Accueil > Investissement > Jean Bourcereau (Ventech Europe) : “Nous avons vendu trois de nos participations fintech en 2021” Jean Bourcereau (Ventech Europe) : “Nous avons vendu trois de nos participations fintech en 2021” Fonds tech généraliste, Ventech accompagne l’insurtech Leocare, la plateforme de don aux associations Captain Cause ou encore la solution de paiement mobile brésilienne Recargapay. La part des participations fintech dans son portefeuille a diminué après trois sorties conclues en 2021, année où les valorisations étaient au plus haut. Jean Bourcereau, managing partner, revient sur ces opérations et apporte sa vision du marché fintech actuel. Par Caroline Soutarson. Publié le 25 avril 2023 à 15h35 - Mis à jour le 12 juin 2023 à 11h42 Ressources Quelle est votre thèse d’investissement ? Nous faisons uniquement de l’equity, dans la tech de manière générale, en early-stage : amorçage et Série A, et nous pouvons suivre après. Nous investissons principalement en lead, avec un partner senior dédié. C’est pourquoi nous réalisons peu de deals, environ 25 par fonds, ce qui revient à 4 à 5 opérations par an en seed et le même nombre en Série A. Ce n’est pas énorme par rapport aux huit personnes dédiées aux deals au sein de l’équipe mais ça nous permet de bien gérer notre présence au sein des conseils d’administration des start-up. Quelle est la taille des fonds que vous investissez ? Le dernier fonds Ventech V que nous avons lancé [en 2018, Ndlr] est de 155 millions d’euros [Ventech I s’élevait 45 millions d’euros, Ventech II à 75 millions, Ventech III à 100 millions et 110 pour le fonds F, Ndlr]. Nous travaillons sur le fonds suivant pour qu’il soit plus important mais nous ne prévoyons pas de croissance démesurée. Le lancement du fonds VI ira de pair avec l’ouverture de notre nouveau bureau à Stockholm. Nous avons commencé à Paris puis nous nous sommes étendus en Europe avec des bureaux à Munich, Berlin et Helsinki. Nous avons également une entité, Ventech China [lancée en 2008, Ndlr], qui investit en Asie, avec des bureaux à Hong Kong et Shanghaï. La Scandinavie est une zone dans laquelle vous intervenez beaucoup ? La Scandinavie représente, tous secteurs confondus, 20 % à 25 % de notre activité et surperforme le reste de l’Europe en termes de capital-risque (Zendesk, MySQL ou encore Spotify ont été créées dans cette zone). L’Allemagne accueille 30 % de nos investissements et la France, 40 %. [Le reste de l’Europe et les États-unis accueillent l’essentiel des autres investissements, Ndlr] En 2018, vous avez réalisé votre seule opération au Brésil dans la fintech Recargapay. L’Amérique latine est-elle une zone vers laquelle vous aimeriez vous développer ? Dans nos fonds, nous avons toujours une poche de seed pour découvrir. Recargapay, qui opère dans le paiement mobile, a été ce genre d’investissement. Concernant le secteur fintech en particulier, comment l’abordez-vous ? Comme pour les autres secteurs, nous investissons en early-stage, sans focus sur un sous-segment particulier. Statistiquement, ce n’est pas le secteur le plus représentatif de notre portefeuille. Il a pu représenter jusqu’à 15 % à 20 % de notre activité. Ce n’est plus le cas à présent ? Nous avons vendu plusieurs participations en 2021, pendant le moment de folie sur les valorisations. Sur les quatre ou cinq entreprises que nous avions en portefeuille, nous en avons vendu trois : Capcito, spécialiste suédois de l’affacturage et des prêts à court terme aux PME [vendu à la société de comptabilité suédoise Fortnox pour plus de 46 millions de dollars, Ndlr], Fintecsystems, un outil de scoring en temps réel allemand, vendu en numéraire avec un très bon retour sur investissement à [la plateforme d’open banking suédoise, Ndlr] Tink, et 4stop, une fintech allemande spécialisée dans le KYC et le KYB automatisés que nous avons vendu à [la plateforme américaine spécialisée dans la vérification d’identité, Ndlr] Jumio, en numéraire et en titres. Comment voyez-vous le marché fintech aujourd’hui ? Avec la chute des valorisations, nous allons recommencer à nous y intéresser. Le secteur fintech est à la fin d’une phase et entre dans une nouvelle, la troisième. Dans un premier temps, les fintech sont arrivées pour exercer des métiers existants mais avec une meilleure interface web et des applications. La seconde phase, c’est Compte Nickel : les fintech ont adressé des niches que les banquiers ne voulaient pas adresser, car elles n’étaient pas des priorités, avec une offre low cost mais un service similaire. La troisième phase, c’est Revolut. Ce sont des fintech qui font des choses que les banquiers ne savent pas faire. Par exemple, les banques ne savent pas proposer de comptes multi-devise. La disruption devient plus fondamentale. Quelle innovation vous a particulièrement marqué ? Le BNPL est un sous-segment intéressant, surtout maintenant que l’Euribor est passé de 0 % à 3 %. Le momentum n’est pas génial pour les sociétés qui s’y sont spécialisées, même si Klarna est toujours une superbe entreprise. La valeur du service repose sur l’agrégation de données et ce que les sociétés en font. Quand les taux sont à zéro, elles paient le prix du crédit. Mais quand les prix augmentent, combien vaut l’augmentation de conversion ? Du côté des utilisateurs, les habitudes prises durant les périodes d’euphorie n’engendrent pas de retour en arrière. Le BNPL n’est pas mort. Si le BNPL est une activité qui a su vous convaincre, pourquoi n’avez-vous pas investi dedans ? Nous n’avons pas investi car ce n’est pas une activité qui coche nos cases d’efficacité capitalistique. Ce critère nous a éloigné d’un certain nombre d’entreprises BtoC. Dans les services financiers, la plupart de votre portefeuille a effectivement une stratégie tournée vers le BtoB. Vous avez pourtant décidé d’investir dans l’insurtech Leocare. Pourquoi ? Leocare a un positionnement de MGA [managing general agent, Ndlr], ce qui lui donne un modèle économique relativement confortable, meilleur que celui d’une néobanque BtoC qui se rémunère sur l’interchange sans être une banque principale. Entre le PNB par client de Compte Nickel et la souscription d’assurance, il y a un facteur non négligeable de 1 à 3. Le monde de l’assurance s’est construit de manière contract-centric, contrairement au secteur bancaire qui est davantage customer-centric. De plus, dans l’assurance, les nouveaux acteurs peuvent s’adosser à des porteurs de risques externes - même si Alan a commencé comme assureur. Ventech n’a pas encore investi le champ de la crypto. Quelle est votre position par rapport à ce secteur ? Comme pour les fintech, les valorisations des sociétés basées sur la technologie blockchain sont montées exagérément haut mais il ne faut pas pour autant condamner le secteur. Il a été pas mal secoué mais son avenir est évident. En période de crise, nous identifions les hommes et les femmes importants du secteur qui nous amènent vers des opportunités de marché saines. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous ne faisons pas encore d’investissements en tokens. Ce serait intéressant mais nous nous sommes construits sur du value investing et non sur du momentum investing. Les fonds sont prêts. Mais depuis l’affaire FTX, l’AMF y regarde deux fois avant de donner son accord pour l’enregistrement PSAN. Par ailleurs, ce n’est pas un produit réclamé par notre clientèle, composée à 85 % d’institutions financières (compagnies d’assurance, banques, fonds de pension, Bpifrance…). Vous avez réalisé un investissement dans la plateforme de don aux associations Captain Cause, notamment cofondée par le créateur de BlaBlaCar Frédéric Mazzella, via le fonds AFI Ventures. De quoi retourne ce fonds ? AFI Ventures est un fonds d’amorçage et pré-amorçage accompagnant des start-up à impact se positionnant sur des enjeux environnementaux et sociaux. Ce fonds, doté de 30 millions d'euros, est géré par Ventech et est engagé à soutenir l’émergence de solutions plus justes et plus durables pour tous les secteurs de l’économie, en France et en Europe. Tous les mois, mind Fintech vous propose un entretien avec un investisseur actif dans le secteur fintech. Lire tous les entretiens Caroline Soutarson fonds d'investissement Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Retour de Money20/20 : du KYC à profusion et des inquiétudes sur les valorisations La néoassurance Leocare lève 110 millions de dollars Leocare récolte 15 millions d'euros auprès de Felix Capital, Ventech et Daphni