Entre applications de suivi du sommeil et dispositif médical validé par la Food and Drug Administration (FDA), la SleepTech est en pleine expansion et couvre différents besoins. mind a enquêté pour en savoir plus sur ce nouveau marché et analyser à quoi il pourrait ressembler demain.

De quoi parle-t-on ?

L’industrie de la SleepTech s’intéresse aux divers aspects du sommeil, des troubles aigus et chroniques jusqu’à la quête d’une meilleure qualité de sommeil. La liste des produits technologiques liés au sommeil est longue. Interrogée par mind, le Dr Justine Frija, diplômée en médecine du sommeil, maîtresse de conférences des universités en physiologie et membre du comité communication au sein de la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil, témoigne d’un marché très hétérogène, composé “de trackers de sommeil allant de cinquante à plusieurs centaines d’euros. En fonction du budget qu’on y consacre, la fiabilité sera plus ou moins au rendez-vous”, observe la spécialiste des objets connectés. D’autant que, ajoute-t-elle, “entre les objectifs connectés qui relèvent du bien-être et ceux qui sont dans une logique de certification DM, les tests de fiabilité métrologiques et les exigences de conformité au RGPD divergent.”

Pourquoi c’est important ?

Les troubles du sommeil constituent un enjeu de santé publique croissant, dont les répercussions médico-économiques sont vastes. Selon une étude de McKinsey, les coûts économiques du manque de sommeil sont estimés à plus de 400 Mds $ par an aux États-Unis. Le secteur est en pleine expansion : les technologies passent des laboratoires aux applications de la vie courante et les capteurs se miniaturisent pour suivre le sommeil au plus près du patient. Toutefois, le parcours de soin n’est pas encore mature et les objets connectés grands publics, qui ne bénéficient pas d’un remboursement, échappent pour beaucoup à une validation scientifique rigoureuse. Le corps médical et les autorités régulatrices peinent à évaluer sereinement ces dispositifs prometteurs dans l’analyse du sommeil.

La SleepTech englobe deux grandes catégories

Selon le Dr Marc Rey, président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), neurologue et ancien responsable du Centre du Sommeil de l’hôpital de la Timone, à Marseille, il existe deux grandes catégories d’objets technologiques dans la SleepTech. La première catégorie concerne les appareils portables, portés par l’utilisateur lui-même ou placés dans son lit, pour mesurer son sommeil. “Ce sont toujours des mesures indirectes, car lors d’un examen polysomnographique classique (examen médical qui permet l’enregistrement du sommeil, de la ventilation et de mouvements corporels au cours de la nuit, ndlr) il faut placer un certain nombre d’électrodes sur le corps. Les statistiques de sommeil sont définies en fonction de l’activité électrique du cerveau et des mouvements des yeux notamment. Il existe un certain nombre de mesures indirectes également qui donnent une idée de l’état de notre sommeil, comme le mouvement du corps durant la nuit ou la fréquence cardiaque, permettant de distinguer, par exemple, le sommeil profond du sommeil paradoxal”, explique-t-il à mind.

À côté de ces appareils qui mesurent le sommeil, associés à des algorithmes et souvent à des logiciels de conseil et d’explication, le Dr Marc Rey voit se dessiner les applications qui vont permettre de développer des thérapies cognitivo-comportementales en ligne. “C’est le traitement qui est le plus efficace dans l’insomnie au long cours, via le remplissage d’un questionnaire et d’un “agenda du sommeil” avec les heures de coucher et de lever notamment. Il y a une assez bonne corrélation avec les résultats que donne une montre connectée pour un sujet normal”, explique le Dr Marc Rey.

Un marché dynamique

Il suffit de regarder les six mois écoulés pour comprendre l’accélération en cours sur la SleepTech, ce segment de la e-santé dédié à la prévention et le suivi des troubles du sommeil. En novembre 2023, le fonds Alexa d’Amazon et le fonds français UI-Investissement ont rejoint le cycle d’investissement dans Sunrise, une solution belge de diagnostic à domicile de l’apnée du sommeil, avec un investissement supplémentaire de 6 millions de dollars, pour un total de 24 millions de dollars levés en 2023. Sunrise a également acquis la plateforme d’accès aux soins Dreem Health, revendue dans le cadre du plan de cession de la société Dreem, autrefois le fleuron tricolore de la SleepTech. Dreem avait levé près de 60 M$ depuis sa création en 2014 et déposé 50 brevets pour développer son bandeau nocturne bardé de technologie. Mais Dreem n’est pas parvenu à remplir tous ses objectifs, et après l’ouverture en avril 2023 d’une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession de Dreem par jugement du 16 juin 2023, scindant les actifs de la société en deux pour être cédés aux sociétés Beacon Biosignals et Sunrise.

En décembre 2023, la start-up suisse Aesyra a annoncé avoir levé 3 millions de dollars dans le cadre d’un financement de démarrage, pour ses innovations pour lutter contre le bruxisme et l’apnée du sommeil. En janvier 2024, la société Onera Health a levé 30 M€ en série C pour aider les cliniciens à mener des études sur le sommeil au domicile des patients. Le clinicien peut notamment commander une étude de polysomnographie (l’examen complet de référence qui capte les rythmes électriques provenant du corps pour en déduire les stades de sommeil) via Onera, qui envoie les capteurs nécessaires directement au patient. La start-up fondée aux Pays-Bas en 2017 a levé 55 millions d’euros depuis sa création.

En France, la start-up Apneal a été sélectionnée en début d’année pour faire partie du programme EIT Health Flagships. L’entreprise entend accélérer le développement de son application d’aide au dépistage du syndrome de l’apnée du sommeil qui utilise les capteurs d’un smartphone (accéléromètre, gyroscope, microphone, etc.) fixé sur le thorax du patient. Les données recueillies sont transformées grâce à une intelligence artificielle en signaux équivalents à ceux d’un examen clinique. La start-up bénéficie du soutien d’un consortium, composé en partie d’Air Liquide Healthcare, du Digital Medical Hub et de l’hôpital universitaire de la Charité de Berlin.

Enfin, la fonctionnalité d’apnée du sommeil de Samsung sur la Galaxy Watch est la première du genre à avoir reçu, en février dernier, l’autorisation De Novo de la FDA. La fonctionnalité sera disponible sur la série Galaxy Watch aux États-Unis via l’application Samsung Health Monitor au troisième trimestre 2024. Cette fonctionnalité détecte les signes d’apnée du sommeil à l’aide d’une montre et d’un téléphone Samsung Galaxy compatibles. Selon un communiqué de Samsung, cette fonctionnalité “permet aux utilisateurs de plus de 22 ans n’ayant pas reçu de diagnostic d’apnée du sommeil de détecter les signes d’apnée obstructive du sommeil modérée à sévère sur une période de surveillance de deux nuits”.

Avec cette annonce, Samsung coiffe Apple au poteau. Si l’Apple Watch est capable d’analyser la fréquence respiratoire, elle ne mesure pas l’apnée du sommeil. Bloomberg rapportait en novembre dernier qu’Apple prévoyait de travailler sur cette fonctionnalité pour ses prochains modèles. Avec une multitude de start-up qui se lancent sur le segment, et les Big Tech qui avancent leurs pions sur le sujet, la SleepTech et le marché du bien être en général ont encore de beaux jours devant eux.