Accueil > Industrie > La reconnaissance vocale et le NLP : sur la voix du succès ? La reconnaissance vocale et le NLP : sur la voix du succès ? La reconnaissance vocale et le NLP (natural language processing) ou traitement naturel du langage (TAL) représentent une tendance forte de l'édition 2022 du congrès HIMSS. Signe qui ne trompe pas, Amazon Microsoft, Apple, et Google ont tous développé leur solution. Le regard croisé de trois acteurs du secteur nous permet de mieux comprendre les enjeux de ces technologies, leur marché et leur niveau de maturité. Par Romain Bonfillon. Publié le 22 mars 2022 à 22h15 - Mis à jour le 28 mars 2022 à 10h47 Ressources Le contexte La reconnaissance vocale et le NLP sont deux technologies distinctes, mais complémentaires. La première vise à comprendre la voix pour la transformer en texte ; la seconde analyse le contenu de ce texte pour en retirer les informations pertinentes, permettant ainsi de construire automatiquement un compte-rendu médical. Une analyse de Data Bridge Market Research datant de janvier 2022 évalue la taille du marché du traitement du langage naturel (NLP) à 50,62 milliards de dollars $ d’ici 2028. Ce marché devrait, selon cette analyse, connaître un taux de croissance annuel de 20,1% entre 2021 et 2028. Concernant la reconnaissance vocale, Meticulous Research a publié en 2019 une étude tablant sur un marché de 26,79 milliards de dollars d’ici 2025, avec un taux de croissance de l’ordre de 17,2 % par an. SPECIAL HIMSS Retrouvez ici tous les articles de l’édition 2022 de ce congrès Les technologies appliquées par les grands acteurs du secteur pour le domaine médical fonctionnent toutes de la même manière : elles consistent à identifier des groupes particuliers comme les symptômes, les antécédents médicaux, l’identité du patient. La codification (ou ontologie) Snomed permet de garantir l’universalité du vocabulaire médical utilisé et de savoir par exemple qu’une crise cardiaque ou un infarctus du myocarde renvoient bien au même événement médical. Démonstration de la solution Dragon Ambient Experience (DAX) sur le stand Nuance, au congrès HIMSS 2022, le 15 mars 2022. Cette solution permet de capturer la conversation entre le médecin et le patient, puis rédige automatiquement le compte-rendu médical. DAX n’est pas encore présente en France. Cette solution fonctionnant avec le cloud Azure (Microsoft), certains acteurs présents sur le salon se sont posés la question de la protection des données des patients, quand bien même Nuance certifie sa compatibilité avec le RGPD. Regards croisés Pierrick Martin, responsable des achats TIC du GHT44, ancien DSI adjoint du CHU de Nantes “Nous entendons souvent les médecins nous dire qu’il est long et laborieux de rentrer les données. Dans les hôpitaux français, la capture des données est globalement très insuffisante. Tel que le travail est organisé aujourd’hui dans le soin, il y a très peu de situations où le médecin peut à la fois s’occuper de ses patients et des données de ses patients. Dès lors qu’il est face à un patient avec des épisodes récurrents, le médecin ne va jamais lire l’ensemble des comptes rendus médicaux. C’est là que le NLP est pertinent. L’extraction de l’information pertinente est la première demande des médecins. Ces outils sont également intéressants pour la création de cohortes à partir de patients représentatifs. Les agents conversationnels (chatbots) de santé permettent aussi de gérer le DPI à la voix et de délivrer de l’information médicale au patient. Le traitement naturel de la voix me semble aujourd’hui l’une des avancées les plus prometteuses pour que les DSI puissent aller au bout de leur travail qui consiste à correctement informatiser les soignants. Mais les systèmes automatiques peuvent tomber dans tout un tas de pièges linguistiques et nécessitent du temps médecin, que nous n’avons pas, pour les détromper. Le traitement naturel du langage n’est aujourd’hui pas assez fiable pour prendre en charge des patients, sans risques. Par contre, à des fins de recherche ou en post-soins, nous pouvons nous contenter de ces solutions. Mais je reste optimiste. Si des éditeurs comme Epic, qui prend en charge 285 millions de personnes au travers de son dossier patient, intègrent le traitement du langage naturel dans leurs DPI, il va forcément finir par en sortir quelque chose…” Pierre Meyblum, directeur des partenariats chez Nuance “Nuance est un spécialiste de l’IA conversationnelle et permet aux professionnels de santé d’alimenter tous leurs écosystèmes applicatifs et de les piloter à la voix. Cela passe principalement en Europe par une technologie de reconnaissance vocale clinique qui s’appelle Dragon Medical One (DMO), Nous avons fait une étude dans un hôpital du sud de la France et avons calculé que dans un services d’urgence, chaque médecin consacre en moyennes 15 minutes par patient et que sur ce temps, 9 minutes sont consacrées à la saisie de texte. C’est un temps pendant lequel le médecin se retrouve dos au patient, face à son écran. L’objectif de notre solution est de pouvoir récupérer du ‘temps médecin’, où le professionnel sera réellement face au patient. Aux États-Unis, nous allons un cran plus loin, avec une technologie qui s’appelle le DAX (Dragon Ambient Experience) et qui permet de capturer toute la conversation entre le médecin et le patient, d’isoler ce que dit le médecin et ce que dit le patient, de dissocier dans le discours du médecin les concepts cliniques pour aller alimenter directement le DPI et déclencher des actions complexes comme la prise de rendez-vous ou la programmation d’examens complémentaires. Nous comptons aujourd’hui plus de 30 000 utilisateurs en France Pierre Meyblum, directeur des partenariats chez Nuance Nos technologies sont aujourd’hui hébergées sur Azure (le rachat de Nuance par Microsoft a été finalisé le 4 mars 2022, ndlr). Cela nous permet de nous appuyer sur ses technologies pour diffuser nos solutions en Europe et dans le monde. C’était l’un des gros enjeux lorsque nous avons lancé notre projet avec le CHU de Lille pour aider les médecins à fluidifier le parcours patient. Ce lancement s’est fait au pire moment, en plein début de la crise Covid. Les médecins ne pouvaient plus se déplacer et étaient éparpillés sur différents sites. Le fait de s’appuyer sur une technologie Azure nous a permis de mener à bien ce projet car les ressources étaient toujours et partout disponibles. Nous comptons aujourd’hui plus de 30 000 utilisateurs en France et les établissements de santé français sont prêts à intégrer des technologies comme le DAX, mais nous ne le ferons pas exactement de la même manière qu’aux États-Unis. Nous allons prendre les briques qui intéressent le marché français et les adapter. Être présent à HIMSS avec une technologie que l’on retrouve dans les DPI de gros acteurs comme Cerner et Epic peut inviter d’autres éditeurs européens, de plus petite taille et avec lesquels nous collaborons déjà sur notre solution DMO, à aller plus loin”. Bruno Liénard / DSI au CH EpiCURA (Hainaut, Belgique) “En 2015, nous avons testé deux solutions de NLP, l’une d’un éditeur belge, l’autre d’InterSystems. Un néphrologue, acteur dans le groupe de taxonomie médicale du SPF Santé publique en Belgique, a comparé la synthèse automatique générée par le NLP avec sa propre synthèse patient. Beaucoup de termes étaient retrouvés dans la synthèse, avec une précision de l’ordre de 95 %, mais en termes de cohérence, de matchs sur les concepts, nous n’arrivions qu’à une précision de 14 à 20 % selon les produits. La solution n’a pas été retestée par la suite mais nous venons de lancer un marché public pour renouveler notre dossier patient et avons remis dans les options la possibilité d’avoir du NLP, pour pouvoir réévaluer ces éléments. Concernant la reconnaissance vocale, après avoir testé de nombreux produits, nous avons adopté la solution Dragon Medical One de Nuance. Le chef de service en radiologie a été impressionné par cette solution. Quel que soit l’accent de la personne, la manière dont elle s’exprime, nous avons un taux de reconnaissance de l’ordre de 98%. Les secrétaires n’ont plus qu’un travail de relecture à faire. Cela nous permet de récupérer du temps de secrétariat pour accomplir des tâches qui ont plus de valeur ajoutée”. Romain Bonfillon chatbotclouddossier patient informatisééditeurHIMSSLogicielmédecinOutils numériquesPatientSystème d'information Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Enguerrand Habran (Fonds FHF) : "L'essentiel de la valeur vient du capital informationnel" analyses gratuit HIMSS 2022 : les tendances et les innovations à retenir HIMSS 2022 : Trois start-up françaises à la conquête du marché américain