Quand IQVIA a choisi l’opendata pour partager des données sur la COVID-19

Arrivé à la tête de l’équipe Data et Intelligence artificielle d’IQVIA France en juillet 2020, Christian Frisch a parmi ses missions de “faire évoluer les jeux de données collectées par l’entreprise dans les domaines de la santé, diriger une équipe de data scientists qui les utilisent et permettre à nos clients d’en tirer le maximum”, détaille-t-il pour mind Health. Dans le contexte de crise sanitaire liée à la COVID-19, il a également fait le constat du manque de visibilité de cette activité auprès du grand public, des associations de patients, etc. “Au-delà de nos clients traditionnels que sont les laboratoires pharmaceutiques, nous collaborons de façon étroite avec les agences de santé. À mon arrivée, j’ai proposé de rendre cette activité plus visible, notamment auprès de nos concitoyens et des associations de patients qui ont besoin de comprendre le contexte sanitaire”, explique Christian Frisch. Cette réflexion est intervenue alors que l’autorisation était donnée aux pharmacies d’officine de réaliser les tests antigéniques de diagnostic de la COVID-19. IQVIA disposant des données sur les ventes. À l’automne 2020, il a alors contacté Jean-Marc Lazard, cofondateur et CEO d’Opendatasoft, avec qui il avait déjà échangé dans le réseau de l’open data en France pour mettre à disposition du grand public les données relatives aux ventes de ces tests.

La mise en place de la plateforme

“En quatre jours, le portail était mis en place”, se félicite Christian Frisch. Jean-Marc Lazard souligne : “notre objectif est de fournir une solution qui nécessite le moins possible de développements. Il faut que les clients arrivent avec leurs données et qu’ils aient les moyens de générer automatiquement le portail, de paramétrer la façon dont ils veulent visualiser leurs données… pour rendre l’information intelligible, exploitable et visualisable”. La solution SaaS permet de créer un compte pour l’entreprise et d’accéder à un espace personnalisable. Le dirigeant d’Opendatasoft indique qu’en moins d’une semaine il est possible d’ouvrir cet espace, de le personnaliser puis de télécharger les fichiers de données à publier. “Il est important que cela aille vite dans les phases initiales”, constate Jean-Marc Lazard. Un lien est d’abord accessible en mode privé pour l’entreprise puis les droits peuvent être ouverts. Christian Frisch confirme : “il a été relativement facile de mettre en place le site, de mettre à disposition les données dans le software d’Opendatasoft et de personnaliser les graphiques”. Par ailleurs, la plateforme permet de publier ces données sur le site Data.gouv.fr. “Notre plateforme est directement interopérable et connectée à la plateforme publique, ce qui offre une visibilité accrue”, signale Jean-Marc Lazard.

Les enjeux autour des données

Un des enjeux principaux de ce projet semble avoir concerné les données. “Au début de la commercialisation des tests, nous avons travaillé avec les pharmacies pour savoir sous quelle forme nous pouvions collecter les données. Une fois les données brutes extraites dans un format assez simple, l’enjeu était de les présenter de façon la plus pédagogique possible et adaptée au grand public”, témoigne Christian Frisch. Sur la plateforme, IQVIA signale ainsi que “les données sont générées à partir d’un panel de 14 000 officines en France représentatives de toutes les typologies de pharmacies” et qu’elles “sont extrapolées sur la France en fonction de cette typologie et du taux de couverture local”. Par ailleurs, pour chaque région et chaque jour, quatre catégories sont proposées avec entre autres les tests unitaires à destination des patients ou les tests unitaires rétrocédés aux professionnels de santé. Aujourd’hui les données sont collectées quotidiennement auprès des pharmacies et les tableaux de bord mis à jour automatiquement.

Pour la mise en place de ce projet, “une personne a assisté les équipes d’IQVIA dans la réalisation”, indique le dirigeant d’Opendatasoft. Au sein du groupe américain, environ six personnes ont été impliquées : “des informaticiens mais aussi des personnes en relation avec les pharmacies et des statisticiens pour sortir des données fiables et représentatives. Nous avons aussi eu beaucoup de support de l’équipe marketing et de la direction. Il s’agit d’une nouvelle façon de communiquer”, détaille Christian Frisch, dont l’équipe compte une cinquantaine de personnes.

Sur le budget, les deux partenaires restent discrets. Le directeur Data et IA d’IQVIA liste : “il y a des coûts en interne pour mettre en place ces flux de données, quelques jours de travail des équipes informatiques et des équipes marketing pour relayer l’initiative en interne et en externe. Il y a également un coût de communication auprès de nos partenaires et un coût de licence pour l’accès à Opendatasoft”.

Des évolutions continues sur la plateforme

Une fois la plateforme mise à disposition, IQVIA a continué à faire évoluer les tableaux de bord. “Nous avons ajouté des visualisations dynamiques”, indique Christian Frisch. Par ailleurs, de nouveaux jeux de données sont maintenant intégrés : celui sur la vaccination en officine depuis le 8 avril 2021, puis celui sur les autotests vendus en officine depuis le 30 avril.

Des retombées de visibilité et de nouveaux partenariats

Avec la mise en ligne de la plateforme mi-novembre 2020, IQVIA a enregistré plusieurs types de retombées. D’abord en interne. “Cette façon de mettre à disposition des données était innovante pour une entreprise qui a l’habitude de commercialiser des données. D’autant plus que nous le faisions de façon publique et visible. J’ai été impressionné par l’accueil positif de cette initiative”, témoigne Christian Frisch. L’écho a également été externe, entre autres via les réseaux sociaux. “Nous avons eu beaucoup d’impact, en particulier sur LinkedIn. Les publications relatives à cette actualité ont eu beaucoup de succès”, se félicite le dirigeant. Avant de signaler une retombée plus inattendue : “cela nous a permis d’atteindre un public que nous n’atteignions pas jusqu’alors : les associations de patients et de professionnels de santé. Cela leur a permis de mieux comprendre les types de données que nous avions. Nous sommes en train de signer un accord commercial avec l’une d’entre elles”. La filiale française est pionnière sur cette opération d’open data au sein du groupe américain. “La démarche intéresse d’autres filiales”, indique Christian Frisch. Il ajoute : “il faut quelques mois pour enregistrer le succès marketing, de visibilité et pour les systèmes de santé public. Il y a sûrement beaucoup de choses que nous pourrons généraliser”.