google pour avoir favorisé sa SSP dans le système d’enchères programmatiques (notre article) En France, l’Autorité de la concurrence inflige en 2020 150 millions d’euros d’amende à Google pour pratiques anticoncurrentielles concernant les règles encadrant Google Ads, son outil d’achat publicitaire search (notre article) L’affaire devrait être jugée au plus tôt en 2023. De nombreuses étapes procédurales auront lieu d’ici-là. Voici les principaux griefs formulés par le procureur Ken Paxton et la quinzaine d’autres procureurs contre Google, appuyés le plus souvent par des extraits de la plainte qui s’y rapportent. Contacté par mind Media, Google a réfuté les accusations (ses réponses plus bas dans cet article). 1) Google fausse les résultats des enchères programmatiques C’est le point majeur qui ressort de la troisième version de la plainte publiée le 14 janvier. Google aurait profité de sa position centrale dans les enchères publicitaires programmatiques pour fausser les résultats des enchères programmatiques et ainsi accroitre sa marge à l’insu de ses clients. Le groupe aurait pour cela utilisé de nombreux dispositifs de publicité programmatique ces 12 dernières années. Trois d’entre eux ont eu un impact particulièrement important : Project Bernanke, Reserve Price Optimization (RPO) et Dynamic Revenue Share (DRS). Selon l’accusation, tous les trois fonctionnaient avec des mécanismes qui trompaient ses clients éditeurs et annonceurs pour accroître ses marges de Google, et ont rapporté à Google plus de 700 millions de dollars par an de façon indue – uniquement pour le marché américain. Ce type de pratiques a longtemps été soupçonné par les autres autres acteurs de la publicité en ligne (éditeurs, régies, sociétés technologies concurrentes, agences médias) sans pouvoir le prouver distinctement. Google réfute toute fraude. Voyons-les en détail. Le programme Bernanke Le dispositif Bernanke, débuté en 2010 et semble-t-il clos en 2019, est celui qui soulève le plus de critiques tant son étendue est importante : d’après la plainte, Google a trompé à la fois les éditeurs médias et les annonceurs en leur faisant croire qu’ils participaient à une enchère “au second prix” – via laquelle le gagnant paie le prix de la deuxième enchère la plus élevée – lors de l’utilisation de son adexchange publicitaire, AdX. Au lieu de cela, AdX aurait été programmé pour ignorer régulièrement la deuxième offre la plus élevée, permettant ainsi à la troisième offre la plus élevée de l’emporter lors de l’enchère. Ce qui a pour effet de priver l’éditeur d’une partie des revenus. Dans le même temps, Google facturerait aux annonceurs le prix de la deuxième offre la plus élevée et empocherait la différence. Autrement dit, Google rémunèrerait les éditeurs de sites selon l’enchère la plus basse reçue, et facturerait les annonceurs en fonction de l’enchère la plus élevée. Un procédé permis par son double rôle, tant du côté de la demande que du côté de la vente, ce qui lui permet de connaître toutes les informations des transactions commerciales en temps réel – à la différence des autres acteurs – et in fine d’accroître sa marge à leurs dépens. Plusieurs milliards d’impressions publicitaires vendues chaque mois sont concernées. Selon une étude interne à Google communiquée au procureur général Paxton dans le cadre de son enquête, le groupe américain a évalué à 40 % la réduction des revenus pour les éditeurs sur chaque transaction grâce au dispositif Bernanke, selon la plainte. Toujours selon la plainte, deux autres versions du programme Bernanke ont ensuite été utilisées ces dernières années par Google afin de développer encore ses mécanismes au détriment des éditeurs et annonceurs : l’une pour faire monter artificiellement les enchères au sein de son outil d’achat publicitaire pour les petits annonceurs Google Ads quand Google allait perdre l’enchère, l’autre pour pénaliser les éditeurs de sites n’ayant pas donné à Google un “accès préférentiel” à leur inventaire publicitaire, par exemple son dispositif d’allocation dynamique. Le mécanisme de trucage des enchères programmatiques mis en place par Google avec le dispositif Bernanke, selon le procureur général Paxton. Illustration insérée dans la plainte judiciaire. Le programme Dynamic Revenue Share Le deuxième dispositif mis en place par Google pour gérer les enchères programmatiques est appelé Dynamic Revenue Share (DRS), ou Partage dynamique des revenus . Là encore, selon l’accusation, au détriment des éditeurs et des annonceurs. Le programme, lancé en 2014, a fair en sorte que Google puisse changer et optimiser ses commissions perçues après avoir examiné les offres des adexchanges rivaux afin de s’adapter secrètement et de remporter le maximum d’enchères possible. Le programme DRS “a manipulé les frais d’adexchange de Google après avoir sollicité des offres lors de l’enchère et après avoir examiné les offres d’adexchanges rivaux afin de gagner des impressions qu’il aurait sans cela perdues”, selon la plainte judiciaire. Le programme a alors automatiquement augmenté la commission d’AdX au-dessus de 20 % sur les impressions lorsqu’un acheteur a enchéri nettement au-dessus du prix plancher de l’éditeur. “Un problème connu avec le programme DRS actuel est qu’il rend l’enchère mensongère, car nous déterminons la commission d’AdX après avoir vu les offres des acheteurs et nous utilisons l’offre du gagnant pour fixer le premier prix”, selon une note interne de Google citée par la plainte. A lui seul, le programme DRS aurait permis à Google d’augmenter ses revenus de façon indue de 250 millions de dollars par an selon l’accusation – uniquement sur le marché américain Le mécanisme de trucage des enchères programmatiques mis en place par Google avec le dispositif Dynamic Revenue Share (DRS), selon le procureur général Paxton. Illustration insérée dans la plainte judiciaire. Le programme Reserve Price Optimisation Toujours selon la plainte, Google a créé en 2015 un programme appelé Reserve Price Optimization (RPO) pour augmenter les prix planchers qui avaient été fixés par les éditeurs sans le leur dire, obligeant les annonceurs à enchérir davantage pour les impressions, tout en conservant la différence. Le dispositif s’appuyait sur une connaissance fine du comportement des annonceurs : Reserve Price Optimization analysait et stockait les prix proposés lors des enchères par les annonceurs, pour déterminer et attribuer à chacun d’eux “un prix plancher unique et personnalisé basé sur ce que chaque acheteur avait offert dans le passé”, selon la plainte. Dans un e-mail interne communiqué au procureur général Paxton lors de son enquête, un employé de Google a déclaré : “Le RPO ne se contente-t-il pas de pousser notre enchère au deuxième prix – qui est censée être équitable – vers une enchère au premier prix ?” Le programme Reserve Price Optimization aurait rapporté à Google 250 millions de dollars supplémentaires de revenus annuels supplémentaires indus, uniquement sur le marché américain. Selon l’enquête judiciaire, ces trois programmes étaient utilisés ensemble et de façon opaque pour fausser les enchères : les mécanismes de chaque transaction programmatique avait ainsi pour finalité de parvenir à une commission la plus élevée possible pour Google, soit au détriment de l’éditeur, soit de l’annonceur, voire les deux en même temps. Selon le propos d’un cadre supérieur de Google relevé au sein de la plainte, “si nous sommes confrontés à une très grande pression sur les prix du côté achat, nous pouvons nous rabattre sur le côté vente, et vice-versa.” Dans sa précédente version, la plainte contre Google mettait déjà en avant de nombreuses autres accusations. Voici les plus significatives. 2) Google occupe une place exorbitante sur le marché de la publicité en ligne américain Les accusations contenues dans la plainte : “L’ampleur des marchés de la publicité display en ligne aux États-Unis est extraordinaire. Google exploite le plus grand marché en ligne existant. Alors que les marchés financiers tels que le NYSE et le NASDAQ font correspondre quotidiennement des millions de transactions de milliers d’entreprises, la technologie aux enchères de Google traite environ 11 milliards d’espaces publicitaires en ligne chaque jour (…). Dans le même temps, Google possède les plus grands exchanges côté vente publicitaire et côté et vente publicitaire média. Comme l’a admis un cadre supérieur de Google, “l’analogie serait celle où Goldman ou Citibank possédait le NYSE”. Notre étude data : quelles données les acteurs de la publicité en ligne collectent-ils en France en 2021 ? Grâce à son monopole, Google prélève entre 22 et 42 % de commissions sur chaque investissement publicitaire en ligne Les accusations contenues dans la plainte : “Ayant atteint sa position de monopole, Google utilise maintenant son immense pouvoir de marché pour prélever une taxe très élevée de 22 à 42 % sur les recettes publicitaires qui, autrement, seraient versées aux innombrables éditeurs en ligne et producteurs de contenu (…). Ces coûts sont invariablement répercutés sur les annonceurs eux-mêmes, puis sur les consommateurs américains. Google impose aux entreprises américaines (…) une taxe qui est finalement supportée par les consommateurs américains par le biais de prix plus élevés et d’une qualité moindre sur les biens, les services et les applications.” 3) Google truque le header bidding Entre 2014 et 2016, le header bidding – la mise en concurrence par les éditeurs de toutes les sources de demandes publicitaires, directes et indirectes – commence à se développer chez les éditeurs. Rapidement, le dispositif est perçu par Google comme une menace importance pour sa mainmise sur la demande publicitaire et sur ses commissions (de 19 à 22 % selon la plainte). Selon un échange interne à Google porté à la connaissance du procureur Paxton durant son enquête, le header bidding avait le potentiel pour réduire les marges bénéficiaires de Google de 20 % à environ 5 %. Google conçoit alors le programme “Jedi”, pour donner secrètement un avantage à sa technologie publicitaire au sein de son adserver – très utilisé par les éditeurs – lors d’une mise en concurrence, y compris lorsqu’un acteur tiers a soumis une offre plus élevée, et ce malgré des annonces au marché bienveillantes. Notre étude data en 2020 : En France, le header bidding a raréfié les inventaires exclusifs Les accusations contenues dans la plainte : “Google a tenté d’éliminer la concurrence des bourses d’échange dans les enchères d’en-tête en créant une alternative qui fausse secrètement les règles en sa faveur. L’adserver proposé par Google a commencé à permettre d’acheminer les inventaires des éditeurs vers plusieurs exchange grâce à un nouveau programme que Google a commercialisé, Exchange Bidding, rebaptisé plus tard Open Bidding. Cependant, Google a secrètement conçu un programme de manière à exclure la concurrence, en lui donnant le nom de code “Jedi”. Google a mesuré le succès de Jedi non pas en fonction des objectifs financiers ou de l’augmentation du rendement, mais en fonction de mesures selon lesquelles il a empêché les éditeurs d’utiliser les enchères d’en-tête. Google a conçu Exchange Bidding pour exclure la concurrence entre échanges d’au moins quatre façons. Premièrement Google a réduit la capacité des bourses d’échange non Google à fournir des prix compétitifs en réduisant encore leur capacité à identifier les utilisateurs associés aux espaces publicitaires des éditeurs dans les enchères (…). Deuxièmement, Google a exclu la concurrence des exchanges en imposant aux éditeurs des frais de pénalité supplémentaires de 5 à 10 % pour la vente de leurs produits via une technologie en dehors de l’écosystème de Google. Ces frais rendaient les offres des annonceurs sur les exchanges tiers moins concurrentielles (…). Troisièmement, Google a exclu la concurrence des exchanges en obligeant techniquement les clients éditeurs de son adserver à utiliser ses services (…) même s’ils ne le souhaitaient pas. Quatrièmement, Google a empêché la concurrence entre bourses d’échange en truquant secrètement le programme d’enchères sur les bourses d’échange afin de permettre à son dispositif de gagner. Google a conçu le programme Exchange Bidding de manière à ce que ses services d’exchanges bénéficient d’une “priorité” spéciale, qu’elle a gardée secrète. Google a fait en sorte que son propre exchange AdX remporte l’inventaire des éditeurs même si l’offre d’un autre échange est plus élevée. (…) Un employé de Google a expliqué comment le programme d’enchères programmatiques donnait des résultats qui étaient “sous-optimaux pour le rendement des publicités” : une offre de Google AdX de 6 dollars était gagnante même si un autre exchange (SSP, ndlr) soumettait une offre plus élevée de 8 dollars.” 4) Un accord de collusion avec Facebook En 2017, peu après que Facebook ait annoncé son intention de prendre en charge le header bidding, Google, qui conçoit cela comme une menace, a conclu un accord secret baptisé “Jedi Blue” avec la plateforme sociale afin de fausser les résultats à leur bénéfice. Les deux groupes y détaillent la façon de partager des données ensemble et de fausser le marché. Facebook a rapidement compris la stratégie de Google et y a adhéré. Les accusations contenues dans la plainte : “Google craignait que la prise en charge du header bidding par Facebook ne brise son monopole sur l’adserving publicitaire auprès des éditeurs et ne favorise la concurrence entre les exchanges. Un dirigeant de Google a souligné que les priorités du groupe pour 2017 consistaient à empêcher Facebook de soutenir l’enchère d’en-tête (…). Facebook savait que Google verrait sa participation participation au header bidding comme une menace majeure. De toute évidence, Facebook ne faisait qu’exécuter une stratégie planifiée à long terme (…) en menaçant d’exposer les coûts cachés que Google facture aux éditeurs. En d’autres termes, Facebook voulait attirer Google (…). Les manœuvres de Facebook ont porté leurs fruits lorsque Google a fait le premier pas. D’après des communications internes de Facebook, Google a essayé d’amener Facebook à la table des négociations dès le 6 juin 2016 (…). Facebook a choisi de conclure un accord avec Google. Le résultat final des négociations a été un accord Google-Facebook signé en septembre 2018. Google a utilisé en interne la phrase de code “Jedi Blue” pour faire référence à l’accord (…). À la suite de leur accord d’enchères, Facebook a considérablement réduit ses initiatives sur le headder bidding et a préféré passer par l’adserver de Google. En contrepartie, Google a accepté de donner à Facebook une longueur d’avance dans ses enchères. (…) Avec l’accord Jedi Blue, Google a fait une concession à grande échelle à Facebook en permettant à Facebook Audience Network de contourner les échanges et d’enchérir directement sur le serveur publicitaire de Google. Au lieu de payer des frais d’échange, Google a facturé à Facebook des frais inférieurs de 5 à 10 % et a interdit à Facebook de parler publiquement de ses conditions tarifaires spéciales. Google a également procuré à Facebook un avantage en termes de rapidité lors des ventes aux enchères. (…) Les deux sociétés ont travaillé en étroite collaboration pour aider Facebook à reconnaître les utilisateurs dans les enchères et à enchérir et gagner plus souvent” (…). Google et Facebook ont intégré leurs kits de développement logiciel (SDK) afin que Google puisse transmettre les données de Facebook pour la correspondance des cookies d’identification de l’utilisateur (…). Ils se sont également coordonnés pour nuire aux éditeurs en adoptant des règles de tarification unifiée (…). Les sociétés ont également travaillé ensemble pour améliorer la capacité de Facebook à reconnaître les utilisateurs utilisant des navigateurs avec des cookies bloqués, sur les appareils Apple et sur le navigateur Safari d’Apple, contournant ainsi les efforts entrepris pour rivaliser en offrant aux utilisateurs une meilleure confidentialité.” Publicité en ligne : un rapport remis au gouvernement français propose différentes mesures très coercitives contre les plateformes 5) Des réunions avec ses concurrents pour tenter de coordonner la lutte contre le durcissement de réglementations légales En 2019, malgré un discours public en faveur de la vie privée en ligne des internautes, Google a rencontré secrètement des grands acteurs technologiques concurrents (Facebook, Apple, Amazon et Microsoft) pour se coordonner afin de retarder le plus possible l’élaboration et l’application de la réglementation européenne ePrivacy sur la protection de la vie privée en ligne, et des réglementations spécifiques américaines. Les accusations contenues dans la plainte : “Par exemple, lors d’une réunion à huis clos le 6 août 2019 entre cinq entreprises des big techs, incluant Facebook, Apple et Microsoft, Google a discuté des efforts contre la protection de la vie privée des consommateurs. Dans un document du 31 juillet 2019 préparé en amont de la réunion, Google a indiqué : “Nous avons réussi à ralentir et à retarder le processus du [règlement ePrivacy] et nous avons travaillé en coulisses, main dans la main avec la Commission européenne.” Google a également cherché à coordonner ses efforts pour prévenir et réduire la protection de la vie privée des enfants prévue dans les règlements proposés par la FTC et dans la législation proposée par les sénateurs Markey et Hawley. D’après le même document du 31 juillet 2019, Google voulait profiter de la réunion avec les autres entreprises des Big Techs pour “trouver des domaines d’alignement et réduire les écarts dans nos positions et priorités sur la vie privée et la sécurité des enfants.” Google s’est dit particulièrement préoccupé par le fait que Microsoft prenait la vie privée des enfants plus au sérieux que Google et a cherché à freiner Microsoft (…). Tout comme les préoccupations relatives aux défections dans un cartel de fixation des prix, Google a exprimé sa frustration quant au fait que des entreprises comme Facebook ne s’alignent pas sur Google pour réduire la vie privée des utilisateurs.” (…) “Google a également cherché à encourager Microsoft à ne pas alimenter la concurrence sur le plan de la vie privée et à cesser de multiplier les “attaques subtiles la vie privée” à l’encontre de Google et d’autres entreprises des Big Techs.“ 6) Une manipulation du dispositif AMP à son avantage Google a manipulé son dispositif pour mobile AMP (Accelerated mobile page) proposé aux éditeurs en ralentissant les publicités qui n’utilisent pas l’environnement AMP et en ayant accès aux données. C’est un soupçon qu’évoquaient certains acteurs du marché, éditeurs médias comme spécialistes de l’adtech. Les accusations contenues dans la plainte : “Google utilise son envergure dans le domaine de la recherche pour punir les éditeurs qui utilisent le header bidding. Google a également commencé à utiliser ses économies d’échelle sur le marché de la recherche pour contraindre les éditeurs et les annonceurs à cesser d’utiliser le header bidding et qu’ils ré-acheminent leurs transactions par le biais de Google. Le header bidding n’est possible que si les éditeurs insèrent un code JavaScript au sein de leur pages web. Pour répondre à la menace que représente le header bidding, Google a créé les Accelerated mobile pages (“AMP”), un dispositif de développement des pages web mobiles, puis a rendu AMP incompatible avec le header bidding. Google a ensuite utilisé sa puissance sur le marché de la recherche pour obliger les éditeurs à utiliser AMP. Bien que Google affirme qu’AMP a été développé dans le cadre d’une collaboration open source, AMP est en fait une initiative contrôlée par Google, qui a initialement enregistré et possède toujours le domaine ampproject.org. En outre, jusqu’à la fin de 2018, Google contrôlait toutes les prises de décision relatives à AMP (…). Depuis lors, Google a transféré le contrôle d’AMP à une fondation, mais le transfert était superficiel (…). Google a restreint le code AMP pour interdire aux éditeurs d’acheminer leurs enchères ou de partager leurs données utilisateur avec plus de quelques exchanges à chaque transaction fois, limitant ainsi sévèrement la compatibilité d’AMP avec le header bidding. Dans le même temps, Google a rendu AMP entièrement compatible avec l’acheminement des enchères vers les exchanges du serveur publicitaire de Google. Google a également conçu AMP pour obliger les éditeurs d’acheminer les enchères de leurs concurrents via le serveur publicitaire de Google. (…) Troisièmement, Google a conçu AMP de manière à ce que les utilisateurs chargeant des pages AMP communiquent directement avec les serveurs de cache de Google plutôt qu’avec les serveurs des éditeurs. Ce qui a permis à Google d’accéder aux données internes et non publiques des utilisateurs des éditeurs (…). Après avoir paralysé la compatibilité d’AMP avec l’enchère d’en-tête, Google s’est lancé dans la commercialisation en disant faussement aux éditeurs que l’adoption d’AMP améliorerait les temps de chargement des pages. Mais les employés de Google employés de Google savaient que AMP n’améliore que la “médiane des performances” et que les pages AMP peuvent se charger plus lentement que d’autres techniques d’optimisation de la vitesse des éditeurs. En d’autres termes, les avantages supposés d’un chargement plus rapide de la version AMP d’une page web mise en cache par Google n’étaient pas vrais pour les éditeurs qui ont conçu leurs pages web pour un gain de vitesse. Certains éditeurs n’ont pas adopté AMP parce qu’ils savaient que leurs pages se chargeaient en fait plus rapidement que les pages AMP. (…) Google réduit le temps de chargement des publicités qui n’utilisent pas AMP en leur donnant des délais artificiels d’une seconde afin de donner à Google AMP un grand avantage comparatif. En interne, les employés de Google ont cherché à savoir “comment justifier [publiquement] que [Google] fasse quelque chose de plus lent”. Malgré les avantages de vitesse que Google a faussement vanté, les éditeurs ne voulaient pas utiliser AMP parce que les pages AMP entraînaient une baisse de leurs revenus publicitaires : les éditeurs génèrent moins de revenus en vendant de la publicité sur les pages AMP que sur leurs pages web ordinaires (…) Google utilise sa puissance dans la recherche en ligne pour punir les éditeurs qui ne choisissent pas AMP. Plus précisément, Google Search classe les pages non AMP plus bas dans les résultats de recherche et réserve les premières places dans le carrousel de recherche AMP – les premières positions des résultats de recherche avec des images.” Une étude de l ACPM pour mind Media sur 25 médias d’informations français présents sur Google AMP en 2020 Aux Etats-Unis, le procureur Paxton, et d’autres procureurs d’Etat multiplient depuis deux ans les plaintes contre les grandes plateformes, et des procédures sont en cours sur d’autres pratiques de Google jugées anticoncurrentielles. La Federal trade commission (FTC) et d’autres Etats ont aussi engagé des poursuites sur différentes activités de Google et d’autres “big techs”. En France également, Google a été sanctionné par l’Autorité de la concurrence pour des pratiques. Les accusations vont bien plus loin que celles déjà formulées dans d’autres enquêtes réalisées dans d’autres pays, notamment en France et en Australie. La plainte détaillée du procureur général du Texas et des 15 autres Etats américains est disponible ici. Sollicité par mind Media pour réagir aux accusations contenues dans cette plainte, Meta réfute le caractère illégal de l’accord noué avec Google. La réaction de Meta : “L’accord d’enchères non exclusif de Meta avec Google et les accords similaires que nous avons avec d’autres plateformes d’enchères ont contribué à accroître la concurrence pour les diffusion publicitaires. Ces relations commerciales permettent à Meta d’offrir plus de valeur aux annonceurs tout en rémunérant équitablement les éditeurs, ce qui se traduit par de meilleurs résultats pour tous.” Egalement interrogé, Google nous a transmis une réponse critiquant le travail du procureur général américain, et mentionne un document plus long et plus argumenté que le groupe avait publié en janvier 2021. Nous reproduisons ce document tel quel plus bas, par souci du contradictoire et pour exposer les arguments mis en avant par Google sur des points techniques de l’accusation. La réponse de Google : “Malgré les trois tentatives du procureur général Paxton de réécrire sa plainte, celle-ci est toujours truffée d’inexactitudes et sans fondement juridique. Nos technologies publicitaires aident les sites Web et les applications à financer leurs contenus et permettent aux petites entreprises d’atteindre des clients dans le monde entier. La publicité en ligne est un secteur extrêmement concurrentiel, ce qui a permis de réduire les frais publicitaires et donné davantage de choix aux éditeurs et annonceurs. Nous continuerons de nous défendre fermement contre ces allégations infondées devant les tribunaux. L’affirmation du procureur général Paxton selon laquelle le directeur général de Google, Sundar Pichai, a personnellement approuvé les termes de l’accord avec Facebook, est inexacte. Nous signons chaque année des centaines d’accords qui ne nécessitent pas l’approbation du PDG, et ce n’était pas différent dans ce cas là. Et contrairement aux affirmations du procureur général, cet accord n’a jamais été un secret et a été largement médiatisé. Cela permet simplement à FAN (Facebook Audience Network) et aux annonceurs qu’il représente de participer à notre programme Open Bidding tout comme plus de 25 autres partenaires le font. La dernière allégation du procureur général Paxton, selon laquelle nous avons généré une “enchère au troisième prix” ou manipulé notre adexchange, est totalement fausse. A l’époque à laquelle le procureur général Paxton fait référence (2017 et 2018, ndlr), AdX était indiscutablement une enchère au second prix. Autre point clé qui est faux : le programme Bernanke n’a en aucun cas augmenté artificiellement les prix pour les acheteurs.” Réponses De Google Aux Accusations Du Procureur Ken Paxton Le 21 janvier, Google a déposé un recours devant le District Court, Southern District of New York, l’équivalent d’un tribunal d’instance, pour défendre ses pratiques et demander le rejet des poursuites dont il est l’objet. Ce texte judiciaire est disponible ici. La date à laquelle le tribunal rendra sa décision n’est pas connue. Jean-Michel De Marchi Achat programmatiqueAdtechConcurrenceFraudeGAFAMGoogle AMPHeader biddingJuridiquePublicité programmatiqueRéglementationRGPD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Publicité en ligne : pourquoi l’Autorité de la concurrence française inflige une amende de 220 millions d’euros à Google Google condamné à 500 millions d'euros d'amende pour non respect des droits voisins : tout comprendre de la sanction de l'Autorité de la concurrence et ses conséquences La Commission européenne et l’Autorité de la concurrence britannique enquêtent sur Facebook Publicité en ligne : ce qu'il faut retenir du rapport de l'Autorité de la concurrence australienne soulignant la domination "excessive" et "anti-concurrentielle" de Google La Commission européenne ouvre une enquête sur l’activité display de Google L’Autorité de la concurrence allemande ouvre une enquête sur Apple Criteo contre Facebook : l’Autorité de la concurrence sollicite l’avis du marché Tribunes gratuit "Il reste beaucoup de chemin à parcourir à Apple pour cesser toute pratique anticoncurrentielle" Tribunes gratuit "L’avenir de la publicité sans cookie tiers dépend de Prebid" Droits voisins : l'OGC des éditeurs médias et des agences de presse lancé avec de grandes ambitions Google baisse sa commission sur les abonnements dans les applications à 15 % la première année Les GAFA paieront plus d’impôts à partir de 2023 Concurrence : aux États-Unis, la FTC reformule sa plainte contre Facebook Entretiens Erik-Marie Bion (Verizon Media) : "La publicité ciblée ne va pas disparaître avec les cookies tiers, elle se transformera et restera efficace" Le procès intenté par Epic Games à Apple pour abus de position dominante a débuté En Allemagne, l’interprofession publicitaire dépose une plainte contre Apple auprès de l’Autorité de la concurrence Des sénateurs américains mettent en cause le partage des données au sein du RTB Dossiers Cookies : 70 à 90 % de taux de consentement attendu début avril pour les principaux médias en ligne essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Dmitry Shevelenko (Perplexity) : “Nous encourageons les éditeurs français à rejoindre notre programme de partenariats médias” ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? 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