SAP réduit en grande partie son programme pour la diversité 

Réagissant au décret du président américain Donald Trump destiné à abolir les politiques de soutien à la diversité, le leader allemand des logiciels de gestion d’entreprise a annoncé la suppression de son objectif de 40% de femmes dans ses effectifs d’ici à 2030. Entre autres mesures. SAP est le premier groupe en Allemagne à s’aligner aussi nettement sur la nouvelle politique américaine. Les adversaires de cette “contre-révolution” craignent un effet d’entraînement.

SAP a décidé de s’aligner sur le décret du président américain en date du 21 janvier 2025 et intitulé “Mettre fin à la discrimination illégale et rétablir l’égalité des chances fondée sur le mérite”. L’Executive Order 14173 stipule ainsi que les droits civiques devraient protéger les Américains de toute discrimination fondée par exemple sur la couleur de peau, la religion ou le sexe. Or, “sous le couvert de la politique de diversité, des violations sont commises, qui sapent les valeurs américaines traditionnelles de travail acharné, d’excellence et de performance individuelle”, affirme le texte.

Une politique de la diversité presque entièrement escamotée

En conséquence, le fabricant de logiciels supprime des éléments centraux de sa politique de diversité. Il abandonne ainsi pour l’ensemble du groupe l’objectif d’avoir 40% de femmes dans ses effectifs d’ici à 2030 (35,4% actuellement), a expliqué la direction dans un e-mail interne diffusé le 9 mai dernier et commenté par le quotidien Handelsblatt. Pour sa part, l’indicateur “Femmes dans les postes de direction” n’est pas supprimé mais modifié. Il était jusqu’à présent calculé à partir de la situation dans les trois niveaux situés sous le comité de direction. À l’avenir, seuls les deux niveaux supérieurs seront pris en compte, comme l’impose la loi allemande. De plus, le quota de femmes cadres dans les filiales américaines ne sera plus du tout pris en compte. SAP ne va plus tenir compte également de la diversité des sexes comme critère d’évaluation pour la rémunération du directoire et notamment pour le calcul des bonus à court terme. Le critère Femmes aux postes de direction sera remplacé par le “Business Health Culture Index” qui évalue l’état de santé global du personnel.  En outre, SAP va fusionner le “Diversity & Inclusion Office” avec le secteur dédié aux questions de “Corporate Social Responsibility”. Ce dernier est renommé “Social Responsibility, Inclusion and Communities” et doit être rattaché au département “People & Culture” du comité directeur. SAP précise que sa position reste claire en ce qui concerne la “culture inclusive”. L’existence des “Employee Network Groups”, dans lesquels plus de 30.000 collaborateurs s’engagent bénévolement n’est pas remise en cause. Il existe des groupes tels que “Autism Inclusion Network”, “Pride@SAP” et “Business Women’s Network”. Pour l’entreprise, cet engagement montre que “l’’inclusion chez SAP n’est pas dictée par des directives – elle est vécue par nos collaborateurs”, précise la direction dans son courriel interne.

Une attitude critiquée

Comme le relève le quotidien économique Handelsblatt, SAP continue à assurer qu’un “personnel diversifié et un leadership inclusif” sont essentiels pour une organisation performante. Mais qu’en tant qu’entreprise globale avec une forte présence aux États-Unis, il faut aussi réagir aux “changements externes, par exemple aux évolutions légales actuelles”. Les entreprises qui obtiennent des contrats fédéraux ou qui travaillent avec des agences fédérales se voient désormais interdire la mise en œuvre de programmes DEI (Diversité, équité et inclusion). SAP travaille également avec l’administration fédérale. L’année dernière, le groupe a réalisé environ 1,2 milliard de dollars de chiffre d’affaires avec les administrations américaines. 

Sur LinkedIn, Wiebke Andersen, directrice de la filiale allemande de la fondation Allbright, qui s’engage pour plus de femmes dans les positions dirigeantes, critique clairement les annonces de SAP et le risque que ce changement d’attitude entraîne d’autres entreprises à s’aligner : “L’évolution actuelle pourrait nous ramener plusieurs années en arrière, quand les objectifs pour une plus grande diversité n’étaient encore que des paroles en l’air et n’étaient pas formulés concrètement et ancrés dans la stratégie”, écrit-elle. Selon elle, il existe actuellement trois types de réactions aux exigences de Trump de mettre fin à tous les programmes DEI. Un premier groupe de “combattants” qui s’en tiennent à leurs valeurs, continuent comme avant et le font savoir. Un deuxième groupe qui comprend ceux qui pratiquent le “camouflage”, c’est-à-dire qui suppriment les objectifs affichés de leurs sites web et de leurs rapports d’activité mais qui poursuivent en fait leurs efforts en matière de DEI. Enfin, un troisième groupe qualifié par Mme Andersen d’opportunistes. “Font surtout partie de ce dernier groupe ceux qui font des affaires plus importantes avec l’État américain, comme SAP”, explique-t-elle.