Accueil > Industrie > Panorama 2022 de la healthtech : la filière française résiste et se transforme Panorama 2022 de la healthtech : la filière française résiste et se transforme L’association France Biotech réunissait ce 17 février 2023 un panel d’experts de l’écosystème de la healthtech pour présenter son « Panorama France HealthTech 2022 ». Structuration de la filière, partenariats, soutien de la puissance publique et financements démontrent que la France arrive à tirer son épingle du jeu, dans un contexte international toujours incertain Par Romain Bonfillon. Publié le 20 février 2023 à 11h23 - Mis à jour le 20 février 2023 à 17h51 Ressources Cette 20e édition du « Panorama France HealthTech 2022 » s’inscrit dans un contexte macro-économique inédit, avec des enjeux qui n’ont jamais semblé aussi nombreux et cruciaux pour la filière : “réintroduire de la politique industrielle dans l’innovation en santé sur le territoire, accélérer les parcours de développement des innovations, repenser la prise en charge par le système de santé pour apporter le plus rapidement possible ces solutions aux patients et aux professionnels”, énumère Franck Mouthon, président de France Biotech. Franck Mouthon (France Biotech) : “Nous co-construisons avec l’État la filière healthtech pour une meilleure compétitivité de la France” La healthtech en France Chloé Evans, adjointe au directeur général de France biotech, est en charge des études sectorielles et des relations internationales au sein de l’association. En propos liminaire, elle rappelle quelques grands chiffres représentatifs de l’importance de la filière française de la healthtech : “on estime à 500 000 le nombre d’emplois de la filière. Nous nous sommes intéressés pour dresser ce panorama à un échantillon d’entreprises”, précise-t-elle. Pour cette édition 2022, 454 sociétés healthtech ont participé à l’enquête menée par France Biotech. Ces sociétés ont généré un chiffre d’affaires d’1,3 Md€ en 2021, en hausse par rapport à 2020, et représentent 14 500 emplois directs. Marque de la maturité du secteur : un quart de ces entreprises ont une filiale à l’étranger en 2022, elles développent en moyenne 3 produits et ont 10,5 ans d’ancienneté. Bien que 56% demeurent des TPE, elles comptent en moyenne 32 collaborateurs (+28% par rapport à 2021) et 28 d’entre elles comptent aujourd’hui plus de 100 salariés. Aussi, ajoute Chloé Evans, “dans le domaine des ressources humaines, les besoins restent forts, avec 86 % des entreprises qui comptent recruter de nouveaux collaborateurs, soit 2200 recrutements prévus cette année, rien que sur l’échantillon étudié”, note Chloé Evans. 9 tendances d’innovation dans les filières medtech, santé numérique et biotech Focus sur les entreprises en santé numérique Comme le montre avec intérêt ce panorama, les entreprises en santé numérique ont des spécificités par rapport aux autres catégories du monde de la healthtech. Ainsi, les marchés adressés par les entreprises innovantes de biotechnologie et de medtech sont d’emblée internationaux, alors que les entreprises de santé numérique visent avant tout le marché domestique. Elles disposent, pour la plupart, d’un accès au marché plus rapide que les biotech mais ce dernier reste très dépendant de leur modèle d’affaires. La majorité des solutions que les sociétés du secteur développent sont destinées au système hospitalier et s’adressent avant tout aux professionnels de santé (médecins, infirmières, pharmaciens…) et aux DSI (Directions des Systèmes d’Informatique). Ainsi, la majorité (59%) des entreprises visent un modèle de financement classique d’achat hospitalier. Les entreprises développant des solutions d’amélioration de prise en charge, de télésurveillance ou développant des dispositifs médicaux connectés recherchent quant à elles un remboursement par l’assurance maladie (40%) et/ou une prise en charge par des complémentaires santé (27%). “Une circulaire de la DGOS est en cours de déploiement, précise Franck Mouthon, pour permettre d’accélérer l’achat public de dispositifs numériques, et permettre aux start-up d’avoir un meilleur accès aux réseaux d’achat public hospitalier”. Les partenariats dans la biopharmacie Edward Lawton, senior consultant chez Citeline, relève que le nombre d’accords partenariaux a atteint des niveaux record en 2021 et 2022, avec 162 transactions signées par la France. Cette hausse est selon lui grandement liée à la période Covid qui a poussé les entreprises à s’unir pour développer rapidement des traitements et des vaccins. À noter que plus de la moitié des partenariats se situent aux stades précliniques. Une proportion qui est en hausse constante ces dernières années et qui a atteint 71% en 2022. La France, relève encore le rapport, se situe à la 4e place des partenariats biopharmaceutiques sur le continent européen, sur la période 2018-2022. Un tiers des alliances portaient sur des accords R&D en oncologie (suivi de la neurologie et des maladies infectieuses) et les nouvelles approches technologiques, dont les biomédicaments, deviennent plus courantes. Il est également instructif d’observer les évolutions technologiques en cours dans les alliances R&D. Depuis 2018, les petites molécules sont toujours les plus courantes, figurant dans près de la moitié des accords dont les modalités ont été divulguées. Des innovationstelles que le développement de médicaments basés sur l’IA et la dégradation des protéines donnent une impulsion à cette classe. Le développement d’anticorps monoclonaux est également très courant, représentant 20 % des alliances. Au-delà de ces deux piliers, il existe de multiples exemples d’accords portant sur des protéines et des vaccins, ainsi que sur des classes avancées telles que les thérapies géniques, cellulaires et à base d’ARN. Ces accords, note le rapport, deviendront de plus en plus courants, les grands laboratoires pharmaceutiques cherchant à ajouter de nouvelles plateformes thérapeutiques à leurs capacités R&D par le biais d’alliances et d’acquisitions. [Étude exclusive mind Health] Les technologies connectées seront bientôt aussi importantes que la télémédecine dans les essais cliniques Le soutien de la puissance publique Comme l’a noté Franck Mouthon, président de France Biotech, la position de la France dans la healthtech européenne doit beaucoup aux investissements des pouvoirs publics. Rosalie Maurisse, responsable du domaine de la santé à la direction de l’innovation de Bpifrance, rappelle ainsi que Bpifrance a soutenu les acteurs de la healthtech à hauteur de 535 M€ en 2022, soit un budget de 300 M€ hors programme Covid-19. L’année 2022 aura aussi été marquée par le déploiement du plan France 2030. Ce sont au total 215 M€ qui auront été versés en 2022 au titre de ce plan, qui finance quatre domaines distincts (au travers de quatre stratégies d’accélération) : biothérapies et bioproduction, santé numérique, maladies infectieuses émergentes et risques NRBC, dispositif médical. La stratégie d’accélération santé numérique est celle qui a été la mieux financée en 2022, avec 31 projets financés à hauteur de 92 M€. L’année 2023 verra encore s’intensifier les efforts de la puissance publique, note Rosalie Maurisse, avec la poursuite du Plan Nouvelle Industrie (doté de 2,3 milliards d’euros jusqu’en 2025) visant à relocaliser en France l’industrie stratégique et les premières synergies nées de la French Care, une communauté d’acteurs portée notamment par Bpifrance qui vise à “promouvoir et développer l’excellence en santé en France”. Le financement en France et à l’international Cédric Garcia, associé chez EY, note que les financements des entreprises de la healthtech ont atteint un niveau historiquement bas en 2022, (29, 5 Mds €) proche de celui de 2017 (26 Mds €). Une situation due, selon lui, à la quasi-absence de financements via les introductions en bourse sur les marchés financiers, et ce dans tous les domaines de la santé. Pour preuve, sur l’ensemble des pays européens, on ne compte pas plus de 4 opérations. Les principales levées réalisées dans le cadre d’une introduction en bourse sont françaises et concernent une SPAC dédiée à la bioproduction (150 M€) et la biotech bordelaise Aelis Farma (25 M€). Si l’on s’intéresse de plus près aux marchés boursiers et en particulier à Euronext (qui regroupe les places boursières d’Amsterdam, Bruxelles, Dublin, Lisbonne, Milan, Oslo et Paris), la situation ne semble guère plus florissante. Ainsi, Guillaume Morelli, directeur listing PME-ETI France pour Euronext, relève qu’à la fin 2022, 129 entreprises healthtech (dont 77 françaises) sont cotées sur les marchés d’Euronext. Leur capitalisation boursière totale s’élève à 45 Mds€, contre 53,3 Mds€ en 2021. Logiquement, la capitalisation boursière des healthtech françaises a suivi ce mouvement : elle est passée de 10,9 Mds€ à 6,1 Mds€. Capital-risque : l’exception française Aussi, les sociétés se sont davantage tournées vers les fonds d’investissements pour soutenir leur croissance, bien que le capital-risque des healthtech américaines et européennes reste en déclin (- 15%) par rapport à 2021. Cependant, les tours privés dépassant les 30 M€ de levées de fonds sont de plus en plus fréquents. Tandis que le nombre de deals conclus a chuté de 18 % par rapport à 2021, la valeur du ticket moyen en France dans le capital-risque est en hausse et atteint 16 M€. Rappelons que le ticket moyen avait déjà augmenté de 45 %, en 2021 pour s’établir à 14 M€ vs. 9 M€ en 2020. Le ticket moyen a donc doublé entre 2020 et 2022, note le rapport de France Biotech. Dans cet environnement troublé, les sociétés françaises tirent leur épingle du jeu : le niveau de financement des healthtech arrive même à surpasser celui de l’an passé avec 2,6 Mds€. Notons cependant que cette croissance est portée par la levée de 400 M€ de Doctolib (sans laquelle le niveau serait légèrement en deçà). À noter enfin que dans le secteur des dispositifs médicaux et de la santé numérique, le niveau global des opérations de financement en capital-risque est en légère hausse, avec un premier trimestre particulièrement actif. Le montant des financements européens en capital risque atteint ainsi 8 Mds€ en 2022, contre 7,5 Mds en 2021. Si l’on se risque à formuler des perspectives pour 2023, retenons, comme le fait Cédric Garcia, que toutes les conditions sont réunies pour que les fusions-acquisitions s’intensifient : “suite à la période Covid, les grandes pharma ont des trésors de guerre historiquement élevés et les valorisations sont plus faibles. Les grosses entreprises du monde de la pharma seront donc tentées d’enrichir leur pipe de nouvelles propriétés intellectuelles”. La filière healthtech en chiffres : 2600 entreprises, dont 800 biotech, 1440 medtech et 400 sociétés de numérique en santé et intelligence artificielle ; 50 000 emplois directs et indirects sur le territoire ; plus de 4 000 innovations en santé 20 ans de Panorama de la healthtech : une filière métamorphosée Le panorama France HealthTech célébrait cette année ses 20 ans. L’occasion de revenir sur quelques indicateurs de la maturité des entreprises du secteur pour se rendre compte de l’ampleur de sa métamorphose… Lancement d’une taskforce européenne dédiée à l’anatomopathologie France Biotech a profité de la présentation de son panorama annuel pour annoncer officiellement la création d’une taskforce dédiée à l’anatomopathologie. Elle sera dirigée par Jean-François Pomerol, PDG de Tribun Health, qui note qu’ « aujourd’hui, seuls 10 % des laboratoires d’anatomopathologie sont passés au numérique”. La taskforce visera précisément à accélérer leur transformation. Même si le secteur est très innovant, notamment grâce aux solutions d’intelligence artificielle pour aider au diagnostic, il existe des freins financiers à la numérisation des laboratoires d’anapath et de nombreuses questions laissées en suspens : “quel modèle économique est possible et est ce qu’il y aura de nouveaux actes à la cotation? Quelle est la place de l’IA? Comment utiliser la donnée au service de nouvelles approches diagnostiques ? Comment assurer la transition et former les personnel ?” s’interroge Jean-François Pomerol. Autant de questions auxquelles tenteront de répondre les acteurs – la liste n’est pas encore révélée et devrait l’être dans les prochaines semaines – qui rejoindront la taskforce. Une de ses missions consistera à dresser d’abord un état des lieux précis des besoins de chaque acteur (médecins, académiques et industriels) pour construire un cahier des charges et le porter à plusieurs devant les pouvoirs publics. Cette taskforce vise aussi à faire émerger une filière anapath d’excellence, notamment en oncologie qui est, de loin, le premier champ d’intérêt et d’application de la numérisation des lames et de l’utilisation de l’IA. Romain Bonfillon anatomie pathogiqueBiotechsFinancementsHealthTechIPOLevée de fondsMarchéMedtechsPartenariatPharmacologie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind