La semaine de quatre jours, très expérimentée ces dernières années, est-elle une voie vers un monde du travail plus équilibré et plus productif ? Ou est-ce un modèle qui n’est finalement séduisant que pour quelques organisations et secteurs spécifiques et reste difficile à porter économiquement pour la plupart des entreprises et problématique en phase de pénurie de main-d’œuvre ? Pour répondre à ces questions, l’IW de Cologne, un institut économique renommé proche du patronat, a interrogé les responsables RH de 823 entreprises actives dans tous les secteurs, sauf le secteur public, en tenant compte de trois perspectives : celle de l’entreprise, du secteur d’activité et de l’économie nationale.
Un modèle de niche peu répandu
D’un point de vue quantitatif, on apprend ainsi que 82% des entreprises n’ont pas envisagé (36%) ou ont exclu (46%) l’introduction de la semaine de quatre jours. Seuls 4% l’ont déjà mise en place, 2% sont en phase de test et 1% s’y préparent. Les taux d’adoption varient selon la taille et le secteur, mais restent donc faibles (6,2% en moyenne). Les petites entreprises (6,4% pour les moins de 50 salariés contre 3,6% pour les plus de 250 salariés), l’artisanat et le secteur informatique sont plus nombreux que la moyenne à expérimenter la semaine de quatre jours ou à l’adopter.
Allemagne : bilan en demi-teinte pour l’expérimentation de la semaine de quatre jours
Scepticisme dominant
Une large majorité des responsables RH reste sceptique et ne pense pas que les effets positifs souvent évoqués tels que l’augmentation de l’attractivité de l’employeur (47%) ou la satisfaction des collaborateurs (35%) puissent contrebalancer les effets négatifs attendus. Ainsi, 80% doutent qu’une densification du travail permettent de résoudre l’équation “réduction du temps de travail + charge de travail et salaire égaux”. Ils craignent une hausse des coûts salariaux (77%), un regain de complexité des processus de travail (69%), la nécessité d’embaucher du personnel supplémentaire (63%), et une augmentation de la pénibilité au travail pour les employés (60%). Seule une minorité (6%) pense que des gains de productivité pourraient compenser la réduction du temps de travail et 20% estiment qu’une densification du travail est possible. Au bout du compte, 41% jugent que le modèle n’est pas réalisable dans leur branche et 32% pensent qu’il ne serait possible que pour peu d’entreprises de leur secteur. Même parmi celles ayant déjà introduit la mesure, la majorité reste sceptique quant à sa généralisation dans leur branche, écrivent les auteurs.
Semaine de quatre jours : les expérimentations se multiplient un peu partout dans le monde
Des effets négatifs majoritairement anticipés
Au niveau macroéconomique, la question des effets positifs d’une réduction légale ou conventionnelle du temps de travail à quatre jours par semaine sur l’économie allemande dans son ensemble a également été posée. Parmi les effets positifs possibles, c’est la baisse globale du taux d’absentéisme qui recueille le plus de suffrages. Avec 17% des personnes interrogées, cette approbation reste toutefois très limitée. Environ 7% estiment aussi que la réduction du temps de travail pourrait stimuler l’innovation. Seuls 6% des personnes sondées sont convaincues que l’introduction de la semaine de quatre jours permettrait de “réduire efficacement la pénurie de main-d’œuvre qualifiée”. En fait, les responsables RH anticipent majoritairement des effets négatifs sur l’économie : réduction globale des capacités de production (71%), perte de compétitivité internationale (69%), perte de flexibilité (62%) et menace pour la prospérité économique (60%).