Ce que l’enquête de la CMA révèle de la relation entre Microsoft et OpenAI

Après avoir indiqué, en mars, ne pas constater dans l’immédiat un contrôle de fait d’OpenAI par Microsoft, l’Autorité britannique de la concurrence et des marchés a publié mardi 15 avril sa décision motivée. Celle-ci montre les liens étroits entre les deux entreprises et la stratégie de Microsoft. Des entraves futures à la concurrence ne sont pas exclues. 

Microsoft est-il en réalité l’acteur de contrôle d’OpenAI, au point que les deux sociétés ne forment qu’un seul et même ensemble au sens de la loi britannique, au risque d’une diminution substantielle de la concurrence ? L’Autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) s’est saisie de la question en décembre 2023, après le renvoi et la réintégration de Sam Altman en tant que PDG d’OpenAI quelques mois plus tôt.  

Elle avait annoncé, le 5 mars dernier, la fin de son enquête préliminaire sur cette question, concluant que malgré l’investissement de plusieurs milliards de dollars de Microsoft dans OpenAI, l’utilisation exclusive de certains de ses produits d’IA, et l’évolution de son conseil d’administration fin 2023, l’entreprise demeurait suffisamment autonome. 

Elle n’avait alors pas détaillé les motifs de sa décision. C’est chose faite dans sa décision complète publiée mardi 15 avril. La CMA y détaille les constats effectués et met au grand jour les éléments clés du partenariat entre Microsoft et OpenAI. En voici les quatre points essentiels. 

1. Nature du partenariat

Microsoft et OpenAI ont établi un partenariat en 2019 qui implique un investissement pluriannuel de plusieurs milliards de dollars et un accord de collaboration en matière de calculs et de recherche en intelligence artificielle (IA). Les termes de ce partenariat ont évolué à mesure que l’investissement de Microsoft dans OpenAI a augmenté et que la portée de leurs collaborations s’est élargie. La relation entre les deux entités est décrite par la CMA comme “complexe” et “en constante évolution”.

2. Investissements de Microsoft et gouvernance 

Microsoft est l’investisseur le plus important d’OpenAI. Le groupe y a investi au moins 13 milliards de dollars : 1 milliard de dollars en juillet 2019, plusieurs milliards de dollars en mars 2021 (le montant exact a été expurgé de la décision), 10 milliards de dollars en janvier 2023, et “une somme substantielle” en octobre 2024.

Bien que Microsoft soit le principal investisseur d’OpenAI, ses droits de gouvernance formels dans l’entreprise sont généralement limités à des protections financières typiques, dont bénéficient les investisseurs, observe la CMA. Microsoft n’a pas le droit de nommer un administrateur au conseil d’administration des deux structures d’OpenIA (OpenAI Nonprofit et OpenAI OpCo LLC). La gestion quotidienne d’OpenAI est toujours contrôlée par OpenAI Nonprofit. 

3. Fourniture de calculs

Microsoft a été le fournisseur exclusif des infrastructures de calculs pour tous les travaux d’OpenAI (recherche, produits et services d’API). Cependant, en janvier 2025, les parties ont renégocié certains éléments de cette exclusivité, passant à un modèle où Microsoft aura un droit de premier refus pour les nouvelles capacités de calculs, à l’exception des travaux sur l’API d’OpenAI qui restent exclusifs à Microsoft. 

Microsoft a également accordé des dérogations pour permettre à OpenAI de développer des capacités de calculs supplémentaires, principalement pour la recherche et la formation de modèles, ce qui a par exemple permis à OpenAI de s’inscrire dans le “Projet Stargate”. Celui-ci, annoncé sous l’égide du président américain Donald Trump en janvier, est une coentreprise avec SoftBank, Oracle et MGX, prévoyant un investissement initial de 100 milliards de dollars pour développer une infrastructure de calculs supportée par l’IA aux États-Unis.

4. Propriété intellectuelle et commercialisation 

Microsoft bénéficie d’une licence exclusive sur la propriété intellectuelle d’OpenAI, à l’exception de certains projets, notamment ceux relatifs à l’intelligence artificielle générale (IAG), pour lesquels OpenAI conserve les droits exclusifs. Les deux parties peuvent commercialiser indépendamment la propriété intellectuelle d’OpenAI, sous certaines restrictions, avec plusieurs dispositions de partage des revenus. OpenAI est tenu d’héberger tous ses modèles et services uniquement sur Microsoft Azure.

Bien que son enquête montre que Microsoft est capable d’exercer “une influence très importante” sur la politique commerciale d’OpenAI, la CMA affirme n’avoir pas trouvé de preuves indiquant que Microsoft est actuellement en mesure de “déterminer” cette politique. Des exemples montrent, selon elle, qu’OpenAI agit d’une manière qui n’est pas toujours alignée sur les intérêts de Microsoft. La CMA affirme cependant que des préoccupations en matière de concurrence pourraient émerger à l’avenir.

Des critiques acerbes

La position de la CMA avait été contestée début mars par l’association activiste Foxglove, qui l’a estimée, auprès de la BBC, comme une décision “politique”. Le gouvernement britannique a donné récemment une série d’instructions à la CMA pour tendre vers une régulation de la concurrence plus souple, au bénéfice de la croissance et de l’investissement.