Accueil > Financement et politiques publiques > Stratégie > 2022 : ce qui va changer pour les acteurs du numérique en santé 2022 : ce qui va changer pour les acteurs du numérique en santé Un Espace Numérique de Santé pour tous, l’entrée dans le droit commun du remboursement de la télésurveillance, des pénalités pour les officines n’ayant toujours pas franchi le cap de la sérialisation… Pour les acteurs du numérique en santé, les nouveautés réglementaires, françaises ou européennes, seront nombreuses l’année prochaine. Autant de points de vigilance à surveiller que d’opportunités à saisir. Par Romain Bonfillon. Publié le 13 décembre 2021 à 9h44 - Mis à jour le 13 décembre 2021 à 9h55 Ressources Mon Espace Santé Au 1er janvier 2022, tous les Français disposeront d’un Espace Numérique de Santé (rebaptisé Mon Espace Santé) comprenant un “store”, dans lequel ils pourront aller piocher les applications (prise de rendez-vous, suivi glycémique, DTx, par exemple) qu’ils souhaitent faire fonctionner avec leur espace. En vertu d’un décret paru au JO le 7 août 2021, la mise en œuvre de l’ENS fait appel pour les éditeurs d’applications en santé à un référencement par une commission. Celle-ci s’assure que les industriels, éditeurs et structures de santé respectent le cadre éthique et de sécurité fixé par l’Etat. A noter que les critères d’éligibilité pour faire partie du magasin d’applications de Mon Espace Santé s’appuient sur un référentiel de la HAS. Ce référentiel ne doit pas être confondu avec le “Dossier de spécification de référencement” (DSR). Ce DSR permet, dans le cadre du Ségur de la santé, le financement des éditeurs de logiciels professionnels (dossier patient d’un hôpital, logiciel de gestion d’un cabinet médical, d’un cabinet de radiologie, d’un laboratoire de biologie, etc.) par l’Etat et pour le compte d’un établissement ou d’un professionnel de santé (principe de l’achat pour compte). Dans ce dernier cas, c’est à la doctrine technique nationale du numérique en santé que les éditeurs devront se référer, en passant par l’outil Convergence, pour mesurer la conformité ou non de leur solution à la doctrine, avant de s’adresser au guichet de référencement de solutions logicielles. Comme le rappelait récemment Dominique Pon, responsable ministériel au numérique en santé, dans une interview accordée à mind Health, “le Ségur n’est pas un programme pour financer les applications qui seront dans Mon Espace Santé. Le Ségur est un programme qui finance les logiciels des professionnels de santé. Les applications de Mon Espace Santé sont destinées aux patients”. Télésurveillance : son remboursement entre dans le droit commun au plus tard le 1er juillet 2022 Adopté en dernière lecture à l’Assemblée nationale le 29 novembre dernier, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2022 fait entrer le remboursement des actes et dispositifs de télésurveillance dans le droit commun (il était jusqu’alors dérogatoire pour certains territoires, dans le cadre du programme ETAPES). L’article 24 de la dernière version du PLFSS 2022 fixe le périmètre et les principes du financement de la télésurveillance par l’assurance maladie. Sont considérées comme des activités de télésurveillance médicale, non seulement la surveillance médicale elle-même, mais également “toutes les actions nécessaires à sa mise en place, au paramétrage du dispositif, à la formation du patient à son utilisation, et à la vérification et au filtrage des alertes, ainsi, le cas échéant, que des activités complémentaires, notamment d’accompagnement thérapeutiques”. Les dispositifs médicaux (DM) numériques nécessaires à la télésurveillance doivent, pour être remboursés, tout d’abord répondre à la définition du règlement européen 2017/745. Si c’est le cas, ils doivent ensuite s’inscrire auprès de la Haute Autorité de Santé (HAS) et répondre aux exigences de son référentiel comprenant “soit la description d’une ligne générique du dispositif médical numérique de télésurveillance concerné et le cas échéant, du dispositif de collecte associé, soit le nom de marque ou le nom commercial dudit dispositif médical et le cas échéant, du dispositif de collecte associé”, ainsi que “les exigences minimales applicables à l’organisation de télésurveillance”, notamment “la qualification des professionnels de santé et les dispositions nécessaires pour assurer la qualité des soins”. S’agissant du remboursement, il “s’effectue sur une base forfaitaire périodique, le cas échéant modulable en fonction des caractéristiques de la prise en charge”. Le montant du forfait, fixé par arrêté, “tient compte principalement de la fréquence du suivi réalisé par l’organisation de télésurveillance” ainsi que “de la complexité de la prise en charge”. Le prix des DM numériques de télésurveillance et DM de collecte associés est également fixé par arrêté, qui comprend les marges prévues et les taxes en vigueur. Enfin, la prise en charge “est subordonnée à l’utilisation effective du dispositif médical numérique de télésurveillance par le patient et, lorsqu’ils existent, à l’atteinte de résultats individualisés ou nationaux d’utilisation en vie réelle évalués sur le fondement d’indicateurs définis dans le référentiel”. A noter que l’enveloppe globale pour la rémunération des médecins pour les actes de télésurveillance devrait atteindre 22 millions d’euros dès 2022 puis 44 millions d’euros en 2023. Maryne Cotty-Eslous (Lucine) : “L’article 33 du PLFSS tel qu’il est rédigé aujourd’hui n’est pas suffisant” Sérialisation : une pénalité allant jusqu’à 10 000 euros pour les retardataires L’objectif affiché par l’Etat était de voir la totalité des officines connectées au répertoire national de vérification des médicaments (NMVS) à la fin de l’année 2021. Mais les chiffres de cette année laissent toujours peu d’espoir quant à la réalisation de cet objectif. La direction générale de santé (DGS) s’alarmait fin mars de ce que la France soit “le pays le plus en retard au niveau de l’Union européenne dans l’application de la sérialisation”, avec seulement 233 officines connectées sur plus de 21 000. Début septembre, ce nombre serait passé à 800 (soit 3,8%), selon France MVO, l’organisme qui pilote la mise en place et la gestion du système de vérification des médicaments. Cause principale de ce retard : la question du coût de la mise à niveau logicielle des officinaux pour leur permettre de mener à bien les procédures liées à l’authentification des médicaments (désactivation de l’identifiant unique avant dispensation) et pour se connecter au NMVS. Syndicats et éditeurs de logiciels se renvoient la balle, chacun estimant ne pas avoir à supporter le poids financier de ces mises à jour. Au sein même du ministère de la santé, le débat s’est longtemps poursuivi, sur la question d’un éventuel soutien financier de l’Etat aux pharmaciens d’officine, confiait Dominique Pon (DNS) le 9 octobre dernier, à l’occasion du congrès national des pharmaciens. La clémence de L’État n’est désormais plus à l’ordre du jour. Des pénalités seront appliquées aux officines récalcitrantes et l’article 39 du PLFSS 2022, adopté le 29 novembre 2022, précise que “le montant de cette pénalité ne peut être fixé à une valeur inférieure à 350 euros ni excéder, en cumulé, 10 000 € par année civile” et sera “fixé en fonction de la gravité, de la durée et de la réitération éventuelle des manquements”. Un décret doit prochainement fixer les modalités d’application de ces pénalités. On sait cependant d’ores et déjà que “jusqu’au 31 janvier 2022, la pénalité prévue à l’article L. 162-16-3-2 du code de la sécurité sociale ne peut être prononcée qu’en cas d’absence totale de connexion au répertoire national de vérification des médicaments et ne peut excéder 350 €”. Sérialisation : une obligation qui peine à convaincre La loi sur la Santé au Travail : au plus tard le 31 mars 2022 La loi pour « renforcer la prévention en santé au travail » est parue le 2 août 2021 mais ses principales mesures entreront en vigueur courant 2022, au plus tard le 31 mars. Cette loi définit une offre socle de services que devront proposer les services de prévention et de santé au travail (SPST) pour mieux accompagner certaines populations vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle. Le médecin du travail, avec l’accord du salarié concerné, pourra avoir accès à l’Espace santé du patient (“Mon Espace Santé”) et l’alimenter. Les professionnels de santé au travail pourront recourir aux téléconsultations pour le suivi individuel du salarié, compte tenu de son état physique et mental. Le salarié pourra, si le médecin du travail le lui propose, se faire assister de son médecin traitant ou d’un professionnel de santé de son choix lors de cette téléconsultation, à ses côtés ou en visio. A l’obligation de créer un DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels) et de le soumettre au CSE dans les entreprises de plus de 50 salariés (article L2312-9 du code du travail) s’ajoutera celle de déposer ce DUERP sur un portail numérique déployé et administré par les organisations professionnelles d’employeurs. Ce portail devra archiver les DUERP durant 40 ans. L’ Artificial Intelligence Act… peut-être en 2022 Le 21 avril 2021, la Commission Européenne a présenté une proposition de règlement sur l’intelligence artificielle (également appelé “Artificial Intelligence Act”). Ce règlement vise à garantir que les systèmes d’IA sur le marché de l’Union sont sûrs et conformes à la législation existante sur les droits fondamentaux et les valeurs de l’Union. Il vise également à garantir la sécurité juridique pour faciliter l’investissement et l’innovation dans l’IA et à consolider un marché unique pour les applications d’IA licites, sûres et dignes de confiance. L’Artificial Intelligence Act a vocation à s’appliquer aux fournisseurs d’IA de l’Union Européenne, mais également à ses utilisateurs. L’ensemble du projet d’AI Act repose sur une approche fondée sur le risque. Les utilisations de l’IA sont classées selon qu’elles créent un risque inacceptable, élevé, ou faible. Sont ainsi prohibées les IA qui créent un risque inacceptable (article 5), parmi lesquelles celles qui utilisent des techniques de manipulation subliminale des personnes ou celles qui créent des systèmes de notation généralisée des populations et qui seraient développées par les autorités publiques (comme le “système de crédit social” mis en place en Chine). Les systèmes d’IA à “risque élevé” sont soumis à des obligations particulières (articles 8 à 15), notamment en termes de gestion des risques, d’entrainement des modèles d’IA, de documentation ou encore de sécurité. L’actuel projet doit être soumis au Parlement européen et au Conseil dans le cadre de la procédure législative ordinaire. La période dite de première lecture n’est soumise à aucun délai et l’adoption définitive du projet pourrait prendre plusieurs années. L’AI Act ne verra pas le jour avant fin 2022. Isabelle Adenot (CNEDiMTS): “L’arrivée de l’IA a bousculé nos processus d’évaluation” Premier semestre 2022 : la présidence française de l’UE Après la Slovénie, la France prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (PFUE) le 1er janvier 2022. Représentant les Etats membres, le Conseil amende les propositions législatives de la Commission, dans un processus de codécision avec le Parlement européen. Le président de la République fixe les orientations et les priorités générales du mandat français. Emmanuel Macron s’adressera d’ailleurs aux eurodéputés le 19 janvier 2022, afin de détailler le programme de la France. Le projet d’un Espace européen des données de santé (EEDS) sera l’un des sujets clés de la présidence française. Le périmètre de cet espace a été défini grâce à une consultation publique qui s’est terminée fin juillet 2021. Industriels et chercheurs attendent désormais avec impatience la concrétisation de ce projet qui a comme pilote le Health Data Hub (HDH). Interrogé récemment par mind Health, son vice-président, Gérard Raymond, confiait qu’un projet pilote est prévu pour mars 2022 et qu’il “travaillera sur trois cas d’usage concrets, c’est-à-dire trois projets de recherche à l’échelle européenne s’appuyant sur un minimum de six plateformes-fournisseurs de données”. Signe préfigurateur de cette dynamique, le HDH a récemment signé un accord de collaboration avec Findata, la plateforme finlandaise de données de santé Findata. Dans le cadre du futur EEDS, un “Atlas européen des images liées au cancer” devrait prochainement voir le jour, selon le site Patient numérique. D’autre part, même si elles ne sont pas spécifiques au domaine de la santé, citons deux réformes majeures du marché numérique européen, qui devraient aboutir au premier semestre 2022 : le Digital Market Act (DMA) qui doit permettre de disposer dans l’ensemble des pays de l’Union du même cadre harmonisé pour réguler de façon ex ante (avant que ne soient constatées d’éventuelles pratiques problématiques) les plateformes numériques, notamment les GAFAM. Sa proposition sœur, le Digital Services Act (DSA), fixera “un cadre solide pour la transparence des plateformes en ligne et clair en ce qui concerne leur responsabilité”. Son but est également de “favoriser l’innovation, la croissance et la compétitivité au sein du marché unique”. Enfin, rappelons que le Parlement et le Conseil de l’UE sont récemment parvenus à un accord sur le Data Governance Act. Bien qu’informel, cet accord concernant la future loi sur la gouvernance des données devrait permettre une entrée en vigueur début 2022. Mais encore… Un réseau européen pour promouvoir les données de vie réelle (DARWIN EU) doit voir le jour début 2022. Un centre de coordination sera créé pour embarquer les partenaires data et piloter la conduite des études demandées par les régulateurs du médicament et, à un stade ultérieur, par d’autres parties prenantes. Toujours dans le domaine des données de santé, rappelons que le HDH a annoncé le 8 novembre 2021 les quatre lauréats de la première vague de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) autour des algorithmes de ciblage dans le Système National des Données de Santé (SNDS). Les candidatures pour faire partie de la seconde vague de lauréats sont ouvertes jusqu’en février 2022. Pour candidater, rendez-vous sur la page de l’AMI. Enfin, pour ceux qui ne se seraient pas mis en conformité avec le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux, connectés ou non (en vigueur depuis le 26 mai dernier, quand bien même une “période de grâce” – jusqu’au 26 mai 2024 – est accordée, sous certaines conditions), sachez que les règles du marquage CE médical ont été profondément modifiées, comme l’a expliqué à mind Health Cécile Vaugelade, Directrice des Affaires technico-réglementaires au SNITEM. Romain Bonfillon Application mobileDonnées de santéHealth data hubIntelligence ArtificielleMinistèrePlateformesSérialisationTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Laurent Frigara (Enovacom): “Il y a un sujet d’éthique autour du consentement patient et de la réutilisation de la donnée” Entretien Jean-Marc Aubert (IQVIA) : “Si on n’investit pas dans la donnée, tout un pan de la santé ne se développera pas en France” Tribune gratuit L’avenir de la santé à l’ère du métaverse