Alors que les acteurs économiques du métavers cherchent à se structurer, le gouvernement a mandaté l’AFNOR pour lancer une « Commission métavers », en vue d’imposer le point de vue de la France dans les instances internationales. Si le secteur du divertissement est le plus avancé sur le sujet du métavers, celui de la santé commence à expérimenter de nouvelles approches, notamment via la réalité immersive.

Le contexte

Les technologies immersives ont atteint une nouvelle étape de maturité, qu’il s’agisse d’entrer dans un monde immersif, de recourir à la réalité virtuelle ou de reproduire un avatar numérique d’un patient bien réel. Au point de devenir un sujet politique. Le gouvernement a ainsi mandaté une mission exploratoire interministérielle sur le sujet, qui a remis son rapport le 24 octobre 2022. Plus récemment, l’AFNOR a lancé le 22 février 2023 une commission de normalisation Métavers, chargée de valoriser les acteurs et les technologies françaises au sein des diverses initiatives mondiales de normalisation des métavers.

Définition du métavers

“Un métavers est un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives. On peut y accéder avec ou sans visiocasque, et/ou commercer avec ou sans technologies de registres distribués”, notent les rapporteurs de la mission exploratoire interministérielle. Avec la promesse, en santé, de proposer une nouvelle prise en charge des patients et l’accès à de nouvelles thérapies. Alors que depuis quelques mois, plusieurs initiatives se sont lancées, se pose désormais la question des usages et du marché du métavers en santé.

Dans l’actualité

Les chiffres clés

Un marché prometteur…

Presque tous les secteurs de l’économie mondiale sont concernés par le marché du métavers, qui devrait représenter 5 000 milliards de dollars d’ici 2030, selon une étude du cabinet McKinsey de mai 2022. En santé, les technologies immersives et de jumeaux numériques ouvrent de nouvelles possibilités en matière de suivi et de prise en charge des patients. Selon le fonds de capital-risque américain dédié à la e-santé Rock Health, elles sont porteuses des principales opportunités pour associer santé et métavers. Dans une note publiée le 7 février 2022, Rock Health rappelait ainsi qu’en 2021, les investisseurs avaient déboursé 198 M$ pour les start-up américaines de santé numérique intégrant les technologies VR (réalité virtuelle) ou AR (réalité augmentée) dans 11 accords, “soit plus du double des 93 M$ levés sur 8 accords en 2020”. Une dynamique portée également par une évolution réglementaire. La FDA, qui héberge son propre programme médical de réalité étendue, a ainsi autorisé les solutions métavers d’AppliedVR, PrecisionOS et Luminopia en 2021.

…sur lequel les géants de la tech se positionnent déjà

Selon un rapport d’InsightAce Analytic publié en décembre 2022, le marché mondial du métavers axé sur l’industrie de la santé et des soins de santé pèsera jusqu’à 71,2 milliards de dollars d’ici 2030, tandis qu’il a été évalué à 5,06 milliards de dollars en 2021.

Les principales entreprises qui piloteront le métavers médical seront Meta, Microsoft, CableLabs et 8Chili, tandis que d’autres technologies, qui se développeront également dans le domaine de la santé, seront la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Le marché principal sera situé en Amérique du Nord.

Les enjeux

  • Fédérer un écosystème aux acteurs multiples (start-up, grands groupes, institutionnels…) et aux technologies variées (réalité virtuelle, blockchain, IA, cybersécurité…),
  • Développer et encadrer une nouvelle prise en charge des patients, incluant de nouvelles thérapies et de nouveaux outils de suivi,
  • Faciliter le partage de la donnée dans un cadre sécurisé
  • Assurer l’interopérabilité des environnements immersifs entre eux et avec des environnements existants

Réglementaire

Textes législatifs

Il n’existe pas de texte réglementaire dédié au métavers, mais celui-ci, par ses technologies et sa logique de plateforme, peut relever de textes déjà en vigueur ou sur le point d’aboutir.  Dans le premier rapport exploratoire sur le métavers suscité, les rapporteurs du texte préconisent “d’orchestrer la régulation”. “Une grande partie des risques que ces textes (comme le DSA, le DMA, ou l’AI Act) visent à réguler, de la modération des contenus aux biais algorithmiques, se traduiront de manière nouvelle dans les métavers. Il est urgent de lancer dès maintenant le travail d’adaptation, notamment du RGPD, du DSA et du DMA, aux enjeux métaversiques”, notent ainsi Adrien Basdevant, Camille François et Rémi Ronfard.

Cadre normatif

Les initiatives internationales se multiplient en matière de normalisation des métavers, étape préfiguratrice de la régulation. En 2022 s’est lancé le Metaverse Standards Forum, où figurent des acteurs comme le géant américain Meta. La Chine a également impulsé la création d’un SEG 15 “Metaverse” à l’IEC (Commission électrotechnique internationale), tandis que le Secteur de la normalisation des télécommunications de l’ITU (The International Telecommunication Union) a lancé fin décembre un Focus Group Metaverse. Enfin, une enquête a été ouverte au comité européen de normalisation pour évaluer les besoins en normalisation du métavers.

Applications et cas d’usage

Former les professionnels

La faculté des sciences infirmières de l’Université Laurentienne en Ontario et celle de l’Université de Montréal au Québec se sont dotées de centres immersifs pour former leurs étudiants lors de simulations d’interventions d’urgence ou des pratiques de routine à connaître et à maîtriser dans leur futur métier. En France, les instituts de formation paramédicale des Hospices Civiles de Lyon ont intégré des casques de réalité virtuelle pour l’enseignement aux étudiants tandis que Simango a lancé un centre de formation en métaverse pour les établissements de santé, le “Learning Metasystem”.

Gérer la douleur et proposer de nouvelles thérapies dites immersives

Plusieurs CHU (Rouen, Montpellier…) ont recours à des casques de réalité virtuelle (Bliss, HypnoVR…) pour lutter contre la douleur lors de différentes interventions. Les mondes immersifs peuvent également être utilisés en neurologie, dans la rééducation après AVC par exemple, mais aussi en santé mentale. Des espaces de santé mentale ont déjà été créés dans le métavers à travers des plateformes permettant de se réunir pour des séances de thérapie de groupe médiatisées ou non par des professionnels de santé.

Pratiquer une chirurgie augmentée

En mai 2022, une chirurgie du cancer du sein a été réalisée pour la première fois par deux médecins travaillant ensemble mais dans deux pays différents, en Espagne et au Portugal. L’un était à Lisbonne aux côtés de la patiente, tandis que l’autre portait un casque de réalité virtuelle et supervisait l’opération à plus de 900 kilomètres de distance. En février 2021, Microsoft et l’hôpital Avicenne AP-HP ont réalisé plusieurs interventions chirurgicales épaulées par des casques HoloLens 2, impliquant plus de 15 chirurgiens dans 13 pays différents. Ceci afin de démontrer le potentiel de la réalité augmentée en chirurgie, que ce soit pour la formation, la planification d’opérations ou la collaboration à distance.  

Vers une médecine personnalisée grâce au jumeau numérique

La capacité à créer un avatar numérique du patient ouvre la voie à une médecine personnalisée, par exemple en testant un traitement sur le jumeau numérique d’un patient avant de lui administrer physiquement, pour anticiper sa réponse. Ces avatars, composés de données synthétiques, présentent également l’avantage de pouvoir partager des données “avatarisées” plus facilement, en toute sécurité.

Les technologies en présence

  • Réalité virtuelle ou augmentée
  • Jumeau numérique
  • Monde immersif
  • Blockchain