Depuis 2019, les sociétés françaises de plus de 50 salariés sont tenues chaque année de soumettre au ministère du Travail leur score sur l’égalité femmes-hommes. Le 28 avril 2025, près de 19 500 sociétés lui ont communiqué leur note pour l’année 2024, soit environ 80 % des entreprises concernées. Un pourcentage en progression, puisque le ministère en comptait 77 % pour l’année 2023 et 72 % pour 2022. Parmi elles, 1 628 sociétés appartiennent au secteur de l’information et de la communication, qui comprend une trentaine de sous-domaines dans les activités de l’édition, de la production culturelle, des télécoms, de l’information, mais aussi du logiciel et de l’informatique.
Ce score, de 0 à 100, est calculé à partir des données fournies par les sociétés elles-mêmes. Il est l’addition de points calculés sur les critères suivants : l’écart de rémunération femmes-hommes (40 points), l’écart dans les augmentations annuelles (20 ou 35 points selon le nombre de salariés), les augmentations au retour de congé maternité (15 points), la présence de femmes parmi les plus gros salaires de l’entreprise (10 points). Les entreprises de plus de 250 salariés doivent aussi calculer un indicateur supplémentaire : l’écart dans les promotions (15 points).
Si la moyenne nationale est de 88,4 / 100, elle n’est que de 85,8 pour l’information et la communication (contre 85,6 en 2023 et 85,9 en 2022), soit 2,6 points de moins. Cela classe ce secteur à la 17e place parmi les 19 principales activités économiques en France.
Huit secteurs à la loupe
Pour délimiter l’analyse, nous avons sélectionné, parmi la centaine de secteurs recensés par l’Insee, huit sous-secteurs appartenant aux domaines couverts par mind Media :
- Activités des agences de publicité (119 entreprises)
- Édition de journaux (28 entreprises)
- Édition de revues et périodiques (43 entreprises)
- Régie publicitaire de médias (41 entreprises)
- Édition de chaînes thématiques (13 entreprises)
- Édition de chaînes généralistes (10 entreprises)
- Édition et diffusion de programmes radio (six entreprises)
- Activités des agences de presse (cinq entreprises)
Au total, 265 sociétés de plus de 50 salariés avaient communiqué au ministère du Travail leur note pour l’année 2024. Parmi elles figurent les agences de publicité Dentsu France et Omnicom, les chaînes Arte France et M6, celles thématiques BeIN Sports France et Canal+, les quotidiens Le Parisien et Le Figaro, les revues et périodiques de Publihebdos et Bayard, les régies publicitaires de JCDecaux et Facebook France, ou encore l’Agence France-Presse et Radio France.
Avec ce périmètre restreint, la moyenne par entreprises répondantes dépasse, cette fois-ci, la moyenne nationale. Elle s’établit à 88,7 / 100, contre 88,3 en 2023 et 86,7 en 2022. Trois entreprises sur quatre ont une note supérieure à 85, et une sur deux plus de 91/100.
Seules trois entreprises (soit 1,1 %) ont atteint la note maximale de 100 l’an dernier, dont Azur Promotion (communication dans les points de vente) et Amazon Digital France.
Agences et régies peuvent mieux faire
Comment chacune des huit activités que nous avons analysées se distingue-t-elle, sur les cinq critères de notation de l’index ? Si, en 2023, les régies publicitaires de médias avaient en moyenne 17 / 20 dans la catégorie écarts d’augmentation, elles perdent à présent 3 points. Trois secteurs sont sous la moyenne nationale : les éditeurs de journaux, les agences de publicité, et les régies publicitaires de médias.
Dentsu, qui entre dans la catégorie des agences de publicité, est le représentant des agences médias le mieux noté, avec un total de 95 points (contre 92 pour Havas Media et GroupM, 82 pour OMG, 86 pour Publicis Media, et 80 pour Mediabrands). La société, labellisée « Great place to work for women », a placé des femmes à la tête des activités programmatiques, du trading desk, de la data, et des insights. En 2024, elle a embauché plus de femmes que d’hommes, et elles ont été également plus représentées dans les promotions internes. On trouve par ailleurs chez Dentsu un programme d’accompagnement dédié aux femmes et aux jeunes mères, monté avec l’organisme de formation Oreegami – spécialisé en marketing et publicité digitale, IA et SEO – et le réseau Women in programmatic.
« Dentsu est la seule société à mission parmi les groupes de communication, et tout est lié, commente le président de Dentsu France, Pierre Calmard. Le respect de la diversité et l’inclusion font partie de nos missions. Chez nous, c’est un objectif en soi, c’est inscrit dans nos statuts, et cela procède d’une démarche qui a duré plusieurs années. Dès que j’ai pris la présidence du groupe, j’ai décidé d’instaurer la parité au comité de direction. Nous avons également créé un comité de direction élargi, qui réunit les 25 managers principaux, à parité hommes-femmes, et aussi avec une mixité d’âges. Cela a généré une exemplarité dans l’entreprise. C’est important que l’exemple vienne d’en haut. »
Dentsu a continué ces dernières années à faire progresser l’égalité de genre, notamment à travers son dernier accord QVT, signé il y a deux ans, instaurant un congé paternité longue durée, et un réajustement systématique de salaire pour les femmes qui reviennent de congé maternité. « On constate toujours un décroché résiduel au bout de 5 à 10 ans sur les salaires, donc il faut un peu forcer les choses », justifie Pierre Calmard. L’auteur de « L’entreprise harmonieuse » n’est pas gêné quand il s’agit d’évoquer le monde de la publicité post-« MeToo Pub ». « Oui, il y a des changements concrets dans la nouvelle génération. Quand j’ai débuté ma carrière, j’ai vu des choses impensables aujourd’hui. Mais il y a un bémol : je trouve que dans certains endroits, les gens sont toujours là, même s’ils ont mis la pédale douce. Il y a des entreprises qui ont fait un ménage… léger. Les groupes ont agi de façon très diverse sur ce point. »
Les chaînes de télévision, bonnes élèves du secteur
Sur les huit secteurs que nous avons analysés, avec 94,3 points en moyenne, les chaînes de télévision restent en tête, mais perdent cependant 1,1 point.
Au sein des régies des chaînes télé, sur le score général, c’est TF1 Pub – 62 % de femmes dans les effectifs, 6 femmes et 5 hommes au comité exécutif – qui fait la course en tête avec 99 points. La régie bénéficie, selon sa directrice générale Sylvia Tassan Toffola, de la dynamique générale du groupe TF1 (dont la note est inférieure de 9 points à celle de France Télévisions) et de sa maison mère, Bouygues. « C’est dans l’ADN du groupe depuis toujours, et trouve son origine dans la proposition éditoriale : mettre en oeuvre l’empowerment des femmes dans les fictions, une incarnation féminine dans les JT, etc. Il y a une forme de continuité dans la volonté d’être le reflet de la société », affirme la DG de TF1 Pub.
Premier groupe média à obtenir le label Diversité en 2010, création de la Fondation TF1 pour l’égalité des chances en 2008, lancement du programme Expertes à la Une en 2018, mise en avant du sport féminin dans les programmes… TF1 a mis depuis plusieurs années des bonnes pratiques en place, et a selon Sylvia Tassan Toffola « clairement accéléré depuis l’arrivée de Rodolphe Belmer », qui a pris la direction générale du groupe TF1 en février 2023.
Chez TF1, au comité de management réunissant les 150 top managers du groupe, la parité est atteinte, tout comme au comex. Parmi les bonnes pratiques du groupe, figurent la création du réseau Fifty-Fifty en 2015, dédié au départ à l’égalité femmes-hommes par le biais de mentorats croisés, et qui a évolué sur les problématiques d’orientation sexuelle et d’égalité de genre ; un programme de leadership au féminin impulsé par Bouygues, instaurant des formations de trois jours pour les managers, pendant lequelles témoignent des « roles models », dans une logique de networking ; l’initiative des RH Girls@tech, pour encourager les jeunes diplômées à postuler dans le digital ; une plateforme d’appel anonyme pour traiter les plaintes liée au harcèlement sexuel, ainsi qu’une formation obligatoire pour 150 managers sur le sujet.
A la régie, où les femmes sont historiquement plus nombreuses, comme le rappelle Sylvia Tassan Toffola, « la digitalisation a un peu masculinisé les équipes. Quand on a des postes ouverts dans la data, la tech et la cybersécurité, on reçoit plus de CV masculins. Au niveau groupe, il y a eu 120 recrutements en 2024 dans les domaines de la tech et du digital, dont 35 % de femmes. Nous avons un enjeu d’attractivité, face aux Gafam notamment, qui demande une véritable politique RH structurée. Il y a un gros défi pour les entreprises comme la nôtre, qui sommes dans une mutation structurelle vers le digital. Dans ces métiers, un tiers de femmes doit être un minimum, pas un maximum. Aux fonctions de management, dans la communication, il y a historiquement davantage de femmes dans les régies, et moins côté agences et interprofession. Quand j’étais présidente du SRI, j’étais la seule femme ».
Un seuil à ne pas dépasser
En deçà d’un seuil de 75 points sur 100, l’entreprise est dans l’obligation de définir et mettre en œuvre des mesures correctives, dans un délai de trois ans. En 2024, c’était le cas de 14 entreprises, soit 5,3 % de celles qui ont partagé leurs chiffres (contre 6,4 % en 2023 et 7,8 % en 2022). Il s’agit notamment de l’agence pour les mairies et collectivités Media Plus Communication, et de l’agence web et communication girondine Vistalid, qui sont respectivement sous la barre des 75 depuis trois et quatre ans.
Après deux années passées sous ce palier, la régie publicitaire Mobsuccess et les éditeurs Lextenso et Le Canard enchaîné sont dans l’obligation de remonter leur note pour 2025. Ils suivront alors l’exemple de la régie NR Communication qui passe, en 2024, de 57 à 78 points, de celle d’Ebra Médias Bourgogne Rhône-Alpes de 72 à 78 points (54 points en 2022), de l’adtech Ogury France (de 45 à 86 points) ou encore d’Editialis Media (de 65 à 87).
Plusieurs actions concrètes ont été mises en place au sein de la régie Ebra Médias Bourgogne Rhône-Alpes, pour remonter la pente. « Nous avons identifié les écarts de salaire entre hommes et femmes pour des postes équivalents, et mis en place des enveloppes correctives dédiées pour les gommer sur plusieurs années. Nous avons instauré une politique de discrimination positive à l’embauche ces dernières années, sur les emplois commerciaux ou d’encadrement, avec une priorité donnée aux candidates femmes lorsque les compétences sont équivalentes à celles des hommes, dans le but de corriger les écarts passés. Nous avons également organisé des journées de formation sur l’égalité professionnelle et la lutte contre les discriminations pour nos talents, nos dirigeants, ainsi que des séances de sensibilisation pour l’ensemble des managers autour du sexisme ordinaire », nous indique le groupe Ebra.
Ce dernier a par ailleurs fait en sorte de favoriser la mixité dans les différents métiers, en s’appuyant sur les départs à la retraite. Un comité carrière paritaire a été mis en place, pour identifier, développer et prioriser l’évolution des carrières dans l’entreprise. Enfin, l’accord QVT signé en 2021 a introduit des mesures (horaires flexibles, télétravail, congés spéciaux) donnant un coup de pouce aux salariés parents ou aidants.
Place des femmes dans les instances de direction : la prochaine frontière
Depuis la loi Rixain de 2021, les entreprises de plus de 1 000 salariés doivent aussi publier leur pourcentage de femmes parmi les cadres dirigeants (tel que défini par le Code du travail) et parmi les membres des instances de direction. Cela concerne environ huit entreprises de notre panel.
Entre 2023 et 2024, le pourcentage de femmes membres des instances de direction à France Télévisions est passé de 53,3 à 45,5 %. Radio France et l’AFP, quant à elles, sont descendues sous le seuil légal de 30 % de femmes cadres dirigeantes.
L’horizon de la directive sur la transparence salariale
La publication de l’index va être chamboulée par la transposition de la directive européenne sur la transparence salariale, dont l’objectif principal est de contribuer à résorber les écarts liés au genre. La ministre du Travail a lancé des consultations des partenaires sociaux dans le but de transposer le texte européen à l’automne 2025. Celui-ci va forcer les entreprises de plus de 50 salariés à communiquer une fourchette de salaires d’embauche lors du recrutement. Les societés de plus de 250 salariés devront, elles, fournir leurs données sur le sujet, tandis que les organisations syndicales seront associées à la mise en place de plans d’action en cas de discrimination. Le 8 mars 2025, journée internationale des droits des femmes, la fédération syndicale IndustriAll Global Union a justement lancé des modules de formation spécifiques pour ses affiliés, sur l’application de la directive et le militantisme en faveur d’un salaire décent pour les femmes.
Le 28 avril 2025, nous avons récupéré l’index d’égalité professionnelle de plus de 19 500 entreprises, disponible sur le site du ministère du Travail. Nous avons également récupéré, sur le même site, les données concernant l’écart de représentation dans un peu plus de 700 sociétés qui emploient au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif. Nous avons croisé ces différents fichiers, grâce au numéro SIREN des unités légales, pour enrichir l’analyse.
Dans chacun de ces fichiers figure la sous-classe de l’activité de ces entreprises, exprimée par un code NAF (nomenclature d’activités française), une nomenclature statistique qui permet de préciser l’activité principale exercée par une entreprise ou une association. Cela nous a permis de calculer des statistiques communes à la section d’activités à laquelle elles appartiennent (agriculture, sylviculture et pêche, industries extractives, etc.).
Nous avons ensuite sélectionné huit secteurs de l’information et de la communication : l’édition de journaux (28 entreprises), l’édition de revues périodiques (43 entreprises), l’édition et diffusion de programmes radio (6 entreprises), l’édition de chaînes généralistes (10 entreprises), celle de chaînes thématiques (13 entreprises), les activités des agences de presse (5 entreprises), les activités des agences de publicité (119 entreprises) et les régies publicitaires de médias (41 entreprises). Au total, 265 sociétés ont partagé leur note au ministère, contre 250 l’année dernière.
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