Face à l’augmentation croissante des tensions et ruptures d’approvisionnements de médicaments, le gouvernement planche sur une feuille de route interministérielle 2023-2025, qui doit voir le jour fin juin 2023. De son côté, le Leem (le syndicat des entreprises du médicament) propose une série d’actions permettant selon lui de lutter contre la pénurie de médicaments.

En 2022, le nombre de signalements à l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du médicament et des produits de santé) de ruptures et risques de ruptures de médicaments était de 3747 (contre 2160 en 2021). “Et la situation ces derniers mois et ces dernières semaines n’a fait que s’aggraver”, a observé Thierry Hulot, président du Leem, lors d’un point presse le 11 mai dernier. En France, le nombre de spécialités pharmaceutiques commercialisées s’élève à environ 14 500, qui reposent sur 2 665 principes actifs. La question de l’approvisionnement est donc cruciale.

Affiner la liste des médicaments stratégiques

Définir une liste de molécules à sécuriser reste la priorité. Aujourd’hui, la gestion des risques de rupture se matérialise par une liste de MITM (Médicaments d’Intérêt Thérapeutique Majeur, qui ont été définis par le loi de santé de 2016). Il s’agit des médicaments dont l’indisponibilité peut mettre en jeu le pronostic vital des patients ou représenter pour eux une perte de chance importante. Problème : cette définition est encore trop large, puisqu’elle concerne la moitié des médicaments commercialisés.

La liste des molécules à sécuriser “doit être établie par les pouvoirs publics en considérant la criticité thérapeutique des molécules et n’aura de sens que si elle se voit assortie d’actions immédiates et à moyen terme pour favoriser l’approvisionnement de ces molécules sur le territoire”, précise le Leem. Parce que le marché du médicament est a minima européen, cette liste, précise Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques du Leem, doit être construite en concertation avec les différents pays de l’UE.

Demain, un Haut-Commissariat au médicament ?

“Aujourd’hui, le ministère de la Santé et l’ANSM sont à la manœuvre lorsque la rupture a eu lieu”, fait remarquer Thierry Hulot. Aussi, le président du Leem appelle de ses vœux la création d’un poste de “Haut Commissaire au médicament” qui assurerait “une coordination du plan d’action au niveau français et au niveau européen.” Au niveau européen justement, la législation pharmaceutique est en train d’être révisée. Les décisions du Parlement et du Conseil, très attendues, auront forcément un impact sur la gestion  des stocks de médicaments.

Optimiser les circuits d’information

La plateforme TRACStocks, mise en place par le Leem en 2020, permet aux entreprises de partager les informations sur leurs difficultés d’approvisionnement de manière silotée, sans avoir connaissance de ce qui se passe chez les concurrents. L’information est ensuite remontée de manière consolidée à l’Agence du médicament, un acteur public. Aujourd’hui, le Leem souhaite enrichir cet outil et promouvoir la mise en place d’un “connecteur des informations déjà disponibles dans les différents circuits existants” (hôpital, répartition en ville et gestion par les entreprises) pour que les autorités de santé aient les moyens d’améliorer les réponses aux situations de tension, en temps réel.

Cette fluidification des informations doit également avoir une dimension européenne et implique, simultanément, des efforts d’harmonisation au niveau des produits eux-mêmes. “Si nous manquons d’une molécule en France et que l’Allemagne dispose d’un stock, cela peut prendre aujourd’hui des semaines pour que le patient français y accède”, fait remarquer Thierry Hulot. “Les boîtes ne contiennent pas le même nombre de médicaments, les notices sont dans des langues différentes : pour les molécules indispensables, il faut standardiser les packagings, les conditionnements et avoir un QR Code unique qui donne accès à une notice dans différentes langues”, ajoute le président du Leem.

Hausse du prix des médicaments

Enfin, dernière proposition du Leem, peut-être celle qui sera la plus compliquée à faire accepter par les pouvoirs publics (compte tenu de la politique actuelle de remboursement des médicaments, cf. la LFSS 2023) : la revalorisation du prix des médicaments matures (ceux issus de procédés chimiques de fabrication et dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) date d’au moins 10 ans). Ces médicaments, qui se distinguent des thérapies innovantes, ont vu ces dernières années leur prix de production s’élever et sont, selon le Leem, vendus en France environ 25% moins cher que chez nos voisins européens. Le Leem demande donc à l’État une harmonisation. En échange, les industriels s’engagent à assurer la disponibilité de ces médicaments sur le territoire.