Nabila Gadiri-Bernard (AstraZeneca) : “Nous avons lancé cette année des projets clés, transverses à toute l’équipe et à toute l’entreprise”

Pouvez-vous présenter le département innovation et business excellence que vous dirigez ?

Ce nouveau département a été repensé et réorganisé en novembre 2018 à partir d’un précédent département existant qui avait besoin d’évoluer pour répondre au mieux à la stratégie d’AstraZeneca France. Il s’agit d’une démarche logique, qui est en lien avec la modification de notre portefeuille de médicaments et de notre écosystème santé, en effet les besoins des patients, et des professionnels de santé évoluent, particulièrement avec l’avènement du digital. Nous avons, avec le comité de direction, pensé que c’était le bon moment pour remettre à plat nos priorités, en lien avec les opportunités qu’offrait cette évolution de l’écosystème. Nous avons convenu de maintenir notre socle, avec des équipes qui s’occupent d’assurer l’excellence scientifique et l’efficience opérationnelle de nos réseaux de force de vente, tout en l’enrichissant avec des profils ayant de nouvelles compétences, des data scientist, des spécialistes de l’innovation.

Ma nouvelle équipe a toujours pour mission d’apporter de la valeur à chaque étape du parcours patient et du parcours des professionnels de santé, mais la manière dont on va déployer cette mission doit maintenant s’appuyer fortement aussi sur la data et l’innovation.

Comment est constituée l’équipe ?

Elle compte une trentaine de personnes aujourd’hui. L’équipe a changé à hauteur de 50 % car nous avons voulu compléter les profils pharma avec de nouveaux talents, aux profils plus hybrides, venus d’horizons variés où ils existent une compréhension et une appropriation puissante de la valeur de la technologie. Nous mettons en place les conditions d’un dialogue renforcé et réussi entre ces nouveaux profils, et les profils plus experts qui constituent AstraZeneca, aujourd’hui.

Le département est composé de trois équipes : Data et Innovation, Excellence Opérationnelle et Développement des Compétences terrain. Ces trois équipes travaillent de manière très collaborative, elles réfléchissent ensemble les initiatives afin de garantir la réussite des projets innovants, en pensant à la chaîne de valeur de bout en bout. Chaque projet initié regroupe un membre de chacune des trois équipes. Nous travaillons en mode cluster : les gens échangent, chacun dépasse son mode de compétence.

Quel est le budget consacré à ce département ?

Nous ne communiquons pas de chiffre. Le budget est resté stable, mais est mieux distribué. Nous avons fait des choix stratégiques clairs. Nous avons arrêté certaines activités à faible valeur ajoutée pour les patients et les professionnels de santé, et avons redirigé ces investissements vers les équipes qui vont construire les fondations de notre nouveau modèle. Nous avons pour ambition d’être des agents d’idéation, des accélérateurs d’innovation au service des patients et des professionnels de santé. Jusqu’à présent nous avions un budget pour développer des assets digitaux. Aujourd’hui, leur déploiement se fera par les business unit. Nous sommes là pour mettre les équipes ensemble, trouver et tester les idées, mettre en relation les équipes d’AstraZeneca avec l’écosystème des start-up…

Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

Nous avons lancé cette année des projets clés, transverses à toute l’équipe et à toute l’entreprise, qui vont avoir des impacts à court, moyen et long terme. Ils concernent pour les plus importants la construction d’un centre d’excellence data, la réinvention de notre mode d’interaction avec les professionnels de santé et l’apport de valeur à chaque étape du parcours patients.

Où en êtes-vous sur le projet data ?

Nous devrions finaliser la phase 1 de notre data excellence au mois de juin. Notre premier POC (Proof of Concept) s’agira de structurer nos données internes, essentielles pour l’opérabilité de nos forces de vente. En fin d’année 2019, nous espérons pouvoir proposer les données de performance. Cela va passer par l’intégration d’un algorithme assez basique au début puis que nous allons entraîner pour aller plus loin. Ce qui nécessite de travailler beaucoup avec les équipes des business unit et IT.

Comment les projets sont-ils accueillis au sein des business units ?

Toute l’organisation porte aujourd’hui cette stratégie. Cela a été co-construit avec l’ensemble du comité de direction. Et notre département a comme rôle de garantir l’appropriation interne, afin d’accélérer la culture de l’innovation. C’est pourquoi nous identifions des ambassadeurs dans chaque département. Et nous communiquons régulièrement sur l’avancée des projets, ce que cela va leur apporter. L’humain est un vrai levier (AstraZeneca emploie un peu plus de 1 000 en France, ndlr). Il faut rendre simple la stratégie que nous mettons en place. Chaque membre du comité de direction porte cette stratégie et nous avons un sponsoring très fort de notre président Rachid Izzar.

En France, on parle beaucoup de data et d’IA dans le secteur de la santé. Comment portez-vous ces sujets au sein du groupe ?

La France est un terreau très fertile sur la data et l’IA. Nous avons beaucoup partagé avec les autres pays notamment sur les projets qui pourraient être dupliqués. La manière dont nous déployons les projets autour de la data et du parcours patient intéressent les équipes européennes. Nous avons de très beaux exemples déjà mis en place notamment dans la filiale chinoise qui est très avancée sur le sujet du numérique. Ils ont par exemple déployé un projet dans la ville de Wuxi sur la prise en charge des patients faisant un infarctus du Myocarde. Grâce à un logiciel se trouvant dans l’ambulance, ils sont capables de déterminer l’hôpital le plus proche capable de le prendre en charge rapidement et un “système de feu vert” se met en place pour y accéder le plus vite possible, car la circulation en Chine est très dense. Ce projet associe évidemment plusieurs partenaires. C4est un bel exemple qui doit nous inspirer en France.

Comment travaillez-vous avec des partenaires dans l’Hexagone ?

Nous cartographions l’écosystème en France, composé de start-up, de la French Tech, Bpifrance… Aujourd’hui, l’univers de la data explose en France. Nous voulons être assez sélectifs sur les personnes avec lesquelles nous voudrions interagir. Nous regardons les organismes, les réseaux, pour identifier quels sont les catalyseurs, les plateformes qui nous permettront d’avoir une vision la plus globale possible.

Et nous mettons en place des partenariats, et ce depuis quelques années. Par exemple, nous travaillons avec la start-up Wefight autour de Vik Asthme (le premier chatbot Vik a été lancé fin 2017 autour du cancer du sein, ndlr). Ce service sera lancé en juin 2019. Vik Asthme a été conçu par la start-up pour répondre à la problématique des patients asthmatiques qui vivent au quotidien avec leur asthme parfois depuis de nombreuses années, et malgré cela, ont encore de nombreuses interrogations. Grâce à l’approche de Wefight, centrée sur le patient, nous avons pu, lors de focus groupes, mettre en évidence les besoins des patients et des proches et ainsi créer de nombreuses réponses et fonctionnalités pour aider au mieux les patients.

Vous avez également un programme ReAliZe d’accompagnement de start-up. Comment fonctionne-t-il ?

AstraZeneca France a lancé ReAliZe en 2017 avec pour objectif d’accompagner durant trois ans neuf start-up spécialisées dans le data management, l’innovation thérapeutique et le parcours patients dans le développement de leur activité. Ce programme unique en son genre, repose sur trois piliers : le mentoring par un collaborateur AstraZeneca, une formation au management d’une start-up, un accompagnement et coaching par une société spécialisée. L’an passé, nous avions une catégorie sur Data innovation qui vient d’être complétée cette année par une catégorie IA. Ce programme a été mis en place en dehors de mon département. L’appel à candidatures pour la 2e saison est en cours.

Et vous menez des réflexions sur un lab d’innovation. Quelle forme pourrait-il prendre ?

Il s’agira clairement d’un lab pour le patient. En effet, le patient est une priorité stratégique pour le groupe. Nous réfléchissons actuellement à la meilleure manière de structurer l’accompagnement du patient dans l’ensemble de son parcours de soins. Je vous en dirai plus au cours de cette année.