De quoi parle-t-on ?
Les “données de vie réelle” ou de “vraie vie” sont des données générées et collectées lors de soins ou du suivi réalisés en routine ou via des objets connectés. Elles reflètent donc, a priori, une réalité de terrain, dans le cadre quotidien des patients. Ces données peuvent être issues :
- d’une application de suivi oculaire, comme le propose l’acteur français Tilak Healthcare dont la solution peut être prescrite par des ophtalmologues pour tester l’acuité visuelle de leurs patients,
- du monitoring d’un objet connecté, comme par exemple les données de fréquence cardiaque recueillies par les montres connectées,
- des données partagées sur les réseaux sociaux (la société Kap Code s’est ainsi appuyée sur ces données pour fournir une analyse des effets du Covid long).
La valeur ajoutée des données de santé de vie réelle a été récemment découverte. Leur exploitation permet de faire émerger de nouvelles connaissances, avec un double bénéfice : accroître les possibilités de suivi de l’usage et de l’efficacité des produits de santé tout en révolutionnant la recherche.
Les enjeux économiques et réglementaires
Domaine encore émergent, l’essor des données de vie réelle fait face à trois grands enjeux : élaborer un modèle économique de la donnée de vie réelle, améliorer leur accès et assurer leur (cyber)sécurité.
Encadrement et réglementation
L’accès aux données de vie réelle relève de la réglementation RGPD puisqu’il s’agit de données personnelles. D’autres textes s’appliquent également, comme la version adaptée de la loi Informatique et libertés, le décret définissant en 2018 la procédure de certification des hébergeurs de données de santé (HDS), les décrets remplaçant le NIR par l’INS et ceux relatifs aux droits des patients, notamment leur consentement pour la réutilisation de leurs données.
En France, l’Alliance française des données de vie réelle a vu le jour mi-juillet 2021. La Cnil a proposé en septembre 2021 une auto-évaluation de maturité en gestion de la protection des données, incluant les données de vie réelle. Après avoir publié un guide méthodologique sur le sujet, la HAS s’est dotée dès novembre 2021 d’une cellule à ce sujet. En 2022, la proposition de loi relative à l’innovation en santé prévoyait de faciliter le déploiement d’essais cliniques en ambulatoire, notamment via le recours à la télémédecine. Le texte, qui comporte 23 articles, encadre également l’hébergement et la gestion des données du SNDS auprès d’opérateurs “relevant exclusivement de la juridiction de l’Union européenne”. Il prévoit d’intégrer dans les finalités du “Health Data Hub” l’évaluation de l’efficacité en vie réelle des traitements (art. 20).
Au niveau européen, l’Agence européenne du médicament (EMA), elle a lancé le 9 février 2022 le centre de coordination de sa plateforme européenne d’analyse de données de vie réelle Darwin (Data Analysis and Real World Interrogation Network).
Les chiffres clés
La société américaine IQVIA estime le marché des données de vie réelle à 4 Mds $, d’après son livre blanc décrivant “l’impérative capture de valeur à grande échelle”. À la différence du site marketandmarket qui l’évalue à 2,3 Mds $ d’ici 2026, “contre 1,2 Md $ en 2021”.
De nouvelles perspectives pour le soin et la recherche
Selon Stéphanie Combes, directrice du Health Data Hub, “les données de vie réelle sont un véritable enjeu au niveau national et européen”. “Tous les acteurs du produit de santé pourraient être intéressés de mieux comprendre comment utiliser les données de vie réelle dans le cadre des approches d’évaluation des produits”, expliquait-elle à mind Health en 2022.
Pour Stéphane Messika, CEO de Kynapse qui copilote l’Alliance française des données de vie réelle aux côtés d’AI4Health, ces données particulières sont “longitudinales, issues du suivi des patients, tout le long de leur parcours de soin, en ville ou à l’hôpital. Cela signifie qu’une fois les traitements mis sur le marché, leur efficacité est observée en vie réelle donc on peut suivre les errances diagnostiques, l’observance lors de maladies chroniques.”
La collecte des données de vie réelle à distance permet également d’offrir une représentation numérique du patient, ouvrant la voie aux essais cliniques décentralisés. Réaliser des essais virtuels à partir de ces données “évite la chute du taux d’adhésion dans les essais, va cent fois plus vite et coûte cent fois moins cher”, selon Robert Chu, P-DG d’Embleema, pionnier sur le marché des essais cliniques décentralisés.
Sandrine Cochard