Au même titre que l’ensemble des fonctions des organisations, l’explosion du digital a impacté toutes les fonctions de la communication.
Par Thierry Wellhoff, président de Wellcom et président de Syntec Conseil en Relations Publics
« Ce ne sont pas seulement de nouveaux canaux de diffusion et de nouveaux outils (supports, plateformes, interfaces, réseaux sociaux…) qui sont apparus. Ce sont fondamentalement les publics et les modes de relation que l’on peut entretenir avec eux qui ont changé la donne.
Multiples et connectés, les publics ne sont plus « muets » et peuvent même devenir eux-mêmes des médias à part entière. Les entreprises et les organisations, comme les agences de communication, ne sont plus, on le sait, propriétaires de la majorité des informations qui circulent.
« Des interactions verticales »
Nous sommes passés d’une communication verticale, encadrée, à des interactions horizontales et multiples dont la maîtrise n’obéit plus aux habitudes et aux usages passés. Les frontières entre les publics ont été abolies, les traditionnels relais d’opinion ne constituant aujourd’hui qu’une manière parmi d’autres pour une marque ou une entreprise de s’adresser à ses multiples parties prenantes.
Les relations aux journalistes et aux leaders d’opinion sont dorénavant loin d’épuiser l’ensemble des actions possibles. Désormais, nous accompagnons également nos clients en multipliant les leviers et les modalités d’interaction directement en direction de publics divers, c’est-à-dire, de plus en plus souvent, sans intermédiation ni relais.
Plus que jamais, le métier de la communication n’est pas seulement celui de l’impact, de la séduction ou la stimulation, mais aussi celui de l’expertise relationnelle avec l’ensemble des publics. Cette expertise de la relation qui est celle de la communication d’opinions est devenue indissociable des autres dimensions de la communication qu’il s’agisse de la communication d’image (comme la publicité par exemple) ou de la communication d’engagement (portée notamment par les techniques de marketing opérationnel).
« Les frontières entre le corporate et le marketing se sont abolies »
La communication globale était une invention des années 80 permettant aux agence de proposer à leurs clients un surcroît d’intégration et des services plus nombreux et diversifiés. Elle est devenue aujourd’hui, avec le digital, une nécessité.
Dès lors que vous pouvez trouver au sujet d’une marque, sur le même canal et de n’importe où (votre PC, votre tablette ou votre mobile), aussi bien ses spots de pub, sa communauté de fans, le site corporate de l’entreprise, le blog de l’employé licencié le mois précédent ou toute autre prise de parole d’une partie prenante (client, ONG, actionnaire …), il devient impossible de penser la communication sans en structurer la cohérence.
Les frontières entre le corporate et le marketing se sont abolies. Les publics sont interconnectés. L’image d’une marque et les opinions qui circulent librement à son sujet sont intimement mêlées aux yeux de tous. Le risque réputationnel est désormais à intégrer en amont de toute stratégie de communication. Car le principal actif de l’entreprise (c’est vrai également pour une institution ou un média) est la confiance que l’on peut avoir en sa ou ses marques. Pour paraphraser André Malraux, la communication du 21e siècle sera globale ou ne sera pas.
La confiance attendue des publics, naturellement, ne se décrète pas. Elle est le fruit de plusieurs facteurs que l’on peut mémoriser à travers la règle des « 4C » : Consistance (de la communication, à savoir miser sur l’intelligence des publics), Connivence (personne ne vous écoutera si vous n’entrez pas dans le champ de leurs préoccupations), Cohérence (on retrouve ici la nécessité de la communication globale, unifiée et créatrice de valeur) et enfin Constance (si vous changez de visage trop radicalement ou trop souvent, comment vous faire confiance ?). A cela, il faut ajouter, maintenant que le digital occupe une place centrale, la sincérité de la relation, facteur clef de la confiance.
« Une approche trop morcelée des enjeux de communication au sein des entreprises »
Pour autant, les agences se trouvent souvent confrontées, au sein des organisations, à une approche encore trop morcelée des enjeux de communication. Avec une vision trop court-termiste, sous-estimant l’importance du capital-confiance.
Nous pouvons ainsi avoir pour interlocuteurs en parallèle ou successivement, la direction générale (le plus souvent pour la communication corporate stratégique), la direction de la communication, la direction du marketing, la direction des ressources humaines ou encore la direction des systèmes d’information dont les démarches sont insuffisamment concertées. Souvent empêtrées dans des enjeux de pouvoir interne, les entreprises ont ainsi – par archaïsme le plus souvent – une réelle difficulté à produire une communication aussi harmonieuse qu’efficace.
Cette segmentation des fonctions est bien éloignée du caractère organique et décloisonné de la communication. Elle produit souvent de nombreuses perturbations et dilutions : gestion de la stratégie corporate découplée des enjeux de communication marketing, disjonction entre la marque et les produits, incohérences entre la relation aux clients et aux autres parties prenantes, séparation artificielle entre les ressources numériques et les stratégies digitales (notamment social média).
Si la mutation des agences est engagée, celle des autres organisations, reste encore au pire à entreprendre, au mieux à parachever. Il est urgent de comprendre qu’à l’heure du digital, les enjeux de la communication sont devenus vitaux, intimement reliés aux actifs matériels et immatériels, à la création de valeur de l’entreprise. Les fonctions doivent être connectées et la communication placée au cœur de la démarche managériale.
La communication porte et accompagne l’ensemble des enjeux de l’entreprise vis-à-vis de tous ses publics. Elle doit nécessairement, dans une logique intégrative, prendre la place qui lui revient au cœur des comités exécutifs. »