Accueil > Investissement > En attendant Robinhood, les néocourtiers européens affinent leurs stratégies En attendant Robinhood, les néocourtiers européens affinent leurs stratégies Agrément bancaire, gestion patrimoniale, épargne salariale… À l’heure où les néocourtiers états-uniens arrivent sur le Vieux Continent, les acteurs européens précisent leur stratégie de développement pour mieux se différencier sur un segment de plus en plus concurrentiel. Par Caroline Soutarson. Publié le 29 février 2024 à 6h25 - Mis à jour le 29 février 2024 à 6h46 Ressources Les points clés Dans un contexte de remontée des taux en 2022 et 2023, les applications de trading ont mis en place des services de rémunération des dépôts. Selon la plateforme, ils servent à attirer les prospects, fidéliser les utilisateurs ou encore à faire monter les clients en gamme d’abonnement. Shares et Trade Republic projettent de lancer leur PEA en 2024. L’Américain Webull veut se lancer dans l’Union européenne dans les prochains mois, tandis que Public.com quitte le Royaume-Uni huit mois après son lancement. Les néocourtiers européens lancés durant la dernière décennie ont bénéficié des marchés haussiers post-Covid, du financement en equity lorsqu’il était au plus haut sur le segment fintech – avec la levée de fonds record de 750 millions de dollars de l’Allemand Trade Republic en 2021 – et d’un environnement de taux bas qui poussait les épargnants vers des produits d’investissements risqués. Depuis deux ans toutefois, ces plateformes se réinventent pour fidéliser leurs clients et construire un modèle économique robuste capable d’affronter l’inflation, les marchés baissiers (en 2022), la remontée des taux et la hausse des rendements sur les produits d’épargne peu risqués. Comment les néocourtiers composent avec les marchés baissiers (novembre 2022) Les premières étapes ont consisté à démocratiser l’investissement grâce à la suppression des commissions au prorata des montants investis, puis à ajouter des fonctionnalités d’achat d’actions fractionnées et des plans d’investissement programmés. Pour tenter de maintenir leurs volumes de transactions, la plupart des plateformes ont aussi intégré des cryptoactifs et/ou indices crypto à leur offre. Mais l’effondrement de FTX fin 2022 outre-Atlantique a violemment secoué cette classe d’actifs, obligeant des acteurs comme Trade Republic, Bitpanda, Bux, ou encore Scalable Capital à revoir leur feuille de route une nouvelle fois. En 2023, ils se sont donc tournés vers la rémunération des dépôts. Rémunération des dépôts La remontée des taux directeurs entamée par la Banque centrale européenne (BCE) à partir de juillet 2022 a en effet donné des idées aux néocourtiers européens. Début 2023, tour à tour, chacun a déployé un service de rémunération des dépôts. “Nous transférons l’intégralité des taux directeurs sous forme d’intérêts sur les dépôts non investis de nos utilisateurs, soit 4 %. Ce service est complémentaire aux plans d’investissement programmés puisqu’il y a un délai entre le versement des investisseurs et l’exécution et que les intérêts sont calculés quotidiennement. Jusqu’à 50 000 euros de liquidités peuvent être rémunérées”, précise Vincent Grard, nouveau responsable France de Trade Republic, qui a succédé fin 2023 à Matthias Baccino, désormais directeur des marchés européens du néocourtier. Les intérêts versés, ainsi que les plafonds, diffèrent d’une application à l’autre (voir notre tableau récapitulatif). Le Néerlandais Bux ne monte que jusqu’à 2,75 % par exemple, mais autorise les versements jusqu’à 60 000 euros. Quant à l’Autrichien Bitpanda, la plateforme mise sur des taux d’intérêt croissants en fonction de l’engagement de l’investisseur. “Notre nouveau service Cash Plus permet de percevoir un rendement sur l’argent non investi. Le taux d’intérêt diffère, allant de 3,1 % à 3,49 %, selon le niveau de fidélité de nos clients, calculé en fonction du nombre de BEST, notre token, détenus”, explique Thomas Romain, directeur commercial pour la France depuis septembre 2023. Ce service d’épargne est ainsi devenu un “must have” pour les applications de trading. Preuve en est, le nouvel entrant Shares – qui a attaqué l’Hexagone à partir de novembre 2023 – devrait ajouter la fonctionnalité dans les prochains mois. “La rémunération des dépôts, que ce soit sous forme de fonds monétaires ou d’intérêts sur le cash, est à l’ordre du jour”, assure son cofondateur et président Benjamin Chemla. Ces produits sont aussi un levier d’acquisition. “Certains clients n’utilisent que le service de rémunération des dépôts”, avoue Vincent Grad de Trade Republic. Pour Scalable Capital, cet objectif d’acquisition est orienté vers l’abonnement premium (5 euros) puisque les clients des offres gratuite et plus bas de gamme (3 euros) n’y ont pas accès. “Les nouveaux clients de Prime+ bénéficient d’un taux d’intérêt de 4 % durant quatre mois jusqu’à un million d’euros, puis 2,6 % après, jusqu’à 100 000 euros”, déclare Marc Braun, country manager France et Pays-Bas de la plateforme allemande. Enfin, le service de rémunération des dépôts peut constituer une stratégie de différenciation par rapport à des concurrents indirects. “Généralement, les utilisateurs viennent sur Bitpanda pour investir. Mais Cash Plus permet de nous distinguer par rapport à Binance ou Kraken”, évalue Thomas Romain. Seule ombre au tableau, la particularité du marché français en termes de produits d’épargne, qui a une incidence sur l’attractivité de ce genre de dispositif. En effet, “en France, ce service amène peu de nouveaux clients car le Livret A [et le LDDS, Ndlr] existe[nt], sans parler du LEP”, constate Marc Braun. Selon la Banque de France, fin 2022, “55,1 millions [de livrets A étaient, Ndlr] détenus par des personnes physiques”, dont près de 10 % avaient atteint le plafond. Trading d’obligations En parallèle, une nouvelle classe d’actif est aussi apparue sur certaines plateformes, notamment celles allemandes : les produits de taux. “Les obligations sont devenues à nouveau intéressantes avec la remontée des taux d’intérêt”, explicite le country manager France de Trade Republic. Scalable Capital propose ainsi des “ETF obligataires à maturité, des “iBonds” émis par BlackRock”, dont l’échéance maximale est fixée à 2028, décrit Marc Braun, de Scalable Capital. Les obligations de Trade Republic couvrent elles des maturités plus longues, allant jusqu’à 2072 pour l’échéance la plus éloignée. L’exécution des ordres est réalisée via le LS Exchange (Lang & Schwarz Exchange). Comme pour les autres actifs, Trade Republic propose l’investissement en obligations à partir d’un euro, au prix d’un euro l’ordre. Trade Republic, nouveau concurrent de Revolut, N26 et bunq ? Si les deux plateformes allemandes ont en commun d’étoffer leur gamme de produits d’investissement, leurs stratégies de développement diffèrent. Trade Republic a en effet obtenu un agrément d’établissement de crédit en décembre 2023 et développe subséquemment des produits bancaires qui ne relèvent pas de l’investissement. La fintech a annoncé l’arrivée imminente de cartes de paiement Visa sans frais d’abonnement, un service que propose son concurrent Bitpanda depuis trois ans déjà. Trade Republic s’en différencie avec l’absence de frais de change et l’ajout d’un “saveback”, une sorte de cashback de 1 % du montant payé versé par la fintech et directement orienté sur un plan d’investissement du payeur. De manière similaire, la carte de Bitpanda permet de payer directement avec ses actifs investis (crypto, métaux précieux, actions, etc.) et de recevoir un cashback en cryptoactifs. Chez Trade Republic, des comptes courants devraient suivre, selon le média allemand Finance FWD. Dans une interview sur la chaîne YouTube Libre&Riche fin janvier 2024, Matthias Baccino sous-entend aussi qu’à terme, Trade Republic proposera du crédit immobilier. Et avant cela, d’autres classes d’actifs devraient être intégrées sur la plateforme (sont déjà présentes : les actions, ETF, produits dérivés, crypto et obligations), indique-t-il. Malgré ces ambitions affichées, le country manager France Vincent Grard se refuse à présenter Trade Republic comme un potentiel concurrent des principaux challengers comme Revolut ou N26. “Notre objectif est de faire augmenter l’épargne des gens. Et l’acquisition d’une licence bancaire n’est qu’un des moyens pour y arriver”, assure le responsable. Malgré l’absence d’abonnements, Trade Republic continue de diversifier ses sources de revenus. Pour rappel, l’entreprise a recours au controversé “payment for order flow” ou paiement pour flux d’ordre (voir encadré), en plus des frais liés aux ordres, désormais complétés par les frais d’interchange, de retraits et de commandes de cartes physiques (5 euros pour une carte standard et 50 euros pour une carte dite Miroir en acier. Ces nouvelles recettes viennent consolider un modèle économique rentable puisque Trade Republic a indiqué début 2024 avoir enregistré son premier bénéfice net lors de son exercice comptable 2023. “Après un exercice 2022 difficile, au cours duquel le néocourtier a enregistré une perte de plus de 100 millions d’euros, l’entreprise réalise désormais un bénéfice de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros”, selon le média allemand Finance FWD. La fintech revendique 4 millions de clients, “dont plusieurs centaines de milliers en France” et 35 milliards d’euros d’actifs sur la plateforme, “dont 18 milliards l’an dernier [en 2023, Ndlr], puisqu’on a doublé nos encours”, précise Matthias Baccino, toujours au micro de Libre&Riche. “L’Allemagne est notre marché coeur. Ensuite viennent la France, l’Italie, l’Espagne et l’Autriche”, complète Vincent Grard. Avec la fin du PFOF dans l’UE, certains néocourtiers doivent revoir leur modèle économique Trade Republic a réussi à être rentable sur son exercice 2022. Mais désormais, la fintech va devoir faire une croix sur l’une de ses sources de revenus : le paiement pour flux d’ordres (ou payment for order flow – PFOF), une pratique qui consiste à être rémunéré pour la transmission d’ordres à des teneurs de marché. Cette dernière est controversée car elle peut créer des conflits d’intérêt entre les courtiers (qui pourraient privilégier les market makers qui les rémunèrent le plus) et leurs clients (dont les ordres doivent s’effectuer selon le principe de la meilleure exécution). Alors que le PFOF était autorisé dans quelques pays, parmi lesquels les États-Unis et l’Allemagne, le Conseil et le Parlement européens se sont accordés sur son bannissement de l’UE, à compter de la date d’adoption de la révision de la deuxième directive concernant les marchés d’instruments financiers (MIF 2). “Le compromis dégagé [le 29 juin 2023, Ndlr] introduit également la possibilité pour les États membres dans lesquels la pratique du paiement pour les flux d’ordres existait déjà la possibilité d’exempter de l’interdiction les entreprises d’investissement relevant de leur juridiction, à condition que le paiement pour les flux d’ordres ne soit fourni qu’à des clients établis dans cet État membre. Toutefois, cette pratique doit être progressivement abandonnée d’ici au 30 juin 2026”, clarifie le Conseil de l’UE dans un communiqué. Les néocourtiers allemands Trade Republic et Scalable Capital sont directement touchés. “Le bannissement ne remet pas en question notre grille tarifaire. Le PFOF représente une faible partie de nos revenus”, affirme Vincent Grard (Trade Republic avait par ailleurs publié en 2021 une étude montrant que le PFOF ne lèse pas les investisseurs particuliers). “L’avantage prix que nous confère notre avance technologique et d’innovation reste le même. Nous avons par ailleurs depuis toujours un business model diversifié”, soutient Marc Braun de Scalable Capital. Les deux acteurs s’appuient notamment sur les frais liés aux transactions, ainsi que sur “les rétrocessions des émetteurs d’ETF et le partage des frais de gestion”, liste Vincent Grard. Les néocourtiers états-uniens qui sont arrivés au Royaume-Uni cette année ont aussi dû revoir leur modèle économique. Webull a décidé de revenir à la commission tandis que Robinhood et Public.com ont davantage misé sur le prêt de titres – un mauvais calcul pour Public.com dont City A.M. a révélé le 26 février 2024 le départ du Royaume-Uni en mai 2024. Bitpanda multiplie ses clientèles À l’heure actuelle, le principal néocourtier concurrent de Trade Republic est l’Autrichien Bitpanda et ses 4,3 millions de clients en direct en Europe, “dont 60 % sont basés en Allemagne, en Autriche et en Suisse”, précise Thomas Romain, directeur France pour le BtoC. Les deux fintech suivent toutefois des stratégies de développement radicalement différentes. Depuis plusieurs années désormais, Bitpanda a décidé de capter plusieurs clientèles cibles : les particuliers mass-market, les investisseurs professionnels (Bitpanda Pro), les fintech et institutions financières via un service en marque blanche (Bitpanda Technology Solutions – BTS), les entreprises classiques (placement de trésorerie), et depuis quelques semaines, les grandes fortunes (Bitpanda Wealth). Pour mettre de l’ordre dans ses activités, le groupe Bitpanda s’est d’ailleurs séparé de Bitpanda Pro en 2023, devenue One Trading. “À l’heure actuelle, nous ne privilégions aucun axe de croissance par rapport à un autre”, assure à mind Fintech Wolf-Alexis Puttfarken, directeur commercial France et Benelux pour la section BTS (BtoBtoC). L’activité BtoBtoC permet justement à Bitpanda de toucher des millions de prospects sans passer par son propre budget marketing. “Notre API, utilisable en autonomie, est disponible dans les 27 pays de l’Union européenne, précise le responsable. Via nos partenaires, nous pouvons toucher jusqu’à 20 millions de clients.” Parmi eux : les fintech Lydia, N26 et Plum, mais aussi la banque autrichienne Raiffeisen Bank depuis fin janvier 2024. Ainsi, en France par exemple, “le rapport 2023 de l’Adan et de KPMG indique que Bitpanda [qui est l’un des sponsors de l’étude, Ndlr] est la sixième plateforme sur laquelle les Français investissent en crypto en direct. Mais si on compte ceux de nos clients partenaires [Lydia essentiellement, Ndlr], nous arrivons à la troisième place”, rappelle Wolf-Alexis Puttfarken. Avec ce succès, Bitpanda tente de voir plus loin. Début 2024, la fintech a annoncé le lancement de Bitpanda Wealth pour les segments UHNWI (ultra high net worth individuals) et HNWI (high net worth individuals). “Les opportunités d’investissement en crypto pour cette clientèle sont peu nombreuses et prennent souvent la forme d’ETF. Et quand on en vient au staking, alors il n’y a plus de solution du tout. Bitpanda Wealth est pour eux”, décrit Nicolas Huber, VP de la nouvelle entité, composée “de 3 personnes pour l’instant”. Bitpanda axe ses efforts sur les crypto Que ce soit en BtoC ou en BtoBtoC, Bitpanda se différencie par son approche historique tournée vers les cryptoactifs, malgré une panoplie d’autres actifs proposés sur la plateforme (actions, ETF, métaux précieux, matières premières…). “En 2023, nous avons développé Spotlight, une fonctionnalité qui donne accès aux nouveaux projets crypto, ou encore l’investissement dans des produits à effet de levier sur les cryptoactifs. Nous avons travaillé sur ces derniers pour capitaliser sur la volatilité des cryptoactifs. Ils sont disponibles pour une dizaine de crypto, dans des positions longues et courtes, avec un levier limité à x2. De manière générale, nous opérons un rebalancement journalier pour limiter les pertes de nos clients, notamment pour les néo-investisseurs”, décrit Thomas Romain. En cela, Bitpanda se bat plus frontalement avec les courtiers crypto qu’avec les néocourtiers généralistes européens qui, pour la plupart, restent prudents sur cette classe d’actifs. “Nous ne poussons pas les cryptoactifs, bien qu’ils puissent permettre de diversifier les plans d’investissement pour certains profils de personnes, avoue Vincent Grard, de Trade Republic. Nous opérons d’ailleurs une sélection et n’en proposons que 54 en France, les plus capitalisés et les plus liquides.” Scalable Capital a elle opté pour des ETP crypto et non de l’investissement en direct (voir plus bas). Avant le déploiement de son application au Royaume-Uni en 2022, Benjamin Chemla (Shares) était aussi partagé sur la mise en place de ces actifs alternatifs. “Nous avons pris la décision de ne pas proposer de cryptoactifs au lancement. Notre mission de départ n’est pas d’être une plateforme de spéculation”, entendait-il alors – un discours aussi très employé chez les plateformes allemandes qui vantent plutôt le DCA (dollar-cost averaging) et l’investissement de long terme en ETF. Mais face à la montée de la demande pour ces actifs, les néocourtiers se sont alignés. “En décembre [2023], les transactions crypto représentaient un quart du volume des flux sur la plateforme [Shares]”, constate Benjamin Chemla. Sur le marché français, cette tendance se traduit aussi par des efforts réglementaires : quatre des cinq néocourtiers européens que nous avons interrogés (qui sont ceux ayant récolté le plus de fonds), ont demandé et obtenu un enregistrement PSAN auprès de l’Autorité des marchés financiers. La liste des PSAN enregistrés et agréés auprès de l’AMF Bitpanda refoulé au Royaume-Uni et aux Pays-Bas Malgré son agrément d’établissement de monnaie électronique et plusieurs licences équivalentes PSAN en Europe, Bitpanda connaît depuis plusieurs mois des problèmes réglementaires dans certains pays. Au Royaume-Uni, marché dans lequel la société exerce via sa filiale Bitpanda UK Limited créée en 2017 (ante Brexit), la société a arrêté l’onboarding de nouveaux clients. “Nos clients britanniques ont toujours accès à leurs comptes et à l’application. Par contre, nous ne pouvons pas enregistrer de nouveaux clients car nous ne sommes pas encore régulés par la FCA et, depuis le 8 octobre dernier et l’arrivée de la nouvelle régulation locale FinProm, nous avons été dans l’obligation de retirer une partie de notre présence web au Royaume-Uni”, explique à mind Fintech Thomas Romain. Cette cessation ne devrait être que temporaire, le temps que Bitpanda se mette en conformité avec la réglementation locale. Au programme : davantage de mise en avant des risques liés au trading de cryptoactifs, la suppression des incitations liés à cette activité, ainsi que la mise en place d’un QCM sur les connaissances crypto qui jouera sur les produits à mettre en avant en fonction de l’investisseur, indique l’entreprise dans sa FAQ. Quelques mois plus tard, la fintech a aussi dû quitter les Pays-Bas. Depuis le 1er février 2024, les utilisateurs néerlandais du néocourtier ne peuvent plus trader sur la plateforme, et ils avaient jusqu’au 26 février pour retirer ou transférer leurs actifs. Bitpanda leur a recommandé de passer chez le courtier crypto batave Bitvavo. “Le problème est similaire, assure Thomas Romain. La régulation nous impose ce changement.” Si l’entreprise ne l’affiche pas clairement, inciter ses clients à passer chez un concurrent sonne néanmoins comme un délaissement complet du marché néerlandais (ce qui n’est pas le cas au Royaume-Uni). Scalable Capital, spécialiste des ETF Scalable Capital est le seul des cinq néocourtiers évoqués qui n’est pas régulé en tant que prestataire de services crypto. Et pour cause, ce dernier ne propose pas de trading sur actifs numériques mais des ETP crypto (une sous-catégorie d’ETF). La société a effectué un choix similaire pour son offre d’obligations. Scalable se différencie de cette manière, en proposant une large d’offre d’ETF qui couvrent plusieurs classes d’actifs, à côté des actions que le plateforme propose en propre. Cette spécialisation va de pair avec la clientèle de la plateforme : “nos clients sont des nouveaux investisseurs, plutôt passifs”, estime Marc Braun. Elle résulte aussi de l’activité initiale du néocourtier, qui s’était d’abord lancé en tant que robo-advisor en Allemagne en 2016 (contre 2020 pour le service de néocourtage). En novembre 2022, Marc Braun indiquait à mind Fintech que ce service “arrivera[it] bientôt en France”. 15 mois plus tard, le responsable ne souhaite plus se prononcer sur le sujet. “Nous ne communiquons pas de date au préalable.” Pourtant, la fintech est encore en phase de croissance. Elle a annoncé en décembre 2023 une extension de sa levée de fonds en Série E de 60 millions d’euros, intervenue 18 mois après la première partie de l’opération (150 millions d’euros), durant laquelle elle a conservé sa valorisation de 1,4 milliard de dollars. “En 2024, nous continuons d’étendre notre offre dans nos marchés existants” (Allemagne, Autriche, Italie, France, Espagne et Pays-bas), répond seulement Marc Braun, sans entrer dans les détails. Actuellement, l’entreprise revendique 17 milliards d’euros d’actifs sous gestion et 600 000 clients (fin 2022, la fintech revendiquait le même nombre d’utilisateurs mais 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion). Concernant les résultats de l’entreprise, “l’heure n’est pas encore à la rentabilité à cause de nos activités marketing qui accompagnent notre stratégie de croissance”, commente Marc Braun. Bux détruit son offre avant son rachat par ABN Amro Malgré un nombre de clients stagnant, Scalable Capital en revendique désormais plus que son concurrent batave Bux, dont l’offre s’est étiolée durant les six derniers mois et avec, son nombre d’utilisateurs. “Nous comptons 500 000 clients”, indique fin 2023 la société à mind Fintech, soit moitié moins qu’un an auparavant et ce, malgré une opération de croissance externe. En décembre 2023, Bux a en effet mis la main sur l’activité BtoC de son homologue espagnol Ninety Nine. Au plus haut de son activité, Bux dénombrait trois plateformes différentes : Stryk (dédiée aux produits dérivés), Bux Crypto et Bux Zero (trading d’actions et ETF sans commission). Après avoir intégré Bux Crypto à Bux Zero entre 2022 et 2023, la fintech a fermé son service Stryk le 12 octobre 2023. “Notre souhaitons nous concentrer davantage sur l’investissement à moyen et long terme”, justifiait alors l’entreprise. Deux mois plus tard, la société est rachetée par ABN Amro. À cette occasion, une autre partie de la proposition de valeur est sur le point d’être retirée : le trading de cryptoactifs. “Bux cessera d’offrir des services crypto à compter du 18 mars 2024. Les clients de Bux peuvent migrer leurs positions vers [le courtier crypto néerlandais, Ndlr] Coinmerce ou les vendre jusqu’à cette date”, détaille la société. La nouvelle filiale d’Abn Amro est donc devenue un néocourtier actions et ETF, avec un recul en termes de produits qui va dans le sens inverse de ses concurrents. La société n’a pourtant pas vocation à s’effacer avec cette acquisition. “Bux fera partie de la Wealth Product Unit [d’Abn Amro, Ndlr]. Nous fonctionnerons comme une entité distincte. Une gouvernance solide sera mise en place pour assurer la coopération et l’alignement sur la stratégie d’Abn Amro et pour se conformer à sa politique. La marque Bux continuera d’exister”, assure la société à mind Fintech. Selon Finance FWD, qui cite le média néerlandais Het Financieele Dagblad, Abn Amro aurait déboursé 100 millions d’euros pour cette opération. “L’acquisition […] n’a presque rien coûté par rapport à la valorisation d’il y a deux ans”, analyse sur LinkedIn Rutger Betlem, l’un des deux journalistes de l’article du Het Financieele Dagblad. Les déséquilibres financiers de Bux, déjà probablement à l’origine de la fermeture de Stryk, ont aussi motivé ce rachat. Pour son exercice comptable 2022, la société affichait des revenus de 2,52 millions d’euros pour une perte de 16 millions d’euros, selon les documents financiers consultés par Reuters. À noter que Bux est le seul néocourtier de notre panel à proposer une option d’ordre de trading complètement sans frais. “L’agrégation des ordres en fin de journée permet de considérablement réduire les frais d’exécution”, expliquait à mind Fintech le cofondateur et CEO de Bux Yorick Naeff en 2021. Shares se concentre sur la France Alors que Bux réduit la voilure, le nouvel entrant Shares multiplie les projets. Créé en France en 2021 et lancé au Royaume-Uni en 2022 avec une offre de trading social, le néocourtier a déployé son application dans l’Hexagone en novembre 2023. Avec plus de 100 000 comptes titres créés sur la plateforme et plus de 150 000 utilisateurs outre-Manche en 18 mois (un utilisateur peut accéder à la brique réseau social sans nécessairement investir), Shares entend bien renouveler son succès en France, dont il veut faire son marché cœur. Pour y faire sa place, le néocourtier entend l’attaquer avec plusieurs services au sein de la même application : le trading à destination des particuliers, la gestion de trésorerie, ainsi que l’épargne salariale. Côté particuliers, Shares propose actuellement en France de l’investissement en actions, ETF et crypto sur des comptes titres (au Royaume-Uni, Shares n’est pas encore régulé pour offrir des cryptoactifs). Mais ce n’est que le début. “Nous souhaitons construire une solution qui plaît à la fois aux traders avec des outils avancés, et des enveloppes d’épargne de plus long terme pour attirer les épargnants. Notre objectif est de construire une application sur-mesure pour le marché français, en introduisant notamment un PEA (plan d’épargne en actions, Ndlr) qui permettra de nous différencier par rapport aux autres plateformes”, prévoit le président de Shares Benjamin Chemla. Le PEA n’est en effet proposé par aucun des néocourtiers présents en France, malgré ses avantages fiscaux par rapport au compte titres. Depuis 2021 et son arrivée en France, Trade Republic indique travailler dessus dans le cadre d’une stratégie de localisation. Mais trois ans plus tard, le produit n’a toujours pas vu le jour. Matthias Baccino (Trade Republic) assure dans l’interview à Libre&Riche que le PEA arrivera en 2024. “C’est l’une des priorités de l’entreprise. L’obtention de la licence bancaire a permis de déverrouiller un levier réglementaire, permettant d’accélérer sa création”, complète Vincent Grard, qui préfère quant à lui ne pas s’avancer sur la date de déploiement. Du côté de Shares, les trois années de labeur de son concurrent allemand n’effraient pas Benjamin Chemla. “La mise en place du PEA est compliquée mais pas impossible pour nous qui sommes teneurs de compte et PSI (prestataire de services d’investissement, Ndlr).” Autres services aux particuliers sur la roadmap de Shares : la rémunération des dépôts (voir début de l’article) et “nous discutons avec des assureurs pour éventuellement proposer à terme de l’assurance vie, mais ce n’est pas immédiat sur notre feuille de route”, évoque Benjamin Chemla. Les PEA ne prennent pas en compte les actions fractionnées Dans la course au PEA, un grain de sable chiffonne les coureurs. Alors que les néocourtiers proposent désormais tous une fonctionnalité d’achat d’actions fractionnées – emblème de la démocratisation de l’investissement en actions, les PEA ne sont réglementairement prévus que pour des actions entières, observe Robin Jacquet, chef de projet réglementaire chez Shares. Le responsable appelle de ses vœux l’AMF à légiférer sur le sujet, comme le Trésor britannique l’a fait il y a quelques mois avec l’ISA (l’équivalent britannique du PEA). Effectivement, “le gouvernement a l’intention d’autoriser certains contrats d’actions fractionnées en tant qu’investissements éligibles à l’ISA et s’engagera avec les parties prenantes sur sa mise en œuvre”, déclarait le Trésor britannique à l’automne 2023. La FCA, ainsi que l’administration fiscale HMRC prendront notamment part aux discussions. Ce changement de législation intervient après une mobilisation de la place outre-Manche. Robin Jacquet indique à mind Fintech vouloir faire de même dans l’Hexagone. “Nous avons déjà commencé à travailler pour fédérer des acteurs du secteur sur le sujet.” Shares cible aussi les entreprises pour diversifier ses revenus Pour les entreprises, “au premier trimestre 2024, nous mettons la priorité sur le déploiement d’un compte qui permettra d’investir sa trésorerie”, poursuit Benjamin Chemla. En parallèle, le dirigeant veut également attirer les entreprises éligibles à l’épargne salariale. “L’épargne d’entreprise est la suite logique pour accompagner les Français dans leur rapport à l’épargne. Les salariés comprennent peu ce système et les frais qui y sont associés. Nous souhaitons donc proposer des produits variés, grâce à l’offre en architecture ouverte de notre partenaire Oddo, en poussant notamment les fonds indiciels pour les PEE (plans d’épargne entreprise, Ndlr) et PER (plan d’épargne retraite, Ndlr), ainsi qu’une application sur smartphone avec un volet social pour animer le rapport à l’épargne retraite”, présente Benjamin Chemla. Le cofondateur de Shares imagine par ailleurs une application unique pour que l’utilisateur final puisse à la fois gérer son épargne d’entreprise ou sa trésorerie et ses investissements personnels. Cette multi-offre pourrait même aider à attirer de nouveaux clients, selon lui. “Le salarié qui se voit pousser la plateforme RH peut ensuite ouvrir un PEA. Nous cherchons aussi des intermédiaires (comptables, courtiers…) qui recommanderont notre solution.” Avec ces stratégies multiples, Shares construit un modèle de revenus diversifié moins dépendant du seul volume de transactions et de l’environnement marché. La fintech est toutefois à la recherche de la combinaison parfaite de recettes, notamment concernant son offre aux particuliers et la mise en place d’abonnements dédiés (voir encadré). Le recours aux abonnements permet à la fois de fidéliser sa clientèle tout en s’assurant de revenus récurrents. “En plus des futurs revenus liés aux abonnements, nous pouvons nous appuyer sur les frais de transaction à un euro, et nous prélevons aussi un pourcentage de 0,5 % sur les encours des plans d’épargne entreprise”, indique le dirigeant. Shares rétropédale sur ses offres d’abonnement Le 29 décembre 2023, soit un mois après son lancement dans l’Hexagone, Shares a envoyé à ses utilisateurs français un mail concernant l’arrivée prochaine de deux offres d’abonnement, ainsi que l’introduction de frais de garde, dont le taux devait dépendre de l’offre choisie (voir tableau). Mais moins de deux semaines plus tard, le 10 janvier 2024, Shares a fait machine arrière. “Nous avons finalement décidé d’annuler l’introduction de ces frais de garde ainsi que de suspendre temporairement le lancement des formules d’abonnement. […] Vous pourrez bientôt sélectionner jusqu’à vingt actifs dans lesquels vous investirez gratuitement grâce à vos plans d’investissement.”, informe le nouveau mail, signé Benjamin Chemla. À ce sujet, ce dernier déclare à mind Fintech : “nous allons introduire des abonnements avant l’été 2024 mais nous souhaitons d’abord comprendre notre bassin d’utilisateurs afin d’adapter les offres aux modes d’usage. Il y aura celui des investisseurs actifs d’une part, qui cherchent un abonnement pour limiter leurs frais de transaction, et celui des passifs, avec des investissements programmés”. En tant que dernier entrant sur le marché, Shares doit s’assurer de l’attractivité de son offre. À part Scalable Capital, les autres néocourtiers de notre panel n’ont pas mis en place d’abonnement – et même le montant de l’abonnement premium de Scalable Capital (4,99 euros) est inférieur à l’abonnement le moins cher évoqué par Shares en décembre (7,99 euros). Mais Benjamin Chemla estime que ce ne sera pas un frein. “L’abonnement est répandu chez les legacy brokers comme Fortuneo, Bourse Direct, Boursorama, etc. mais aussi chez Revolut, dont les frais de transaction crypto sont dégressifs en fonction du prix de l’abonnement, ou encore chez [le néocourtier britannique, Ndlr] Freetrade”, argumente-t-il. Quant au rétropédalage sur le coût du futur plan d’investissement et son passage à la gratuité, il ressemble à un alignement sur le reste de la concurrence. Surtout que ce service, contrairement à ceux de Bitpanda, Trade Republic et Scalable Capital, ne s’appliquera pas aux actifs numériques, précise le mail. La multiplication des chantiers produits à désormais pris le pas sur la stratégie d’expansion à l’international détaillée par Benjamin Chemla à mind Fintech début 2022. Celle-ci prévoyait notamment une expansion européenne en 2022, avec des recrutements lancés dans la plupart des sous-régions (nordique, DACH, Benelux, Europe du Sud…), puis “d’ici la fin 2022 ou en 2023, nous nous attaquerons à des zones hors Europe comme l’Asie et l’Amérique du Sud”, imaginait alors le président de Shares. Bien que la plateforme soit disponible dans quelques pays européens (Royaume-Uni, Pologne, Belgique et France), la couverture a finalement été réduite. “Nous sommes toujours présents en Pologne et en Belgique mais nous avons mis nos projets de lancement dans les pays nordiques et en Allemagne en pause. Nous nous concentrerons principalement sur la France en 2024. Puis nous irons en Europe de l’Est, première zone géographique en termes d’adoption des néobanques, mais sur laquelle il n’y a pas de leader dans le trading”, selon Benjamin Shares. En priorisant la France, Shares délaisse aussi un peu son premier marché outre-Manche, où une grande partie de ses équipes travaille. “Au Royaume-Uni, le marché est très compétitif. Nous souhaitons y grossir de manière organique pour l’instant, en attendant de sortir l’ISA sur lequel nous travaillons. Lorsque nous le lancerons, nous redoublerons d’efforts marketing”, assure le dirigeant. Robinhood, Webull et Public.com se sont lancés au Royaume-Uni Le marché britannique, en tant que grande place financière, est en effet historiquement le terrain de jeu de nombreuses plateformes d’investissement. Et au second trimestre 2023, la concurrence s’est corsée avec l’arrivée de trois néocourtiers états-uniens : le pionnier Robinhood, le spécialiste du social trading Public.com et l’international Webull, qui a annoncé le 28 février 2024 sa fusion avec une Spac cotée sur le Nasdaq pour une valorisation de 7,3 milliards de dollars. Pour les deux premiers, le déploiement en dehors de leur marché domestique sonne comme la recherche d’un regain de croissance – le nombre d’inscrits sur Robinhood stagne depuis deux ans (voir graphique) – même si, dans le cas de Robinhood, l’expansion au Royaume-Uni était déjà évoquée ante Covid (voir encadré). Concernant Webull, le Royaume-Uni rejoint une liste intercontinentale de pays déjà lancés (voir plus bas). Robinhood au Royaume-Uni : la troisième tentative sera-t-elle la bonne ? Robinhood et le Royaume-Uni se tournent autour depuis cinq ans. Dès 2018, Robinhood a recruté son premier responsable pour ce marché en la personne de Wander Rutgers. Un an plus tard, le géant américain a communiqué sur le feu vert de la FCA pour opérer en tant que courtier sur le sol britannique et avait même lancé une liste d’attente. Mais la crise sanitaire met en pause ce lancement. Quelques années plus tard, le projet est remis sur la table. Post-Covid et post-IPO, le néocourtier annonce en 2022 son intention d’acquérir le wallet crypto britannique Ziglu, régulé en tant qu’institution de monnaie électronique et société de cryptoactifs auprès de la FCA. Mais coup de théâtre : avec le durcissement des conditions de marché, Robinhood tente de renégocier l’accord avec Ziglu et abaisse de près de 100 millions de dollars son offre de rachat avant de, plusieurs mois après, finalement clôre les discussions, peut-on lire dans son rapport financier du premier trimestre 2023. “Comme nous nous attendions à ce que l’équipe et la technologie de Ziglu contribuent à accélérer notre expansion internationale, la résiliation de l’accord a retardé nos projets d’expansion de nos activités en Europe, en particulier en ce qui concerne le trading de cryptoactifs”, y explique la société. Alors le troisième essai sera-t-il le bon ? Fin 2023, Robinhood a annoncé le lancement d’une nouvelle liste d’attente auprès de la population britannique pour une offre de trading d’actions américaines sans commission… et même la mise à disposition de son service de trading crypto pour les habitants de l’Union européenne grâce à la sollicitation inversée (reverse sollicitation), qui consiste à pouvoir capter des clients intra-UE sans pouvoir les démarcher directement. En effet, si l’entité Robinhood Europe UAB a obtenu des licences d’opérateur d’échanges de monnaie virtuelle et d’opérateur de wallet dépositaire de monnaie virtuelle auprès du régulateur lituanien, le passeport européen de CASP (crypto-asset service provider ou prestataire de services sur cryptoactifs - PSCA) n’est pas encore disponible (il arrivera avec l’entrée en application du règlement européen crypto MiCA le 30 décembre 2024). Pour cette troisième tentative, Robinhood a misé sur Jordan Sinclair (président de Robinhood U.K.), ancien managing director pour l’Europe du néocourtier Freetrade, pour gérer l’activité britannique. Il est arrivé à l’été 2023, un an après le départ de son prédécesseur James Loat pour la société de paiement basée sur Bitcoin, Strike. “Le Royaume-Uni est un marché difficile, confirme en janvier 2024 Nick Saunders, CEO de Webull Securities UK et ancien CEO de Trading 212. Nous anticipons l’arrivée de Robinhood, qui s’est implanté avec succès aux États-Unis. Quant à Public.com, nous pensons que nos prospects préfèreront notre autorisation directe d’exercer obtenue auprès de la FCA [Public.com s’appuie sur la société Khepri Advisers Limited. Depuis notre interview de Nick Saunders, Public.com a confirmé qu’il quitterait le Royaume-Uni en mai 2024 - voir encadré, Ndlr], ainsi que notre offre. Concernant les concurrents nationaux, nous comptons engendrer des changements de comptes [des courtiers nationaux vers Webull, Ndlr] grâce à une stratégie commerciale agressive durant nos premiers mois d’implantation.” Huit mois après son lancement au Royaume-Uni, Public.com fait machine arrière Le néocourtier Public.com, qui avait annoncé son arrivée outre-Manche en juillet 2023, change finalement de stratégie. “Public a décidé de suspendre ses activités au Royaume-Uni afin de pouvoir concentrer son énergie et son attention sur la poursuite de la croissance de ses activités aux États-Unis [...]. À long terme, nous savons que Public sera disponible au Royaume-Uni, en Europe et au-delà”, indique la société dans sa FAQ. Les investisseurs britanniques ont jusqu’au 12 avril pour vendre leurs investissements et jusqu’au 24 pour retirer l’argent qu’ils ont sur la plateforme, informe le néocourtier. “Pour tous les retraits effectués à partir du 26 février 2024, Public renonce à ses frais de conversion de devises et vous dédommage pour les frais de change de tiers. Public vous dédommage également pour retrouver une position financière équivalente si vous choisissez d'ouvrir un compte auprès d'une autre plateforme.” Du côté des néocourtiers européens, aucun n’exprime publiquement d’inquiétude face à l’arrivée du néocourtier aux 23 millions d’inscrits (dont plusieurs “dizaines de milliers de clients internationaux”) Robinhood en Europe continentale, avec son offre de trading crypto dans un premier temps. “Robinhood propose une application plus gamifiée que la nôtre et cible par conséquent un public plus jeune - la moyenne d’âge de nos clients s’élève à 35 ans - et au comportement d’investissement plus actif que passif”, justifie Marc Braun de Scalable Capital. “La concurrence n’influence pas la stratégie de notre entreprise”, se targue de son côté Vincent Grard, espérant que le pivot de Trade Republic vers la néobanque lui assure quelques coups d’avance. Outre-Atlantique, Robinhood a en fait poursuivi une stratégie similaire. Bien que dépourvu d’une licence bancaire, le pionnier américain a étoffé son offre de produits ces dernières années. Parmi eux, un compte de paiement et une carte de débit lancés en 2019 (dont l’offre a été renouvelée en 2022 avec notamment l’ajout de fonctionnalités de cashback auprès de partenaires et d’épargne à l’arrondi directement investi - un service aussi proposé par Trade Republic), la rémunération des dépôts ou encore des produits d’épargne retraite… L’ambition pour Robinhood est désormais d’exporter son offre, au sens large, en dehors des États-Unis, comme le précisait son cofondateur et CEO Vlad Tenev lors de sa conférence avec les investisseurs le 13 février 2024. Webull cible l’UE en 2024 Les néocourtiers européens devraient aussi se méfier de Webull, dont l’Europe continentale figure sur la feuille de route. “L’Europe était en ligne de mire depuis un moment, détaille Nick Saunders. Nous commençons avec le Royaume-Uni mais nous souhaitons aussi aller en Allemagne, en France, en Espagne… Nous espérons aller en Europe continentale en 2024. Nous nous baserons dans un pays où le régulateur a bonne réputation pour servir toute la zone. ”, précise le dirigeant - Robinhood s’est de son côté lancé en Europe après l’obtention d’agréments auprès du régulateur lituanien. Avec son incursion en Europe, Webull est désormais présent sur tous les continents sauf l’Océanie. “Nous nous sommes lancés en 2017 aux États-Unis, rappelle Nick Saunders, CEO de Webull Securities UK. Puis, quand nous avons complété notre produit, nous avons décidé de nous étendre au niveau mondial en ouvrant Hong Kong fin 2020. En 2022, nous avons lancé Singapour, le Japon et l’Afrique du Sud, puis le Canada, le Brésil, le Mexique et le Royaume-Uni en 2023.” Webull commence ainsi à avoir une certaine expérience de l’expansion à l’international et mise beaucoup sur l’enjeu de réputation, notamment en termes réglementaires. “Il est compliqué de se contenter de transposer une solution américaine à l’étranger. Nous préférons adapter notre plateforme aux marchés dans lesquels nous sommes, ainsi qu’aux cultures associées, de la langue du site jusqu’à la manière d’échanger avec les régulateurs nationaux”, estime Nick Saunders. Au Royaume-Uni, cette acculturation se traduit notamment par un changement du modèle économique de la plateforme. Alors que Webull s’appuie aux États-Unis sur le PFOF (voir encadré), ”nous prélevons une commission relativement faible [de 0,025 % sur les actions américaines et de 0,03 % sur les actions hongkongaises, au Royaume-Uni, Ndlr] pour couvrir nos coûts”, là où la pratique est interdite, indique Nick Saunders. Reste à convaincre une clientèle qui aura probablement commencé le trading avec les plateformes sans commission. “Les clients qui nous rejoignent ont généralement au moins deux ans d’expérience d’investissement. Ils arrivent à un stade où ils souhaitent plus de fonctionnalités sophistiquées, comme ce que nous offrons avec nos outils d’analyse et de trading”, décrit Nick Saunders. En effet, Webull a mis à disposition de ses clients une panoplie de services, ainsi qu’une version desktop de sa solution - une option plutôt rare chez les néocourtiers, que ce soit chez les Américains ou les Européens (Freetrade a lancé une version beta en 2022 pour ses clients premium). Les néocourtiers européens sont donc prévenus : Webull compte s’attaquer à leurs bases de clients. Caroline Soutarson application mobilenéocourtierPSANtrading Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind