Accueil > Financement et politiques publiques > Politique de santé > Plan France Médecine génomique 2025 : des avancées, des points de blocage et des questions en suspens Plan France Médecine génomique 2025 : des avancées, des points de blocage et des questions en suspens Le plan France Médecine génomique 2025 a été impulsé en 2016 par Manuel Valls afin de “placer d’ici dix ans la France dans le peloton de tête des grands pays dans le champ de la médecine génomique”. Il fixait 14 objectifs, dont la création de 12 plateformes de séquençage. A date, seules deux ont été montées et les séquençages n’ont pas encore démarré. Les ambitions vont elle être tenues ? Comment s’organise le pilotage du plan et des plateformes ? mind Health fait le point avec les principaux protagonistes du plan. Par . Publié le 19 octobre 2018 à 15h04 - Mis à jour le 19 octobre 2018 à 15h04 Ressources En juillet 2017, le gouvernement et l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), chargée du pilotage du plan, désignaient deux plateformes dans le cadre de France Médecine génomique 2025 : Seqoia en Île-de-France et Auragen en Auvergne-Rhône-Alpes. L’objectif fixé était alors que chacune séquence 18 000 génomes d’ici 2025, afin d’améliorer le soin dans les maladies rares et le cancer. Il s’agissait de l’une des 14 mesures annoncées afin de produire 235 000 séquences de génomes par an correspondant à 20 000 patients atteints de maladies rares. Le gouvernement promettait alors une enveloppe de 400 millions d’euros sur cinq ans pour mener à terme ce grand plan, dont 300 millions d’euros pour les deux plateformes. Une première année de mise en place Les premiers séquençages devaient avoir lieu dès le début de l’année 2018 mais les acteurs du plan s’accordent à dire que cette ambition était dès le départ peu réaliste. “L’enveloppe de financement a été octroyée pour l’année 2018, mais on ne pouvait pas lancer les appels d’offres avant que les financements soient déclenchés. Il a aussi fallu le temps de monter les GCS (Groupement de coopération sanitaires, ndlr) et leur gouvernance”, se justifie Franck Lethimonnier, directeur de l’institut thématique technologies pour la santé à l’Inserm, qui pilote la coordination nationale du projet. La plateforme Seqoia s’est ainsi constituée en GCS en avril 2018 seulement. “Avant cette date, nous n’avions pas les éléments pour mener l’assemblée générale constitutive”, indique Amaury Martin, administrateur général de Seqoia. À l’occasion de cette assemblée, une directrice opérationnelle a été nommée, Julie Grundlinger, ainsi qu’un directeur médical, Michel Vidal, et un responsable de la partie bioinformatique Alban Lhermine. Du côté d’Auragen, l’assemblée générale a eu lieu en mai 2018 et a mené à la nomination de Sihem Keddouci comme directrice opérationnelle, de Damien Sanlvaille au poste de directeur médical et de Jean-Yves Blay comme porteur scientifique et président du consortium. Lors de cette année de démarrage, une dizaine d’appels d’offres ont également été menés : certains “en concertation nationale”, c’est-à-dire avec un mode d’évaluation commun entre les deux plateformes, comme l’achat du séquenceur et le choix de l’opérateur industriel, et d’autres spécifiques à chaque plateforme, comme l’achat de petits matériels. Tous sont “en cours de finalisation” selon les deux plateformes, mais un seul a été officiellement attribué : Integragen, pour le choix de l’intégrateur par Seqoia, pour un contrat de 18 millions d’euros sur cinq ans. Pour le séquenceur, selon nos informations, seule la société Illumna IT se serait positionnée. Les ambitions pour 2019 Les séquençages devraient débuter en même temps au sein des deux plateformes, d’ici la fin de l’année 2018 ou le début 2019. D’ici là “nous aurons réceptionné les matériels biologiques et physiques. Une phase de tests des activités de soins pourra démarrer”, affirme Franck Lethimonnier d’Aviesan. Le plan ayant avant tout un objectif de soins, plutôt que de recherche, les séquençages fonctionneront par prescription. Lorsqu’un médecin prescrira un séquençage, qui peut se révéler utile pour mieux traiter certains cancers comme le sarcome par exemple ou des maladies rares, la demande sera évaluée par une commission pluridisciplinaire.”Au cours de réunions de concertations, plusieurs spécialistes analyseront les dossiers. Cela implique un grand travail d’information auprès des médecins sur la prescription de séquençage et la façon dont la plateforme fonctionne”, indique Sophie Beaupère, directeur générale adjointe du Centre Léon Bérard et administratrice adjointe d’Auragen. Ce type de fonctionnement existe déjà dans certains établissements, par exemple à l’institut Curie autour du cancer. “Il s’agira de formaliser ces réunions pour les étendre aux maladies rares et d’établir une lecture commune au niveau de l’ensemble des membres du GCS”, indique Amaury Martin, par ailleurs directeur de la valorisation et des partenariats industriels de l’Institut Curie. Pour la première année, Seqoia se fixe l’objectif de séquencer environ 3 500 équivalents génomes, concernant environ 2 700 patients car plusieurs séquençages peuvent être nécessaires pour un seul patient. Auragen affiche pour sa part l’ambition de 3 575 séquençages. Les deux plateformes doivent d’ici 2025 séquencer 18 000 génomes chacune (14 000 patients environ). L’organisation au niveau national Au dessus des GCS, la gouvernance au niveau national se fait à trois niveaux. Un comité opérationnel, composé des responsables des groupes de travail, se réunit tous les mois. Les groupes de travail portent sur tous les aspects du plan : un assure l’animation du montage des plateformes, un doit constituer le Crefix (Centre de référence, d’innovation, d’expertise et de transfert), un troisième s’occupe des indications cliniques, un autre piloté, par la DGOS et l’Inserm, assure l’aspect éthique et réglementaire, un groupe planche sur la formation et encore un autre sur les aspects médico-économiques… Au dessus du comité opérationnel, un comité de suivi se réunit tous les trimestres avec des représentants de l’ensemble des décideurs impliqués dans le plan (ministère de la Santé, ministère de la Recherche, Seqoia, Auragen, organismes de recherche impliqués…). Enfin, le travail de ces comités est remonté directement au Premier ministre, une à deux fois par an. La coordination globale entre les deux plateformes est, elle, assurée par Aviesan (Alliance pour les sciences de la vie et de la santé), qui dépend de l’Inserm. Aviesan est organisé en neuf thèmes scientifiques et “le plan France génomique est transverse”, indique Franck Lethimonnier. Les organisations des deux plateformes Si les deux plateformes se sont toutes deux constituées en GCS, chacune a adopté une organisation propre pour le séquençage. Chez Auragen, la plateforme de séquençage sera située sur le site de l’hôpital femme mère enfant des Hospices civils de Lyon (HCL), avant d’être transférée à l’hôpital Edouard Herriot, également membre des HCL. Les séquences produites seront ensuite transmises au CHU de Grenoble, où elles seront préparées pour l’analyse. “C’est le département bioinformatique du Centre Léon Bérard qui assurera enfin l’analyse”, indique Jean-Yves Blay, directeur scientifique d’Auragen et directeur du centre Léon Bérard. Chez Seqoia, le processus est centralisé sur le site Broussais, qui accueillait jusqu’en 2000 l’hôpital Broussais, dans le 14e arrondissement de Paris. “Nous avons choisi un site neutre, universitaire, qui n’appartient ni à l’AP-HP, ni aux instituts membres du GCS”, indique Amaury Martin. Le pré-analytique se fera au niveau des établissements. Une fois la décision prise de séquencer le génome, l’extraction, le séquençage et le premier niveau d’analyse bioinformatique seront réalisés sur le site Broussais. “Les résultats seront transmis aux établissements, qui assureront la post-analyse, c’est-à-dire l’interprétation et la rédaction du compte-rendu, signé par le biologiste responsable, permettant de prendre une décision thérapeutique”, détaille Amaury Martin. Une vingtaine de personnes issues des membres du GCS seront détachées ou mises à disposition dès la fin 2018 pour Seqoia. Elle devrait compter 50 équivalents temps plein d’ici cinq ans. Chez Auragen également, 44 équivalents temps plein seront impliqués sur la plateforme dès le début 2019, avec des mises à disposition et des recrutements aux postes d’ingénieur qualité ou de profils informatiques spécifiques. Parmi les profils que l’on retrouve dans ces plateformes : des ingénieurs bio-informatiques et biostatistique, des ingénieurs système et réseaux, des ingénieurs bioinformatique et intégration, des assistants administratif, des assistants RCP moléculaires et des techniciens de laboratoire. Les points bloquants Les acteurs se montrent optimistes sur le fait que les premières prescriptions de génomes pourront être analysées d’ici la fin de l’année. Cependant les deux plateformes pointent un aspect qui pourrait bloquer l’avancée : la définition des conditions pour lesquelles des indications du séquençage pourraient faire l’objet d’un remboursement de l’Assurance maladie. C’est un groupe de travail pluri-disciplinaire, piloté par la Haute autorité de santé (HAS), qui doit les déterminer. “Les acteurs attendent que nous livrions des indications pour s’adapter et démarrer le séquençage, or nous sommes dans une logique inverse de s’adapter à leurs capacités, à des éléments cliniques et méthodologiques pour statuer sur des pré-indications immédiatement opérationnelles”, affirme Cédric Carbonneil, chef de service d’évaluation des actes professionnels à la HAS, qui se défend d’être un “point bloquant”. La Haute autorité vient de constituer le groupe de travail multidisciplinaire qui se réunira à partir de début novembre pour établir ces “pré-indications dynamiques”, c’est à dire des indications transitoires qui permettront aux plateformes d’initier les premiers séquençages. “L’élaboration de ces pré-indications prendra notamment en compte des éléments cliniques, de santé publique mais également la capacité des plateformes, afin d’être assuré que la population cible des pré-indications soit en phase avec le nombre de patients pouvant être pris en charge. Nous allons également nous baser sur des organisations existantes notamment issues des plans maladies rares et cancer. Elles seront dynamiques car susceptibles d’évoluer au cours des années de mise en place de l’ensemble des plateformes ”, précise Cédric Carbonneil. Les pré-indications verront le jour début 2019, affirme la HAS. Ses recommandations sur les conditions de prise en charge pérenne par l’Assurance maladie seront formulées dans un second temps, tout comme la définition du processus administratif pour proposer des indications au remboursement. Les questions en suspens Malgré ces avancées, plusieurs questions restent en suspens. Certaines seront réglées une fois la phase de test terminée. C’est le cas de la question du remboursement du séquençage, chacun coûtant environ 3 000 euros (analyse comprise). Si ils seront au départ financés par le plan en lui-même, “il faudra prouver le bénéfice du séquençage pour le traitement et l’efficience en termes de coûts de toute la chaîne pour aller vers un modèle de remboursement par la Sécurité sociale”, indique Franck Lethimonnier. Les pré-indications puis les indications de la HAS serviront également à statuer sur ce sujet. Reste également à régler la question du financement. Lors du lancement du plan, le gouvernement annonçait un financement de 400 millions d’euros sur cinq ans. ”Ce n’est pas une enveloppe globale à disposition, mais des budgets très spécifiques, issus de processus séparés : certains proviennent du plan investissement avenir, d’autres de l’Assurance maladie et donc dépendent de la loi de financement de la sécurité sociale…”, explique Amaury Martin. De premiers financements ont été obtenus : Seqoia a ainsi reçu une première tranche de 11 millions d’euros de la part de la DGOS. “Notre plan de financement prévoit un coût de fonctionnement de 30 millions d’euros par an à partir de 2019. Il nous a été affirmé que ce plan serait tenu mais nous n’avons pas de vision pluriannuelle sur le financement”, explique Amaury Martin. La DGOS a également validé en juin 2018 une allocation d’environ 12 millions d’euros à Auragen, dont le budget global demandé s’élève à 129 millions d’euros sur les cinq années. L’autre grande question qui se posera rapidement est la couverture du territoire. Les deux plateformes ont une mission nationale et doivent donc en théorie répondre aux prescriptions issues de toute la France. “Cela implique que tous les patients du territoire français ont la même chance d’obtenir une réponse et dans les mêmes délais”, précise Franck Lethimonnier. Une ambition difficile à réaliser avec seulement deux plateformes. Selon plusieurs acteurs interrogés, le risque est donc grand que les patients issus des centres partenaires du GCS ou de la région aient un accès plus direct au séquençage. C’est d’ailleurs un des autres sujets encore peu abordés : douze plateformes devaient voir le jour d’ici 2025 et aucune nouvelle ne fuite sur les dix plateformes restantes. L’objectif fixé de séquencer les génomes de 230 000 patients par an d’ici 2025 semble donc difficile à atteindre. Enfin, d’autres aspects du plan sont encore en construction : les contours du Crefix (Centre de référence, d’innovation, d’expertise et de transfert), qui sera basée au centre national de séquençage à Evry, ainsi que du Collecteur analyseur de données (CAD), n’ont pas encore été communiqués. Enfin, les projets pilote autour d’études cliniques à très large échelle pour tester des parcours de soins dans le domaine du cancer et des maladies rares doivent démarrer début 2019, mais les informations sur leur teneur exacte restent difficiles à obtenir. Le plan génomique britannique bien avancé Si de nombreux pays, dont les Etats-Unis et la Chine, ont lancé ces dernières années des ambitieux plans de séquençage de génomes, le Royaume-Uni est l’un des rares à orienter cette ambition vers le soin, en particulier dans les cancers et les maladies rares, comme la France. Les deux pays ont d’ailleurs conclu en janvier 2018 un partenariat entre l’Inserm et son homologue Genomic England Ltd pour développer des approches communes afin de garantir l’harmonisation et “la disponibilité des avancées technologiques les plus pertinentes”. Au Royaume-Uni, le plan UK Genome a été impulsé en 2012 et compte 13 centres de génomiques partenaires. L’objectif de séquencer 100 000 génomes a été revu à la hausse par le secrétaire d’Etat à la santé et au social, en octobre dernier. Il ambitionne désormais de séquencer cinq millions de génomes au cours des cinq prochaines années. Jusqu’ici 87 000 génomes ont été séquencés, affirme Genomics England. Cliquez sur le tableau pour le voir dans son intégralité. Données de santéMaladies raresoncologiePolitique de santé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind