Accueil > Services bancaires > Comment la DSP2 fait émerger de nouveaux acteurs du cashback Comment la DSP2 fait émerger de nouveaux acteurs du cashback L’agrégation de comptes bancaires permet à de nouveaux acteurs ou aux promoteurs historiques du cashback de lancer de nouveaux programmes dans les magasins physiques. Mind Fintech tire un premier bilan des forces en présence et des intermédiaires qui profitent de ce mouvement. Par Aude Fredouelle. Publié le 29 janvier 2020 à 11h56 - Mis à jour le 06 avril 2023 à 15h01 Ressources Le cashback en ligne existe depuis plus de dix ans en France, où plusieurs poids lourds se partagent le marché : Plebicom (et son programme eBuyClub en BtoC), iGraal (détenu par le groupe M6 mais en cours d’acquisition par l’allemand GSG) ou encore Poulpeo, filiale de l’américain RetailMeNot et Capital Koala. Selon le Syndicat National du Marketing à la Performance (SNMP), qui regroupe ces quatre acteurs, ces opérateurs ont dégagé un chiffre d’affaires cumulé de 42 millions d’euros en 2019 (en hausse de 147 % en trois ans) et généré 690 millions d’euros de ventes pour les e-commerçants (+ 176 % en trois ans). Plusieurs banques proposent aussi des programmes de récompenses, tout comme Mastercard. Le cashback hors-ligne est en revanche encore très peu développé. Jusqu’à récemment, sa mise en œuvre technique était complexe et l’expérience client offerte laissait à désirer. Mais en permettant l’accès aux données de transactions des comptes bancaires, la DSP2 ouvre la voie à de nouvelles possibilités pour l’ensemble des acteurs du marché. “Le cashback en magasin est encore très faible – il représente probablement 1 % du cashback global en France et il y a encore peu d’acteurs et peu d’offres, estime Matthias Lesterlin, CEO d’iGraal, qui revendique 6 millions d’inscrits à son programme de cashback en ligne. Mais on peut espérer que cela progresse rapidement dans les années à venir.” Le CEO de Budget Insight, l’agrégateur utilisé par la plupart des acteurs du marché, assure d’ailleurs “constater un fort engouement” pour ces services. “Nous observons une forte croissance des connexions chez nos clients positionnés sur des offres de cashback, parfois jusqu’à 10 % par semaine”, relève Romain Bignon. Qu’apporte la DSP2 ? Mettre en place des programmes de cashback nécessite de pouvoir tracer les paiements des clients en identifiant l’enseigne concernée et le point de vente. En ligne, les acteurs utilisent l’affiliation. Mais en magasin, les méthodes étaient jusqu’ici plus compliquées à déployer. Les banques lançant un programme pour leurs clients avaient, elles, la possibilité de se baser directement sur les flux monétiques. C’est ce qu’a choisi de faire LCL en lançant son programme Avantage+ en 2015 (voir encadré page 5), ainsi que Société Générale, qui a ajouté fin 2019 un volet offline à son programme de cashback Grande Avenue, jusqu’alors exclusivement en ligne. Inconvénient : les systèmes legacy des banques rendent souvent coûteuse la mise en place de la solution. Pour les acteurs non bancaires, les alternatives étaient peu satisfaisantes et le marché est donc resté extrêmement timide sur le sujet. Plebicom a travaillé avec Ingenico pour récupérer les données au niveau des PoS (terminaux d’encaissement), mais “cela s’est avéré peu satisfaisant, car tous les commerçants ne sont pas équipés de PoS Ingenico. Il fallait aussi que les transactions passent par des serveurs et non pas par le TPE”, explique Gilles Nectoux, CEO. Autre méthode : demander aux clients de scanner leur ticket après l’achat pour bénéficier du cashback. Cette solution a pour avantage d’accéder aux détails du ticket de caisse et non au prix global uniquement. C’est ce que propose par exemple Mastercard avec son programme Priceless Specials ; ou bien iGraal, qui a lancé une application de cashback en supermarché en décembre dernier basée sur ce principe. Plebicom le permet aussi depuis un an et demi sur eBuyClub et son CEO révèle que le cashback en magasin représente désormais un peu moins de 10 % du cashback total. Tous les acteurs ne partagent pas cet enthousiasme. Jean-Christophe Russier, CEO de Keetiz, qui a déployé cette méthode avant de pivoter, souligne que “cela n’a pas très bien fonctionné. Nous avions un taux de transformation très faible, de 10 % environ”. Thomas Sauzedde, directeur général France de Poulpeo, est arrivé à la même conclusion : “nous avons étudié plusieurs solutions car il nous semblait important d’être omnicanal pour développer une marque attractive. Mais nous voulions garder un service le plus simple possible et les remboursements sur justificatifs présentaient trop de frictions.” Avec la DSP2, il est désormais possible d’accéder, avec l’accord du client, aux données de transactions et aux libellés bancaires. Des acteurs bancaires ou non bancaires ont donc désormais la capacité de déployer des programmes de cashback en magasin avec une expérience client parfaitement fluide : il suffit au client de payer dans un magasin partenaire avec sa carte pour recevoir le cashback. Des lancements chez la plupart des acteurs en 2019 Résultat : les piliers Poulpeo et Capital Koala ont mis en œuvre des programmes de cashback en magasin en 2019, tout comme BNP Paribas Personal Finance, qui a refondu son offre de carte de crédit Cpay by Cetelem en mars de la même année, en y ajoutant du cashback en magasin. De nouveaux entrants comme Joko et Keetiz ont sorti leurs applications début 2019. “Le cashback est déjà fortement développé en ligne, nous nous concentrons donc sur les commerces physiques”, témoigne le CEO de Keetiz. La néobanque max, filiale d’Arkéa, a quant à elle annoncé un déploiement début 2020. En novembre 2019, Groupama a enfin annoncé le lancement d’une application d’épargne automatique avec cashback. Analyse des libellés Tous ces acteurs ont choisi de passer par l’agrégateur Budget Insight, agréé DSP2, pour accéder aux données de leurs clients. Seul Plebicom, qui propose à compter de fin janvier 2020 à ses clients de connecter leur compte bancaire plutôt que de scanner leurs tickets de caisse s’ils le souhaitent, collabore avec Linxo (via sa filiale Oxlin). “Cela fait plus d’un an que nous travaillons ensemble pour reconnaître les points de vente à partir des libellés bancaires”, raconte Gilles Nectoux. Ensuite, la nécessité d’analyser les libellés bancaires, parfois cryptiques, pour identifier précisément l’enseigne et même le point de vente qui se cache derrière, a fait naître Paylead, start-up spécialisée en la matière. Sur ce segment opère aussi CDLK, entreprise qui décortique de la même manière les flux monétiques pour LCL et Société Générale. La société a été retenue par Poulpeo, Capital Koala, BNP Paribas Personal Finance, max et Groupama pour analyser les données et indiquer à qui et quand doit être versé le cashback. Les deux nouveaux acteurs Joko et Keetiz ont fait le choix de développer leurs propres algorithmes. Enrôlement de marchands Pour développer le cashback offline, les acteurs du marché doivent élaborer de nouveaux partenariats avec des commerçants. En ligne, ils passent généralement à la fois par des accords bilatéraux et par des plateformes d’affiliation. Paylead propose à ses clients une vingtaine d’enseignes brick-and-mortar partenaires – réseau censé s’étendre au fur et à mesure. “Nous mettons par ailleurs Paylead en relation avec les plateformes d’affiliation avec lesquelles nous travaillons sur le cashback en ligne, révèle Jean-Yves Bernard, cofondateur de Capital Koala, pour qu’ils négocient leur intégration dans le programme en magasin de Paylead. Par exemple, nous avons participé à la mise en relation avec Fnac/Darty.” En parallèle du réseau de la start-up, plusieurs clients de Paylead développent des accords bilatéraux. “Nous rencontrons des commerçants à qui nous proposons de participer à Cpay, sous forme de couponing ou bien de cashback, commente Barbara Blanc, directrice distribution France de BNP Paribas Personal Finance. Lorsque nous négocions des avantages, ils sont exclusifs à notre programme.” Autrement dit, les autres clients de Paylead n’en bénéficieront pas. Au contraire, Poulpeo, qui va s’appuyer sur ses 1 800 partenaires en ligne pour nouer des accords en magasin, va enrichir l’offre du réseau Paylead et se rémunérer en tant que “sourceur”. Joko, Keetiz ou Plebicom préfèrent pour leur part rester indépendants. “Nous comptons une trentaine d’enseignes partenaires en offline, dont les stations essence BP par exemple”, dévoile Gilles Nectoux, de Plebicom, qui intègre ces commerçants à son offre BtoC mais les oriente aussi vers ses clients en marque blanche. “Et nous sommes en train d’accélérer, notamment en travaillant sur l’ajout de commerces de proximité, comme des restaurants, salons de coiffure…”. Pour recruter plus facilement des points de vente, Keetiz a de son côté mis en place une solution de marketing de réseau. “Des utilisateurs nommés ambassadeurs parlent de Keetiz à leurs commerçants et les inscrivent eux-mêmes. Ensuite, nous allons négocier les offres et réaliser l’onboarding”, décrit le cofondateur. Keetiz dénombre 1 000 ambassadeurs. iGraal, de son côté, a prévu de décliner un volet de cashback en magasin en 2020, mais son rapprochement avec l’allemand Global Savings Group pourrait retarder le projet. “Nous discutons avec Plebicom pour sourcer des offres de commerçants en magasin, et avec Paylead pour analyser les données d’agrégation”, signale Matthias Lesterlin. “Nous aimerions coopérer avec plusieurs acteurs différents pour reproduire le modèle que nous avons bâti en ligne, à la fois en direct et avec des plateformes d’affiliation.” Réaction des clients ? Reste à savoir si les clients laisseront accès à leur compte bancaire, alors même que les services sollicitant ce type d’accès commencent tout juste à émerger. “L’une des grandes inconnues, s’interroge Gilles Nectoux, de Plebicom, est de voir dans quelle proportion les clients accepteront d’agréger leurs comptes.” Dans le secteur du crédit, par exemple, Younited assure que l’adoption de l’agrégation de comptes pour le scoring est “massive”: entre 55 à 60 % environ en France (lire sur notre site web le dossier à ce sujet). Côté cashback, les nouveaux acteurs avancent des chiffres encourageants : Joko, actif depuis début 2019, revendique 200 000 inscrits dont 100 000 utilisateurs actifs ayant accepté de connecter leur compte bancaire. La société vise un million d‘utilisateurs actifs d’ici fin 2020. Keetiz assure aussi enregistrer “un pourcentage de transformation assez haut, largement au dessus des 50 %”. Chez Capital Koala, l’agrégation n’est pas proposée tout de suite après l’inscription. “Pour l’instant, nous adoptons une stratégie prudente et nous envoyons des newsletters pour faire découvrir cette possibilité aux clients”, note Jean-Yves Bernard. Depuis février 2019, sur 150 000 utilisateurs ayant perçu au moins une fois du cashback, 3 500 ont agrégé leur compte pour le cashback en magasin. Même stratégie d’enrôlement volontaire dans le programme Cpay de BNP Paribas, déployé entre mai et septembre 2019. “Tous les mois, une part croissante de clients s’enrôlent en connectant leur compte”, indique Barbara Blanc. Enfin, Poulpeo, qui a déployé le cashback en magasin en octobre dernier, rapporte près de 15 % d’activation parmi sa base de plus de 500 000 clients actifs (ceux ayant réalisé au moins un cashback). Autoactivation Avec les programmes de cashback en magasin, la question de l’auto-activation se pose. Dans la plupart des programmes, les clients bénéficient automatiquement des réductions lorsqu’ils payent avec leur carte dans une enseigne partenaire. Pas besoin, donc, de “pré-activer” les offres – comme a tenté de le faire LCL aux débuts de son programme Avantage+, avant de supprimer cette contrainte – ou de suivre un lien d’affiliation, comme pour les programmes en ligne. Paylead assure que “l’effet d’aubaine” (engranger du cashback sans que cela ne pousse à augmenter la récurrence d’achat, le panier moyen ou à attirer de nouveaux clients) est faible. Son CEO Charles de Gastines promet “réactivation, acquisition et fidélisation”. Il déclarait à mind Fintech en novembre dernier : “en six mois de campagne par Franprix, nous nous sommes rendu compte que sur 100 personnes qui ne s’y étaient pas rendues depuis six mois, 30 sont revenues. Et chez celles qui s’y étaient déjà rendues, nous avons observé une hausse de fréquentation de 42 %. En moyenne, les utilisateurs regardent trois fois par semaine environ la liste d’offres.” Chez BNP Personal Finance, Barbara Blanc évoque un panier moyen supérieur de 20 % en moyenne, avec la combinaison du cashback mais aussi du paiement fractionné proposé dans l’offre Cpay. D’autres sont plus mitigés. Chez Joko, le client doit sélectionner cinq enseignes préférées avec lesquelles le cashback sera automatique puis pré-activer les autres, explique le CEO Xavier Starkloff. “Si les clients pouvaient gagner des points partout et tout le temps, cela n’aurait pas d’intérêt pour les commerçants”. Il assure observer “en moyenne, une augmentation de 15 % sur le chiffre d’affaires, liée à la fois à la récurrence et au panier moyen”. Pour Gilles Nectoux, de Plebicom, “les commerçants veulent absolument une justification de provenance, une preuve que le client a bel et bien vu l’offre”. “À terme, il faudra parvenir à démontrer la valeur avec de l’auto-activation, grâce à l’historique de transactions ou l’accroissement des parts de marché pendant la campagne – mais cela ne sera possible que pour de grandes enseignes qui ont de la récurrence. Et certains marchands accepteront la pré-activation, d’autres non.” Segmentation Paylead joue la carte de la segmentation pour séduire les marchands, en promettant la possibilité de cibler les campagnes selon le profil. Joko permet également de pousser une offre auprès de clients ne s’étant pas rendus chez le commerçant depuis plusieurs mois, par exemple, tout comme Poulpeo, qui propose de cibler les clients selon leurs centres d’intérêt par exemple, ou selon leur taux d’activité liée au cashback. “Un service de cinq business analysts opère pour nos clients ces campagnes de segmentation”, commente le directeur général. Pour l’instant, seuls des tests ont été réalisés pour le volet en magasin. Chez Keetiz, par contre, les offres sont les mêmes pour tous mais la start-up exécute des opérations de marketing ciblées pour les faire connaître. Même stratégie chez Capital Koala, dont le CEO affirme apporter aux commerçants “une fidélisation long terme” avec son service d’épargne multi-enseigne. “Pour des acteurs qui ne possèdent pas encore beaucoup de clients, ces offres ultra-ciblées toucheraient de toutes petites populations et cela nous paraît donc trop tôt”, explique-t-il. Un business model de volumes Dans le cas de BNP Personal Finance (comme pour LCL ou Société Générale), la filiale ne se rémunère pas sur les offres de cashback. “Il s’agit d’un service gratuit d’enrichissement de l’offre Cpay et ce n’est pas une source de revenus pour nous”, estime Barbara Blanc. Le modèle de commissionnement est alors exclusivement occupé par Paylead, qui se rémunère aussi en tant que sourceur de commerçants. “Nous avons été l’un des premiers clients de Paylead et nous les avons aidé en leur apportant notre savoir-faire et notre carte de visite… ce qui nous permet d’être sur un modèle d’investissement tout à fait maîtrisé”, commente la directrice. Pour les acteurs dont le cashback est le coeur de métier, la rentabilité devra passer par le volume. Les pourcentages de cashback sont “plus bas sur le offline que le online”, souligne Jean-Yves Bernard, CEO de Capital Koala, “mais la récurrence a vocation à y être bien plus importante”. Les acteurs, qui se rémunèrent en prélevant une partie du cashback financé par le commerçant, misent donc sur les volumes pour atteindre la rentabilité – d’autant qu’ils doivent financer les intermédiaires : l’agrégateur, puis le cas échéant l’acteur analysant les libellés et enfin le sourceur de commerçants. “On retrouve en cela un modèle similaire au cashback en ligne, avec le sourceur, le trackeur et le diffuseur”, note Gilles Nectoux de Plebicom. “Le modèle du cashback est peu rémunérateur unitairement parlant, renchérit Thomas Sauzedde, de Poulpeo, car le cashbacker reverse entre 65 et 90% de la récompense à l’utilisateur final, que ce soit en ligne ou en magasin”. Poulpeo mise sur cinq à 30 transactions réalisées par client et par an avec du cashback pour rentabiliser son acquisition. Car, comme le souligne le CEO de Capital Koala, “l’acquisition coûte cher – c’est le plus gros poste de notre budget, avec des investissements sur les réseaux sociaux, du sponsoring de blogs…” Sans compter que “le coût du service client est significatif”, ajoute Thomas Sauzedde. Les acteurs déjà rentables sur le cashback en ligne, comme Plebicom, iGraal, Poulpeo ou Capital Koala, financent le lancement du cashback en magasin grâce à cette première activité. Les nouveaux entrants BtoC, eux, devront probablement lever davantage de fonds pour financer leur croissance et acquérir des parts de marché… ou se tourner vers de la consolidation. Comment LCL a remanié son programme de cashback LCL a été la première banque à lancer son programme de cashback, dès 2015. Baptisé Avantage+, il a été construit en partenariat avec Plebicom (qui fournissait les commerçants partenaires) et CDLK (pour l’analyse du flux monétique). En mai 2017, Marie Noëlle Cadet de Fontenay, responsable du programme, révélait à mind Fintech que 600 000 clients avaient activé Avantage+ et annonçait le lancement d’une application dédiée. Un an plus tard, LCL passait sur l’auto-activation pour fluidifier l’expérience client. À l’été 2019, la banque a de nouveau fait évoluer son programme. Rebaptisé LCL CityStore, il poursuit la stratégie axée sur la ville de LCL. “Tisser des liens avec les commerçants est notre priorité à travers ce service”, explique Frédéric Lapeyre, directeur du programme. Plus d’application mobile et plus de partenariat avec Plebicom pour sourcer les partenaires : les relations sont désormais bilatérales, nouées par le réseau local de LCL. Le programme compte désormais plus de 4 000 commerçants partout en France (et 200 e-commerçants) et tous les clients de LCL porteurs d’une carte bancaire (plus de 3 millions) sont enrôlés. Pour visualiser le tableau, cliquez sur l’image Aude Fredouelle cashbackDSP2paiement en lignepaiement en magasin Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind