TEST 15 JOURS

Comment les néobanques à impact verdissent l’investissement

Arrivées sur le marché à partir de 2021, Helios, canB, OnlyOne et Green-Got tentent de compléter leur offre de services bancaires et à impact tout en faisant face à la chute des financements. Assurance vie, cashback, achat de crédit carbone… Les initiatives des néobanques vertes se multiplient pour mieux se distinguer sur ce marché concurrentiel et diversifier leurs sources de revenus.

Par Caroline Soutarson. Publié le 13 septembre 2023 à 16h32 - Mis à jour le 22 septembre 2023 à 16h23
Finance Verte
Les points clés

Pour que leurs clients investissent de manière responsable, Helios et Green-Got lancent des produits d’assurance vie tandis que canB mise sur la DeFi.
OnlyOne revoie son positionnement. La fintech met ses efforts sur le BtoB et laisse le BtoC en stand-by.
Le segment peine à décoller. Au total, les néobanques à impact revendiquent près de 40 000 clients.

Selon l’étude sur l’évolution des usages bancaires et des attentes des clients publiée par le cabinet de conseil mc2i en mai 2023, “le critère environnemental est un critère de choix d’une banque pour 14 % de la population. Ce chiffre monte même à 26 % si l’on zoome sur les 18-24 ans”, assure Lorenzo Bertola, directeur du pôle banque, finance et assurance de mc2i. Partant d’un constat similaire, plusieurs néobanques se sont lancées sur cette niche à partir de 2021, alliant pour certaines l’impact social aux enjeux écologiques. Deux ans plus tard,  Helios, canB, OnlyOne et Green-Got restent convaincues du potentiel de marché. Et pour l’adresser, les équipes avancent dans la construction de leur offre de services, avec une feuille de route légèrement différente des néobanques généralistes puisqu’elle intègre une réflexion sur la manière de verdir des fonctionnalités bancaires de plus en plus communes.

En cette rentrée 2023, l’accent est particulièrement mis sur l’investissement, un service plébiscité par les clients. Au-delà de servir leur acquisition client, les produits d’épargne proposés par les néobanques vertes ont l’ambition de pallier certaines faiblesses de ceux des acteurs bancaires traditionnels et fintech généralistes. Le manque de transparence sur l’orientation des fonds et le risque de financer des entreprises dont les valeurs ne coïncident pas avec celles de l’épargnant (énergies fossiles, armement…) sont notamment en cause. “70 % des clients bancaires s’estiment mal ou pas informés sur les produits d’épargne responsable”, confirme Lorenzo Bertola. Le label ISR (investissement socialement responsable), censé aiguiller les épargnants vers des fonds “responsables” est particulièrement controversé (voir encadré).

Le label ISR finance les énergies fossiles

Le label ISR (investissement socialement responsable) est beaucoup critiqué car, alors qu’il est censé intégrer des critères extra-financiers (environnement, questions sociales, éthiques et de gouvernance), il n’est que peu exigeant concernant les entreprises qu’il intègre. “La place des entreprises du secteur des énergies fossiles au sein des fonds ISR reste non négligeable et a même augmenté au cours de l’année 2022”, indique l’étude annuelle sur l’épargne responsable de la fintech Epsor, qui décortique les informations de 800 fonds d’investissement via son outil Score Impact. En 2022, “TotalEnergies est la quatrième entreprise la plus représentée au sein des fonds labellisés”, fait ressortir le rapport. 

Face aux critiques, le label créé en 2016 connaît une refonte pour tenter de gagner en crédibilité. En juillet 2023, la présidente du comité du label Michèle Pappalardo a rendu à Bercy sa dernière version pour le changement du référentiel dans l’optique d’une publication en “septembre 2023 et d’une entrée en application au 1er janvier 2024”, indique le document.

Assurance vie verte : make or buy

Afin de fournir de l’investissement responsable malgré tout, les néobanques vertes ont opté pour des stratégies différentes. Depuis le printemps 2022, Helios propose son Livret Avenir, un compte d’épargne non rémunéré dont les dépôts permettent d’investir “en dette via des obligations dans des projets à impact via la licence bancaire de Solaris [le prestataire de Bankink-as-a-Service sur lequel s’appuie Helios, Ndlr], précise Maeva Courtois, cofondatrice et présidente d’Helios. “Un quart de nos clients en possèdent un, avec en moyenne 8 500 euros dessus”, ajoute-t-elle. La néobanque revendiquant 17 000 clients, les détenteurs du Livret Avenir seraient donc plus de 4 000. Pour rappel, Helios affirme avoir conclu avec Solaris un contrat qui cantonnerait les dépôts de ses clients afin de garantir “que pas un euro ne vient alimenter les secteurs représentant un risque pour l’environnement”, est-il rappelé dans la FAQ de la néobanque. “Une néobanque ne peut pas investir. L’argent est fongible. Une néobanque ne peut donc pas garantir que l’argent des ses dépôts ne finance pas un petit peu les énergies fossiles”, argue Matthias Rouberol, cofondateur, directeur général et CTO d’OnlyOne.

Ce premier produit d’investissement, s’il fait sourire les concurrents d’Helios à cause de son absence de rendement, n’est toutefois que la première brique de la stratégie d’investissement de la néobanque. L’assurance vie est la prochaine. “Nous avons ouvert les premiers comptes à notre comité d’ambassadeurs. Nous proposons ce service en marque grise avec [le spécialiste de l’investissement responsable, Ndlr] Goodvest, détaille Maeva Courtois (pour en savoir plus sur Goodvest, lire l’encadré). La dirigeante explique que le Livret Avenir et le produit d’assurance vie sont complémentaires, le premier prenant le rôle de fonds euros non risqué puisque le second n’en dispose pas. Le fonds euros a toutefois la caractéristique d’être rémunéré (au moins un peu), ce qui n’est pas le cas du Livret Avenir. Enfin, “en 2024, nous compléterons cette offre avec de l’investissement en direct dans des sociétés privées. Il s’agira de prendre des parts en actions ou en obligations via du crowdfunding ou du private equity”, révèle Maeva Courtois à mind Fintech. “Nous souhaitons proposer d’agir à tous les niveaux de risque, que ce soit en aidant des entreprises à se développer et/ou à transformer leur modèle, ou bien au stade de l’amorçage”, formule la présidente d’Helios.

En 2024, Goodvest veut acquérir 50 % de ses clients via le BtoBtoC

Goodvest s’est lancée en 2021 avec l’ambition de proposer un produit d’investissement compatible avec l’Accord de Paris, ce qui veut dire qu’en moyenne, les entreprises financées au travers de l’assurance vie “Goodvie” sont alignées avec l’objectif d’un réchauffement climatique maximum de 2 degrés par rapport au niveau préindustriel. Dès ses débuts, l’entreprise a fait partie de l’écosystème de partenaires des néobanques vertes, et plus particulièrement d’OnlyOne. En effet, à défaut de proposer un service d’investissement dans son offre bancaire, le compte à impact positif avait listé Goodvest dans sa marketplace de services responsables. Il s’agit essentiellement d’un partenariat commercial (3 mois de frais de gestion offerts pour les clients d’OnlyOne), sans intégration. 

Deux ans plus tard, et après “une centaine de partenariats avec des CGP, fintech et comparateurs en ligne” noués, indique le cofondateur et président de Goodvest Joseph Choueifaty, “nous réalisons notre première intégration en marque grise avec Helios. Nous allons ainsi une étape plus loin dans le développement du segment BtoBtoC. Cela fait sens car l’intégration au sein de l’application devrait améliorer le taux de conversion”. Goodvest a effectivement l’ambition d’acquérir ses nouveaux clients, autant en direct que via des intermédiaires. “Aujourd’hui, 25 % de nos clients viennent du BtoBtoC. Nous avons l’objectif d’atteindre 50 % courant 2024”, affirme le dirigeant.

La société, qui est à la fois courtier en assurance (COA) et conseiller en investissements financiers (CIF) compte aujourd’hui “4 500 clients de notre produit d’assurance vie et 40 millions d’euros de fonds sous gestion. Nous avons lancé le premier PER qui respecte l’Accord de Paris [fin août 2023, avec Generali, Ndlr] et comptons déjà plus de 200 ouvertures de comptes”. Prochains projets sur la feuille de route : “une nouvelle classe d’actifs immobilier et du private equity, ainsi que de nouvelles enveloppes [fiscales] pour faire avancer la cause”, prévoit Joseph Choueifaty.

L’assurance vie de Green-Got devrait suivre. Annoncée depuis la création de la néobanque en 2020 – bien que la néobanque se soit lancée mi-2022 -, le produit tant attendu par les utilisateurs arrivera en novembre 2023. “Nous aurions pu proposer une assurance vie labellisée ISR [et donc la lancer plus tôt, Ndlr] mais nous en voulions une verte. Cela a pris un temps monstrueux d’éplucher chaque ligne des contrats pour choisir des fonds correspondant à notre thèse d’investissement. Quatre personnes étaient mobilisées en interne, en plus des équipes [du fournisseur de données climat qui travaille aussi avec Goodvest, Ndlr] Carbon 4 Finance, étaye Maux Caillaux, cofondatrice et présidente de Green-Got. La néobanque, qui dispose de l’agrément de courtier en assurance (COA), s’appuie sur Generali. Le seuil d’entrée se situera à 300 euros (comme chez Goodvest). Contrairement à Helios, dont la philosophie est de recourir à des prestataires externes lorsqu’ils “font bien un produit existant et de le faire nous-mêmes si personne ne le fait”, affirme Maeva Courtois, Green-Got est davantage partisan des produits maison. L’entreprise suit une stratégie “de product-led growth (croissance basée sur le produit, Ndlr) pour avoir le moins de legacy possible. Notre CTO Fabien [Huet, également cofondateur, Ndlr] est très expérimenté et dispose d’une équipe d’une quinzaine de collaborateurs qui viennent d’anciennes fintech”, justifie Maud Caillaux, cofondatrice et présidente de la néobanque. Green-Got compte au total 50 collaborateurs, soit le double des effectifs d’OnlyOne. canB compte six personnes, OnlyOne sept.

Dans le débat “faire ou faire faire”, OnlyOne penche plutôt du côté d’Helios. “Nous voyons beaucoup d’acteurs proposer des assurances vie à leurs clients comme elles offriraient des livrets mais ce n’est pas le cas. Il y a des frais cachés, ce n’est pas un produit liquide”, rappelle Matthias Rouberol. En effet, “il faut détenir le contrat pendant un long moment pour utiliser une assurance vie au mieux car il y a des enjeux de succession derrière. Ce sont des discussions qu’il faut avoir avec nos clients, il y a une notion d’accompagnement et de conseil. Nous ne sommes pas fermés à l’idée d’en construire une mais cela demande du temps. C’est pourquoi nous préférons rediriger nos utilisateurs vers Goodvest, qui dispose de conseillers”, complète Kamel Naït-Outaleb, cofondateur et président d’OnlyOne.

À la différence d’Helios, OnlyOne n’a pas intégré de solution d’investissement in-app. “Nous orientons nos clients vers des produits d’épargne que nous avons vérifiés, présents au sein de notre Place Impact [une marketplace de partenaires, Ndlr], présente Matthias Rouberol. Parmi eux : Goodvest, donc, mais aussi la fintech spécialisée dans l’investissement forestier Ecotree, les plateformes de financement participatif Villyz (projets d’intérêt général) et Enerfip (projets d’énergies renouvelables) ou encore l’acteur du RBF spécialiste des projets à impact We Do Good. Avec ces partenariats, OnlyOne multiplie les possibilités d’investissement de ses utilisateurs mais fait le choix de les orienter en dehors de son application. 

canB fait bande à part avec un produit d’investissement crypto

En parallèle des lancements de produits d’assurance vie, une néobanque à impact fait cavalier seul. Enregistrée en tant que prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) auprès de l’AMF depuis mai 2023, canB a choisi de passer par la DeFi (finance décentralisée, lire notre dossier sur le sujet) pour son offre d’investissement. La néobanque a déployé fin août un Compte eco auprès de ses 3 500 clients, confie le cofondateur et président de la start-up Frédéric Schrapp à mind Fintech. “Le Compte eco est un compte d’investissement vert qui permet de percevoir des intérêts tous les jours d’un montant pouvant varier entre 3 % et 10 % par an mais qui devrait être au-dessus de 5 % en moyenne”, présente le dirigeant. Le mécanisme est le suivant : “quand le client dépose de l’argent sur son Compte eco, il achète à canB des stablecoins [adossés à, Ndlr] l’euro (agEUR, EUROC, EURT) ou au dollar (USDC, DAI). Ces stablecoins sont placés sur des pools de liquidité de protocoles DeFi tels que Yearn Vault ou Convex et génèrent ainsi du rendement. Une partie de ce rendement est consacrée à l’achat de crédit carbone certifié via notre partenaire Regen Network. Pour illustrer le mécanisme, Frédéric Schrapp ajoute : “2 000 euros placés dans des pools de liquidité généreront approximativement 150 euros de rendement. Sur ceux-ci, canB en conserve 20 %, il reste donc 120 euros. 5 % sont consacrés à l’achat de crédit carbone (entre 5 et 10 euros) et le reste sont les intérêts versés au client”, détaille le dirigeant de canB. La séquestration carbone qui en découle est de l’ordre d’une tonne de CO2 non émise par an pour un placement de 2 000 euros”

Le passage par des pools de liquidité est la première étape car son impact écologique est faible. “Nous souhaitons que 90 % des fonds investis soient sur des actifs réels (real world asset, RWA) à impact d’ici 2025, comme sur des obligations vertes tokenisées. Mais pour l’instant, il en existe peu et par conséquent, au départ, notre impact concerne moins de 1% du montant investi”, avoue Frédéric Schrapp. Le président de canB prévoit un partenariat avec l’application crypto-patrimoniale Ledgity, enregistrée en tant que PSAN, CIF et COA (présente au portefeuille de Founders Ventures, dont le CEO est le nouveau DG de canB, voir encadré). Depuis mai, Ledgity est elle-même en partenariat avec BitSCOR afin de fournir à ses clients un score ESG des cryptoactifs.

En termes de gestion du risque, “nous avons choisi Yearn et Convex en raison de leur niveau de maturité. Ce sont des acteurs centraux dans la DeFi qui ne sont ni trop nouveaux ni trop exotiques”, explique Frédéric Schrapp. canB s’appuie sur Fireblocks pour la conservation des actifs. Et concernant la problématique écologique souvent associée aux cryptoactifs, le président de canB assure qu’en ayant recours à des ”blockchains Proof-of-Stake [reposant sur la preuve d’enjeu et non sur la preuve de travail, comme l’est Bitcoin, Ndlr], le sujet de la consommation énergétique est réglée à 99 %”.

Le Compte eco, un parfum de déjà-vu chez Yuzu

Les risques inhérents au mécanisme du Compte eco ne relèvent pas seulement de l’arrêt des protocoles DeFi mais aussi des évolutions réglementaires (plusieurs échéances concernant les émetteurs de stablecoins arrivent en 2024 avec le règlement européen MiCA, lire notre entretien avec la co-directrice générale de Binance France Stéphanie Cabossioras pour en savoir plus sur ce sujet) ou encore de la liquidité des stablecoins utilisés. 

Le PSAN français Yuzu, créé par le cofondateur et ex-président de Powens (Budget Insight à l’époque) Clément Coeurdeuil, avait mis en place un système similaire à ses débuts. Mais la faillite de SVB, qui a entraîné le blocage d’une partie de la liquidité en dollar de l’émetteur du stablecoin USDC Circle, a mis en péril le produit de Yuzu, au point que l’acteur arrête le produit (lire notre Start-up à la loupe “Yuzu recentre sa proposition de valeur sur le conseil“). Frédéric Schrapp, de canB, assure que le mécanisme de son Compte eco est suffisamment différent de celui de Yuzu pour éviter ce genre de problème.

Calcul de l’empreinte carbone des dépenses

En parallèle de l’investissement, les néobanques vertes activent un autre levier d’action pour responsabiliser leur clientèle : leur consommation. Comme pour l’investissement, les stratégies diffèrent. Depuis son lancement, OnlyOne propose de calculer l’empreinte carbone des dépenses de ses clients, avec un volet éco-coach développé pour guider les épargnants vers un comportement plus responsable. Début 2022, la néobanque est allée plus loin en déployant une fonctionnalité de scan du ticket de caisse. Ce service permet de différencier un consommateur qui, pour un même montant dépensé dans une enseigne, aura acheté des légumes bio et non de la viande – ce qui n’est pas le cas avec l’empreinte carbone des dépenses. Pourtant, “l’éco-coach est consulté très régulièrement”, plus que “le scan du ticket de caisse qui nécessite une action en plus [photographier le ticket, Ndlr], avoue Kamel Naït-Outaleb.

La fonctionnalité devrait également apparaître chez Green-Got lorsque la digitalisation du ticket de caisse sera généralisée. Comme chez OnlyOne, les calculateurs d’empreinte carbone sont “faits maison. Toutes les données sont open source avec l’Ademe (agence de la transition écologique, Ndlr), donc pas extrêmement difficile à trouver”. Un point de vue que Kamel Naït-Outaleb ne partage pas complètement. “Nous avons recours à plusieurs bases de données en open data et à des algorithmes créés par notre data scientist qui ont demandé du travail de recherche”, décrit-il.

Pour sa part, Helios n’est pas convaincu de l’utilité du service. “La fonctionnalité était demandée par nos clients, dans l’espoir d’y trouver une information exceptionnelle. Nous avons creusé le sujet et décidé que l’information est grossière et souvent peu pertinente [pour les mêmes raisons qui ont poussé OnlyOne à créer son scan du ticket de caisse, Ndlr]. C’est pourquoi nous avons décidé que nous préférions pointer les solutions plutôt que les problèmes”, énonce Maeva Courtois.

Cashback et consommation responsable

Helios déploie en effet une nouvelle fonctionnalité pour changer les habitudes de consommation de ses clients. “Nous avons sorti le service “Tous Consom’acteurs”, un programme de fidélité regroupant 70 marchands (La Ruche qui dit Oui !, WeDressFair, Slowy, etc.). Il sert à faire découvrir des marques alternatives, qui remplissent plusieurs points de notre charte éco-responsable, tout en donnant des réductions de 5 % à 6 % sur chaque achat, ce qui nous permet de répondre à la question du prix, souvent soulevée lorsque l’on souhaite consommer de manière responsable”, expose Maeva Courtois. Pour éviter les frictions, “le programme est directement relié à la carte Helios. Que ce soit pour des achats en ligne ou en physique, le client reçoit automatiquement une remise qui abonde une cagnotte déblocable après deux mois”, ajoute la présidente d’Helios.

canB, quant à elle, propose du cashback solidaire à des associations, de l’ordre de 1 % à 20 %. “Nous proposons à la vente des bons d’achat auprès d’une centaine de marchands partenaires, qui génèrent du cashback solidaire, c’est-à-dire qu’au lieu d’être remboursé au client, il va à l’association”, décrit Frédéric Schrapp. Toutefois, cette offre de cashback a ses limites. “Nos clients veulent avoir un impact positif mais ils veulent aussi gagner de l’argent”, résume le cofondateur de canB. C’est pourquoi l’acteur déploiera prochainement une autre fonctionnalité de cashback, indépendamment des marchands. “Nous distribuerons entre 0,1 % et 10 % de cashback à nos clients, à chaque paiement par carte, en fonction de l’argent dont ils disposeront sur leurs comptes, par pallier de 1 000 euros. Par exemple, pour quelqu’un qui aurait mis 5 000 euros chez canB, il recevra 0,5 % de cashback à chacun de ses paiements”, illustre Frédéric Schrapp. Selon le dirigeant, cette nouvelle fonctionnalité plutôt alléchante est rendue possible par un accord avec son prestataire de Banking-as-a-Service Solaris, compte tenu de la remontée des taux, “soit pour au moins 12 à 18 mois encore. Cela peut aussi être tenable avec des taux bas”, selon lui. Selon les conditions générales d’utilisation (CGU) de la plateforme, le cashback est versé sur le Compte eco, “ce qui signifie que canB offre à son client des parts d’actifs numériques”, desquels découlent les rendements journaliers dans lesquels la société pioche. “Le client peut à tout moment demander un virement de son Compte eco vers son compte de paiement”, précisent les CGU, sachant qu’il n’y a pas de frais de retrait sur le compte d’investissement.

Évoquée fin 2022, l’idée du cashback responsable avait également tenté OnlyOne. Neuf mois plus tard, le projet est au point mort. “La difficulté est de trouver des acteurs qui acceptent de participer. C’est beaucoup de travail d’aller les chercher un par un pour offrir en définitive un catalogue limité. Quant à passer par des plateformes de cashback, il faudrait également du temps pour trouver les acteurs qui nous intéressent au sein des catalogues. C’est pourquoi nous avons laissé ce service en suspens”, évoque Matthias Rouberol.

Commissions interbancaires reversées à des projets à impact

Pour donner du sens aux paiements de ses clients, OnlyOne préfère se priver “des revenus qui viennent des commissions interbancaires [entre 0,2 % et 0,3 % du montant de la transaction, Ndlr]. Notre modèle économique ne repose pas dessus, assure Matthias Rouberol. Au départ, ces frais étaient versés à deux associations. Depuis un an, nous avons créé une monnaie virtuelle qui convertit les centimes en Ones pour montrer à nos clients des équivalences de ce qu’ils donnent et que ça devienne presqu’un jeu.” Les utilisateurs d’OnlyOne ont un choix plus étoffé d’entités vers lesquelles reverser leurs centimes via la plateforme SaaS française allcolibri, qui propose un catalogue de causes à défendre aux entreprises qui veulent agir aux niveaux écologique et social. 

canB redirige aussi les frais d’interchange vers des associations et Green-Got les rejoint sur ce levier. “Notre premier niveau d’impact passe par les frais d’interchange qui vont à des projets choisis par la communauté. Le second est l’arrondi, pour aller plus loin”, déclare Maud Caillaux. Green-Got a en effet repris la fonctionnalité d’épargne à l’arrondi, historiquement un service phare des solutions de gestion des finances personnelles (PFM), pour réorienter l’épargne vers des projets à impact.

Seule néobanque à impact à décrier l’arrondi ou encore le cashback aux associations, Helios. “Notre postulat de départ est que nos clients n’ont pas à payer. L’argent qu’on investit, on le fait via les dépôts. Il y a une différence entre le don et l’investissement et nous ne souhaitons pas de perte pour le client”, justifie Maeva Courtois. À ses débuts, Helios avait donc préféré rediriger une partie de l’interchange vers des projets à impact, comme ses concurrents. Mais depuis, la direction d’Helios – qui a changé (voir encadré) – est revenue en arrièret. “Le sujet de l’interchange est mal compris par les épargnants”, selon Maeva Courtois.

Mouvements à la tête d’Helios et canB

Durant l’été 2023, la cofondatrice et directrice générale d’Helios Julia Ménayas a quitté ses fonctions, d’après des documents consultés par notre rédaction. Interrogées par mind Fintech, ni l’ex-DG ni la présidente Maeva Courtois n’ont souhaité répondre à nos questions. Avant l’opération, Julia Ménayas, contrôlait 51 % de la société, contre 49 % pour Maeva Courtois. Après un rachat d’actions effectué via le capital social de la société, Maeva Courtois détient près de 37 % du capital et des votes. Pour l’instant, le poste de DG est vacant.

canB a quant à elle accueilli un DG en mars 2023 en la personne de Vincent Bustarret (ex-Cityscoot), jusque-là CMO de la société. Il a depuis été “remplacé par Jean-Christophe Ramos Galver, cofondateur de canB qui travaille sur la partie blockchain et Web3”, énonce Frédéric Schrapp. Jean-Christophe Ramos Galver est également le CEO de Founders Ventures, VC qui a investi dans canB et dans son futur partenaire crypto Ledgity notamment.

Levées de fonds et crowdequity

Contrairement à certaines de leurs homologues généralistes, parfois très bien financées et dont l’objectif est de grossir leur base clients à prix fort, les néobanques à impact ont toutes opté pour des offres payantes (lire notre dossier “Banques en ligne et néobanques : pourquoi les offres d’entrée de gamme se sont multipliées” paru en mars 2023). 

Il faut dire que les néobanques vertes françaises sont loin d’être aussi bien financées que les plus grands challengers européens, et que le contexte actuel n’est pas très propice aux modèles BtoC encore non rentables. À ce jour, Helios est la néobanque verte qui a récolté le plus de fonds en equity grâce à une levée de 9 millions d’euros en amorçage bouclée au printemps 2022. Serena a participé au tour aux côtés de Motier Ventures, Verve Ventures et des investisseurs historiques Raise et Plug and Play, qui avaient aussi participé à une levée de 1,5 million d’euros en 2020 (pré-amorçage). “Nous n’avons pas besoin de faire de nouvelle levée avant 2025. Nous attendrons que le marché se stabilise à nouveau et cette levée sera la dernière avant l’atteinte de la rentabilité en 2026, prévoit Maeva Courtois. Nous ouvrirons [néanmoins, Ndlr] le capital à nos clients à la mi-octobre. C’est une manière pour eux de nous soutenir, d’être plus engagés, et pour nous, de nous rapprocher d’une banque sociétaire.” Helios s’offrira les services de la plateforme Tudigo, plateforme de crowdequity spécialisée dans les entreprises à impact, afin de lever 1 à 1,5 million d’euros, précise la cofondatrice.

Helios est loin d’être la seule plateforme à opter pour le crowdfunding. Début 2022, Green-Got a “levé 5 millions d’euros en amorçage, dont [près de, Ndlr] 2 millions via notre communauté”, indique Maud Caillaux. La néobanque a quant à elle choisi la plateforme britannique Crowdcube, arrivée en France 2022. Le VC spécialisé dans la climate tech Pale blue dot a apporté les 3 millions d’euros restants. canB “a réalisé une levée de fonds de 3,5 millions euros au démarrage et nous discutons actuellement d’une nouvelle levée de l’ordre d’un million d’euros d’ici la fin de l’année. Nous voulons atteindre notre point mort dès 2024”, avance Frédéric Schrapp.

OnlyOne tente également sa chance avec le crowdfunding depuis cet été, sur Sowefund. “Nous avons laissé la campagne en suspens. Nous la déclencherons à nouveau en septembre car nous cherchons des fonds et souhaitons embarquer notre communauté dans l’opération. Le modèle coopératif nous intéresse”, indique Matthias Rouberol. À long terme, Kamel Naït-Outaleb se voit bien “donner des titres à l’onboarding”, comme dans certaines institutions financières traditionnelles. “En parallèle, nous cherchons à réaliser une levée de fonds pour aller vers notre indépendance, en devenant établissement de paiement dans un premier temps, puis une banque”, soutient Matthias Rouberol. Déjà, fin 2022, lorsque mind Fintech interrogeait OnlyOne sur le sujet, Kamel Naït-Outaleb déclarait avoir essayé de lever des fonds, sans succès. Pour rappel, la néobanque a obtenu en 2022 un engagement d’investissement de GEM Global Yield (GGY), un groupe d’investissement alternatif basé au Luxembourg. “GGY s’est engagé de manière ferme à investir 35 millions d’euros en titres à partir du moment où nous serons cotés. Nous espérons que cet engagement nous permettra d’obtenir d’autres investissements”, espérait alors le cofondateur.

OnlyOne se concentre sur le BtoB

Alors que la fintech peinait à trouver des fonds, OnlyOne annonçait en décembre 2022 une nouvelle stratégie : élargir son offre aux entreprises. Si Green-Got et Helios permettent aux entreprises individuelles, par opportunisme, de disposer des mêmes comptes qu’elles proposent aux particuliers, OnlyOne voit plus loin. Après être repassé devant l’ACPR pour obtenir l’accord d’adresser les entreprises, la société “lancera le BtoB à court terme, en beta-test”, expose Matthias Rouberol. Seul ombre au tableau : le destin du BtoC. La néobanque se donne six à douze mois pour décider de son sort. En attendant, le service est en stand-by. Il restera ainsi accessible mais ne connaîtra pas de mise à jour majeure dans les prochains mois. En parallèle de leur lancement auprès des entreprises, les cofondateurs songent aussi à se lancer en BtoBtoC. “Nous sommes en discussion avec des banques qui s’intéressent à nos briques de calcul de l’empreinte carbone et notre éco-coach, en marque blanche”, affirme Matthias Rouberol.

Chez Helios, pourtant davantage financée, hors de question de poursuivre une double stratégie auprès des particuliers et des entreprises, assure de son côté Maeva Courtois. “C’est comme si nous lancions une seconde entreprise”, explique-t-elle. 

38 000 clients de néobanques vertes

L’arrêt du BtoC au profit du BtoB ou du BtoBtoC chez OnlyOne n’est pas totalement inconcevable étant donné qu’elle est la néobanque verte la plus en retard en termes de nombre de clients. Presque deux ans et demi après son lancement, OnlyOne compte 1 500 clients payants sur sa plateforme. En comparaison, canB, lancé à la même époque, en compte 3 500. Ce sont les deux néobanques à impact les moins avancées. Helios court en tête avec 17 000 clients et 6 millions d’euros de dépôts revendiqués par Maeva Courtois tandis que Green-Got est à la deuxième place avec “16 000 clients, dont 20 % de la base en compte principal, pour un dépôt moyen de 1 500 euros”, dévoile Maud Caillaux. Seule différence entre les deux dernières, Green-Got s’est lancée plus d’un an après Helios.

“La majorité de nos clients viennent du bouche-à-oreille, puis des réseaux sociaux, où nous sommes très présents. Plus de 150 000 personnes nous suivent sur TikTok, 110 000 sur Instagram et plus de 75 000 personnes suivent notre page LinkedIn, réseau social par lequel arrivent le plus de clients. Mon cofondateur Andréa [Ganovelli, Ndlr] est suivi par 15 000 personnes sur son profil et plus de 90 000 suivent le mien, ce qui fait que lorsque nous publions un post, nous pouvons toucher jusqu’à 1 million d’utilisateurs, affirme Maud Caillaux. Nous sommes en contact permanent avec nos utilisateurs, répondons à tous, tout le temps, nous faisons aussi des apéros tous les trois mois”, liste-t-elle. Green-Got et Helios mettent à disposition de leurs utilisateurs et prospects des Trello afin de connaître les fonctionnalités à ajouter en priorité et pour tenir les clients au courant du délai approximatif avant l’arrivée des services. Sur demande des clients, Green-Got vient par exemple de sortir des “cagnottes d’épargne. Le compte-joint sera pour octobre [déjà présent chez Helios, Ndlr] tandis que l’assurance sera pour novembre”, énumère Maud Caillaux.

De manière générale, les néobanques à impact déclarent avoir des budgets mesurés pour l’acquisition de clients via Google et les réseaux sociaux. Maud Caillaux confie à mind Fintech que, jusqu’à fin 2022, son coût d’acquisition client (CAC) était inférieur à 10 euros. La présidente de Green-Got affirme toutefois que son entreprise va progressivement investir davantage de budget dans la publicité. 

Green-Got a dorénavant deux marchés dans lesquels se promouvoir puisque la néobanque a ouvert la Belgique en juillet. Helios avait également eu quelques clients belges, “entre 300 et 500, se rappelle Maeva Courtois. Mais nous avions une licence française et pas de succursale ni d’Iban belge. Des clients belges s’étaient inscrits d’eux-mêmes sans que nous les approchions directement. Réglementairement, nous avons dû fermer leurs comptes”, indique Maeva Courtois. Du côté de Green-Got, tous les papiers sont en ordre puisque Green-Got opère en tant qu’agent prestataire de services de paiement de PPS, établissement de monnaie électronique agréé par la Banque de Belgique.

Les néobanques de niche peinent à convaincre

Avec 38 000 clients convaincus au total en deux ans, les néobanques vertes ne révolutionnent pas le marché. À six euros mensuel le compte, l’ARR (annual recurring revenue) s’élève à approximativement 2,7 millions d’euros au total pour les quatre acteurs, d’après les calculs de mind Fintech (de l’ordre de 100 000 euros pour OnlyOne, qui a le moins de clients, et de 1,3 million d’euros pour Helios, qui revendique le plus de clients – hors frais non compris dans l’abonnement, frais d’interchange, frais liés aux produits d’investissement à peine lancés et frais de partenariat). C’est le lot des néobanques de niche, si l’on regarde ce qu’il est advenu des néobanques pour ados (lire notre dossier “Néobanques pour ados : le marché se resserre” paru fin 2022). Les néobanques vertes ont l’avantage d’avoir des clients financièrement plus intéressants que des mineurs mais n’ont pour autant pas encore trouvé l’équilibre. “Nous sommes concentrés sur la rentabilité, d’où notre modèle payant dès le début. Nous sommes aussi rémunérés en tant qu’apporteurs d’affaires avec certains partenariats mais ce ne sont pas eux qui nous permettront de devenir bénéficiaire. Fournir des prêts bancaires, c’est là-dessus qu’une banque peut avoir de la rentabilité”, affirme Matthias Rouberol d’OnlyOne, dont l’ambition à moyen terme est de décrocher l’agrément d’établissement de crédit. La plupart des néobanques à impact disent d’ailleurs vouloir devenir indépendante des partenaires BaaS et bancaires pour flécher les dépôts vers des sociétés responsables et réaliser des économies sur ces centres de coûts. La route est toutefois encore longue puisqu’aucune des quatre néobanques ne dispose ne serait-ce que d’une licence d’établissement de paiement.

En attendant, plusieurs néobanques envisagent l’ajout d’un abonnement premium. “La sortie est prévue en début d’année prochaine, indique la présidente d’Helios. Pour ce compte, il y a une demande pour des assurances. [Pourvu qu’elles soient en ligne avec nos valeurs] nous envisageons par exemple une assurance à vie sur les produits électroménagers.” Les frais liés aux produits d’investissement devraient également permettre d’augmenter le revenu par client. OnlyOne et Helios proposent aussi des comptes pour les jeunes à trois euros. Et Helios un compte-joint à trois euros par mois par personne. “Souvent, nos clients commencent par le compte-joint avant d’opter pour le compte courant, c’est une bonne source de croissance”, indique Maeva Courtois. 

[Cet article a connu une mise à jour le 15 septembre 2023, à la suite de précisions données par Kamel Naït-Outaleb, notmment concernant la stratégie d'OnlyOne.]

Toutes les ressources liées à cet article
Les Personnalités

Cofondatrice et CEO, Helios chez Helios

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Cofondatrice et présidente, Green-Got chez Green-Got

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Cofondateur et CEO, OnlyOne chez OnlyOne

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Cofondateur et CEO, Goodvest chez Goodvest

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Cofondateur et CEO, canB chez canB

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Cofondateur, directeur général et CTO, OnlyOne chez OnlyOne

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