Accueil > Industrie > R&D > Le traitement des phobies par réalité virtuelle à la recherche d’entrepreneurs Le traitement des phobies par réalité virtuelle à la recherche d’entrepreneurs Dédiée à l’exploration fonctionnelle du comportement, la plateforme Prisme de l’Institut du Cerveau et de la Moëlle épinière utilise la réalité virtuelle pour la mise au point de protocoles thérapeutiques pour traiter les phobies. Après de premières applications médicales, ”l’ICM souhaite commercialiser son savoir-faire et sa technologie”. Par Aurélie Dureuil. Publié le 08 décembre 2017 à 9h42 - Mis à jour le 08 décembre 2017 à 9h42 Ressources “La technologie est utilisée quotidiennement dans le département de psychiatrie adulte de l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris). Cela représente une centaine de patients pris en charge chaque année”, signale Pierre Leboucher, ingénieur de Recherche au CNRS et directeur de la plateforme Prisme à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM). La technologie en question repose sur l’utilisation de la réalité virtuelle dans des protocoles thérapeutiques appliqués aux maladies neuropsychiatriques, plus précisément aux phobies. En termes de potentiel d’utilisation, le chercheur énumère des taux de prévalence en vie entière de la population concernée par des phobies : “20,4 % pour la peur des hauteurs, 12 % pour celle les endroits clos, 9 % pour celle de tomber, 13,2 % pour celle de l’avion. Ces pourcentages se rapportent à la population française. Tout le monde ne se fait pas soigner, mais le marché est immense”. L’équipe de l’ICM a développé “une dizaine d’environnements” permettant une immersion dans un monde virtuel spécifique à la phobie du patient. “Le protocole débute par une journée de diagnostic”, précise Pierre Leboucher. Une fois la phobie confirmée, le programme comprend entre 10 et 12 séances d’une heure chacune. “Une discussion de 20 minutes permet de développer la confiance du malade envers la thérapeutique. Suit une immersion dans la réalité virtuelle de 20 minutes qui a pour but de mettre progressivement le patient face à sa peur et de lui expliquer comment gérer son stress. La séance se termine avec 20 minutes de discussion et souvent une immersion en réalité augmentée, qui s’appuie sur des jeux du commerce”, décrit Pierre Leboucher. Il annonce des “taux de réussite des traitements de l’ordre de 60 à 80 %”. Si la durée de prise en charge reste la même avec ou sans réalité virtuelle, selon le directeur de la plateforme, il signale l’intérêt de la réalité virtuelle pour certaines phobies ne pouvant être traitées sans. Il donne l’exemple de la peur des ascenseurs : “Un médecin ne peut pas y mener sa séance”. Jusqu’à 40 000 euros d’investissement pour un environnement L’équipe de la plateforme Prisme a développé des environnements de réalité virtuelle pour le traitement des phobies, comme la claustrophobie, l’acrophobie (peur des hauteurs ou du vide), la peur de tomber… Un environnement est par exemple consacré à la peur des escaliers et des ascenseurs avec une tour de vingt-quatre étages. Un autre dans un parking se concentre sur la claustrophobie. Une île a été recréée pour la peur des hauteurs et des chemins difficiles, cite également le chercheur. L’équipe réfléchit aujourd’hui à de nouvelles applications notamment pour traiter les phobies sociales, mais est limitée par la technique “pour créer des avatars qui semblent vivants”, alerte cependant le directeur de la plateforme Prisme. Pour chacun des environnements, le directeur de la plateforme chiffre entre 20 000 et 40 000 euros le coût du développement. Le projet autour d’un nouvel environnement débute par une définition médicale de la cible thérapeutique et de la façon de l’atteindre, avec les médecins. Vient ensuite la partie design pour laquelle une dizaine d’ingénieurs travaillent pendant plusieurs semaines ou mois, selon sa complexité. Pour cette étape, l’équipe de l’ICM fait parfois appel à des sous-traitants dont les noms restent confidentiels. Elle entend par contre garder la main sur l’étape de programmation, d’une durée d’environ un mois, pour obtenir un environnement réagissant au comportement et aux actions du malade et pour l’intégrer au casque de réalité virtuelle. Outre Pierre Leboucher, l’équipe compte un ingénieur développement logiciel et réalité virtuelle, un développeur interface et ergonomie, une thérapeute expérimentale, une gestionnaire administrative et un ingénieur instrumentation. La plateforme Prisme affiche un budget de fonctionnement d’environ 100 000 euros par an (hors salaires institutionnels), précise Pierre Leboucher. Il ajoute : “L’investissement pour la réalité virtuelle sur les cinq dernières années est de plus de 150 000 euros, pour la migration des casques et des environnements”. Elle a bénéficié notamment de mécénat. À l’exemple de la RATP qui a financé le développement “de plusieurs environnements virtuels autour de la phobie du métro et de la peur de tomber”, cite le directeur. Du côté de la prise en charge des patients, “ces projets ne sont pas directement remboursés par la sécurité sociale. À l’AP-HP, cela entre dans la prise en charge d’une consultation en psychiatrie. Si nous étions un établissement médical privé, il faudrait amortir le coût de développement des environnements”, signale Pierre Leboucher, sans donner d’estimation de prix par patient. Des freins liés au manque de stabilité de la technologie des casques Tous ces développements concernent des environnements dédiés à une typologie de malades. Pour mettre en place des protocoles de réalité virtuelle, il faut également disposer de casques spécifiques. Si les coûts d’acquisition ont diminué, les différentes technologies présentes sur le marché posent d’autres questions. “Les travaux ont débuté il y a une quinzaine d’années au Collège de France”, détaille Pierre Leboucher. Au début, les protocoles thérapeutiques ont tourné sur des casques utilisés pour la recherche. “À l’époque un casque coûtait jusqu’à 40 000 euros. Depuis l’arrivée sur le marché des casques Sony, Oculus et HTC Vive, les prix sont descendus sous la barre des 1 000 euros”, observe Pierre Leboucher. Après une première migration vers Sony, l’équipe prépare le passage au casque Oculus. Ce qui entraîne la nécessité de faire migrer les environnements déjà développés. À la question de conclure un partenariat avec un fournisseur de casques, Pierre Leboucher estime que “la technologie évolue trop vite, pour s’engager avec un fournisseur”. La plateforme Prisme poursuit ainsi le développement d’environnements de réalité virtuelle pour la prise en charge des phobies à l’échelle de l’AP-HP, en attendant de trouver des débouchés à plus large échelle. Des réflexions en cours pour la valorisation de la technologie Les équipes de l’ICM travaillent en parallèle sur la valorisation de ces travaux. “Nous formons beaucoup de thérapeutes qui travaillent maintenant dans le libéral. Nous avons une demande pour accéder à nos technologies”, constate Pierre Leboucher. L’équipe a notamment imaginé la mise en place de solutions de location des environnements. Accompagnées par la structure d’incubation de l’ICM (iPEPS), des discussions ont également porté sur la création d’une start-up. “Nous nous sommes rapprochés d’un groupe de 4-5 jeunes entrepreneurs au printemps 2017. Le projet n’a pas abouti mais nous sommes toujours en recherche de nouveaux développements”, confie Alexis Génin, directeur des applications de la recherche de l’ICM. Il mise notamment sur le programme Health-Tech lancé sur le campus Station F en juin pour identifier des partenaires. En attendant, le projet reste au stade expérimental au sein de la plateforme Prisme. Le projet en chiffres Environ 100 patients traités chaque année Taux de prévalence des phobies dans la population : 20,4 % pour la peur des hauteurs, 12 % pour celle les endroits clos, 9 % pour celle de tomber, 13,2 % pour celle de l’avion. Environ 10 environnements VR disponibles 20 000 à 40 000 euros d’investissement pour le développement d’un environnement 10 à 12 séances par prise en charge. Aurélie Dureuil Hôpitalréalité virtuelleRecherche Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind