Accueil > Industrie > Etudes en vie réelle : où accéder aux données ? Etudes en vie réelle : où accéder aux données ? Les études en vie réelle autour des médicaments constituent un enjeu pour les laboratoires pharmaceutiques. Alors que les projets se multiplient, l’accès aux données devient crucial. Quelles sont les finalités envisagées ? Quelles sont les sources de données accessibles ? Des laboratoires et des prestataires répondent à mind Health. Par Aurélie Dureuil. Publié le 16 juillet 2018 à 14h22 - Mis à jour le 05 avril 2022 à 15h44 Ressources “L’étude des données en vie réelle recèle des potentialités inouïes pour améliorer la prise en charge des patients. Car l’utilisation des données n’ajoute pas simplement un outil puissant au service des épidémiologistes”, a souligné le Premier ministre Edouard Philippe lors du Conseil stratégique des industries de santé le 10 juillet dernier à Matignon. Les études en vie réelle se multiplient dans l’industrie pharmaceutique. Plusieurs finalités sont avancées pour ces études. “On dit souvent que la donnée c’est le sang de secteur de la santé. Il y a effectivement énormément de choses que l’on peut apprendre et sur lesquelles on peut travailler. Nous avons plusieurs sujets de projets à haute valeur ajoutée sur les données de vie réelle”, confie Raphaël Pousset-Bougere, vice-président Big data et analytics du laboratoire français Ipsen, sans détailler. Comme le signale le rapport Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé de mai 2017. Les auteurs listent par exemple les surveillances de la sécurité des produits de santé mis sur le marché et de l’usage. Des finalités également citées par Ameet Nathwani vice-président exécutif et chief medical officer de Sanofi en mars 2018 : “30 % des nouveaux médicaments ont fait l’objet de black box warning (terme de la FDA concernant l’avertissement mentionné sur l’étiquette d’un médicament sur des effets indésirables graves ou potentiellement mortels, ndlr)”. Il relevait également que “80 % des nouveaux médicaments ont des engagements post-approbation significatifs”. Avant d’ajouter que les coûts de R&D post-approbation s’élèvent à 321 millions de dollars par médicament, tandis que 87 % des organisations pharma sont prêtes ou se préparent au RWE (real-world evidence). Parmi les autres finalités, le rapport de mai 2017 énumère aussi des enjeux financiers pour les laboratoires pharmaceutiques : la prise en charge financière sous conditions, avec notamment des restrictions de remboursement, l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience en vie réelle, ou encore la rémunération en fonction de la performance ou des résultats. “Parfois, un plan de gestion des risques est mis en place dans le cadre de l’AMM. Cela exige de collecter un certain nombre de données. Les AMM conditionnelles demandent également de produire un certain nombre d’informations sur le médicament une fois qu’il est sur le marché. Enfin, les études en vie réelle permettent aux laboratoires de rediscuter le prix de leur médicament, à la HAS de réévaluer le service médical rendu et donc d’émettre un avis sur le maintien ou non du prix et du remboursement”, cite Virginie Lefebvre Dutilleul, associée d’EY et avocat au barreau des Hauts de Seine. Identifier les sources en interne Pour mener ces études, les laboratoires ont donc en ligne de mire l’accès aux données de vie réelle. Avec des sources diverses tant en interne qu’en externe. D’abord au sein même de leurs entreprises, les laboratoires pharmaceutiques déploient des stratégies afin de cartographier les sources de données. “Les industriels des produits de santé ne se rendent pas toujours compte qu’ils ont beaucoup de données en interne, et bien souvent ils ne les exploitent pas assez. Ils pourraient exploiter d’abord leurs propres data en interne avant d’aller chercher à l’extérieur”, prévient Hubert Méchin, consultant chez Helsia et membre de l’Afcros (association française des entreprises de la recherche clinique) qui a organisé le colloque Données de santé en vie réelle début juin 2018. Il conseille de nommer des responsables “Real world data” avec des postes transverses pour aller chercher des données auprès des équipes des essais cliniques, du market access, du marketing… mais aussi du département d’étude de marché “qui génère beaucoup de données quantitatives , de bonne qualité”. Virginie Lefebvre Dutilleul cite également les données de pharmacovigilance. Une étape qui n’est pas toujours simple comme en témoignait Thierry Picard, le CDO de la branche pharma de Pierre Fabre à mind Health autour du projet de Data académie en cours de lancement : “L’objectif est de faire prendre conscience aux porteurs de gisement de données qu’elles ont de la valeur pour l’entreprise”. Des sources externes variées Si la première étape est de cartographier les données en interne, les sources externes intéressent également les laboratoires. Et là, les regards se tournent vers les Etats-Unis. “Les données de vie réelle ont une vraie réalité en termes de fournisseurs aux Etats-Unis. Il y a des acteurs bien connus comme IBM Watson Health avec qui nous travaillons depuis plusieurs années”, indique Raphaël Pousset-Bougere. Alexandre Templier, président et fondateur de Quinten qui travaille notamment avec Sanofi autour des études en vie réelle, renchérit : “Une grande partie des données de vie réelle est issue des États-Unis. Lorsque les comptes-rendus de diagnostics et de consultations ne sont pas facilement accessibles, nous travaillons avec les fournisseurs de données en leur disant exactement ce que l’on cherche comme informations”. Virginie Lefebvre Dutilleul cite des sources différentes des données médico-administratives et notamment le site Patients like me qui regroupe les patients parlant de leur maladie en ligne. “L’un des premiers accords a été passé par UCB. Suivi par Novartis et de nombreux laboratoires. L’objectif est d’accéder à des données anonymisées, issues des échanges sur le site et, plus généralement, les médias sociaux”. Si l’Europe et la France semblent en retrait sur ces questions, de nouvelles sources s’ouvrent. “De plus en plus l’Europe se structure. Les pays nordiques sont en avance car la culture des registres est très développée”, observe Alexandre Templier. Pour sa plateforme Darwin qui recense 300 millions de données patients anonymisées, Bernard Hamelin, responsable mondial de Medical Evidence Generation de Sanofi, témoignait de la provenance principale des Etats-Unis, du Royaume-Uni et des pays nordiques. En France, les choses bougent avec l’Institut national des données de santé (INDS) et les annonces récentes relatives au lancement du Health data hub”, observe Alexandre Templier. Créé en avril 2017, l’INDS gère l’accès aux données du Système national des données de santé (SNDS) qui regroupera à terme les données de l’Assurance maladie (base Sniiram), des hôpitaux (base PMSI) et relatives au handicap (MDPH) ainsi que les causes médicales de décès (base du CépiDC de l’Inserm) et un échantillon de données en provenance des organismes d’Assurance maladie complémentaire. La création de l’INDS a facilité l’accès aux données pour les recherches. “Les circuits d’autorisations sont bien fléchés, faciles et plutôt rapides maintenant”, témoigne Hubert Méchin. Chez Quinten, Alexandre Templier souligne : “ils ont fait un travail extraordinaire. Les temps de réponse sont passés de 12 à 18 mois avant à 5 mois maintenant. Ils ont instruit 130 projets en moins d’un an”. Il pointe néanmoins les difficultés liées à ces bases de données. “Les données du Sniiram concernent les prescriptions, mais ne contiennent ni diagnostic ni parcours de soins. Des efforts de modélisation menés par le SNDS (Système national de données de santé, ndlr) et ses partenaires ont permis d’identifier jusqu’ici 54 pathologies à partir des séquences de prescriptions” Alexandre Vainchtock, dirigeant et cofondateur d’Heva et également membre de l’Afcros, travaille autour des bases de données médico-administratives et notamment du PMSI depuis plusieurs années. Il indique : “Au fil des ans, la qualité de la base PMSI s’est considérablement accrue et nous avons commencé à partir de 2008 à pouvoir chaîner les patients dans le temps et aller plus loin dans les études épidémiologiques. Depuis peu, l’accès aux données du Sniiram ouvre encore de nouveaux horizons”. Pourtant, Virginie Lefebvre-Dutilleul rappelle les deux finalités interdites pour l’accès à ces bases médico-administratives : les assureurs ne peuvent utiliser ces données pour réduire les remboursements et les industriels de la santé ne peuvent les utiliser pour promouvoir des produits de santé. D’autres sources de données existent et notamment dans les établissements hospitaliers et centres de traitement. Ainsi, MSD a signé en avril 2018 un accord avec Unicancer pour recueillir et analyser des données de vie réelle dans les domaines des cancers du sein et du poumon. L’accès à ces données passe en effet par des accord avec les établissements, les organisations publiques… En termes de coûts, Virginie Lefebvre Dutilleul avertit : “l’entreprise supporte les coûts pour la collecte des données dans le cadre des études dont elle est responsable. L’enjeu ensuite est celui de l’interopérabilité de ces données”. Si Ipsen ne communique pas son budget, Raphaël Pousset-Bugere indique : “l’investissement se compte aussi bien en terme financier qu’en ressources”. Une approche partagée par Alexandre Templier de Quinten : “les coûts concernent également l’acquisition d’expertises, de connaissance et de savoir-faire permettant de connaître et maîtriser ces données afin d’en tirer des conclusions recevables par les autorités réglementaires et sanitaires”. Dans son entreprise, les nouveaux arrivants suivent une formation de 6 à 9 mois. Ainsi, les sources de données identifiées sont multiples mais doivent être identifiées en fonction des finalités voulues. L’exemple de BMS autour de l’exploitation des données du PMSI Le colloque Données de santé en vie réelle, organisé par l’Afcros début juin 2018, a été l’occasion de revenir sur une étude menée par BMS dans le domaine du cancer bronchique. François Emery Cotté, associé à la direction médico-économique de BMS a ainsi détaillé un exemple d’utilisation des données du PMSI. “Comme beaucoup de laboratoires industriels, nous avons mis en place des projets s’appuyant sur les bases de données du SNDS et plus particulièrement du PMSI”. Dans un premier temps, l’objectif de ces études étant de “documenter le nombre de patients dans une pathologie”. L’étude dans le cancer bronchique a été menée sur une cohorte de plus de 40 000 patients, dont le laboratoire a suivi les données dans le PMSI pendant deux ans. Un focus a été fait sur certaines régions pour regarder ce qu’il pouvait se passer avant et après le diagnostic. L’étude s’est ainsi concentrée sur les patients ayant été hospitalisés dans un service de pneumologie dans les 12 mois précédents le début de l’étude. BMS a ainsi cartographié le parcours de soins sur un territoire donné dans une aire thérapeutique précise. “Nous avons effectué cette visualisation pour comprendre la prise en charge sur un territoire et nous avons cherché à connaître le trajet entre les établissements”, détaille François Emery Cotté. Aurélie Dureuil base de donnéesbig dataDonnées de santéIndustrieStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind