France : l’index de l’égalité femmes-hommes des entreprises toujours plus haut mais menacé

L’index de l’égalité professionnelle, fragilisé par sa complexité et la prochaine entrée en vigueur de la directive européenne sur la transparence salariale, est publié pour la septième fois cette année par le ministère français du Travail. En 2024, les entreprises  concernées ont affiché une note de 88,4 sur 100 malgré un écart des salaires de 14 % entre l’ensemble des femmes et des hommes salariés à temps plein. 

Depuis 2019, les sociétés françaises de plus de 50 salariés doivent publier leur score sur l’égalité femmes-hommes. Le 24 mars 2025, 19 020 entreprises l’avaient communiqué au ministère du Travail, soit environ 80 % des entreprises concernées. Un pourcentage en nette progression, puisque le ministère en comptait 77 % pour l’année 2023 et 72 % pour 2022. Leur moyenne continue de progresser, puisqu’elle s’établit à 88,4 sur 100, contre 88 en 2023 et 87,5 en 2022. Trois entreprises sur quatre ont une note supérieure à 85, et une sur deux plus de 90/100. Ce score, de 0 à 100, est calculé à partir des données fournies par les sociétés elles-mêmes. Il est l’addition de points calculés sur les critères suivants : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 ou 35 points selon le nombre de salariés), les augmentations au retour de congé maternité (15 points), la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise (10 points). Les entreprises de plus de 250 salariés doivent aussi calculer un indicateur supplémentaire : l’écart dans les promotions (15 points). 

6% des entreprises en dessous du minimum légal

En deçà d’un seuil de 75 points sur 100, l’entreprise est dans l’obligation de définir et mettre en œuvre des mesures correctives, dans un délai de trois ans, par la signature d’un accord d’entreprise ou, par défaut, via une décision unilatérale suivant la consultation du CSE. En 2024, c’était le cas de 1 201 entreprises, soit 6,3 % de celles qui ont partagé leurs chiffres (contre 7 % en 2023 et 7,9 % en 2022). Parmi elles, treize sont des entreprises de plus de 1 000 salariés, dont les laboratoires d’analyses Inovie Labosud (64 points), l’entreprise d’intérim Synergie (74 points) et l’entreprise Securitas (64 points). 163 entreprises (soit 0,9 %) ont, par ailleurs, une note inférieure à 50. On y retrouve notamment l’Olympique de Marseille (41 points) et Casio France (44 points). A l’inverse, 604 entreprises (soit 3,2 %) ont atteint la note maximale de 100 l’an dernier, dont l’enseigne de distribution bio Naturalia France et la Française des jeux (FDJ United depuis mars 2025). Le ministère du Travail indique avoir prononcé 209 pénalités concernant l’index et la mise en place d’accords d’égalité professionnelle, un nombre en augmentation de 66 % par rapport à l’année précédente. Elles peuvent atteindre 1% du montant annuel des rémunérations si l’entreprise n’a pas redressé ses résultats en trois ans.

Les industries, la finance et le secteur social encore en retard

Nous avons classé les index des entreprises selon 19 grands secteurs économiques. L’écart entre la catégorie la plus performante (l’administration) et celle au plus faible score n’était en 2024 que de 8 points, contre 10 en 2023. Comme en 2022 et en 2023, ce sont les 1 700 sociétés de la construction concernées qui occupent la dernière position avec 83,5 points en moyenne. En un an, le secteur progresse cependant de 1,1 point. Cette moyenne est tirée par les entreprises spécialisées dans les travaux de peinture et de vitrerie qui gagnent 14,5 points (81/100), mais aussi celles dans les travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment (+8 points en moyenne, avec une note de 84,5/100).

En progression de 1,4 point, les entreprises spécialisées dans la production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné passent de la quinzième place en 2023 à la onzième en 2024. Elles sont notamment tirées par les distributeurs d’électricité qui progressent de 7 points (89/100 en moyenne). A l’inverse, les entreprises spécialisées dans la production et distribution d’eau, l’assainissement, la gestion des déchets et la dépollution perdent 0,6 point d’une année à l’autre. Cela s’explique notamment par la perte de 4 points des entreprises spécialisées dans la collecte des déchets non dangereux (avec une note moyenne autour de 86/100). 

Comment chacun de ces 19 secteurs se distingue-t-il, positivement ou négativement, sur les cinq critères de notation de l’index ? Malgré une note moyenne de 90,1, les entreprises de la santé et de l’action sociale perdent 0,8 point pour les promotions au retour de congé maternité et 0,2 point pour les écarts de taux d’augmentation. La note moyenne des sociétés spécialisées dans les arts, spectacles et activités récréatives baisse dans quatre catégories : écart de rémunération (-0,6 point),  écart taux de promotion (-0,5 point) et -0,1 point pour les hautes rémunérations et l’écart taux d’augmentation. Quatre sous-secteurs font principalement baisser la note moyenne : les activités des centres de culture physique (-5,6 points), les activités de clubs de sports (-4,4 points), la gestion des musées (-3,5 points) et celle des salles de spectacles (-3,1 points).

La moyenne des grandes entreprises progresse

Nous avons souhaité nous pencher plus précisément sur les notes de 303 grandes entreprises (employant plus de 1.000 salariés). Au moment de notre étude, 255 d’entre elles avaient partagé leur note. Leur moyenne augmente encore de 0,6 point et s’établit à 90,5 sur 100, contre 89,9 en 2023 et 89,3 en 2022. Trois entreprises sur quatre ont une note supérieure à 88, et une sur deux plus de 91/100. Parmi les entreprises de notre sélection, seule CNP Assurances obtient la note de 100. L’année passée, la société partageait le podium avec la RATP, qui déclare à présent la note de 95/100. L’établissement public perd la moitié des points dans la catégorie hautes rémunérations.

L’horizon de la directive sur la transparence salariale

“L’index a permis de donner de la visibilité, un peu plus de transparence et de mesurer les progrès à l’échelle de l’entreprise. Mais il reste du chemin à faire car si les notes s’améliorent, l’écart peine à se résorber”, a déclaré le 7 mars Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail et de l’Emploi, lors de la présentation des données des entreprises. Décrié dès 2023 par des chercheurs et des organisations syndicales, il requiert un calcul complexe : les écarts ne sont pris en compte que pour des groupes de métiers comptant au moins trois femmes et trois hommes. Ainsi, en ajoutant le seuil de taille des entreprises, une étude commandée par la CFDT avait mis en évidence en 2023 que l’indicateur n’était calculé que sur 26 % des salariés du privé. Aujourd’hui, à temps de travail équivalent, les femmes salariées gagnent toujours 14,2 % de moins que les hommes selon l’Insee malgré la moyenne générale de 88,4 sur 100. Cela s’explique principalement par la difficulté d’accès des femmes aux postes de direction et l’absence de mixité dans les métiers techniques rémunérateurs comme ceux d’ingénieurs ou liés au numérique, expliquait à mind RH l’économiste et professeur à Paris Dauphine Dominique Meurs.

La publication de l’index va aussi être chamboulée par la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale, dont l’objectif principal est de contribuer à résorber les écarts liés aux genres. La ministre du Travail a lancé des consultations des partenaires sociaux dans le but de transposer le texte européen à l’automne 2025. Celle-ci va forcer les entreprises de plus de 50 salariés à communiquer une fourchette de salaires d’embauche lors du recrutement. Les societés de plus de 250 salariés devront elles fournir leurs données sur le sujet, tandis que les organisations syndicales seront associées à la mise en place de plans d’action en cas de discrimination. Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, la fédération syndicale industriAll Global Union a justement lancé des modules de formation spécifiques pour ses affiliés sur l’application de la directive et le militantisme en faveur du salaire décent pour les femmes.

Quelle place pour les femmes en responsabilité dans les sociétés de plus de 1 000 salariés ?

Depuis la loi Rixain de 2021, les entreprises de plus de 1.000 salariés doivent aussi publier leur pourcentage de femmes parmi les cadres dirigeants (tel que défini par le Code du travail) et parmi les membres des instances de direction. Contrairement à l’index, qui demande un calcul complexe aux entreprises, cette obligation de reporting ne devrait pas être remise en question, d’autant qu’elle est également désormais publiée dans le cadre du rapport de CSRD (indicateur S1-9) dont les premiers rapports sont publiés depuis le début de l’année. La loi concerne 145 entreprises de notre panel. Parmi elles, 62 % des entreprises se conforment au seuil légal de 30 % de femmes dans les instances de direction. En revanche, seules 36 % des entreprises ont plus de 30 % de femmes cadres dirigeantes. Cinq entreprises seulement ont plus de 50 % de femmes cadres dirigeantes et dans les instances exécutives. On y retrouve Santé Atlantique, Lilly France, MSD France, Monoprix et Seqens.

Méthodologie

Le 24 mars 2025, nous avons récupéré l’index d’égalité professionnelle de plus de 18 000 entreprises, disponible sur le site du ministère du Travail. Nous avons également récupéré, sur le même site, les données concernant l’écart de représentation dans un peu plus de 1 000 sociétés qui emploient au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif. 

En février 2023, nous avons aussi constitué un fichier contenant environ 300 entreprises parmi celles qui comptent le plus grand nombre de salariés en France. Nous avons croisé ces différents fichiers, grâce au numéro SIREN des unités légales, pour enrichir l’analyse. 

Dans chacun de ces fichiers figure la sous-classe de l’activité de ces entreprises, exprimée par un code NAF (nomenclature d’activités française), une nomenclature statistique qui permet de préciser l’activité principale exercée par une entreprise ou une association. Cela nous a permis de calculer des statistiques communes à la section d’activités à laquelle elles appartiennent (agriculture, sylviculture et pêche, industries extractives, etc.).

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