Accueil > Industrie > ExactCure : le médicament au plus près du patient ExactCure : le médicament au plus près du patient Née en 2018, ExactCure a développé un jumeau numérique du patient, qui biomodélise l'effet des médicaments dans le corps en fonction des caractéristiques personnelles d'un individu. Lauréate en 2022 de l'AMI "Santé numérique" et du concours i-Nov, la société veut rendre sa solution incontournable, comme l'a confié à mind Health Frédéric Dayan, son cofondateur et CEO. Par Coralie Baumard. Publié le 07 mars 2023 à 22h58 - Mis à jour le 09 janvier 2024 à 16h02 Ressources La genèse L’idée d’ExactCure germe en 2016. Frédéric Dayan prend un café avec un de ses amis Philippe Beaune, professeur de pharmacologie. Ce dernier lui expose une de ses difficultés. Lors d’un de ses cours, il explique aux étudiants en médecine que les doses de médicaments doivent être adaptées aux profils du patient. Si un patient est obèse, la dose doit être augmentée, si le patient souffre d’une insuffisance rénale, la dose doit être diminuée. Mais lorsque le patient cumule deux de ces risques ? La réponse est loin d’être évidente. À l’époque, Frédéric Dayan est spécialisé dans la modélisation du médicament, mais dans ses phases précoces de conception. Cette discussion est un déclencheur pour imaginer une solution anticipant la réponse aux médicaments de tout un chacun. L’entreprise ExactCure est créée en janvier 2018. Les fondateurs et les effectifs ExactCure est née de l’union des domaines de compétence de deux de ses cofondateurs : la connaissance du médicament et les outils mathématiques. Frédéric Dayan, le CEO d’ExactCure est pharmacien de formation. Après avoir enseigné la pharmacologie, il dirige des équipes de R&D dans une start-up, rachetée ensuite par Dassault Systèmes. C’est dans cette start-up qu’il rencontre Sylvain Benito, le directeur scientifique d’ExactCure. Ce dernier est spécialiste des modèles mathématiques et de leur recalibrage. Ils fondent ensemble ExactCure, avant d’être rejoint par Fabien Astic. Titulaire d’un MBA de l’INSEAD et connaisseur des programmes d’accompagnement des start-up, ce dernier complète le duo en assumant le rôle de directeur du développement commercial. L’entreprise compte aujourd’hui 25 personnes. “Nous voulons doubler les effectifs dans les deux ans qui viennent, passer à 35 personnes l’année prochaine et à 50 l’année suivante. Nous souhaitons recruter des commerciaux pour compléter notre équipe qui est aujourd’hui très scientifique”, explique Frédéric Dayan. La technologie “Il nous a fallu quatre ans de R&D et de travail réglementaire pour finaliser notre jumeau numérique du patient. Nous avons conçu un dispositif médical disposant du marquage CE dont la première version a été commercialisée sur le marché en 2022”, indique Frédéric Dayan. Le principe d’ExactCure est d’augmenter avec de l’intelligence artificielle la pharmacocinétique, la science qui s’intéresse aux effets du médicament au cours du temps. Frederic Dayan, cofondateur et CEO d’ExactCure “Le poids, l’âge, le sexe, le statut hépathique, la grossesse, l’accumulation dans le corps d’un médicament en cas de maladie chronique : plusieurs critères peuvent avoir un impact sur l’absorption d’un médicament. En oncologie, plus spécifiquement, les mutations génétiques peuvent influencer les médicaments. En fonction des réponses du patient, l’algorithme va adapter la courbe du devenir du médicament sur une période donnée et déterminer s’il accumule le médicament, si la dose est la bonne ou si elle est trop haute ou trop basse. Notre intelligence artificielle va aller puiser dans la littérature médicale et dans la littérature scientifique, tous les essais cliniques qui définissent tous ces influenceurs du médicament. Elle va lire et intégrer dans le cœur de simulation tout ce qui est connu sur un médicament donné. Ce fonctionnement est dynamique et s’adapte dans le temps compte tenu de l’état des connaissances”, détaille Frédéric Dayan. ExactCure adresse aujourd’hui plus de 4 000 médicaments, dans des aires thérapeutiques qu’elle a priorisées. “Nous nous intéressons particulièrement aux maladies inflammatoires chroniques, aux douleurs chroniques, aux maladies cardiovasculaires, à la neuropsychiatrie. En oncologie, nous développons projet par projet, nous avons, par exemple, une collaboration avec l’hôpital Cochin. Notre cœur de cible sont des pathologies complexes et chroniques, voire des maladies rares pour lesquelles il y a un fort enjeu car les traitements coûtent très cher”, précise Frédéric Dayan. Le bénéfice La solution d’ExactCure se divise en deux interfaces : l’une dédiée aux professionnels de santé, l’autre aux patients. Ces derniers peuvent y accéder via une application gratuite disponible sur les stores. “L’application permet au patient d’anticiper sa prise de médicament : imaginons qu’il fasse de l’automédication ou qu’ il ait un traitement chronique, mais qu’à un moment il oublie de prendre son traitement ou qu’il ne prenne pas une posologie standard. L’application va lui permettre d’éviter un mésusage du médicament, c’est-à-dire les surdoses, le sous-dosage ou les interactions avec d’autres médicaments. Le risque médicamenteux tue cinq fois plus que les accidents de la route. Selon les années, entre 20 000 et 30 000 morts par an sont liés aux mésusages du médicament en France. Cela lui permet également de communiquer avec son professionnel de santé, il peut rentrer son agenda médicamenteux et partager son ressenti thérapeutique. Le professionnel a donc le retour du patient et peut, si besoin, adapter la posologie en conséquence”, souligne Frédéric Dayan. Le modèle économique “Notre business model consiste à intégrer notre solution dans d’autres systèmes. Nous gagnons de l’argent quand un partenaire tierce a envie d’intégrer nos propres simulations dans sa plateforme. Par exemple, c’est le cas avec Vidal. Si par exemple, un hôpital achète le système de Vidal, il paye une option pour intégrer ExactCure à tout son système d’information”, précise Frédéric Dayan. Outre Vidal, ExactCure a développe également des projets avec l’éditeur scientifique Elsevier. En décembre 2022, l’entreprise a également gagné le challenge européen de Philips. “Philips a un système hospitalier, Philips HealthSuite, leader en Amérique du Sud mais qui est aussi en train de progresser en Europe. Il équipe l’hôpital de A à Z depuis le dossier patient, à ses prescriptions, ses analyses de sang… Ils nous ont choisi pour intégrer nos simulations dans HealthSuite. Par exemple, quand au bloc opératoire, un médicament va être injecté à un patient, ils veulent qu’on puisse fournir dans leur interface une simulation du médicament”, raconte Frédéric Dayan. Les clients ExactCure cible plusieurs types de clients. “Nous avons les fournisseurs d’informations sur le médicament comme Vidal ou BCB, mais même Philips ou Dedalus avec DxCare, sont des plateformes qui à un moment ont le médicament dans leur pipeline. Nous voulons nous y insérer pour augmenter la profondeur de l’information par une simulation. Nous intéressons également les laboratoires pharmaceutiques qui recherchent une application compagnon de leurs médicaments. Là encore, il s’agit de fournir une simulation qui donne une profondeur d’informations supérieure à une notice de médicament”, affirme le CEO d’ExactCure. L’entreprise a aussi développé avec le laboratoire UPSA l’application Med&Moi pour aider à l’automédication. Elle compte 10 000 utilisateurs depuis l’été 2022. “Aujourd’hui, notre plus gros client est UPSA. Nous avons 50% de notre marché qui est français, le reste est partagé entre l’Europe et les Etats-Unis”, analyse Frédéric Dayan. La stratégie de développement ExactCure est en train de s’attaquer à un nouveau segment de marché : les compagnies d’assurance. “L’idée est vraiment de diminuer le coût lié à l’iatrogénie médicamenteuse ( l’ensemble des effets indésirables provoqués par la prise d’un ou plusieurs médicaments, ndlr) qui est estimé à des milliers de milliards d’euros pour les assurances. “Nous n’avons pas encore de clients, mais le potentiel marché est énorme. Nous nous intéressons en particulier aux États-Unis et à l’Allemagne parce que dans ces pays, les assurances privées remboursent le médicament dès le premier euro”, révèle Frédéric Dayan. Pour s’attaquer au marché américain, ExacCure a noué un partenariat avec l’entreprise américaine Tabula Rasa Healthcare. Plutôt que de développer des applications pour les assureurs, ExactCure préfère développer un modèle de service. “Nous avons pour projet de mettre en place un modèle où des professionnels de santé équipés de notre système accompagnent des patients et d’autres professionnels de santé dans l’optimisation du traitement. Des études ont montré qu’avec un outil approprié, il est possible de diminuer drastiquement le coût de l’assurance, les réhospitalisations et les complications. Nous voudrions nous insérer dans la conciliation médicamenteuse grâce à nos outils numériques, d’abord à l’hôpital, mais la Sécurité sociale a également ouvert une brèche là-dessus en poussant et remboursant le bilan de médication réalisé par des pharmaciens de ville”, dévoile Frédéric Dayan. Le financement ExactCure a fait une première levée de fonds de 1 million en 2019. En 2022, l’entreprise a été lauréate de deux prix publics importants : l’AMI Santé numérique pour une dotation de 1,2 million d’euros et le concours i-Nov pour un montant de 2,4 millions d’euros. Pour débloquer ces subventions, elle se doit d’obtenir des financements privés d’un montant équivalent. “Nous sommes en train de faire une seconde levée de fonds, nous cherchons à lever 3 millions d’euros d’ici fin 2023”, annonce Frédéric Gayan. Les perspectives “Nous voulons exploiter notre spécificité, ce jumeau numérique, qui était de la science-fiction il y a quatre ans. C’est vraiment cette spécificité que nous voulons faire entrer dans tout l’écosystème de santé, non pas en vendant nos applications, mais l’accès à nos simulations grâce à des API. Nous rêvons d’un monde où lorsque l’on tape sur Google le nom d’un médicament, une simulation ExactCure personnalisée apparaisse immédiatement. Nous voulons vraiment être présents partout, à chaque fois qu’un individu se trouve en face d’un médicament”, affirme Frédéric Dayan. La collecte d’informations sur les effets des médicaments a également une grande valeur à moyen terme. “Ces données peuvent constituer une sorte d’étude clinique grandeur nature pour aider les laboratoires pharmaceutiques à faire des médicaments plus précis pour des populations qui en ont besoin”, conclut Frédéric Dayan. Les chiffres clés d’ExactCure Fondée en 2018 25 salariés Plus de 4 000 médicaments adressés 40 000 simulations effectuées, l’objectif est de dépasser le million de simulations dans les deux ans. Coralie Baumard Intelligence ArtificielleLevée de fondsMédicamentstart-up Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind