Accueil > Services bancaires > Open banking > Michaël Diguet (Algoan) : “Une grande banque française va basculer en 2024 tous ses parcours de crédit conso sur l’open banking” Michaël Diguet (Algoan) : “Une grande banque française va basculer en 2024 tous ses parcours de crédit conso sur l’open banking” Le spécialiste du credit scoring en open banking Algoan revendique une trentaine de clients, parmi lesquels la quasi-totalité des spécialistes français du crédit à la consommation et du BNPL. Mais les volumes tardent encore à décoller, et les déploiements restent encore restreints à des PoC ou à des cas d’usage ciblés. Une grande banque française devrait pourtant basculer la totalité de ses parcours sur l’open banking en 2024, révèle le CEO Michael Diguet, qui espère que cette étincelle convertira enfin l’ensemble du marché. Par Aude Fredouelle. Publié le 20 février 2024 à 17h17 - Mis à jour le 20 février 2024 à 17h18 Ressources Combien de clients revendique Algoan ? Nous comptons une trentaine de clients en production ou en phase de Proof-of-Concept [Franfinance, Crédit Agricole Consumer Finance (Sofinco), Financo, Docaposte, Toyota Financial Services, Revolut, Provenir, Premista, Pledg, Oney, Mastercard, Floa, Cofidis, Alma, etc., Ndlr]. D’autres ont été signés récemment, dont une dizaine au dernier trimestre 2023. Parmi eux figure Carrefour Banque, par exemple. Nos clients sont en grande majorité des filiales dédiées au crédit à la consommation de grandes institutions bancaires et des fintech spécialistes du paiement fractionné. A la marge, nous intervenons aussi sur des cas d’usage de rachat ou de regroupement de crédit, et de crédit immobilier, comme avec le courtier Premista, mais nous manquons de forces commerciales pour accélérer sur ce terrain. Un acteur comme Cofidis s’appuie sur nous pour plusieurs cas d’usage : le rachat de crédit, le déploiement chez des e-commerçants, l’octroi en direct, la “seconde chance” [parcours de “repêchage” après un refus, qui a vocation à disparaître quand l’open banking sera déployé sur 100 % des volumes de crédit, Ndlr], et le recouvrement. Lors d’une interview accordée à mind Fintech fin 2021, vous regrettiez que vos volumes soient encore relativement faibles (environ 10 000 appels de scores par mois à l’époque) car la plupart de vos clients ne vous utilisaient que sur une petite partie de leurs volumes. Est-ce que cela a changé ? C’est encore une problématique, et en 2021, je ne pensais pas que la bascule prendrait autant de temps. Nous avons enregistré de très bons résultats commerciaux en 2023 et 2024 s’annonce encore meilleure. Nous signons des contrats très engageants, pluriannuels et avec des licences fixes, ce qui montre la volonté des clients de s’engager sur la durée. Mais nous pensions que la croissance des volumes serait plus rapide. Nous dénombrons autour de 100 000 appels de scores par mois, ce qui reste faible. Certains de nos clients proposent déjà des parcours 100 % open banking, comme Revolut, mais ce ne sont pas les plus gros. Notre client historique Cofidis, par exemple, est très satisfait, mais nous ne sommes encore déployés que sur quelques pourcents de ses volumes. Pour beaucoup de nos clients, l’envie est là, mais il y a eu des freins au niveau de l’IT ou de la conformité. Chez Floa, il s’agit encore d’un PoC. Nous espérons que cela va changer et que la compliance va devenir moteur, notamment dans un contexte réglementaire qui évolue. Révision de la directive sur le crédit : les acteurs du BNPL se préparent à rentrer dans le cadre Je suis persuadé depuis très longtemps que tout le crédit va basculer sur l’open banking car au regard des performances, cela change complètement la donne pour le marché. Personne ne peut s’asseoir sur les gains de performance et le ROI apportés par l’analyse de la donnée transactionnelle et l’open banking.J’avais identifié une première étincelle en 2019 : celle de la prise de conscience par les dirigeants que c’est l’avenir et la volonté d’y aller, avec le lancement de premiers projets. Mais la deuxième étincelle a tardé plus que ce que je pensais. Selon moi, elle viendra d’un grand acteur qui basculera complètement sur l’open banking et qui va imposer à tous les autres d’aller très vite, car personne ne voudra récupérer “l’anti-sélection”. Avec l’open banking, on détecte mieux les mauvais profils et la fraude est quasiment impossible. Donc, si un leader convertit tous ses parcours, les mauvais profils et les fraudeurs iront chez les autres. Je suis convaincu que cela lancera un phénomène moutonnier d’accélération. Cela devrait devenir une réalité cette année : un grand établissement bancaire de la place souhaite en effet effectuer cette bascule complète avec nous. Il a déployé notre solution il y a environ six mois chez un marchand en particulier, qui représente peut-être 1 % des volumes que l’on pourrait faire après la bascule complète. Ce groupe a aussi lancé des expérimentations dans d’autres pays avec d’autres acteurs, qui se passent également très bien. Compte tenu de ces résultats positifs, il a pris la décision de passer à 100 % sur l’open banking. Comment les acteurs du BNPL utilisent-ils l’open banking et comment appréhendent-ils la directive européenne qui encadrera le paiement fractionné comme du crédit ? Aujourd’hui, tout le marché considère que pour du paiement en 10 ou 12 fois, il vaut mieux proposer un parcours open banking. Par contre, sur du paiement en 3 ou 4 fois, cela affecte trop l’expérience client du BNPL, qui est censée être très simple. Les spécialistes du paiement fractionné se passent donc de l’open banking sur ces parcours, hormis pour du repêchage. Ceci dit, ces acteurs n’ignorent pas que la réglementation rendra probablement l’open banking nécessaire même pour du paiement en 3 ou 4 fois. C’est en tout cas la lecture conservatrice qu’en font les grands établissements bancaires, même si certaines fintech espèrent s’en sortir en obtenant les revenus sous forme déclarative. Pour respecter la loi, il faudra une vraie analyse de la solvabilité. C’est encore un problème aujourd’hui sur ce type de parcours mais quand l’open banking sera complètement entré dans les mœurs, les utilisateurs l’effectueront en un clic grâce à une bascule vers l’application bancaire. De manière générale, la réglementation pousse beaucoup dans le sens de ce qu’Algoan propose. Par exemple, la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué en décembre 2023 que l’utilisation du score du credit bureau Schufa en Allemagne, si elle joue un rôle déterminant dans l’octroi d’un crédit, n’est pas conforme au RGPD. Cela faisait suite à une action en justice d’une femme qui s’était vu refuser un crédit sur cette base [La Schufa n’a communiqué que la valeur du score et des informations générales sur le calcul, mais pas la méthode de calcul exacte, Ndlr]. Nous n’avons pas ce problème avec l’open banking, puisque l’utilisateur donne explicitement son consentement pour partager ses données. Quant à l’explicabilité, notre outil Algoan Dashboard permet de justifier la décision auprès d’un client s’il en fait la demande. Quelles performances obtiennent vos clients en utilisant Algoan sur leurs parcours ? En France, à isorisque, nous observons qu’ils accordent 40 % de crédits en plus. Ainsi, Algoan permet d’octroyer des crédits à des personnes qui ne les auraient pas eus autrement. La fraude est quant à elle divisée par deux. Au Royaume-Uni, en combinant les données de credit bureau et les données open banking, nous sommes même parvenus à doubler le taux d’acceptation d’un client à isorisque. Etes-vous présent à l’international ? Oui, un peu au Royaume-Uni, en Espagne et en Belgique. Nous réalisons 20 % de notre chiffre d’affaires à l’international, notamment avec des Français qui ont une activité à l’étranger. Grâce à notre partenariat commercial avec Mastercard, qui a investi dans Algoan l’année dernière, nous devrions prochainement être distribués au niveau européen. Nous répondons aussi actuellement à d’importants appels d’offres européens. Nous avons été beaucoup audités par nos clients, mais aussi par Mastercard. Et en général, nous remportons les gros appels d’offres, souvent face à des acteurs historiques comme Experian et CRIF. Parmi nos concurrents, Credit Kudos a été racheté par Apple et intégré à ses produits, et nous n’entendons plus parler de Nordigen depuis son rachat [par le spécialiste du paiement par prélèvement GoCardless en 2022, Ndlr]. Nous sommes la dernière fintech indépendante à nous positionner sur ces appels d’offres. Nous avons en tout cas une forte capacité à répliquer nos produits à l’international, grâce à des processus de réplication établis dès le départ et dès lors que l’on dispose de données suffisantes. Nous l’avons déjà expérimenté avec succès en Irlande ou en Espagne, par exemple. Nous devions cependant encore réaliser des étapes manuellement et recruter pour entraîner les algorithmes, notamment pour la catégorisation de la donnée bancaire. Aujourd’hui, grâce aux grands modèles de langage (LLM), en particulier ceux disponibles en open source, que nous avons déployés dans notre infrastructure, nous accélérons le processus de réplication des produits. C’est une grande avancée, car l’activité de scoring a toujours été assez locale et nous sommes en train de casser les frontières. La dernière limite à la réplication réside dans l’accès aux données. Désormais, nous pilotons toute l’activité depuis la France. Nous avons eu pendant un temps des équipes sur place, mais le contexte économique nous a poussés à rationaliser notre organisation. Comment avez-vous vécu le retournement de marché ? 2022 a été une année compliquée. Nous étions en négociations avancées pour boucler une très belle levée de 15 millions d’euros auprès de fonds de capital-risque, mais la crise nous a empêchés de le faire. Nous avons donc levé auprès des corporates, notamment Sopra Steria Ventures et Mastercard. C’est très utile car c’est de la “smart money” : Sopra Steria va nous intégrer dans son offre produit et nous recommander auprès de ses clients en 2024, mais le montant levé était beaucoup moins élevé que prévu. Nous avons donc mis en place un pilotage très sérieux en termes de dépenses. Nous ne sommes plus que 30 collaborateurs, contre 45 à un moment. Il n’y a pas eu de plan de licenciements, mais pas de recrutements, et des départs naturels. Je n’ai pas de doute que cela va repartir assez fort lorsque l’inflation sera jugulée et que les taux se stabiliseront. L’enjeu des jeunes sociétés est de survivre jusque-là. Chez Algoan, nous préférons aujourd’hui vivre des revenus de nos clients que de perdre de l’énergie dans la recherche de financements, quitte à sacrifier un peu la croissance. Et lorsque l’environnement sera plus favorable, nous pourrons repartir plus fort avec une levée de fonds et accélérer à l’international. Nous visons la rentabilité pour 2024. Combien avez-vous levé depuis la création ? 9 millions d’euros, dont 4 millions d’euros en obligations convertibles [auprès de Mastercard et Sopra Steria, Ndlr]. Comment facturez-vous vos clients ? Nous signons des contrats de prestation de services avec une licence annuelle fixe puis un coût selon les volumes, soit en précommandant avec une réduction, ou bien en “pay as you go”. Aujourd’hui, plus de la moitié de nos revenus proviennent des licences fixes, mais cela devrait s’inverser mi-2024, et les revenus liés aux volumes devraient prendre de plus en plus d’importance. Si la grande banque, dont je parlais précédemment, bascule tout son flux dès cette année, cela bouleversera complètement notre structure de revenus. Algoan a enregistré 1,38 million d’euros de chiffre d’affaires en 2022 (contre 1,07 million en 2021) pour une perte nette de 1,8 million d’euros (1,5 million en 2021). Et en 2023 ? Nous ne communiquons pas sur notre chiffre d’affaires 2023, qui n’est pas représentatif de la dynamique commerciale puisque lorsque nous signons une licence, nous étalons le revenu sur douze mois. Nous avons signé pour 2,5 millions d’euros de contrats en 2023 et en 2024, nous voulons dépasser les 4,5 millions d’euros de “booking” – mais ces prévisions ne prennent pas en compte la bascule potentielle d’une banque dès cette année. Nos revenus exploseront rapidement en même temps que les volumes. Quel constat dressez-vous vis-à-vis de la qualité des parcours open banking ? Ils ont énormément évolué. Cela peut encore être amélioré, mais ce n’est plus vraiment un problème. Aujourd’hui, les taux d’adoption sont bons. Il y a encore quelques segments, avec des clientèles plus âgées, très captives, pour lesquels les clients ne comprennent pas pourquoi on leur demande une connexion à un compte bancaire. Sur le crédit à la consommation ou le BNPL, cela fonctionne vraiment très bien. Plus de 65 % des parcours aboutissent, sachant que tous les fraudeurs et que certains mauvais profils n’acceptent pas de partager leurs comptes. Aujourd’hui, tous nos clients souhaitent, dans la mesure du possible, rendre l’open banking obligatoire. Ils conserveront peut-être un parcours alternatif pour des raisons de conformité, mais ne le mettront probablement pas en avant. Vous avez récemment décroché l’agrément open banking AIS. Pour quelle raison ? À la suite de nombreuses demandes de nos clients, nous avons travaillé sur une évolution importante. Traditionnellement, nos clients signaient un contrat avec Algoan pour la partie decisioning et un autre avec une plateforme open banking pour les données brutes. Mais ils sont souvent assez éloignés des problématiques techniques de l’open banking et plusieurs nous ont demandé une offre 100 % Algoan sur étagère, avec une seule intégration technique et un seul contrat. Nous avons donc demandé l’agrément de prestataire de service d’information sur les comptes à l’ACPR [Algoan a été ajouté en tant qu’AIS au registre de l’Autorité bancaire européenne début février, Ndlr]. Nous proposons maintenant Algoan Transaction Data, un produit qui regroupe l’open banking et le score. Nous n’avons pas développé nous-mêmes les agrégateurs. Nous passons par plusieurs partenaires et nous sommes capables, pour un pays donné et une banque donnée, de toujours choisir le meilleur. Nous travaillons avec Bridge, Powens, Linxo et Mastercard Open Banking [issu du rachat de Aiia, Ndlr]. La liste des sociétés autorisées DSP2 100 % des ventes réalisées depuis 2023 ont été faites de cette manière et la solution est déjà déployée chez deux clients. Nous proposons une meilleure couverture, un meilleur niveau de qualité et un niveau de prix très acceptable puisque nous réalisons très peu de marge sur l’accès aux données. Et nous pouvons négocier avec les plateformes grâce à nos volumes. D’ailleurs, les agrégateurs sont très appétents à travailler avec nous sur ce sujet. Quelles sont vos nouveautés produit récentes ? Nous avons sorti un produit dédié à la fraude, Algoan Shield. L’analyse du risque de crédit et l’analyse de la fraude sont différentes, donc nous avons voulu créer un outil de fraude unique en son genre permettant de détecter les clients malhonnêtes. Nous utilisons des technologies partenaires (dont Ekata, de Mastercard, qui détermine un score de fraude à partir du nom, du prénom, de l’adresse et du numéro de téléphone) et nous croisons les données traditionnelles avec celles que l’on trouve dans les transactions bancaires. Ce produit vient de sortir et a été signé récemment avec un premier nouveau client, qui l’utilise dans une suite globale avec credit decisioning. Vous avez annoncé en avril 2022 lancer vos solutions en self-service, pour une intégration facilitée. Qu’a donné ce service ? Nous le proposons toujours et c’est très apprécié. Nous l’avons développé car à l’époque car certaines fintech pouvaient nous reprocher des process de vente très tournés vers les banques et les grands comptes. Nous avons donc voulu proposer un process d’onboarding simplifié. Mais avec la crise, les fintech se sont retrouvées à court de financements, et de fait, beaucoup moins dans notre cible commerciale. C’est quand même un projet que l’on continue de développer et parfaire, car il a l’avantage d’être une vitrine technique. Il est très fréquent que nos prospects se créent un compte sur la console Algoan pour tester les API. Depuis son lancement, nous recensons plusieurs milliers d’utilisateurs. Aude Fredouelle BNPLcrédit en ligneopen bankingpaiement fractionnérégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire BNPL : Crédit Agricole Consumer Finance rachète Pledg